agir contre - european external action...
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Agir contre l’exclusion sociale en milieu urbain Actes du séminaire Inter-
municipalités à Pointe-Noire,
République du Congo, des 30 et 31
janvier 2014
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La présente publication a été élaborée avec l’appui financier de l’Union européenne, de l’Agence Française de
Développement, de l’Agence Internationale des Maires Francophones et de la direction de la coopération
internationale monégasque. Le contenu de la présente publication relève de la seule responsabilité du
Samusocial International et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant l’avis de ses partenaires
techniques et financiers.
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Table des matières Acronymes ............................................................................................................................................................ 4
Introduction .......................................................................................................................................................... 5
Préambule ............................................................................................................................................................. 6
L’interaction entre le développement urbain et l’exclusion sociale dans le monde : les enjeux d’une politique
de la ville dans la lutte contre l’exclusion sociale ................................................................................................. 8
Panel 1 : Une action concertée et coordonnée pour améliorer la prise en charge des enfants et jeunes de la
rue dans la ville de Bamako ................................................................................................................................ 10
Echanges et clarifications apportées au Panel 1................................................................................................. 13
Panel 2 : Stratégie et plan d’action de la lutte contre l’exclusion sociale à Dakar ............................................. 14
Echanges et clarifications apportées au Panel 2................................................................................................. 18
Panel 3 : De l’action sociale auprès des familles aux nouveaux défis de la grande exclusion à Ouagadougou. 20
Echanges et clarifications apportées au Panel 3................................................................................................. 24
Panel 4 : Regards croisés sur l’enfance en danger dans les villes de Brazzaville, Kinshasa, Bangui et Dolisie. .. 25
Clarifications sur le Panel 4 ................................................................................................................................. 32
Panel 5 : Contours d’un partenariat institutionnel entre une municipalité et un Samusocial : exemple de
Pointe-Noire ........................................................................................................................................................ 33
Débat Général : Les enjeux d’une politique de la ville dans la lutte contre l’exclusion sociale. ........................ 35
Les partenariats .................................................................................................................................................. 37
Planning .............................................................................................................................................................. 38
Les intervenants .................................................................................................................................................. 39
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Acronymes SSI Samusocial International
SSM Samusocial Mali
SSPN Samusocial Pointe-Noire
SSBF Samusocial Burkina Faso
SSN Samusocial Sénégal
EJDR Enfants et jeunes de la rue
CHUSIP Centre d’hébergement d’urgence avec soins infirmiers et psychologiques
AFD Agence Française de Développement
UE Union Européenne
PAM Programme Alimentaire Mondial
AIMF Association internationale des Maires Francophones
OSC Organisation de la société civile
FISONG Facilité d’innovation sectorielle des ONG
CEAO Centre d’Accueil, d’Ecoute et d’Orientation
RAMED Régime d’Assistance Médicale
ANAM Agence Nationale d’Assistance Médicale
INSD Institut National de Solidarité et de Développement
DDS Direction du développement social
UFM Unité Femme et mineur
PCRSU Programme conjoint de renforcement de la sécurité urbaine
CEFS Centre d’éducation et de formation spécialisé
DRASSN Direction régionale des affaires sociales et de la solidarité nationale
CIJER Coalition des intervenants auprès des jeunes et enfants de la rue
CEEAC Communauté économique des états d’Afrique centrale
INPP Institut national de préparation professionnelle
REEJER Réseau éducation des enfants et jeunes en rue
IDMRS Identification, documentation, médiation familiale, réunion, réinsertion, suivi/sevrage
ASBL Association sans but lucratif
CIREV Centre d’insertion et réinsertion des enfants vulnérables
DGASF Direction générale des affaires sociales et de la famille
MASAHS Ministère de l’action sociale, des affaires humanitaires et de la solidarité
IRC International Rescue Committee
UNICEF Fonds des Nations Unies pour l'enfance
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Introduction Le Samusocial International accompagne, depuis 2001, le développement de dispositifs d’aide d’urgence
sociale aux populations en situation d’exclusion dans les villes de Ouagadougou, de Bamako, de Dakar et de
Pointe-Noire.
Les partenaires locaux du Samusocial International ont développé de solides partenariats avec les Ministères
de tutelle dans leurs pays respectifs. Néanmoins la problématique de l’exclusion sociale est essentiellement
urbaine et donc fortement corrélée à des politiques locales, d’autant que les processus de décentralisation,
menés à l’heure actuelle en République du Congo, au Sénégal, au Burkina Faso et au Mali ont fait de
l’échelon municipal un pilier déterminant de ces programmes.
Cet évènement de deux jours avait pour but de mutualiser les expériences des municipalités et des
Samusociaux en termes de lutte contre l’exclusion sociale en milieu urbain. Le séminaire inter-municipalités
entendait ainsi contribuer au développement et à la visibilité des synergies locales, publiques et privées de
lutte contre l’exclusion sociale en milieu urbain, et favoriser les dynamiques de coopération entre différentes
métropoles africaines sur la problématique des enfants et jeunes de la rue.
Quatre panels ont permis d’exposer les avancées et perspectives des collaborations entre le secteur
associatif et les politiques municipales ciblant les populations marginalisées.
Le séminaire s’est clôturé par un débat qui a permis de faire émerger des conclusions communes et de poser
les jalons d’un renforcement de l’articulation entre Mairies et acteurs de la société civile autour de la
problématique des enfants et jeunes de la rue.
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Préambule «Le milieu urbain est notre principal espace d’intervention. Au Congo, 70% de
la population vit dans les villes. Cette forte urbanisation caractérise toute
l’Afrique. Les villes s’y agrandissent démesurément, provoquant ainsi une
accumulation de la détresse humaine. Dans ce contexte, les municipalités
pourraient élaborer plusieurs plans afin de contribuer efficacement au
développement humain. Cela entraînerait une restructuration de la
gouvernance locale dans laquelle l’action sociale aurait un rôle prééminent à
jouer : plans d’insertion socio-économique ; plans locaux de protection de
l’enfant ; plans de lutte contre le chômage… etc.
Focalisons notre attention sur les enfants vulnérables : le Congo a en effet ratifié la Convention Internationale des
droits de l’enfant, la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant et la Loi portant Protection de l’Enfant
au Congo. Le débat des « enfants de la rue » et ceux « travaillant dans la rue » a longuement été abordé lors du
Comité des Droits de l’Enfant à Genève qui s’est déroulé quelques jours avant le séminaire inter-municipalités. Le
Congo a pu y présenter les avancées dans la mise en œuvre de la Convention relative aux Droits de l’Enfant et de
ses deux protocoles facultatifs sur l’implication d’enfants dans les conflits armés, la vente et la prostitution des
enfants, ainsi que la pédopornographie.
On ne peut, par ailleurs, parler des enfants sans parler de leurs familles. C’est un lieu privilégié de protection et
d’épanouissement de l’enfant. De plus, aujourd’hui les enfants sont les premières victimes des « adultes-enfants »
qui accusent des signes de carences éducatives et d’irresponsabilité parentale.
Au Ministère des Affaires Sociales, nous travaillons sur « les 4 P » : Prévention, Protection, Prise en charge et
Promotion à l’autonomisation des familles et groupes vulnérables. C’est un ensemble de politiques consignées
dans le plan national d’Action Sociale.
Le projet de filet de sécurité alimentaire, en partenariat avec le Programme Alimentaire Mondial (PAM), dans les
villes de Pointe-Noire et de Brazzaville en est une intéressante illustration. 5 000 ménages (d’au moins 2 enfants en
âge scolaire mais n’allant pas l’école) perçoivent 20 000 FCFA par mois en monnaie électronique.
Le projet d’octroi de crédits aux pauvres, développé avec les établissements de micro finance apporte également
des résultats probants : une amélioration des conditions alimentaires, un meilleur suivi sanitaire des enfants et des
femmes enceintes, une fréquentation scolaire accrue et des revenus pérennes.
Ce séminaire va contribuer au développement et à la visibilité des synergies locales. Il va favoriser les dynamiques
de coopération entre métropoles africaines, entre le public, le privé et l’associatif sur la problématique des enfants
et jeunes de la rue. »
Madame Emilienne Raoul, Ministre des Affaires Sociales,
de l’Action Humanitaire et de la Solidarité de la République
du Congo.
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« Ce séminaire témoigne de l’intérêt que nos villes et nos Samusociaux attachent à la
concertation pour trouver des solutions à leurs préoccupations. Votre présence vient
témoigner de la nécessité pour les acteurs municipaux de développer la coopération
public/privé et de mutualiser leurs expériences dans la prise en charge des enfants et
des jeunes en situation d’exclusion sociale. Nous espérons que cet élan va s’étendre
dans d’autres domaines de la vie locale et se développer en faveur des enfants. Nous
fondons beaucoup d’espoir sur ce qu’apportera la claire gestion des collectivités
locales sur lesquelles nous n’exerçons que la tutelle, comme l’ensemble des Etats qui
ont choisi la décentralisation comme option de développement et de progrès social.
Messieurs les Maires et responsables des villes et des Samusociaux, nous sommes
assurés que vous allez apporter une solution durable au phénomène récurrent des
enfants en situation de rue : des enfants délaissés qui ne devraient pas être considérés
comme un poids pour la société, mais comme une préoccupation fondamentalement
humaine à laquelle nous devons tous apporter une réponse conséquente. La réponse ne peut être positive que s’il y
a un élan de solidarité exprimé à travers une chaîne d’actions qui s’inscrit dans la durée : il faut donner à nos enfants
une espérance de vie digne de notre humanité. La Nation aurait tout à y gagner.»
Monsieur Raymond Mboulou, Ministre de l’Intérieur de la
Décentralisation de la République du Congo
« Il faut encadrer la rue. Il y va de la responsabilité de l’État, de la famille, de l’école. Il
faut interpeller les parents qui abandonnent les enfants à eux-mêmes dans la rue. La
jeunesse, c’est la période où l’identité de l’individu s’affirme. L’enfant ne subit plus
l’autorité parentale. Pour y remédier, il faut équiper la rue avec des infrastructures
saines : des salles de jeux, des espaces publics… etc. ».
Monsieur Anatole Collinet, Ministre de la Jeunesse de la
République du Congo
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L’interaction entre le développement urbain et l’exclusion sociale dans le monde : les enjeux d’une politique de la ville dans la lutte contre l’exclusion sociale
« L’humanité va vivre en ville, c’est un phénomène inéluctable. Nous
avons changé d’environnement. Nous n’échapperons pas à
l’urbanisation, ni à la migration ; l’information, l’argent, les objets
circulent à toute vitesse sur l’ensemble de la planète. Par le passé, les
sociétés traditionnelles avaient des coutumes et des rites : c’étaient des
sociétés rassurantes, avec un temps circulaire. De nos jours, avec
l’urbanisation, tout cela disparaît. En ville, nous croyons n’avoir plus
besoin de ces rites et coutumes, seul l’évènement présent compte.
Chacun y est étranger à l’autre. Il s’y crée une sorte de « patchwork » :
les gens qui ont fui la campagne, les migrants etc. Tous ces Hommes qui
viennent de pays accablés par la guerre, la misère, la sécheresse, et qui
cherchent en ville une alternative à leur précarité, y trouvent
paradoxalement une perte de notre sens.
Le phénomène urbain est le nouvel environnement de l’Humanité.
Il ne faut donc pas s’étonner que certaines personnes restent sur le côté. Evidemment ! C’est un épiphénomène par
rapport à la marche de l’humanité, mais c’est vers ceux-là qu’il faut regarder, et en particulier vers une catégorie
beaucoup plus fragile : les enfants de la rue. Nous avons le devoir de nous occuper de ces enfants, avec amour et
pragmatisme.
La question est donc : comment s’en occuper ? Le politique s’occupe de la redistribution équitable de la richesse du
pays : une redistribution globale pour une société plus juste. L’associatif cherche à connaître pour sa part, l’intimité
des personnes. Le politique et l’associatif vont donc de pair, on ne peut les opposer. Leurs objectifs sont identiques
bien que les méthodes soient différentes.
Le Samusocial a appris à connaître ces enfants via une anthropologie urbaine. Ils vivent de leur survie, de leur
archaïsme comme la meute cognitive sur un territoire économique de repli. Ils ne connaissent pas leur corps, y sont
indifférents. Ils sont une « âme-groupe ». Le présent est éternel car le temps ne s’écoule pas.
Le soin est une façon pour s’approcher d’eux, une porte d’entrée médicale vers une trajectoire humaine. Les
professionnels s’appliquent alors à leur faire perdre leurs codes de la rue et regagner ceux de la société. Leur faire
accepter des horaires, une autorité, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut du temps, de l’expérience : c’est
un métier. Et c’est au sortir de cette urgence sociale, qu’on pourra accompagner ces enfants, au côté de nos
partenaires, vers un projet de sortie de rue : l’alphabétisation, l’école, l’apprentissage d’un métier ou le renouement
familial. »
Docteur Xavier Emmanuelli, Président fondateur du
Samusocial International
« L’Enfant est le Père de l’Homme.»
