vous avez dit « qualité » ?

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Communication Vous avez dit « Qualite ´»? What’s about ‘‘Quality’’? Emmanuelle Corruble CNPP-CNQSP, service de psychiatrie, faculte ´ de me ´decine Paris Sud, Inserm U 669, CHU de Biceˆtre, AP–HP, 78, rue du Ge ´ne ´ral-Leclerc, 94275 Le Kremlin Biceˆtre cedex, France Le concept de Qualite ´ a re ´ cemment fait son entre ´e dans le champ de la me ´ decine et de la psychiatrie [3,4]. 1. La premie `re re ´ action vis-a ` -vis de la « qualite ´ » pour le psychiatre franc ¸ais ? Chez les psychiatres hospitaliers, le concept de « Qualite ´ » ge ´ ne ` re souvent une premie `re re ´ action pluto ˆt aversive. Cette premie ` re re ´ action aversive est probablement sous-tendue par ce qu’ils vivent au quotidien dans leurs ho ˆpitaux respectifs, et qui, dans bien des cas, s’apparente a ` des de ´ rives hospitalie ` res de ce que l’on pourrait appeler la « technocratie sanitaire ». En effet, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et a ` la qualite ´ du syste ` me de sante ´ (article L1112-3 du Code de la Sante ´ Publique et de ´cret n o 2005-213 du 2 mars 2005) a instaure ´ la « Politique Qualite ´ » et la « De ´ marche Qualite ´ », a ` travers un certain nombre d’instances. Il s’agit en particulier de commissions, comme par exemple la Commission pour la Qualite ´ et la Se ´ curite ´ des Soins (CQSS), ou la Commission des Relations avec les Usagers et de la Qualite ´ de la Prise en Charge (CRUQPC) ou bien d’autres, dont les membres, souvent fort nombreux, se re ´ unissent re ´ gulie ` rement, pour des re ´ unions qui semblent souvent interminables aux Annales Me ´ dico-Psychologiques 171 (2013) 34–37 INFO ARTICLE Mots cle ´s : E ´ valuation Psychiatrie Qualite ´ Sante ´ mentale Keywords: Assessment Mental Health Psychiatry Quality RE ´ SUME ´ Chez les psychiatres franc ¸ais, le concept de « Qualite ´ » ge ´ne ` re souvent une premie `re re ´ action souvent aversive. Au-dela ` de ces premie ` res impressions, comment appre ´ hender le concept de « Qualite ´ » ? La notion de qualite ´ est de ´ finie comme le degre ´ avec lequel une se ´ rie de caracte ´ ristiques est conforme a ` des pre ´ -requis, des standards, des normes. Il s’agit donc d’une notion normative, qui implique ne ´ cessairement l’e ´ valuation des pratiques de soins. Cette e ´ valuation est une variable incontournable pour la psychiatrie moderne. Elle est d’ailleurs inscrite dans la loi en France. Elle n’est, bien entendu, pas incompatible avec l’abord individualise ´ de la pratique me ´ dicale et psychiatrique, qui constitue notre cœur de me ´ tier. Mais la France a un certain retard par rapport a ` de nombreux pays en termes d’e ´ valuation de la Qualite ´ et d’appropriation de l’e ´ valuation de la Qualite ´ des Soins par les soignants en psychiatrie et sante ´ mentale. Ainsi, de la « de ´ marche qualite ´ » ou la « politique qualite ´ », nous, soignants, avons pour mission de de ´ velopper une vision comple ´ mentaire et incontournable qu’est la qualite ´ des soins, qui tienne compte des donne ´ es de la science, des pratiques de terrain, ainsi que de la dimension humaine dans le champ de la psychiatrie et de la sante ´ mentale. C’est un des objectifs du Conseil National Professionnel de Psychiatrie – Colle ` ge National pour la Qualite ´ des Soins en Psychiatrie. ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve ´ s. ABSTRACT French psychiatrists have an aversive first reaction to the concept of ‘‘Quality’’. Beyond this first reaction, Quality may be defined as the degree with which some characteristics are coherent with standards and norms. Quality is therefore a normative concept, which implies the necessity of assessing health care professional practices. Indeed, a modern approach of psychiatry cannot exclude the assessment of health care professional practices, which have been specified in French laws. And it should be noted that this kind of assessment of quality is not incompatible with individualized care that is required for psychiatric patients. In France, assessment of quality of care is insufficiently developed as compared to other countries. And psychiatrists, as well as other health care professionals, in psychiatry and mental health should involve themselves to build a relevant assessment of quality of care. This point is one of the objectives of the ‘‘Conseil National Professionnel de Psychiatrie - Colle ` ge National pour la Qualite ´ des Soins en Psychiatrie’’. ß 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Adresse e-mail : [email protected] Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com 0003-4487/$ – see front matter ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve ´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.11.001

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Page 1: Vous avez dit « Qualité » ?