Tiré du poème « The Rainbow »
William Wordsworth
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« Pointe-Noire est une ville d’excellence où nos
partenariats se développent en qualité et en durée.
C’est la vitrine de la capacité de notre réseau à réussir
ce qu’il entreprend pour le service des autres, des
populations et des services municipaux.
La durabilité de ce succès passe par la réactivité des
services, l’engagement personnel des cadres, la
mobilisation de la société civile, et l’autonomisation
de tous les acteurs du développement local. Le Maire
doit donc mobiliser toutes les volontés.
Mais, pour aller au-delà, il est nécessaire que les
populations qui sont « intégrées » à la vie locale
soient également concernées par la lutte contre la pauvreté, en faveur des vrais oubliés du développement, ceux qui
ne savent pas s’organiser, qui sont soumis aux aléas de la vie.
Nous ne détenons pas la clef qui ouvre la « boîte à solutions » de la pauvreté. Le savoir doit nous aider à proposer
des solutions et à en évaluer la pertinence. Il faut une intelligence collective avec les connaissances collectées sur la
population, utiliser des outils existants, trouver de nouvelles approches et en tirer des leçons. Il faut qu’un ensemble
d’acteurs travaillent ensemble pour atteindre cette réussite : le Maire, la société civile, les universitaires, les bailleurs,
les services déconcentrés.
L’une des questions à laquelle il nous faut apporter des réponses innovantes est la suivante : comment générer des
revenus chez les plus pauvres ? En mettant en œuvre des services de proximité ? Par des opérations « gagnantes-
gagnantes » ? Par de plus en plus de subventions ? Là n’est pas la solution. Il nous faut des actions ciblées, des
actions qui naissent d’une analyse et d’une volonté politique locale, des actions tout en nuance, des actions dotées
d’une évaluation exemplaire.
L’AIMF investit deux millions d’euros par an dans les équipements publics de proximité et les universitaires assurent
le suivi des opérations afin que nous sachions quel est l’impact atteint dans la lutte contre la pauvreté.
Ma conviction est que l’emploi passe par l’innovation et l’économie sociale et solidaire qui est un pur produit de la
société locale et des attentes locales. En 1932, le Président américain Roosevelt exprimait l’idée de sortir du modèle
commun : « Le pays exige une expérimentation hardie et constante. Adopter une méthode et la mettre à l’épreuve,
cela relève du sens commun. Si ça rate, l’admettre et en essayer une autre. Mais avant tout, il faut tenter. »
L’ambition de ce séminaire est de chercher des solutions pour être plus efficace dans les quartiers, dont la
caractéristique première est la complexité. »
Monsieur Pierre Baillet, Secrétaire Permanent de
l’Association Internationale des Maires Francophones
(AIMF)
«Le fléau urbain se situe là où les structures
traditionnelles de soutien ont perdu leur capacité
d’intervention et de régulation.»
Pierre Baillet,
Secrétaire permanent de l’AIMF
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Panel 1 : Une action concertée et coordonnée pour améliorer la prise en charge des enfants et jeunes de la rue dans la ville de Bamako
« Bamako est la capitale économique, politique et
culturelle du Mali. C’est le lieu principal de manifestation
de l’exclusion sociale qui touche particulièrement les
enfants. Ce phénomène est généré par une urbanisation
croissante et peu maitrisée, en corrélation avec les
mutations économiques nationales et internationales.
C’est un phénomène très préoccupant car d’une ampleur
grandissante. Le dispositif existant est essentiellement
basé sur les organisations de la société civile (OSC), mais
qui sont confrontées aux limites de leurs actions. Les
collectivités locales n’ont pu initier jusqu’ici des
programmes conséquents pour lutter contre ce fléau, et ce bien que la collectivité locale soit aujourd’hui un
acteur central de l‘action sociale à l’échelon municipal en vertu des textes de la décentralisation au Mali.
Cependant la situation évolue, grâce à un partenariat établi depuis 2011 entre le Samusocial Mali, le
Samusocial International et la Mairie du District de Bamako. Il a permis notamment la création d’un cadre de
concertation, qui mobilise aujourd’hui à la fois les OSC, les pouvoirs publics et les collectivités du District afin
d’améliorer la prise en charge des enfants et jeunes de la rue à Bamako. »
Monsieur Alou Coulibaly, Directeur du Samusocial Mali.
« Le Mali se doit d’honorer l’engagement qu’il a pris au niveau international, qui est la protection des droits
de l’enfant malgré ce contexte d’explosion urbaine mondiale. Bamako est une ville de 2 millions d’habitants
(qui devrait en compter 4 millions à l’horizon 2030) avec la plus importante croissance démographique en
Afrique (5,4%). Il y aura donc plus d’enfants vulnérables dans nos rues. La fracture sociale, résultat d’une telle
croissance ne peut être qu’effrayante si des politiques ne tentent pas de la prévenir et d’en contrôler les
effets dès maintenant.
En 2010, le Samusocial Mali a réalisé une étude sur la provenance des enfants et des jeunes de la rue. Sur la
même période, l’État a procédé à l’évaluation de son projet de protection des enfants (pour la période
2008/2012) qui montre une faiblesse notable des cadres de concertation. En 2002, la Direction Régionale de
la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille a publié le « Recensement des enfants errants dans le
« Comme l’a dit Victor Hugo : « Rien n’est plus fort qu’une idée dont
l’heure est venue ». Les cadres de concertation sont les meilleures
réponses dans la dynamisation des engagements des collectivités
territoriales face à la croissance urbaine dans les grandes villes
africaines. »
Monsieur Hady Mody Sall,
Deuxième adjoint au Maire du District de Bamako
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District de Bamako » : 4 348 enfants vivant dans les rue de Bamako, pour lesquels une prise en charge
spécifique devrait être mise en place par les institutions. Cette étude a permis à Bamako de faire un état des
lieux. Il y avait une insuffisance de moyens, un manque de coordination, une détérioration des conditions de
travail des structures d’accueil.
Il y a donc eu un renforcement des partenariats face à cette situation : la Mairie, le Samusocial Mali, le
Samusocial International, ainsi que l’AFD ont monté un projet : « Pour une action coordonnée et concertée
dans la ville de Bamako afin de renforcer la lutte contre l’exclusion sociale des enfants et jeunes de la rue »,
cofinancé par l’AFD à travers le dispositif FISONG.
J’ai été impliqué dans ce travail et je suis fier des résultats obtenus. Le comité de pilotage du Centre d’Accueil,
d’Ecoute et d’Orientation (CEAO) en décembre 2009 et la convention établie avec le Samusocial Mali en 2011
mobilisent aujourd’hui l’ensemble des acteurs. Les résultats sont tangibles : il y a eu la mise en place d’un
plan d’action ambitieux, la conception d’un répertoire des ONG et des associations, l’installation d’un service
spécifique pour l’amélioration de l’accès des jeunes filles mères à l’information et au droit et la création d’un
cadre de concertation dynamique, innovant et mobilisateur.
Le renforcement du rôle de l’État dans la lutte contre l’exclusion sociale équivaut à l’adoption d’une politique
de la ville en chantier sous l’égide du nouveau département en charge de l’urbanisme et la politique de la
ville. Cela témoigne de la détermination des nouvelles autorités du Mali à faire de l’espace urbain un cadre
intégrateur, où chaque individu, quel que soit son statut, puisse accéder à un paquet minimum de services
sociaux de base. Il y a également eu l’adoption depuis 2011 d’une politique opérationnelle nationale
d’assistance médicale en faveur des couches démunies.
Le District de Bamako est prêt à accompagner la mise en œuvre des recommandations de ce séminaire en
privilégiant la réponse collective par le biais du cadre de concertation. »
Monsieur Hady Mody Sall, Deuxième adjoint au Maire
du District de Bamako.
« Le Samusocial Mali (SSM) est une ONG de droit malien, créée en 2001, membre du réseau Samusocial
International. C’est un dispositif fondé sur une méthode d’urgence sociale : aller à la rencontre des enfants et
jeunes de la rue afin de délivrer une aide médicale, psychosociale et éducative. Le SSM agit au sein d’un
réseau de structures partenaires pour une prise en charge adaptée à la situation de chaque enfant.
De 2001 à 2013, plus de 2700 enfants ont été identifiés et pris en charge, dont 346 nouveaux arrivants en
rue en 2013.
Les enfants des rues sont une population en situation de grande exclusion, constituant un défi majeur pour
l’Etat, les OSC et les collectivités locales à travers le processus de décentralisation.
La spécialisation est insuffisante et on note un défaut de professionnalisation des services techniques de
l’Etat et des communes pour agir efficacement contre le phénomène. La prise en charge de cette population
est assurée essentiellement par les ONG et associations, qui ont des ressources limitées. Il y a une diversité
des logiques et des méthodes d’interventions, d’où un manque de cohérence dans les services développés
par ces acteurs.
On peut également noter une faible connaissance mutuelle entre acteurs publics et associatifs et, par
conséquent, un « gap » de coordination des interventions – pourtant indispensable pour assurer l’efficacité
des services proposés.
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En décembre 2011, a été mis en place un cadre de concertation des acteurs intervenant auprès des enfants
et jeunes de la rue, officialisé par la signature d’une convention entre les services de l’Etat, les collectivités
locales et le Samusocial Mali en tant que représentant des associations. Le SSM est donc soutenu par les
associations et partenaires intervenant dans la protection de l’enfant et organise une réunion semestrielle
sur convocation du Maire du District de Bamako.
Ce dispositif s’inscrit dans le cadre général de la protection de l’enfance mis en place par le Ministère de la
Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille. Il s’agit d’un cadre d’expérimentation d’une démarche
de mutualisation des connaissances et des compétences existantes pour favoriser la régulation de toutes les
interventions en faveur des enfants et jeunes de la rue à Bamako.
La Mairie du District possède un rôle central afin d’inscrire les enjeux de la lutte contre l’exclusion sociale
dans la perspective d’une politique de la ville multi acteurs et multi sectorielle.
En avril 2013, fut adopté un schéma consolidé des interventions en faveur des enfants et jeunes de la rue,
précisant rôles et responsabilités de chaque acteur, élaboré selon une démarche participative par un groupe
de professionnels de la protection de l’enfance, sous l’égide du cadre de concertation. Le schéma se présente
comme un document d’orientation stratégique et un cadre de référence pour les interventions existantes, et
pour la conception de nouveaux projets en vue de l’amélioration de la prise en charge des enfants et jeunes
de la rue à Bamako. Il couvre quatre grands domaines de vulnérabilité des enfants et jeunes de la rue : la
santé, l’éducation, la protection et la participation à la vie socioéconomique. Il a la vocation à être décliné en
plusieurs plans d’action annuels, retenant chaque année des actions prioritaires, réalistes et réalisables à
mettre en œuvre et à valider par le cadre de concertation.
Le premier plan d’action annuel (2013-2014) a été adopté, ciblant quatre actions majeures :
La tenue d’un atelier d’échange entre les acteurs du cadre de concertation et l’Agence Nationale
d’Assistance Médicale sur le Régime d’assistance médicale (RAMED), dans le cadre de l’accès gratuit
des enfants et jeunes de la rue aux soins de santé,
L’élaboration d’une stratégie commune de communication et de sensibilisation sur le phénomène de
l’enfance en difficulté ciblant les enfants, la population et les autorités,
L’accompagnement de 80 enfants et jeunes de la rue dans l’identification et la réalisation de projets
de formation professionnelle ou de recherche d’emploi,
L’accompagnement des enfants et jeunes de la rue dans leurs démarches d’acquisition des pièces
d’état civil.
Ce que nous constatons en relation au premier plan d’action annuel est : une forte mobilisation, une grande
représentativité (malgré la faible participation des mairies des communes au cadre de concertation),
l’émergence de nouvelles problématiques de protection de l’enfant liées à la crise humanitaire et sécuritaire
de 2012.
En octobre 2013, ont eu lieu des états généraux de la décentralisation, recommandant l’accélération du
transfert des ressources vers les collectivités. Une nouvelle politique de protection de l’enfant a été adoptée
par le Mali en 2013 réaffirmant le rôle de l’Etat et des collectivités pour une meilleure protection de l’enfant.
Une politique de la ville, favorisant l’amélioration de l’offre de services sociaux de base dans l’espace urbain
pour tous, est en cours d’élaboration. »
Monsieur Bassy Diarra, chargé du développement
urbain à la Mairie du District de Bamako, et membre du
Conseil d’Administration du Samusocial Mali.
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Echanges et clarifications apportées au Panel 1
Pouvez-vous apporter des précisions sur les cadres de concertation : typologie des acteurs, des actions, des
financements… etc. ?
Le cadre de concertation regroupe les services techniques déconcentrés de l’Etat (de la promotion de la
femme et de l’enfant, du développement social et de la santé), les collectivités locales du District de Bamako
et les associations et ONG évoluant dans le domaine de la protection de l’enfant. Le cadre tient deux sessions
semestrielles chaque année, mais peut organiser également des ateliers sur des thématiques ciblées dans le
cadre de la mise en œuvre du schéma. Un secrétariat permanent assure la bonne organisation des instances
du cadre et veille à la mobilisation des acteurs. Aujourd’hui le financement du cadre de concertation est
essentiellement porté par le SSM, à travers ses différents projets, et la Mairie du District, qui abrite les
réunions. Le cadre de concertation est un espace de dialogue, de formation et d’information entre acteurs,
qui partent d’un constat commun : une politique durable est une stratégie analysée, programmée, conçue et
évaluée ensemble.
Les dysfonctionnements du RAMED (dispositif mis en place par l’État malien pour faciliter l’accès des plus
démunis à des soins médicaux gratuits) font-ils écho aux difficultés budgétaires rencontrées ?
Le RAMED est doté d’un budget annuel avoisinant les 2 milliards de francs CFA. Le financement doit être
assuré par le budget de l’Etat à hauteur de 65% et une contribution des collectivités de 35%. Si le
financement de l’Etat n’est pas mobilisé à hauteur de ce souhait, les collectivités n’ont jusque-là pas
commencé à contribuer au fonctionnement du RAMED. Cette insuffisante participation des collectivités
territoriales aux programmes sociaux est déplorée par les organisations de la société civile. Pour autant, si les
responsabilités ont été transférées au niveau local, il n’en va pas de même pour les ressources. Or, l’exclusion
sociale n’est pas la seule préoccupation liée à l’urbanisation : les collectivités sont également confrontées aux
problèmes de voierie, d’assainissement, de transport etc. Au cours de l’atelier organisé en novembre 2013
par le cadre de concertation et l’ANAM, une proposition de répartition des contributions budgétaires au
RAMED a été formulée. Cette proposition sera soumise à la Mairie du District de Bamako pour être portée au
Haut Conseil des Collectivités Territoriales afin de faciliter une participation efficace des collectivités au
financement du régime. Pour autant, la volonté politique est désormais exprimée. La mobilisation qui s’est
traduite dans le cadre du projet FISONG a entraîné l’État et les collectivités locales, qui ont pleinement
conscience du rôle qu’elles doivent jouer. C’est un grand espoir pour 2014 même si la sensibilisation des
responsables politiques et administratifs doit se poursuivre.
Quel a été impact de la crise humanitaire de 2012 au Mali, en termes de prise en charge de nouveaux
enfants et jeunes de la rue ?
Le Samusocial Mali n’œuvre actuellement qu’à Bamako. Pour autant, il a été constaté que la crise a joué un
rôle dans l’accroissement du phénomène des enfants des rues en 2013. Cela s’est traduit par une
augmentation des prises en charge (744 prises en charge en 2012 et 913 en 2013). Les enfants concernés
viennent généralement des régions sud du pays mais il y a également des enfants déplacés suite à la crise.
Cependant, la plupart sont dans des familles d’accueil, ils ont été envoyés par leurs parents, il faut donc faire
une distinction.
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Panel 2 : Stratégie et plan d’action de la lutte contre l’exclusion sociale à Dakar
« Le portrait urbain de Dakar se décrit par sa population,
qui représente 23,2% de la population totale du Sénégal
et une densité de 2732 habitants au km² (contre 35 de
moyenne nationale). La ville constitue pour l’essentiel de
la population un lieu d’espoir d’une vie meilleure. Les
conséquences sont l’apparition de phénomènes sociaux
tels que la violence, la marginalité, l’extrême pauvreté,
qui entraînent de profonds dysfonctionnements au sein
des familles, qui n’arrivent plus à jouer leur rôle
protecteur.
L’impact sur la situation des enfants est une précarité
ambiante, qui menace leur équilibre notamment à cause de l’absence d’encadrement, de perturbations
et/ou d’interruptions scolaires, de la naissance et du développement de comportements répréhensibles, et
de l’exposition à tous les dangers : violences, pires formes de travail, maladies, viol, pédophilie et mendicité.
Ces enfants en partie dans la rue et communément appelés « talibés » sillonnent les rues et les places
publiques, sébiles à la main, quémandant leur pitance.
Ce vécu quotidien des enfants talibés est devenu grave et constitue une violation flagrante de leurs droits
élémentaires, notamment le droit à la santé, à un toit décent, etc. S’efforçant d’apporter des remèdes à cette
situation, les autorités sénégalaises se sont engagées à lutter contre l’exploitation des enfants par la
mendicité, en mettant en place un important dispositif juridico-réglementaire avec la création d’un fond
d’aide à l’enfance déshéritée et aux DAARAS (écoles coraniques), l’interdiction de la mendicité (cf. le code
pénal, article L 245), la ratification en 1989 par le Sénégal de la convention relative aux droits de l’enfant,
l’organisation en 1992 à Dakar du Colloque International des Maires Défenseurs de l’Enfant, la ratification en
1999 de la convention n° 138 de l’OIT sur l’âge minimum d’admission à l’emploi et la ratification en 2000 de
la convention n° 182 de l’OIT relative à l’élimination des pires formes de travail de l’enfant parmi lesquelles
l’exploitation de l’enfant par la mendicité.
Pour sa part, et forte de la Charte Africaine des Droits et Bien-être de l’Enfant adoptée par le Sénégal en 1995
qui prévoit en son article 15 que « l’enfant est protégé de toute forme d’exploitation économique et
l’exercice d’un travail social (…) qui risque de perturber l’éducation de l’enfant ou de compromettre sa santé,
son développement physique, mental, spirituel, moral et social », la Ville de Dakar a défini une stratégie pour
l’assistance à l’enfance en ciblant les enfants issus de milieux défavorisés, les enfants de/dans la rue, les
« Il y a confusion entre enfant mendiant et enfant talibé alors qu’il ne
devrait pas y en avoir. Nous nous préoccupons de ceux qui sont
maltraités par leur marabouts et passent la majeur partie de leur
temps à mendier et non pas à lire le Coran. »
Madame Mariétou Diongue Diop,
Présidente du Samusocial Sénégal
15
enfants handicapés, les enfants en conflit avec la loi et les déviants, les enfants orphelins et/ou vivant avec le
VIH, les enfants talibés-mendiants à travers la mise en place d’un projet municipal en leur faveur.
Le Sénégal ayant institué une journée nationale du talibé, les autorités municipales ont décidé dès la
première édition d’offrir des consultations gratuites à ces enfants afin de diagnostiquer et traiter certaines
affections dont ils souffrent. Ainsi la Ville a-t-elle décidé à partir de ses centres de santé de faciliter l’accès
aux soins à ces talibés. Le projet d’amélioration des conditions sanitaires et d’hygiène de talibés se présente
donc en 3 phases :
1. Identification des daaras : elle est faite par les travailleurs sociaux dans les centres de santé, par des
visites de terrains et des études monographiques qui ont permis de localiser tous les daaras de la
Ville de Dakar.
2. Polarisation des daaras : une fois les daaras localisés, il a été procédé à leur rapprochement des
centres de santé suivant leurs zones. L’exécution correcte de cette phase a été rendue possible grâce
à des activités préalables de sensibilisation des marabouts sur la nécessité d’assurer un bon suivi
médical de ces enfants et à chaque fois que de besoin.
3. Suivi des enfants talibés : un cahier de consultation est remis à chaque daara et le responsable
désigné par le marabout est tenu d’acheminer les enfants malades au centre de santé qui le polarise.
Des visites sont également programmées au niveau des daaras suivant un calendrier établi par
chaque structure pour réduire le manque de recours aux structures de santé et le risque de ne
recevoir que les cas de gravité extrême.
La plupart des maladies dont souffrent ces enfants est due à une hygiène défectueuse, c’est pour cela que la
lutte contre l’insalubrité du milieu s’est traduite par des actions de désinfection, de désinsectisation, de
dératisation, de saupoudrage des daaras et par des séances de sensibilisation sur l’hygiène corporelle et
vestimentaire soutenues par la distribution de savons et de friperies dans les différents daaras polarisés. Cet
appui est sous-tendu par une sensibilisation aux marabouts pour les amener à aider les talibés à se laver et
faire leur linge.
Un exemple de participation communautaire a été initié dans le village traditionnel de Yoff (une commune de
la Ville de Dakar) : Il s’agissait d’impliquer toutes les personnes ressources pour mieux encadrer les daaras.
Des rencontres ont été organisées autour du représentant de la commune d’arrondissement, ce qui a permis
de cerner les moindres détails du projet et son adhésion. A l’issue de ces rencontres, des réunions
mensuelles sont instituées par les 18 daaras impliqués dans le projet. Cela a abouti à la mise sur pied d’une
mutuelle de santé avec formation d’un bureau. La cotisation est fixée à 200 FCFA par talibé et un compte est
ouvert à cet effet au Crédit Mutuel de Yoff. La mutuelle permet de couvrir les frais de références vers les
hôpitaux dans les cas qui dépassent le plateau technique du centre de santé. L’implication des maîtres
coraniques dans la formation pour la rougeole, la vitamine A, le mébendazole (parasitoses) et l’intégration de
leur président dans l’équipe de supervision du Centre de Santé permet de mieux sensibiliser et prévenir
certaines pathologies. L’expérimentation de la prise en charge médicale des enfants talibés et l’approche
communautaire présentement développée à Yoff permet d’avancer vers la formation des enfants talibés par
l’apprentissage d’un métier, la mise en place de la fédération départementale des maîtres coraniques,
l’opérationnalisation du partenariat avec le Samusocial Sénégal et la construction de la Maison de
l’Enfance. »
Madame Dienaba Ly Sonko, Directrice de la Division du
Développement Social et des Services aux Personnes de
la Mairie de Dakar
16
« Le nombre d’enfants de la rue à Dakar est difficile à estimer. Grâce à une enquête de l’Unicef en 2007 et sur
la base de 10 années d’activité du Samusocial, on estime leur nombre entre 10 et 12 000 sur la région de
Dakar. Les enfants des rues, en raison des ruptures familiales, de leur situation de précarité et de
stigmatisation, développent des troubles psychologiques liés au processus de désocialisation. La majorité ne
sont plus capables de sortir seuls de la rue et de s’adapter à d’autres milieux. Ils ont besoin d’être aidés dans
leur milieu de vie pour pouvoir envisager des solutions de sortie de rue. Il n’existe pas de parcours linéaire de
réinsertion, chaque projet devant correspondre au rythme et aux capacités de chaque enfant ; il ne s’agit
donc pas de « sortir » les enfants de la rue mais d’accompagner chacun dans son « projet de sortie de rue ».
Les structures de prise en charge et les stratégies éducatives devraient tenir compte des compétences et
expériences acquises par les enfants dans le quotidien de la survie. Les échanges avec les enfants ont
également permis de relever que certaines de ces expériences et compétences acquises ou développées dans
la rue ont des caractères positifs, et il conviendrait dès lors de les valoriser. La prise en charge devrait se faire
au cas par cas et tenir compte de l’âge de l’enfant, de sa durée de vie en rue, de la nature des liens
entretenus avec le milieu familial et des compétences acquises dans la rue, mais également et surtout de la
volonté de l’enfant. Ce qui suppose de travailler en collaboration avec celui-ci dans la définition de sa propre
prise en charge. L’identification des motifs de départ des enfants est une démarche indispensable, qui
permet notamment d’apprécier la possibilité d’un retour en famille. Tant que les motifs du départ persistent,
l’enfant réintégrera difficilement la famille. La réussite de ce travail de réconciliation dépend de la
profondeur du différend ou du ressenti qui oppose ou éloigne l’enfant et sa famille.
Il faut savoir reconnaître les situations dans lesquelles toute réintégration familiale est impossible et donc ne
pas l’envisager comme la seule option, ou forcément la plus souhaitable. Même si la sortie de rue est la
solution idéale pour les enfants, elle n’est pas envisageable pour tous par une réintégration dans le foyer
d’origine. Il faut évaluer en amont la pertinence et la faisabilité de la réintégration de la famille que l’enfant a
fui ou dont il a été exclu. L’impossibilité du retour en famille ne doit pas nécessairement impliquer
d’abandonner tout projet de réconciliation familiale, la relation maintenue par les enfants avec leur famille
revêtant une importance particulière à leurs yeux. De même, la réconciliation familiale ne doit pas
nécessairement être envisagée comme ayant nécessairement vocation à réintégrer l’enfant dans sa famille :
maintenir ou renouer un lien, surmonter les différends, pacifier les relations, comprendre les raisons de la
rupture, sont des résultats de la réconciliation familiale qui pourront être positifs pour l’enfant, même s’ils
n’aboutissent pas à un retour en famille.
Tout comme la réinsertion familiale, l’entrée dans une institution peut poser problème à des enfants
attachés à leur « liberté » et à leur « autonomie ». L’imposition de règles strictes est évoquée comme l’un des
freins à l’entrée ou à la permanence des enfants dans les structures d’accueil. C’est pourquoi il serait
souhaitable que l’autorité soit négociée et non imposée aux enfants, en particulier dans les premiers temps.