Annales Medico-Psychologiques 171 (2013) 34–37

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Communication

Vous avez dit « Qualite » ?

What’s about ‘‘Quality’’?

Emmanuelle Corruble

CNPP-CNQSP, service de psychiatrie, faculte de medecine Paris Sud, Inserm U 669, CHU de Bicetre, AP–HP, 78, rue du General-Leclerc, 94275 Le Kremlin Bicetre cedex, France

I N F O A R T I C L E

Mots cles :

Evaluation

Psychiatrie

Qualite

Sante mentale

Keywords:

Assessment

Mental Health

Psychiatry

Quality

R E S U M E

Chez les psychiatres francais, le concept de « Qualite » genere souvent une premiere reaction souvent

aversive. Au-dela de ces premieres impressions, comment apprehender le concept de « Qualite » ? La

notion de qualite est definie comme le degre avec lequel une serie de caracteristiques est conforme a des

pre-requis, des standards, des normes. Il s’agit donc d’une notion normative, qui implique

necessairement l’evaluation des pratiques de soins. Cette evaluation est une variable incontournable

pour la psychiatrie moderne. Elle est d’ailleurs inscrite dans la loi en France. Elle n’est, bien entendu, pas

incompatible avec l’abord individualise de la pratique medicale et psychiatrique, qui constitue notre

cœur de metier. Mais la France a un certain retard par rapport a de nombreux pays en termes

d’evaluation de la Qualite et d’appropriation de l’evaluation de la Qualite des Soins par les soignants en

psychiatrie et sante mentale. Ainsi, de la « demarche qualite » ou la « politique qualite », nous, soignants,

avons pour mission de developper une vision complementaire et incontournable qu’est la qualite des

soins, qui tienne compte des donnees de la science, des pratiques de terrain, ainsi que de la dimension

humaine dans le champ de la psychiatrie et de la sante mentale. C’est un des objectifs du Conseil National

Professionnel de Psychiatrie – College National pour la Qualite des Soins en Psychiatrie.

� 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

A B S T R A C T

French psychiatrists have an aversive first reaction to the concept of ‘‘Quality’’. Beyond this first reaction,

Quality may be defined as the degree with which some characteristics are coherent with standards and

norms. Quality is therefore a normative concept, which implies the necessity of assessing health care

professional practices. Indeed, a modern approach of psychiatry cannot exclude the assessment of health

care professional practices, which have been specified in French laws. And it should be noted that this kind

of assessment of quality is not incompatible with individualized care that is required for psychiatric

patients. In France, assessment of quality of care is insufficiently developed as compared to other countries.

And psychiatrists, as well as other health care professionals, in psychiatry and mental health should involve

themselves to build a relevant assessment of quality of care. This point is one of the objectives of the

‘‘Conseil National Professionnel de Psychiatrie - College National pour la Qualite des Soins en Psychiatrie’’.

� 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Le concept de Qualite a recemment fait son entree dans lechamp de la medecine et de la psychiatrie [3,4].

1. La premiere reaction vis-a-vis de la « qualite » pour lepsychiatre francais ?

Chez les psychiatres hospitaliers, le concept de « Qualite »genere souvent une premiere reaction plutot aversive.

Cette premiere reaction aversive est probablement sous-tenduepar ce qu’ils vivent au quotidien dans leurs hopitaux respectifs, et

Adresse e-mail : [email protected]

0003-4487/$ – see front matter � 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.11.001

qui, dans bien des cas, s’apparente a des derives hospitalieres de ceque l’on pourrait appeler la « technocratie sanitaire ». En effet, la loidu 4 mars 2002 relative aux droits des malades et a la qualite dusysteme de sante (article L1112-3 du Code de la Sante Publique etdecret no 2005-213 du 2 mars 2005) a instaure la « PolitiqueQualite » et la « Demarche Qualite », a travers un certain nombred’instances. Il s’agit en particulier de commissions, comme parexemple la Commission pour la Qualite et la Securite des Soins(CQSS), ou la Commission des Relations avec les Usagers et de laQualite de la Prise en Charge (CRUQPC) ou bien d’autres, dont lesmembres, souvent fort nombreux, se reunissent regulierement,pour des reunions qui semblent souvent interminables aux

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medecins non familiers de cette facon de penser et de proceder. Ced’autant que nos Directions de la Qualite et des Droits des Patients(DQDP) ont l’art d’inventer un neo-langage, different du langagemedical, souvent tres riche en acronymes, neo-langage refletantprobablement le neo-pouvoir administratif qui regne dans leshopitaux.