Autrement, ils risquent de s’inscrire dans une nouvelle rupture avec un rejet de l’institution ou une instabilité
institutionnelle. C’est ce qui fonde l’utilité de lieux de courts termes, à vocation transitoire, dans lesquels les
règles de vie permettent à l’enfant de ne pas vivre une rupture trop forte entre sa vie à la rue et sa vie en
structure d’accueil, et où il peut effectuer librement des aller-retour avec la rue le temps de se stabiliser, sans
être pour autant en rupture avec l’institution, avant d’envisager une relative permanence dans une structure
de moyen terme.
Au niveau sanitaire, les enfants sont très peu informés des maladies auxquelles leur mode de vie les expose,
des possibilités de prise en charge et des formes de prévention. En plus des soins de santé primaires offerts
dans la rue, une politique d’information, de sensibilisation et de prévention devrait être mise en œuvre,
jusque sur les lieux de vie des enfants.
17
Une meilleure coordination des structures de prise en charge, qu’elles soient associatives ou étatiques
comme les AEMO, à travers la redynamisation du réseau existant et son ouverture à d’autres structures
situées à Dakar comme en régions, est préconisée. La création de structures, le développement des capacités
des structures existantes ou leur déploiement dans les régions d’origine des enfants paraissent également
souhaitables, les régions d’origine des enfants étant celles où les structures de prise en charge semblent les
plus absentes ou les plus démunies.
Pour une meilleure efficience et une cohérence dans les interventions, les structures de prise en charge
devraient mener un travail de réflexion autour d’objectifs et de stratégies, et définir un plan d’action
commun. Ce plan d’action pourrait avoir pour objectif de fédérer et de coordonner les actions des différentes
instances qui gravitent autour des enfants de la rue. Cette collaboration à des fins d’échange et d’information
permettrait d’avoir une meilleure visibilité des actions, ainsi éviter les redondances et pallier les insuffisances
actuelles de la prise en charge.
La mise en place d’une stratégie de communication, de sensibilisation et de plaidoyer à travers les médias
(publics, privés, communautaires) permettrait de sensibiliser l’opinion publique sur la problématique des
enfants de la rue et de limiter ainsi la stigmatisation dont ils sont victimes. L’échange et la capitalisation des
bonnes pratiques sont des outils qui gagneraient à être systématisés en tant qu’activité du réseau. Cet
échange de savoirs et de savoir-faire peut emprunter différentes formes (séances de travail, table ronde,
ateliers de partage d’expérience, colloques, séminaires nationaux et internationaux).
Le soutien à la recherche-action sur l’enfance en difficulté de façon générale et les enfants des rues en
particulier semble nécessaire pour explorer les nombreux angles morts de cette recherche. Ce type d’étude
renvoie en particulier à des questions sociales et sociétales telles que l’évolution de la structure familiale et
de son rôle éducatif/protecteur, la parentalité et la responsabilité parentale, les modes de régulation et
alternatives à la famille quand elle devient source de violences et de souffrance pour l’enfant.
La Loi nationale n° 2005-06 criminalise l’organisation de la mendicité d’autrui en vue d’en tirer profit,
notamment dans son article 3 ; de l’article 298 du Code pénal qui criminalise les violences physiques infligées
à un enfant, et des dispositions de la Loi n° 2005-06 relative à la lutte contre la traite des personnes, qui
criminalise la traite des enfants conformément au Protocole des Nations Unies contre la traite des personnes.
Néanmoins l’application pure et simple des lois ne saurait être efficace sans des mesures d’accompagnement,
en particulier pour les enfants victimes de traite. L’accompagnement devrait être fait en direction des enfants,
des familles et des communautés d’origine.
Il est également important de redéfinir des politiques sociales ciblant mieux les régions d’origine des enfants
pour lutter contre la migration des enfants vers les zones urbaines. Il serait souhaitable que l’Etat sénégalais,
de concert avec les Etats voisins, travaille à une harmonisation des législations sous régionales en matière de
protection de l’enfance. Pour lutter contre la dispersion des actions en faveur de l’enfance vulnérable, l’Etat
et les grandes villes devraient créer un point focal qui concentre la politique sociale en faveur de l’enfance,
aujourd’hui dispersée entre différents ministères et la Ville. La création de ce point focal suppose la
désignation claire de l’organe chargé de l’élaboration d’une stratégie cohérente.
La question de la volonté politique est déterminante dans la lutte contre la présence des enfants dans la rue.
Il revient aux pouvoirs publics de veiller au respect des droits des enfants, notamment à travers une
application plus rigoureuse des lois. »
Madame Mariétou Diongue Diop, Présidente du
Samusocial Sénégal
18
Echanges et clarifications apportées au Panel 2
Comment améliorer le « travailler ensemble » tant au niveau interministériel qu’au niveau inter
associatif ?
Il est vrai qu’il est très difficile de faire de « l’interministériel opérationnel ». Il faut espérer avoir un porte-
parole, un responsable vers qui se tourner afin que les messages ne soient trop vite dilués entre les différents
Ministères.
Au niveau associatif, la concurrence existe, non seulement pour recevoir des dons, mais également pour
l’image et les idées. Des rencontres devraient se faire pour chercher ensemble des procédures d’actions
minimales sur lesquelles tout le monde est d’accord.
Demande de précision sur le mode de fonctionnement administratif de la ville de Dakar :
Il y a à Dakar, 19 Maires élus au suffrage universel direct et le Conseil Municipal, qui a élu le Maire, englobe
l’ensemble des 19 Communes d’arrondissement. Le Maire développe la politique de la ville en matière de
prise en charge de ces enfants talibés. La Mairie collabore avec les communes d’arrondissements autour de la
stratégie adoptée par la ville car c’est elle qui dispose des structures de santé. Il n’y a pas de divergence entre
la Mairie et ses communes, ce qui permet de développer une bonne dynamique.
La prise en charge médicale n’est-elle pas plus aisée dans le cas des enfants dits « talibés » puisque la
municipalité s’adresse à des écoles coraniques, avec à la tête des responsables donc des interlocuteurs ?
En effet, les Maitres Coranique sont les interlocuteurs de la Mairie. En dehors de ce cadre, nous avons
effectivement plus de difficultés pour toucher les autres enfants. Nous pouvons les atteindre uniquement par
les associations, centres d’accueil. Nous voulons donc étendre nos collaborations et subventionner ces
centres qui vont organiser le retour des enfants vers leur famille.
Clarification sémantique avec les mots « talibé » et « marabout » :
Un Talibé est un étudiant coranique. Il est différent d’un enfant mendiant. Tant que l’on parlera de
« talibé »/ « marabout », on pensera que l’on s’attaque à l’Islam. Or, c’est à la traite des enfants mendiants
victimes d’exploitation que l’on s’attaque. Ceci est un préalable pour entreprendre quelque chose de durable
et de concret.
Au Mali, quand on parle de talibé cela signifie qu’il y a un marabout qui organise les enfants et leur donne un
enseignement coranique. Il ne peut pas tous les nourrir donc les enfants se nourrissent d’eux-mêmes, c’est
leur contribution. Mais ce ne sont pas des enfants déshérités.
Le Sénégal, pays à majorité musulmane, s’appuie sur l’éducation coranique dans les premières années de
l’enfance. C’est une étape du système éducatif qui est indispensable et incontournable. À la base l’école
coranique devait initier l’enfant à la lecture du Coran mais avait également pour objectif de renforcer
certaines qualités d’endurance physique et morale de l’enfant. Par ce fait, même les enfants issus de familles
riches devaient aller de maison en maison, à la quête de leur repas quotidien, pour ne pas développer des
19
réflexes d’orgueil mal placés. Cela renforce la résistance des enfants (confrontés à la chaleur, la douleur car
ils sont pieds nus). Cela fait partie de l’éducation de l’enfant, afin d’apprendre l’humilité et la spiritualité.
Tous les grands intellectuels du Sénégal sont passés par l’école coranique. Par exemple, Amadou Makhtar
MBow, ancien secrétaire général de l’UNESCO un des plus grands savants de notre époque, mais aussi Cheikh
Anta Diop dont l’université porte le nom et également Abdoulaye Wade, l’ancien Président de la République.
Il faut rappeler que les écoles coraniques n’ont jamais été prises en charge par l’État dans son budget pour
l’éducation nationale. C’est aujourd’hui le problème qui se pose. Les écoles coraniques ont été marginalisées
depuis la colonisation, ce qui explique aujourd’hui ces dérives. A l’époque les maîtres coraniques
n’exploitaient pas les enfants pour faire de l’argent. Si les écoles coraniques étaient intégrées dans le système
éducatif national et encadrées comme les écoles élémentaires du système officiel, il n’y aurait pas de dérives.
Il faut redonner un statut aux écoles coraniques, considérer qu’elles sont une étape de l’éducation et qu’elles
doivent être gérées par les pouvoir publics, dans des cadres de formations appropriés. C’est juste un système
qui demande à être restructuré. L’État doit tout faire pour que cela cesse.
La Mairie travaille sur cette lutte contre les dérives, pour les stopper et les organiser. Avec le Ministère de
l‘Éducation, vont se construire des « daaras modernes » qui vont faire revenir l’éthique au centre des écoles
coraniques et au sein desquels on ne pourra plus faire de confusion entre mendiants et talibés.
Quel rôle ont eu à jouer les autorités locales sur la sensibilisation des marabouts ?
Tout se fait au niveau de l’autorité locale : les réunions se font autour du représentant de la Commune
d’arrondissement. La ville de Dakar dispose d’une direction en charge de la problématique des enfants des
rues : la Direction du Développement Social et des Services à la Personne. La division coordonne par exemple
à Yoff les réunions mensuelles avec les OSC, les marabouts, les centres de santé et les représentants de la
Municipalité.
De quelle manière le travail associatif est-il reconnu par l’État, les municipalités ?
Il y a un cadre réglementaire organisé. Les associations doivent être enregistrées. Le financement de l’Etat,
en revanche, reste marginal. Par exemple si le Tribunal pour Enfant confie une garde provisoire d’un enfant à
une association, sont alors alloués à l’association 200 FCFA par jour et par enfant.
Il y a également un manque de coordination car il existe beaucoup d’associations plus ou moins compétentes
et justifiées.
En 2012, s’est créé le réseau « Nàndité », avec un choix minutieux des 6 membres, qui apporte une légitimité
pour engager des actions de plaidoyer auprès des pouvoirs publics. En décembre 2013 a eu lieu une
conférence de presse avec la présence d’une vingtaine de médias. Le réseau Nàndité a également développé
des outils de plaidoyer (comme un Livre blanc dans lequel figure les propositions principales des OSC).
20
Panel 3 : De l’action sociale auprès des familles aux nouveaux défis de la grande exclusion à Ouagadougou.
« Le Samusocial Burkina Faso (SSBF) existe depuis 10
ans et la structure a toujours cherché à se rapprocher
des services sociaux et sanitaires avec lesquels elle
travaille aujourd’hui en bonne entente. En 2013, le
renouvellement de l’équipe municipale a marqué un
nouveau dynamisme dans les relations du SSBF avec la
Mairie : en effet, l’équipe municipale a contacté le
SSBF afin de réfléchir à une action concertée pour
lutter contre le phénomène des enfants des rues. La
participation du SSBF et de la Mairie de Ouagadougou
à ce séminaire s’inscrit dans une démarche d’écoute et
de partage des expériences avec les autres villes
représentées ici : mettre en place à Ouagadougou un
projet efficient de lutte contre l’exclusion sociale. ».
Madame Bertille Pissavy-Yvernault, Directrice du
Samusocial Burkina Faso
« Cette démarche est novatrice car le SSBF avait l’habitude de travailler avec les services déconcentrés de
l’État. La nouvelle équipe municipale a en effet contacté le SSBF pour envisager une implication plus forte
dans la Commune de Ouagadougou et d’établir un partenariat afin d’agir ensemble dans une dynamique
nouvelle. 34% de la population de la ville de Ouagadougou a moins de 15 ans : c’est un grand défi en termes
d’encadrement et de prise en charge de la jeunesse. Pour la situation particulière des enfants et jeunes de la
rue, des missions de protection, de promotion de la famille, d’éducation spécialisée, de plaidoyer, de soutien
aux personnes vulnérables, de réinsertion sociale et de formation et réinsertion professionnelles des jeunes
sont assignées à la Direction du Développement Social de la Commune. Le programme 2013-2017, lié à notre
mandat, a pour vocation d’atténuer les fléaux urbains au sein des couches défavorisées. L’ambition est de
réussir la prise en charge de la grande exclusion dans notre ville ».
Monsieur Marin Casimir Ilboudo, Maire de
Ouagadougou
« Si l’État veut que l’on puisse prendre le relais dans la
gestion de ces questions de proximité, il va devoir
transférer les ressources aux collectivités. »
Marin Casimir Ilboudo,
Maire de Ouagadougou
21
« La ville de Ouagadougou se découpe administrativement en 12 arrondissements et 55 secteurs, sa
population s’élève à 1 915 102 habitants (selon les chiffres 2012 de l’INSD), s’étendant sur une superficie de
51 800 hectares en 2008 contre 12 600 hectares en 1987 soit un quadruplement de sa superficie en 21 ans.
La densité moyenne est de 37 habitants par hectare en 2012. Le taux d’accroissement annuel moyen est de
4,4% en 2012.
Au regard de cet état des lieux, gérer la population d’une grande ville comme Ouagadougou consiste à faire
face à plusieurs défis : la précarité du logement (crise du logement, habitat insalubre), la santé (pandémies,
VIH/Sida), l’éducation (forte demande en infrastructures et en équipements) et les fléaux sociaux (chômage,
prostitution, mendicité, enfants en situation de rue).
L’action sociale de la commune concernant l’amélioration de la condition de vie des familles passe par la
prise en charge alimentaire, la prise en charge sanitaire, un appui financier aux associations pour des activités
génératrices de revenu (soutenir les familles démunies afin qu’elles puissent se prendre en charge) et une
mise en œuvre de projets communautaires avec la contribution des bénéficiaires. Concernant la promotion
de l’éducation, la commune prend en charge des frais de scolarité de 827 élèves des lycées et collèges en
situation difficile. Elle parraine également des enfants en situation difficile. Un appui en fournitures scolaires
et un suivi des enfants scolarisés en situation difficile (orphelins complets ou partiels etc.) est également
fourni pour 16 500 enfants du primaire et du secondaire. Des formations à l’insertion socioprofessionnelle
des jeunes déscolarisés et non scolarisés sont également données dans des Centres Municipaux de Formation.
La commune s’occupe également de la promotion de l’emploi avec la création d’emplois au profit des
femmes nécessiteuses de la commune (avec la mise en place d’une brigade verte qui emploie 3 000 femmes).
Enfin, le projet de Haute Intensité de Main d’œuvre a été mis en place avec le Ministère de la Jeunesse et de
la Promotion de l’Emploi qui emploie 3 000 jeunes.
La commune de Ouagadougou s’investit dans la protection et la promotion des groupes aux besoins
spécifiques tels que les personnes handicapées, les personnes âgées, les filles-mères, les enfants et jeunes
adultes en situation de rue. Le recensement des enfants en situation de rue dans les 49 communes urbaines
du Burkina Faso en 2011 a montré que la région du centre en abritait le plus grand nombre (1 396 mineurs).
De cette étude, il ressort que l’un des premiers motifs qui pousse les enfants dans la rue est la précarité des
conditions de vie des parents. C’est pourquoi jusqu’à présent l’action de la Commune de Ouagadougou est
surtout basée sur la prévention en venant en aide aux personnes vulnérables.
Deux structures de la commune de Ouagadougou interviennent en faveur des enfants en situation de rue :
- la Direction du Développement Social (DDS) : elle a pour mission essentielle la conception et la mise
en œuvre de la politique municipale en matière sociale conformément aux orientations dégagées par
les politiques nationales ;
- l’Unité Femme et Mineur (UFM) : c’est une unité de la Police Municipale mise en place dans le cadre
du programme Conjoint de Renforcement de la Sécurité Urbaine (PCRSU). Elle a pour objectif
d’appuyer les femmes et les mineurs en difficulté, de contribuer à un changement de
comportements des agents de Police Municipale vis-à-vis des femmes et des mineurs.
En 2001, la DDS a élaboré un projet pilote d’insertion socioprofessionnelle des enfants en situation de rue
avec la contribution d’autres structures. Ainsi, 30 enfants ont été, au départ, admis au Centre Municipal
d’insertion socioprofessionnelle, pendant deux ans. Ce projet avait pour but de favoriser la réinsertion
familiale, de promouvoir la formation professionnelle des jeunes, de développer des activités d’information,
d’éducation et de communication dans le domaine de la vie familiale. Ce centre a permis des retours en
famille pour ceux qui le désiraient, la reprise des études pour certains, d’autres ont été placés en atelier
22
d’apprentissage en fonction du choix de métier. Une partie est également repartie dans la rue (16,67%).
Après la fermeture du centre, la commune de Ouagadougou a poursuivi ses actions en faveur des enfants en
situation de rue en les référant à d’autres structures œuvrant dans le domaine (Centre d’Education et de
Formation Spécialisée : le CEFS de Gampèla).
Au niveau de la promotion des droits de l’enfant, la commune effectue des actions de sensibilisation sur la
vulgarisation de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant et la Convention Relative aux Droits
de l’Enfan tà l’endroit des enfants et des parents.
Malgré les actions de prévention menées par la commune de Ouagadougou, le nombre d’enfants en situation
de rue s’accroît de jour en jour. Pour y remédier la commune a entrepris un processus de réflexion avec les
acteurs travaillant auprès des enfants en situation de rue tel que la CIJER (Coalition des Intervenants auprès
des Jeunes et Enfants vivant en rue) dont le Samusocial Burkina Faso est membre fondateur pour mettre en
œuvre des actions pouvant aider à solutionner le phénomène. »
Madame Denise Sanou Dakiswende, Directrice du
Développement Social à la Mairie de Ouagadougou
« Le Samusocial Burkina Faso est une ONG Burkinabé, créée en 2001 et reconnue en novembre 2002. Le
statut d’association reconnue d’utilité publique lui a été accordé en 2013.
Le dispositif professionnel et gratuit mis en place a pour vocation d’intervenir auprès des personnes en
situation de grande exclusion, vivant dans la rue ou dans des abris précaires ; de développer un réseau de
prise en charge adaptée à leurs besoins spécifiques ; de renforcer la mobilisation autour de la problématique
de l’exclusion sociale. Il se base sur les principes d’action suivants : l'urgence (pas seulement médicale, mais
médico-psycho-sociale) ; la permanence (être joignable de jour comme de nuit) ; la mobilité (aller vers les
populations exclues) ; le professionnalisme (s'appuyer sur des équipes formées à cette méthode spécifique).
Les enfants pris en charge sont des garçons âgés de 8 à 22 ans en majorité et d’origine burkinabè. Ils vivent
en groupes sur des territoires déterminés, généralement à proximité de lieux d’activités économiques
(marchés), de mendicité (lieux de prière), ou de lieux de transit (gares routières ou ferroviaires). Les
stratégies de survie des enfants et jeunes de la rue sont liées à la mendicité, aux petits métiers de rue (cireur,
laveur, porteur) et au vol (nourriture, matériel à revendre…). Depuis 2004 et au 31 décembre 2012, 3 106
enfants et jeunes distincts ont été pris en charge avec une incidence moyenne de 450 nouveaux par an.
Les équipes mobiles d’aide du Samusocial Burkina Faso effectuent des tournées de rue, chaque nuit, pour
apporter aux enfants et aux jeunes de la rue une aide médicale, psychosociale et éducative. Ces tournées
permettent notamment de détecter les enfants les plus vulnérables et de leur proposer un hébergement
temporaire, une « mise à l’abri », au Centre Renaissance.
L’intervention du Samusocial Burkina Faso se concentre, d’autre part, chaque jour sur le Centre Renaissance.
Les enfants hébergés ou suivis dans la rue ont accès à un espace d’accueil, d’hygiène et de soins, ainsi qu’à un
suivi psychosocial individuel permettant d’entamer une réflexion avec eux sur d’éventuelles solutions de
sortie de rue.
Le Centre Renaissance est un centre d’accueil de jour et d’hébergement d’urgence et temporaire, qui permet
à la fois de répondre à des situations d’urgence d’enfants en grande vulnérabilité, d’offrir un espace de repos
et de récupération, et de faciliter la réinsertion sociale d’enfants se sentant en capacité de sortir de la rue.
23
La réussite des activités repose d’une part, sur la collaboration étroite avec les partenaires institutionnels et
associatifs et le renforcement du réseau d’associations intervenant dans le domaine, d’autre part sur la
formation continue des équipes qui est assurée majoritairement par le Samusocial International, ainsi que sur
la capitalisation et l’analyse des données concernant la prise en charge des enfants et jeunes de la rue.
Le SSBF travaille en étroite collaboration avec la Direction Régionale de l’Action Sociale et de la Solidarité
Nationale du Centre (DRASSN-Centre), avec laquelle il a signé une convention de partenariat en 2004, qui
prévoit la mise à disposition du Centre Renaissance pour le Samusocial Burkina Faso pour la mise en œuvre
de ses activités.
Le Samusocial Burkina Faso intervient dans le cadre du Protocole d’Intervention en milieu ouvert adopté par
le Ministère de l’Action Sociale et de la Solidarité Nationale (MASSN), après concertation avec l’ensemble des
acteurs de terrain, parmi lesquels la Coalition des Intervenants auprès des Jeunes et Enfants vivant en Rue
(CIJER) dont le SSBF est membre actif.
Le Samusocial Burkina Faso est en relation avec le Ministère de la Justice, dans le cadre des ordonnances de
garde provisoire des enfants hébergés délivrées par le Procureur du Faso.
C’est essentiellement à travers la CIJER que le SSBF collabore avec le ministère de la Sécurité, et notamment
via la convention entre le Ministère de la Sécurité et la CIJER, datant de février 2010. L’objectif de cette
convention est « de garantir une meilleure protection et apporter l’aide nécessaire aux enfants en situation
de vulnérabilité ou victimes d’abus sexuels, de mauvais traitements physiques ou d’absence de soins
menaçant leur santé physique en assurant une concertation efficace entre les structures intervenant dans le
domaine de l’enfance en difficulté et la Police. »
Le contact est établi avec la Mairie depuis 2011 (appui à la scolarisation, accompagnement des familles en
situation de précarité). Depuis 2013, la Mairie de Ouagadougou souhaite avancer sur un projet commun
dans le cadre d’un partenariat formel. Un échange pour l’élaboration d’un plan d’action commun a été initié
en septembre 2013.
Actuellement les structures sanitaires publiques au Burkina Faso ne sont pas ou très difficilement accessibles
aux enfants et jeunes de la rue. L’impossibilité de payer les soins, l’absence d’une personne accompagnant
l’enfant, la méconnaissance de ce public par les professionnels en sont la principale raison. Quant aux
services sociaux publics, ils sont difficilement accessibles aux enfants et jeunes de la rue, faute de présence
en rue. Les structures associatives assurent toutes au moins des soins primaires, mais il existe des « gaps »
dans la prise en charge. La collaboration entre la société civile et les organismes publics est plus que jamais
une nécessité absolue. »
Professeur Bibiane Koné, Président du Samusocial
Burkina Faso.
24
Echanges et clarifications apportées au Panel 3.
Comment aller plus loin dans ce partenariat en devenir ?
Le SSBF a obtenu la reconnaissance d’utilité publique en 2013 ce qui signifie une reconnaissance de
l’expertise et du professionnalisme de la structure. Le souhait est de travailler en plus grande synergie avec
tous les acteurs de la lutte contre l’exclusion sociale à Ouagadougou, par le renforcement des capacités et
des compétences des associations membres de la CIJER et par le travail avec le Ministère pour la formation
des agents en contact avec les enfants des rues au quotidien. La première phase de travail avec la Mairie
(notamment les services du développement social et de l’éducation) est de faire connaître notre méthode
d’intervention en participant à nos maraudes.
Concernant les partenaires opérationnels, les financements viennent-ils des pouvoirs publics ou
extérieurs ?
Le financement ne vient pas des pouvoirs publics. Seuls deux petits programmes d’urgence pour deux
partenaires ont obtenu des subventions de l’État. Cela rend donc les partenaires très fragiles. En 2014, le
SSBF par exemple est la seule structure à proposer un hébergement d’urgence à Ouagadougou.
Malgré les efforts, le nombre d’enfants ne cesse de s’accroître. Quelles actions ont été entreprises ?
La Mairie n’a pas encore une action concertée formalisée avec le SSBF, elle est en phase de préparation. Il n’y
a pas de prise en charge des enfants mais la municipalité agit par le biais d’actions préventives avec des
actions de sensibilisation auprès des ménages, des prises en charge au niveau alimentaire et des soutiens
scolaires des ménages. Il n’y a pas d’actions en aval, c’est pourquoi un partenariat officiel est en train d’être
négocié.
Y-a-t-il un cadre de travail entre la Municipalité et le Ministères des Affaires Sociales ? Si oui, quel lien ?
La concertation existe, bien qu’elle soit informelle. Il n’y a pas de rencontre régulière. Dans le cadre de la
décentralisation, les compétences ont été transférées aux collectivités. La grande difficulté est le transfert
concomitant des ressources. Il existe un plaidoyer permanent auprès de l’État central. Si l’État veut que l’on
puisse prendre le relais dans la gestion de ces questions de proximité il va devoir transférer les ressources
aux collectivités.
Sur quel cadre légal ou données concrètes repose la demande de la municipalité d’un plus large transfert
de compétences et de ressources ?
C’est une démarche participative entre l’État et les acteurs locaux ; ce n’est pas un pilotage à vue. En 3 ans,
11 blocs de compétences ont été identifiés. Un document d’évaluation existe. Aujourd’hui il ne s’agit pas
d’intentions.