La premiere reaction aversive des medecins vis-a-vis de la« Politique Qualite » est sous-tendue par un double paradoxe. Lepremier est celui de la « Qualite » versus la « Quantite ». Noshopitaux vivent en effet actuellement dans un monde avant toutquantitatif, qui est celui de la tarification a l’activite et de larentabilite. La « Politique Qualite » ou la « Demarche Qualite »peuvent etre vues comme un contre-balancier relativement peucredible a cette obsession de la rentabilite. Le second paradoxereside dans le grand ecart qui existe entre les derives dispendieusesde la technocratie sanitaire, notamment dans le champ de la« Qualite » d’une part, et le contexte des difficultes economiquesactuelles des hopitaux d’autre part.

Chez les psychiatres liberaux, la notion de « Qualite » estassimilee a l’arrivee annoncee du Developpement ProfessionnelContinu (DPC), obligation legale faisant suite a deux decenniesd’echec de la Formation Medicale Continue (FMC). Toutefois, denombreuses interrogations demeurent a propos du DPC, dontcertains decrets sont toujours en attente : s’agirait-il d’unenouvelle « usine a gaz » ? D’une perte de temps ?

Au-dela de ces premieres impressions, comment apprehenderle concept de « Qualite » ?

2. « Qualite » et evaluation des soins

La notion de qualite est definie d’une maniere generale commele degre avec lequel une serie de caracteristiques est conforme ades pre-requis, ou standards, ou normes.

Il s’agit donc d’une notion normative, « surmoiique », pluscompatible avec les cultures anglo-saxonnes qu’avec les cultureslatines.

La notion de « Qualite en sante mentale » a quant a elle etedefinie par Donabedian en 1988 comme la conformite entre le soineffectivement prodigue et une serie de criteres pre-definis [3].

Ainsi, la notion de « qualite » implique necessairementl’evaluation des pratiques de soins. En medecine, pour le medecinforme sur les bancs de l’universite francaise, la notion de qualite dessoins est quasi inherente a l’identite medicale. Et par reference a ladimension sacree de la medecine, l’idee meme que l’on puisseevaluer la qualite des soins est parfois vecue comme incongrue.Concernant la psychiatrie, il s’agit la d’un point epineux puisquenombre de psychiatres considerent toujours que la pratique de lapsychiatrie, de par son objet principal qu’est le psychisme, estincompatible avec l’evaluation [5]. Il s’agit la d’une position deprincipe, qui est toutefois de plus en plus minoritaire. En effet, dansun monde moderne, les soignants en psychiatrie doivent, commetout le monde, rendre des comptes a la societe. . . D’ailleurs, il estfondamental de rappeler que la prise en compte de la singularite del’individu n’est pas incompatible avec l’evaluation de la qualite dessoins : il s’agit la de deux niveaux differents et complementaires. Et,ce qui est essentiel, c’est que les criteres de qualite des soins soientdefinis par les soignants eux-memes, sur la base, certes des donneesde la science, mais egalement sur la base des pratiques de soinsactuelles.

3. L’evaluation de la Qualite des Soins : une variableincontournable pour la psychiatrie moderne

L’evaluation de la Qualite des Soins est une obligation legale enFrance, instauree par la loi du 4 mars 2002, relative aux droits desmalades et a la qualite du systeme de sante (article L1112-3 du

Code de la Sante Publique et decret no 2005-213 du 2 mars 2005).Plus recemment, la loi HPST du 22 juillet 2009 (article L. 4133-1) apose qu’un des objectifs du Developpement Professionnel Continuest l’amelioration de la qualite et de la securite des soins.

En France, certains indicateurs de qualite elabores par la HauteAutorite de sante (HAS) sont utilises pour la certification desetablissements ayant une activite de psychiatrie. Il s’agit desIndicateurs Pour l’Amelioration de la Qualite et de la Securite desSoins, dits indicateurs IPAQSS Psychiatrie. Ils sont au nombre detrois : la tenue du Dossier du Patient (TDP), le delai d’envoi ducourrier de fin d’hospitalisation (DEC) et le Depistage des troublesnutritionnels (DTN). On constate toutefois que ces indicateursn’ont pas a voir avec la qualite du soin purement psychiatrique.

Les experiences conduites a l’etranger offrent un eclairageinteressant sur l’evaluation de la Qualite des Soins. Elles montrentque la France est relativement en retard par rapport a certainsautres pays en termes d’evaluation de la Qualite.

Le programme « STAKES and the European Community HealthMonitoring Program », initie en 1999 et finance par la communauteeuropeenne, a pour but de proposer une serie d’indicateurs ensante mentale, apres avoir collecte des informations issues desdifferents pays sur les systemes d’information et indicateursutilises. Ainsi, ces indicateurs en sante mentale seront incorporesdans un systeme de surveillance de la sante en Europe. Le« European Community Health Indicator project » (ECHI) a ainsi aadapter le futur « Health Indicators Exchange and MonitoringSystem » (HIEMS). Les indicateurs retenus par ce projet sontactuellement tres nombreux, allant des caracteristiques socio-demographiques et socioeconomiques a l’etat de sante en passantpar les determinants de sante et les systemes de sante. Ils semblenta ce jour difficilement utilisables en pratique. Et ce projet apparaıtinsuffisamment centre sur le patient. Il ne comporte pasactuellement de participation francaise.

Au-dela de ce projet, l’Union Europeenne va devoir avancer enmatiere de « Qualite » du fait de la certification europeenne desetablissements de sante, actee en fevrier 2011 par le « cross-borderhealthcare directive ». Cette directive a pour objet la prise encharge materielle des hospitalisations et plus largement des soinsentre Etats membres au sein de l’Union Europeenne. Chaque Etatdispose d’un delai de 30 mois pour transposer cette directive entextes nationaux, qui devront etre operationnels enseptembre 2013. Ce travail va necessiter l’utilisation d’indicateurscommuns. Pour ce qui est de la psychiatrie, l’AssociationEuropeenne de Psychiatrie a ete missionnee.

Le projet « International Initiative for Mental HealthLeadership » (IIMHL) [6] est un projet international qui implique12 pays developpes : Australie, Canada, Royaume-Uni, Allemagne,Irlande, Japon, Hollande, Nouvelle-Zelande, Norvege, Taiwan, etEtats-Unis d’Amerique. La France n’en fait malheureusement paspartie. L’objectif de ce projet est de comparer les systemes« Qualite » des differents pays. Il comporte trois phases. Unepremiere phase vise a compiler les themes de travail, les methodeset indicateurs utilises. Cette phase est quasi finalisee. Unedeuxieme phase aura pour objectif de trouver un consensus surle choix d’indicateurs a tester parmi les 656 indicateurs recenses.Parmi ces indicateurs, on citera par exemple : le devenir sept joursapres la sortie de l’hopital, l’existence d’un domicile independant,l’amelioration de la note obtenue a une echelle de fonctionnement,le nombre de jours d’absence scolaire au cours du mois,l’association de plusieurs traitements antipsychotiques, les hospi-talisations sous contrainte, l’amelioration de la note obtenue a uneechelle d’intensite symptomatique. . . La troisieme phase aura pourbut de mettre en place une etude pilote internationale basee sur lesindicateurs choisis lors de la deuxieme phase du projet.

Aux Etats-Unis, dans un livre intitule Crossing the Quality Chasm

[2], six objectifs de l’amelioration de la Qualite en Sante sont

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recenses : efficacite, securite, caractere centre sur le patient,caractere adapte a l’evolution temporelle, caractere « efficient », etcaractere equitable. Trois criteres principaux sont retenus pour lesmesures de qualite : importance clinique, validite et faisabilite. Cedocument reconnaıt egalement les limites, nombreuses, de ce typede mesures.

L’American Psychiatric Association [1] a quant a elle propose en2002 des indicateurs de qualite repartis en quatre domainesdifferents : acces aux soins, perception des soins, qualite des soinset resultats des soins. En 2005, le National Quality Forum a definideux priorites pour la qualite en Sante Mentale : le depistage de ladepression et le depistage de l’alcoolisme. En 2010, ce memeNational Quality Forum a identifie le trouble depressif majeurcomme le premier trouble parmi 20 pathologies medicales surlesquelles les efforts devraient etre concentres en termes de Qualitedes Soins (National Quality Forum Webinar, March 9, 2010).