25
Panel 4 : Regards croisés sur l’enfance en danger dans les villes de Brazzaville, Kinshasa, Bangui et Dolisie.
« L'instabilité sociale et politique qui règne en
République Centrafricaine depuis des décennies a
totalement désorganisé la vie du pays et a provoqué
des violations massives des droits de l'Homme. Les
événements du 5 décembre 2013 (assaut sur la
capitale centrafricaine) ont conduit à la désintégration
sociale et économique de la République Centrafricaine
et ont encore aggravé la situation humanitaire, déjà
très préoccupante. Le pays s’est illustré par des
violences tribales et interreligieuses jamais connues
auparavant, faisant environ un millier de morts et plus
de 522 000 personnes déplacées qui vivent dans des
conditions indécentes et une extrême pauvreté.
Cette situation ne peut qu’accentuer le retard et le sous-développement du pays, pourtant doté d’immenses
richesses naturelles et minières. Les défis à relever sont donc énormes dans les domaines de l’enseignement,
de la santé, de l’habitat, de l’alimentation, de la protection, de la sécurité, des infrastructures diverses, de la
paix et de la réconciliation nationale.
Pleinement impliquée dans la résolution de la nouvelle crise que traverse la Centrafrique, la Communauté
Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) a déterminé le cadre général et les principes de
fonctionnement d’une période de transition afin d’aider les nouvelles autorités à gérer les pouvoirs de l’Etat,
de créer un climat de confiance et favoriser les conditions d’un dialogue serein, jusqu'à l’organisation des
élections présidentielle et législatives en février 2015.
Un plan de sortie de crise et une feuille de route ont été proposés. Un programme d’urgence a ensuite été
élaboré par le Gouvernement d’Union Nationale de Transition.
A un an de la fin de la transition, la situation politique, sécuritaire et humanitaire de la République
Centrafricaine, continue d’être préoccupante. Elle a été au centre du 6ème Sommet des Chefs d’Etat et de
Gouvernement de la CEEAC, convoqué à Ndjamena les 9 et 10 janvier 2014.
Devant le constat de l’échec de la gestion de cette transition politique en cours, le Chef de l’Etat et le Premier
Ministre de la Transition ont démissionné. Cette démission de l’Exécutif a créé un vide juridique qu’il a fallu
combler afin d’assurer la poursuite de la Transition. C’est ainsi que le Conseil National de Transition, suite aux
engagements pris à Ndjamena, a organisé des élections libres et transparentes. Sur les 8 candidats qui se sont
« La Mairie de Bangui se sent interpellée face à la
situation des enfants de la rue. Cependant, elle n’est
pas en mesure d’assumer pleinement sa mission de
service public d’intérêt général et de répondre aux
attentes des populations de la commune. »
Madame Madeleine Zana Yassepou,
Adjointe au Maire de la ville de Bangui
26
présentés, Madame Catherine Samba-Panza, qui était la Présidente de la Délégation Spéciale de la Ville de
Bangui, a été élue Chef de l’Etat de la Transition le 20 janvier 2014. Elle a nommé un Premier Ministre qui a
constitué le nouveau gouvernement de transition.
L’histoire de la RCA, marquée par des violences politiques depuis de nombreuses années, a induit un état de
vulnérabilité chronique et une insécurité généralisée empêchant ainsi les populations de continuer leurs
activités lucratives, d’où une extrême pauvreté. C’est ainsi que les familles sont dans l’incapacité de satisfaire
les besoins essentiels de leurs enfants. Ces derniers s’en vont alors grossir les rangs des enfants de la rue. Ces
questions de pauvreté ne sont pas à négliger, cependant les causes socio psychologiques comme la
maltraitance et l’absence de communication avec les parents constituent en réalité le socle sur lequel
reposent les principales causes.
Les dernières crises ont provoqué un déplacement massif des populations et à Bangui, 65 sites de réfugiés
ont été recensés, où les populations vivent dans de très mauvaises conditions sanitaires. Les enfants n’ont
pas été épargnés par cette crise, leur situation humanitaire restant lamentable malgré l’assistance de
certaines structures humanitaires.
Aujourd’hui en Centrafrique, on dénombre près de 3 600 enfants soldats enrôlés dans des forces et groupes
armés, y compris des groupes d’autodéfense, ce qui constitue une violation grave des droits de l’enfant. Ils
sont également de plus en plus la cible de représailles. Le gouvernement, avec l’aide de partenaires, a lancé
un programme visant le retrait des enfants associés aux forces de la Séléka ; 150 enfants dont 16 filles ont
donc été retirés de ces forces armées et suivent un programme de réinsertion à travers la formation
professionnelle. Malheureusement, ce programme a été suspendu avec les derniers évènements.
A l’heure actuelle, la ville de Bangui compterait jusqu’à 10 000 enfants vivant dans la rue, directement et
indirectement. L’ampleur du phénomène des enfants de la rue a pris des proportions inquiétantes avec ces
dernières crises militaro politiques. L’intervalle d’âge le plus concerné est la tranche de 10 à 14 ans (54%). On
note également une augmentation du nombre d’enfants âgés de moins de 7 ans. Seulement 4,6% des enfants
ont franchi le cap du primaire ; 35% vivent et dorment dans la rue contre 65% qui vivent de la rue.
Les enfants de la rue se débrouillent pour se procurer le minimum vital. Si les garçons se livrent à de petites
ventes, vol à la tire et pickpocket, les filles s’adonnent à la prostitution. Ces enfants subissent des violences,
des rackets et des privations de plusieurs sources notamment des autres enfants, des services publics ou de
l’armée. Sans repère fixe, ils dorment à la belle étoile et changent constamment de lieux afin d’échapper aux
agresseurs de nuit. Ces enfants sont également victimes d’exploitation sexuelle. Ces souffrances sont parfois
la seule chose qu’ils connaissent, et ils se créent donc une société à eux, avec leurs habitudes, leurs codes,
leurs fréquentations, leurs amitiés et leurs amours. Ils sont en marge de la société et ils sont stigmatisés par
le reste de la population. A force d’être sujets aux violences, les enfants de la rue deviennent très méfiants.
Avec ces crises à répétition, les enfants, qu’ils soient dans les sites de réfugiés ou dans les rues, sont
également exposés à diverses maladies telles que le choléra, la diarrhée et d’autres épidémies. L’absence
d’hygiène, le manque d’eau potable, la malnutrition renforcent les maladies et augmentent l’ampleur du
problème. Une campagne de vaccination a été lancée pour 68 000 enfants dans 5 sites de réfugiés de la ville
de Bangui afin de prévenir tout risque d’épidémie. Cependant, les enfants de la rue qui n’ont pas regagné les
sites de réfugiés n’ont pas été pris en compte.
Avec la paralysie de l’administration lors des dernières crises, ce sont les agences du système des Nations
Unies, les ONG internationales et nationales qui ont apporté les premiers secours, particulièrement sur les
sites de réfugiés. Les enfants demeurant dans la rue n’ont donc pas bénéficié de cet appui.
27
La Mairie de Bangui est consciente que les besoins en termes de protection de l’enfance sont énormes. Une
cellule de crise a été mise en place avec entre autres la responsabilité de mettre en œuvre les activités post
crise initiées par la Mairie de Bangui. Cette dernière se sent interpellée face à la situation des enfants de la
rue. Cependant, elle n’est pas en mesure d’assumer pleinement sa mission de service public d’intérêt général
et de répondre aux attentes des populations de la commune, ayant fait l’objet de pillages, elle est affectée
sur le plan financier et matériel.
Avec l’insécurité, les revenus de la Mairie se sont amenuisés, les contribuables ne payent plus les taxes qui
permettent à la Mairie d’honorer ses engagements.
La situation bien que complexe requiert des mesures urgentes et coordonnées avec l’implication
consensuelle et harmonisée de tous les acteurs qui doivent se pencher sur :
- L’ampleur de la problématique des enfants en rupture familiale ;
- Les ressources, les capacités disponibles et/ou à mobiliser ainsi que les besoins en renforcement des
capacités ;
- Les orientations stratégiques d’opérations, les lignes directrices pour la prévention et réponse en
faveur des enfants en rupture familiale ;
- Les mécanismes de coordination de suivi et d’évaluation des intervenants en RCA et ceci dans le
cadre d’un contrat de partenariat ;
- De nouveaux partenariats.
Face à la situation que traverse la mairie de Bangui, je sollicite très vivement l’appui de l’AIMF, du Samusocial,
de l’Union Européenne et tous les partenaires de bonne volonté afin de nous appuyer pour limiter l’état de
vulnérabilité et de danger dans lequel se trouvent plongés les enfants vivant en situation de rue à Bangui. »
Madame Madeleine Zana Yassepou, Adjointe au Maire
de la ville de Bangui
« Kinshasa est une ville-province composée de 24 communes, dirigées chacune par un Bourgmestre (c'est-à-
dire un Maire d’arrondissement) composées de 359 quartiers. Les 5 communes les plus vastes demeurent
surpeuplées, elles sont ce que l’on appelle urbano-rurales.
Kinshasa est une ville cosmopolite avec 450 tribus autochtones et étrangères et représente l’épicentre
politique, social, culturel et religieux du pays. Sa superficie est de 9 964 km2 pour une densité de 802
habitants au km2.
Après l’indépendance, il y a eu une forte poussée démographique du fait d’une croissance régulière de 3,8%
ainsi que de l’exode rural et des conflits armés. À ce jour, on estime la population de Kinshasa à 8 millions
d’habitants. C’est également une mégapole avec de nombreux problèmes dont le nombre croissant d’enfants
des rues.
Les enfants de la rue de Kinshasa possèdent une dénomination propre : les « SHÉGUÉS » ou « PHASEURS ».
Diverses études ont établi 3 catégories :
- Les enfants DE la rue (ceux qui vivent dans la rue, ne répondent de personne et sont organisés en
bande avec un chef « d’écurie »)
- Les enfants DANS la rue (ceux qui travaillent dans la rue mais qui ont une famille, un domicile avec
des parents connus auxquels ils rendent compte de leurs activités)
28
- Les enfants À la rue (ceux qui par révolte, rébellion ou frustration, vont chercher refuge dans la rue
avec possibilité de s’y installer)
Ils survivent grâce à diverses activités comme la mendicité, la vente à la sauvette, les vols, etc. Ils
développent un instinct de conservation naturelle qui s’exprime par la violence devenue leur dénominateur
commun (« struggle for life »).
On peut dénombrer plusieurs causes principales de l’expansion du phénomène à Kinshasa :
- les guerres cycliques, la misère et les maladies endémiques qui ont jeté dans la rue un bon nombre
d’orphelins
- L’exode rural et la dégradation de la situation socio-économique ayant entraîné la dislocation des
familles
- Le phénomène s’est amplifié dans les années 80-90 avec la vague d’exorcisme de pasteurs sur les
enfants dits sorciers : beaucoup d’enfants se sont donc retrouvés dans la rue.
Il existe des fondements juridiques de la lutte contre l’exclusion sociale notamment avec la Loi nº09/001 du
10 janvier 2009 portant protection de l’enfant :
- l’article 62 donne la définition des enfants considérés comme en situation difficile (enfant rejeté,
abandonné, mendiant, vagabond, maltraité, toxicomane, etc.) et énonce qu’ils doivent bénéficier
d’une protection spéciale,
- Les articles 63 et 64 définissent la protection spéciale de ces enfants selon deux approches :
o à travers les mécanismes de l’État (placement social et prise en charge appropriée en vue de
leur rééducation et réinsertion sociale)
o à travers les partenaires privés
Les organes de protection sociale de l’État sont le corps des assistants sociaux, les organismes et institutions
agréées de la société civile du secteur de l’enfant, le parlement, les comités des enfants ainsi que les
tribunaux pour enfants. Le juge pour enfant a plusieurs solutions pour traiter le problème ; il peut :
- réprimander l’enfant et le rendre à ses parents,
- le confier à une famille d’accueil ou à une institution privée agréée à caractère sociale,
- le placer dans un centre médical ou médico-éducatif approprié,
- le mettre dans un établissement de garde et d’éducation de l’État jusqu’à ce qu’il atteigne sa
majorité.
Les enfants en rupture familiale ont souvent été internés dans des centres de rééducation et de formation
professionnelle comme le Centre de Madimba.
Il existe des stratégies de développement planifiées par l’Exécutif Provincial en synergie avec la société civile
comme des protocoles d’accords entre le Gouvernement Provincial de Kinshasa, le Service National et
l’Institut National de Préparation Professionnelle (INPP). Le manque de moyens financiers ne permet pas de
soutenir des actions pérennes et de grande ampleur. Pour ce qui est de la société civile, le REEJER (Réseau
des Educateurs des Enfants et Jeunes de la Rue) est une plateforme qui travaille en synergie avec l’Exécutif
Provincial. Elle a développé d’autres stratégies basées sur l’IDMRS (Identification de l’enfant, Documentation,
Médiation avec sa famille, Réunification ou Réinsertion socioprofessionnelle, Suivi ou Sevrage de l’enfant).
Cette stratégie est basée sur la prévention de ce phénomène en amont (sensibilisation sur les lois et
mécanismes communautaires sur la protection de l’enfant et la protection de l’enfant en rupture familiale).
Plus d’une centaine d’ONG et d’associations sans but lucratif (ASBL) nationales sont membres de ce réseau
(on y associe également des Églises de Réveil).
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En 2006, on dénombrait 9900 enfants de la rue dont la majorité était des garçons. En 2012, ils sont désormais
10 903 dont 44% de filles. La natalité s’élève à 61 bébés par mois avec un taux de mortalité infantile ? de 81%
dû au manque de prise en charge (notamment à cause de l’arrêt de financement de certains partenaires).
L’Exécutif doit renforcer les mécanismes de prévention et de prise en charge des enfants de la rue. Cela passe
par la mise en place d’une politique globale sur les thèmes suivants :
- la stabilité de la famille, succession : actualisation du code de la famille,
- l’amélioration des conditions de vie et de travail de la population,
- les restaurations des infrastructures de base,
- la réhabilitation des centres de rééducation,
- la promotion des formations professionnelles,
- des sanctions contre les violences faites à la femme, l’abandon des enfants, mendicité, drogue,
- la création d’emplois,
- l’accès aux besoins sociaux de base : santé, éducation, civisme et citoyenneté, logement, eau et
électricité. »
Monsieur Akouwéti Emmanuel Kipoi, Représentant du
Gouverneur de la Province de Kinshasa et Ministre
Provincial des Affaires Intérieures, Sécurité et
Décentralisation
« La vulnérabilité est un état global de fragilité qui peut frapper, selon les circonstances, des individus et des
groupes sociaux divers : jeunes, vieux, femmes, enfants, personnes handicapées, minorités nationales,
chômeurs, malades du SIDA, sans domicile fixe etc. Les enfants sont également concernés du fait de leur état
de citoyens en devenir. C’est pourquoi ils doivent bénéficier d’une attention spéciale. Malheureusement,
plusieurs d’entre eux, à cause de circonstances particulières, basculent dans une fragilité qui va jusqu’à
compromettre dangereusement leur vie, leur survie et leur épanouissement. Les enfants de la rue
constituent, sans doute, une catégorie importante des enfants vulnérables. Ils se développent dans des
conditions très précaires, la rue leur donne une illusion de liberté et d’évasion et les expose
malheureusement à différentes formes de violences. C’est la responsabilité des pouvoirs publics que de
relever les défis que pose ce phénomène.
Le phénomène des enfants de la rue est apparu dans les années 80, lorsque les agglomérations africaines ont
commencé à fortement s’urbaniser. Au Congo, il est devenu tangible à la suite des deux guerres civiles
successives qui ont sévi au cours des années 90. En vue d’endiguer sa progression, des organisations de la
société civile ont initié des programmes de prise en charge de ces jeunes en situation de rupture familiale et
sociale. Depuis, le phénomène a connu une relative évolution car plusieurs acteurs de la société civile
affirment qu’il est en nette régression. En effet, force est de constater, de façon empirique, que les enfants
de la rue sont moins perceptibles aujourd’hui dans les rues de Brazzaville qu’au sortir de la guerre de 1997.
Sur le plan juridique, des réformes et des avancées importantes ont été réalisées, notamment avec
l’adoption de la loi portant protection de l’enfant. Toutefois, de nombreuses failles persistent et le processus
d’harmonisation des lois congolaises avec la norme internationale est loin d’être achevé. De plus, les décrets
d’application des nouvelles lois font souvent défaut ; les textes sont insuffisamment vulgarisés et mis en
œuvre. De manière précise, le cadre juridique réglementaire régissant le traitement des enfants est fondé sur
la Loi N°04-2010 du 14 juin 2010 portant protection de l’enfant en République du Congo qui reprécise les
droits dévolus aux enfants. Celle-ci est complétée par le Décret N°2011-341 du 12 mai 2011 fixant les
30
conditions et les modalités de création et d’ouverture des structures privées d’accueil et d’hébergement des
enfants ainsi que l’Arrêté N°2252/MASAHS/CAB fixant les normes techniques d’installations, d’organisation
et de fonctionnement des structures d’accueil et d’hébergement des enfants. Au niveau local, la loi N°10-
2003 du 6 février 2003 portant sur le transfert des compétences aux collectivités locales, confère à ces
dernières la compétence de disposer de centres de prise en charge des enfants vulnérables.
A Brazzaville, le Ministère des Affaires Sociales a créé le Centre d’Insertion et de Réinsertion des Enfants
Vulnérables (CIREV) qui est un centre d’hébergement qui dépend de la Direction Générale des Affaires
Sociales et de la Famille (DGASF). Ce centre accueille des enfants en situation de rupture familiale. Doté
d’une équipe composée d’un éducateur, d’une assistante sociale et de bénévoles (alphabétiseurs,
animateurs), il place les jeunes en formation professionnelle et propose des activités socioculturelles. Au-delà
du CIREV, le Ministère travaille également en étroite collaboration avec le Centre d’écoute des mineurs «
Espace Jarrot » qui est l’un des centres les plus représentatifs du secteur privé. Celui-ci a été créé par
l’Association des Spiritains au Congo (A.S.P.C), et mène depuis 1997 une action d’accueil, d’éducation et de
formation des enfants et adolescents de la rue, en vue de leur réinsertion socioprofessionnelle. En 2009,
l’UNICEF a publié une étude sur la cartographie des acteurs travaillant dans le domaine de la prise en charge
des enfants de la rue. Selon un rapport du Ministère des Affaires Sociales réalisé en 2010, il existerait 136
structures destinées aux enfants vulnérables. La même année, le Ministère des Affaires Sociales et l‘UNICEF
ont adopté un plan d’action en faveur des enfants de la rue et ont mis en place un place un cadre d’échange
et de collaboration entre l’Etat et la société civile appelé « Plateforme de concertation nationale des acteurs
étatiques et non étatiques dans les domaines de la prévention, réinsertion et prise en charge des enfants en
situation de rue ». Cette structure ne fonctionne malheureusement plus depuis 2012. Le constat qui découle
de ce qui précède, est que les actions menées en faveur des enfants de la rue à Brazzaville sont le résultat
d’une synergie entre l’Etat et les organisations de la société civile membres du Réseau des Intervenants sur le
Phénomène des Enfant en Rupture (REIPER).
La commune de Brazzaville, par le biais de la Clinique Albert Leyono, est ouverte à une prise en charge
sanitaire des enfants vulnérables. Nous envisageons par ailleurs la reconversion et la formation d’une partie
du personnel à l’action sociale. Compte tenu du niveau d’implication de la société civile dans la résolution de
ce problème, il nous semble également indispensable d’envisager des partenariats.
Aujourd’hui, le contexte politique, économique et social semble favorable à l’édification d’un environnement
de protection pour les enfants. Comme le souligne un récent état des lieux de l’action sociale, de grandes
intentions d’extension de la protection sociale à l’ensemble de la population ont été exprimées dans les
principaux documents d’encadrement des politiques de développement, comme le Chemin d’avenir et le
Document de Stratégie pour la Croissance, l’Emploi et la Réduction de la Pauvreté 2012-2016 (DSCERP). De
plus, une série de plans d’actions nationaux et de cadres stratégiques ont été élaborés notamment pour les
enfants.
La protection de l’enfance est du ressort du Ministère des Affaires Sociales, de l’Action Humanitaire et de la
Solidarité (MASAHS). Cette institution dispose d’un réseau dense de structures de proximité et d’un
personnel relativement nombreux. En revanche, de grandes faiblesses en capacité existent sur le plan de la
qualification du personnel, des ressources financières, des équipements, des outils, de la gestion de
l’information et du suivi-évaluation. En 2003, une étude phare avait été menée par l’ONG américaine
International Rescue Committee (IRC), avec le concours de l’UNICEF et de plusieurs ONG congolaises auprès
de 733 enfants de la rue, à Pointe-Noire et Brazzaville. Ces résultats ont eu un grand retentissement car cette
étude a mis à jour l’évolution croissante du phénomène des enfants de la rue (EDR). Elle a entre autres, mis
en évidence les caractéristiques relatives au profil des enfants de la rue. Il en ressort que 95% des EDR sont
31
des garçons et 5% sont des filles. Ce travail montrait, par ailleurs que 49,1% des enfants seraient originaires
de Kinshasa et 44,8% de Brazzaville. Ce rapport de l’IRC a mis en exergue les nombreux facteurs à l’origine de
ce phénomène, parmi lesquels :
- les pratiques éducatives défaillantes (baisse de l’autorité parentale),
- maltraitance,
- la carence affective et l’absence de modèles,
- la fragilité et l’instabilité des unions,
- les conflits ouverts et permanents entre parents et entre parents et enfants,
- le rejet et la stigmatisation (orphelin, enfant porte-malheur, enfant sorcier…),
- les facteurs économiques (précarité de la vie),
- les facteurs culturels (exode rural).
Pour améliorer la situation générale des enfants vulnérables, il est nécessaire de :
- mettre en place un cadre de concertation, de communication, de diffusion et de vulgarisation des
instruments nationaux et internationaux de protection de l’enfance,
- assurer la coordination et l’évaluation des actions et mobilisation des ressources en faveur des
enfants,
- renforcer la collaboration entre la police (commissariat central et de quartier) et la justice (Juge pour
enfants, maison d’arrêt) et le MASAHS,
- mettre en place un système d’alerte rapide ainsi qu’un observatoire de l’enfance en danger,
- accroître qualitativement et quantitativement la participation de la société civile,
- inclure les questions sociales, en particulier celles de l’enfance, dans les programmes des collectivités
décentralisées,
- mettre en place une allocation familiale universelle pour les enfants,
- assurer les soins de santé gratuits à tous les enfants vulnérables,
- rendre effective la gratuité de l’enseignement primaire,
- mettre en place une banque de données sur les enfants de la rue. »
Monsieur Franck Aïssa, représentant du Maire de Brazzaville
« Dolisie se situe à 150 km de Pointe-Noire et 350 km de Brazzaville. C’est la 3ème ville du pays et elle
compte moins de 100 000 habitants, deux grands arrondissements et 28 quartiers. La ville de Dolisie ne
connaît pas encore le phénomène des enfants des rues. Suite aux difficultés sociopolitiques entre 1998 et
1999, le potentiel économique de la ville fut détruit : la ville connut des situations de précarité avec des
familles et enfants sans toit. A partir des années 2000, le développement économique de la ville a repris : en
2006, la municipalisation s’est accélérée et des investissements importants (réparation des routes, bâtiments,
etc.) ont été effectués, ce qui a créé du travail pour les jeunes démunis. Les enfants ont été repris sous la
coupe de leurs parents qui sont de retour. Mais il existe une délinquance qui se traduit par l’abandon de
bébés non assumés/sans identité, par les filles mineures. Cela pose problème car il faut trouver des familles
d’accueil. Il y a un besoin de sensibilisation et de pôles d’accueil.
Avec le développement du transport multimodal (la route comme facteur de liberté), nous craignons que ce
phénomène sous régional des enfants des rues arrive à Dolisie. Nous avons donc besoin de faire un travail de
prévention et de prévoir des sites. ».
Monsieur Adam De Paul Dibouilou, Maire de Dolisie
32
Clarifications sur le Panel 4
Quels liens entre les problématiques des enfants vulnérables?
Le Congo-Brazzaville a connu cette même situation des enfants soldats. Quand la paix reviendra nous
parlerons des séquelles qu’il faudra soigner : il n’y a pas d’action isolée qui peut venir à bout de cela, il faut
un plan d’action. En République du Congo, après la guerre, les enfants soldats n’ont pas forcément touché à
une arme mais ils ont été sous une forte influence de l’adulte. Ils ont été « installés » dans le milieu rural
(dans 4 départements) auprès des agriculteurs et confessions religieuses pour apprendre un métier. Ils sont
aujourd’hui des jeunes adultes, possèdent des fermes, des coopératives.
Il y a un effet de vases communicants entre les problèmes relatifs aux enfants de la rue de Kinshasa et de
République du Congo (RDC). Une fois la paix revenue, une partie des enfants en provenance de RDC est
repartie dans leur famille.
Il existe par ailleurs d’autres phénomènes : les enfants handicapés qui poussent des tricycles, ceux-ci arrivent
à Brazzaville et ne repartent plus. Les jeunes filles de la rue à Brazzaville viennent de Kinshasa et se
prostituent.
Les deux États peuvent convenir à des Conventions (comme cela a été fait avec le Bénin) pour la lutte contre
le phénomène des enfants de la rue et de la maltraitance.
La République Centrafricaine ne pourrait-elle pas utiliser ses propres richesses dans une telle situation ? Au
niveau municipal, quelles stratégies sont élaborées par la Mairie ? Quelles sont les actions prioritaires ?