Le programme de l’Organisation Mondiale de la Sante WorldHealth Organization Assessment Instrument for Mental HealthSystems (WHO AIMS) est un programme general, non specifique-ment dedie a la psychiatrie. Son volet « sante mentale » est tressuccinct.

Enfin, le programme Health Care Quality Indicators (HCQI) del’Organisation pour la Cooperation et le Developpement Econo-mique (OCDE) a ete initie en 2002. Il comporte un volet « SanteMentale », au sein duquel la France a commence recemment as’impliquer. Ce projet a pour objectif de mesurer et de comparer laqualite des services de sante dans les differents pays impliques. Ungroupe d’experts a developpe une serie d’indicateurs de qualite,qui permettent d’evaluer l’impact de facteurs particuliers sur laqualite des systemes de sante. L’idee est de coordonner les effortsdes structures nationales et internationales pour ameliorer laQualite. Ainsi, les indicateurs proposes a ce jour pour la santementale sont par exemple : les re-hospitalisations non program-mees pour des troubles mentaux, les re-hospitalisations dans lememe hopital pour un trouble schizophrenique, les re-hospitalisa-tions dans le meme hopital pour un trouble bipolaire, ou bienencore les taux de suicide en population generale.

4. Comment progresser en France ?

Dans ce contexte, il serait dommageable que les psychiatres etles soignants du domaine de la sante mentale laissent a nosadministrations l’apanage de la Qualite. En effet, la qualite dessoins en sante mentale, nous, soignants en sante mentale, ensommes les premiers acteurs aupres des patients. Et ce serait uneerreur strategique de ne pas developper ce qui nous concerne aupremier chef, c’est-a-dire la « qualite des soins ». Ce d’autant qu’ilest probable que certains indicateurs interessant nos administra-tions en tant qu’indicateurs de performance puissent egalementetre des indicateurs pertinents pour la qualite des soins et dont lerecueil pourrait etre faisable compte tenu de notre systeme desante. On peut penser par exemple aux taux de suicide dans lapopulation generale ou en population institutionnalisee, mais

egalement a de nombreux autres criteres qui sont au centre despratiques de soins psychiatriques.

Ainsi, de la « demarche qualite » ou la « politique qualite », nousavons pour devoir de developper une vision complementaire etincontournable qu’est la qualite des soins. En effet, la « qualite dessoins » renvoie au « bien soigner les patients » et au « mieux soignerles patients » (aspects purement techniques associes aux aspectshumains) qui sont souvent au cœur de nos motivations profes-sionnelles. Et nous pouvons nous appuyer sur les reflexions etprojets internationaux pour developper une vision de la qualite parles professionnels soignants.

Ainsi, le Conseil National Professionnel de Psychiatrie – CollegeNational pour la Qualite des Soins en Psychiatrie (CNPP-CNQSP) apour vocation a developper la qualite des soins, l’evaluation et laculture de la preuve en psychiatrie. Le CNPP-CNQSP a connu undeveloppement rapide au cours des dernieres annees, temoignantdu fait que des professionnels de plus en plus nombreux se sententconcernes par ce domaine. Aujourd’hui, le CNPP-CNQSP rassem-ble plus de 40 associations ou societes savantes et plus de6000 psychiatres.

5. Conclusion

Meme si l’angle d’approche de la « Qualite » que nous proposentnos administrations peut sembler pour le moins technocratique etrebarbatif pour les professionnels du soin en sante mentale quenous sommes, il est important, en lien avec les programmesinternationaux actuellement en cours, que les soignants dudomaine de la sante mentale, en lien avec les patients et leursassociations, se reapproprient la qualite des soins dans ses abordsevaluatifs et formatifs.

Declaration d’interets

L’auteur declare ne pas avoir de conflits d’interets en relationavec cet article.

References

[1] American Psychiatric Association. Quality indicators: defining and measuringquality in psychiatric care for adults and children. Report of the APA Task Forceon quality indicators and report of the APA Task Force on quality indicators forchildren. Washington DC: American Psychiatric Press; 2002.

[2] Committee on Quality of Health Care in America. Institute of Medicine. Crossingthe quality chasm: a new health system for the 21st century. Washington DC:National Academies Press; 2001.

[3] Donabedian A. The quality of care. How can it be assessed? JAMA 1988;260:1743–8.

[4] Hardy-Bayle MC. Pour une demarche de qualite en psychiatrie appliquee auxpratiques professionnelles et aux referentiels de prise en charge. Info Psychiatr2006;82:29–38.

[5] Kilbourne AM, Keyser D, Pincus HA. Challenges and opportunities in measuringthe quality of mental health care. Can J Psychiatry 2010;5:549–57.

[6] Spaeth-Rublee B, Pincus HA, Huynh PT, IIMHL Clinical Leaders Group. MentalHealth Quality Indicator Project. Measuring quality of mental health care: areview of initiatives and programs in selected countries. Can J Psychiatry2010;55:539–48.

Discussion

Dr D. Tesu-Rollier.– Est-ce que les programmes de qualite desoins et d’evaluations sont operationnels, fonctionnels ? Commentmieux les utiliser dans la pratique ?

Reponse du Rapporteur.– Merci de vos questions. Oui, cesprogrammes d’evaluation de la qualite des soins sont operationnels

a travers l’Evaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) mise enœuvre pour l’accreditation des etablissements de sante. Cette EPPdevrait rapidement evoluer en Developpement ProfessionnelContinu (DPC), qui alliera Formation Medicale Continue et EPP etrendra donc le dispositif plus fonctionnel. Pour mieux les utiliser en

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pratique, il est necessaire que ces programmes d’EPP et de DPC soientelabores par les professionnels pour les professionnels, de facon a cequ’ils soient effectivement utiles a ameliorer les pratiques de soins.En tout cas, c’est notre conviction au CNPP-CNQSP.

Dr P. Marchais.– Une tout autre question concerne un sujetessentiel qui n’a pas ete evoque.

La qualite des soins depend du degre de connaissance destroubles et, par suite, des outils utilises a cet effet. Ces dernierssont-ils mis en discussion dans ces commissions ?

C’est notamment le cas pour le DSM qui vient d’etre severementcritique dans une revue scientifique a grand public, laquellerecourt meme en couverture au terme « d’escroquerie » (La

Recherche, juin 2012) ! Sans aller jusque-la, il faut bien reconnaıtrequ’une pratique de qualite devrait pouvoir disposer d’uneconnaissance aussi juste que possible des troubles a traiter, enparticulier de leur structuration interne. Or, ce n’est pas avec deslistes de criteres apparents, quelles qu’elles soient, que l’on peut yparvenir. Il convient donc de rechercher une connaissance plusapprofondie de la structuration dynamique interne des troubles al’aide de nouvelles demarches de pensee plus penetrantes et plusrigoureuses. Et cela implique, comme nous essayons de le montrerdepuis longtemps, la necessite de recourir a une interdisciplinaritequi puisse enrichir la connaissance psychiatrique.

Des consequences pratiques en resultent, car des effetstherapeutiques immediats sont lies au diagnostic pose. Par

DOI de l’article original :http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.11.001

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http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.11.002

exemple, nous avions pu traiter a Foch un patient qui nous avaitete envoye pour une schizophrenie diagnostiquee a partir descriteres du DSM. L’analyse de sa structuration montra en fait qu’ils’agissait d’une psychose maniaco-depressive atypique. Ce patienttraite sans resultat depuis plusieurs mois put etre ainsi soulage endeux ou trois semaines avec un traitement adapte a son etat. Et cecas ne fut pas unique.

Il convient donc au minimum de preciser les faiblesses et lesbiais du DSM, ne serait-ce qu’a la lumiere du theoreme central de laclassification – ce qui est un autre sujet – afin de progresser dans laqualite des soins. C’est un probleme que les commissions devraientaussi envisager.

Reponse du Rapporteur.– Je vous remercie de votre commentaire.Concernant le DSM d’abord, je pense qu’on veut souvent lui

faire dire bien plus que ce qu’il ne peut effectivement dire. Le DSMest un outil de classification pour la recherche qui decrit des pluspetits denominateurs communs, et non pas un outil pour faire uneclinique de qualite. En revanche, une meilleure comprehension destroubles alliant plusieurs niveaux de lecture (neuroscientifique,psychopathologique, cognitivo-comportement, culturel, social. . .)devrait nous permettre d’affiner notre clinique, et par consequentde mieux soigner les troubles mentaux.

Ensuite, je crois qu’il est important de rappeler que l’evaluationde la qualite des soins ne passe pas necessairement par l’utilisationdu DSM.