La République Centrafricaine est un pays riche, mais qui ne peut exploiter ses richesses à cause des coups
d’Etat à répétition et des rébellions.
Les enfants de la rue sont pris en compte par le Ministère des Affaires Sociales avec le soutien de l’UNICEF et
des ONG. Actuellement, il n’y a pas de loi et pas de justice, le pays est « dans le coma ». Ce que nous
apprenons ici nous permettra au niveau de la Mairie d’organiser notre plan d’action en prenant en compte ce
volet. A notre retour, nous convoquerons un conseil municipal extraordinaire et nous verrons dans quelle
mesure nous pourrons insérer le volet de la prise en charge des enfants des rues à notre budget.
33
Panel 5 : Contours d’un partenariat institutionnel entre une municipalité et un Samusocial : exemple de Pointe-Noire
« Lorsque je retrace l’itinéraire de la
collaboration entre le Samusocial et la
Municipalité de Pointe-Noire, je
m’aperçois bien qu’une relation de
confiance et d’amitié s’est nouée entre
Monsieur le Maire et moi-même. En
2005, la décision d’appliquer les
méthodes du Samusocial (qui existait
déjà dans d’autres pays africains) à
Pointe-Noire a été prise. Il a fallu un an
pour préparer la faisabilité de l’action.
L’initiative vient d’une décision
politique d’un Maire. C’est la même
configuration que lors de la création du
Samusocial de Paris : c’est Jacques Chirac, le Maire de Paris à l’époque qui avait porté cette idée auprès de
l’administration. En 2006, le Samusocial est donc créé à Pointe-Noire et a pu continuer jusqu’à aujourd’hui
car il est légitimé par l’action, avec sa doctrine, ses procédures et ses professionnels. « Nous avions cet outil
de référence et le soutien des politiques locales et nationales qui nous regardaient évoluer ». Les enfants en
situation de rue ont de 4 à 25 ans.
Le Centre d’Hébergement de Pointe-Noire avec les soins infirmiers est une grande réussite. Après les soins,
on constate, on donne, on peut mettre en réseau. Le Samusocial est une méthode qui existe parce qu’il existe
dans le pays des structures, des projets, des pistes à suivre. Il faut mettre en relation ces structures que le
pays a construites.
La présence du Samusocial a fait évoluer la législation du pays, les partenariats (le réseau) avec les
associations, les hôpitaux, la justice, les tribunaux, les plateformes de concertation comme le REIPER (sur le
phénomène des enfants en rupture) en réseau avec le pouvoir public pour harmoniser.
Avec les enfants, tous les espoirs sont permis : leur psychisme n’est jamais figé, il faut savoir le prendre ! On
note un progrès qui s’inscrit dans le paysage du pays. C’est la politique qui s’est emparée de la méthode et
qui l’a rendue légitime. Nous pourrions montrer cette méthode à toutes les villes d’Afrique mais elle pourrait
s’appliquer dans toutes les grandes villes du monde. C’est une expérience réussie ! »
Docteur Xavier Emmanuelli, Président du Samusocial
International
« Ici, à Pointe-Noire, c’est le Politique qui s’est emparé
de la méthode Samusocial et qui l’a rendu légitime. »
Dr. Xavier Emmanuelli,
Président du Samusocial International
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« Le département de Pointe-Noire est limité au Nord et à l’Est par le District de Hinda, au Sud par l’enclave du
Cabinda, à l’Ouest par l’Océan Atlantique. Sa superficie est de 400 Km² environ et sa population dépasse le
million d’habitant. La ville est répartie en 6 arrondissements et un district administratif. Au niveau de la santé
à Pointe-Noire, le secteur sanitaire est constitué de : deux hôpitaux généraux (Loandjili et Adolphe Sicé), deux
hôpitaux de base (hôpital des armées et hôpital de Tié-Tié), de trente-quatre centres de santé intégrés, de
centres spécialisés (santé scolaire, VIH-SIDA, tuberculose, transfusion sanguine etc.) et de centres médicaux
privés.
On note différents exemples de collaboration entre le secteur public et le secteur privé à Pointe-Noire :
- L’appui au Système de Santé (PASCOB) de l’Union Européenne
- La construction d’infrastructures, d’équipements et d’intrants par : ENI Congo, Total E&P Congo,
Chevron, Air liquide, UNICEF, Congo Terminal.
- La lutte contre les épidémies et les catastrophes par : ENI Congo, Total E&P, l’UNICEF, l’OMS, FNUAP,
MSF, la Croix Rouge, ARIPS, ACSPC, la Préfecture, le Conseil Départemental et Municipal.
- La lutte contre le VIH/SIDA : la Croix Rouge Française, l’université de Gênes.
- La lutte contre le paludisme : le Fonds Mondial à travers les activités de prise en charge et de
prévention (distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticides, etc.).
- L’appui à la mise en œuvre du PNDS : la Banque Mondiale/IDA.
Le SSPN est une association de droit congolais créée en 2006, qui adhère à la Charte, au Cahier des charges,
et au code déontologique professionnel du Samusocial International. Sa mission : la lutte contre l’exclusion
sociale des enfants et jeunes de la rue et d’une manière générale de toute personne exclue des mécanismes
de prise en charge traditionnels. Le Samusocial Pointe-Noire est une structure professionnelle et
pluridisciplinaire qui emploie 30 professionnels de la santé, de la psychologie, du social et de l’administration.
Un véhicule parcourt la ville 6 nuits sur 7. Un Centre d’Hébergement d’Urgence accueille et soigne tous les
jours de l’année et 24h/24 les enfants orientés.
Entre avril 2006 et décembre 2012, le Samusocial Pointe-Noire a identifié plus de 1500 enfants en situation
de rue, a réalisé plus de 2000 tournées de rue et a effectué quelques 20 000 prises en charge individuelles
(soins médicaux, psychologiques, entretiens et orientations).
Les enfants et jeunes rencontrés par le SSPN sont essentiellement des garçons (98,1%). La tranche d’âge
majoritairement rencontrée par le Samusocial est celle des 13-18 ans. Une large majorité des enfants
rencontrés par le Samusocial Pointe-Noire est de nationalité congolaise (RC) : 74,77%. En ce qui concerne les
autres, ils proviennent généralement de République Démocratique du Congo.
En 2013, les équipes mobiles d’Aide (EMA) ont pris en charge 463 enfants différents, ont réalisé 171
entretiens psychologiques, 878 interventions sociales, 1077 soins médicaux. Le CHUSIP a également été
rénové. Deux cadres de concertation « accès aux soins des enfants des rues » ont eu lieu. Des séances de
sensibilisation, de formation chez les partenaires, dans les commissariats et les hôpitaux ont été organisées
et des permanences médicales hebdomadaires chez les partenaires et à la maison d’arrêt ont eu lieu.
Les perspectives pour 2014 sont de renforcer les partenariats pour élargir l’offre proposé aux enfants,
d’intervenir à l’école nationale des travailleurs sociaux, de présenter à la Recherche Universitaire les résultats
de la thèse qu’a réalisé notre psychologue sur ce phénomène et continuer les sensibilisations et formations
auprès les hôpitaux, partenaires, commissariats etc. »
Monsieur Roland Bouiti Viaudo, Maire de Pointe-Noire
et Président du Samusocial Pointe-Noire
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Débat Général : Les enjeux d’une politique de la ville dans la lutte contre l’exclusion sociale.
Les délégations municipales de Dakar, Bamako, Ouagadougou, Bangui, Brazzaville, Kinshasa, Pointe-Noire et
Dolisie, réunies les 30 et 31 janvier 2014 pour le séminaire « Agir contre l’exclusion sociale en milieu urbain »
expriment leurs préoccupations partagées et leur engagement pour améliorer la prise en charge des enfants
et des jeunes de la rue.
Considérant l’explosion démographique des métropoles africaines et les effets non souhaités du développement mal maitrisé des villes,
Conscients de la précarisation des couches les plus fragiles des populations et de la vulnérabilité toute particulière des enfants et des jeunes de la rue,
Mobilisés pour que cette génération oubliée, souvent stigmatisée, retrouve ses droits, sa citoyenneté, sa dignité et pour que l’avenir de ces cités ouest et centre-africaines ne se construise pas sans eux,
Reconnaissant à l’égard de la société civile, des associations de lutte contre l’exclusion sociale et des réseaux engagés pour que tout un chacun puisse accéder à la santé, l’éducation, à un habitat salubre, et au travail décent,
Ces huit (8) métropoles encouragent l’initiative de concertation prise par le Samusocial International et la
Mairie de Pointe-Noire et font part des recommandations principales issues du séminaire inter-
municipalités :
1. Clarifier le cadre, améliorer la répartition des rôles et amplifier le transfert des compétences dans le
cadre des processus de décentralisation en cours dans nos pays respectifs ;
2. Valoriser l’autonomie et l’initiative municipale tout en renforçant les compétences et capacités de la
ville en matière d’exclusion sociale ;
3. Renforcer les interactions et la coordination entre le secteur public/privé et s’assurer que les
municipalités, les collectivités locales et les gouvernements apportent une assistance (financements,
formations, mises à disposition de matériels ou de ressources humaines, reconnaissances d’utilité
publique) au secteur associatif et ses réseaux ;
4. Accompagner les villes pour créer des outils innovants qui génèrent de nouveaux services
générateurs d’emplois, notamment par l’économie sociale et solidaire ;
5. Faire évoluer les pratiques des responsables des services publics et professionnaliser les acteurs de la
prise en charge des enfants et des jeunes de la rue ;
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6. Dupliquer et démultiplier les expériences réussies de délégation de missions de service public aux
acteurs de la société civile ;
7. Anticiper la réflexion pour la prise en charge des jeunes adultes (plus de 18 ans) ainsi que d’autres
publics victimes d’exclusion sociale, notamment les personnes âgées ;
8. Favoriser les échanges d’expertises internationales, garants du transfert des savoirs, des savoir-faire
extérieurs au-delà du continent africain, au-delà du cercle socioculturel francophone, notamment
sur les thématiques suivantes : les cadres de concertation, l’approche médico-psychosociale des
grands exclus ;
9. Favoriser le lien entre la prise en charge immédiate des urgences sociales et l’insertion / réinsertion,
pérenniser les actions entreprises par la société civile et faire participer les publics cibles aux
programmes et initiatives qui leurs sont destinés.
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Les partenariats
L'Association Internationale des Maires Francophones (AIMF) est le réseau
des collectivités locales francophones et de leurs associations, qui se
retrouvent autour de valeurs communes. Elle concourt à une meilleure
gestion des collectivités, favorise les échanges d'expériences, mobilise l'expertise territoriale francophone et
finance des projets de développement. Dans le cadre de ce séminaire, l’AIMF représente une interface de
communication entre les acteurs publics et privés autour de cette réflexion sur l’exclusion sociale dans le
milieu urbain.
Etablissement public au cœur du dispositif français de coopération, l’Agence Française de
Développement (AFD) agit depuis soixante-dix ans pour lutter contre la pauvreté et favoriser le
développement dans les pays du Sud et dans l'Outre-mer. Au moyen de subventions, de prêts, de
fonds de garantie ou de contrats de désendettement et de développement, elle finance des
projets, des programmes et des études et accompagne ses partenaires du Sud dans le renforcement de leurs
capacités. La Coopération Française soutient le développement des Samusociaux à l’international. L’AFD
soutient plus particulièrement la dynamique inter-pays et le développement de partenariats avec les
municipalités.
La Direction de la Coopération Internationale de Monaco est chargée de mettre en œuvre la
politique du Gouvernement Princier de coopération, adoptée en 2008 et approuvée par le
prince Albert II de Monaco. En lien avec la « déclaration du millénaire » de l’Assemblée des
Nations Unies, invitant à établir des partenariats public-privé, une commission a été créée en
septembre 2008 réunissant la Direction de la Coopération Internationale et la Chambre de
Développement économique de Monaco. La Coopération Monégasque a soutenu dans le
passé les projets des Samusociaux notamment au Burkina Faso, et prochainement au Mali.
La nouvelle direction générale (DG) du développement et coopération – EuropeAid est chargée
d'élaborer les politiques européennes en matière de développement et de fournir l'aide de
l'Union Européenne (UE) dans le monde par l'intermédiaire de projets et de programmes. Elle
réunit deux anciennes directions générales: la DG Développement et la DG EuropeAidL’UE
soutient plusieurs projets des Samusociaux dans le monde notamment à travers la promotion des acteurs
non étatiques et du renforcement les capacités des organisations locales dans les pays en voie de
développement.
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Planning
Jeudi 30 janvier 2013
08h30 – 09h00 Accueil des participants
09h00 – 09h15 Mot de bienvenue
Mot d’ouverture
09h15 – 09h45 L’interaction développement urbain / exclusion sociale dans le monde et les enjeux d’une
politique de la ville dans la lutte contre l’exclusion sociale
09h45 – 10h30 Cocktail de bienvenue & conférence de presse
10h30 – 11h45 Panel 1 : Une action concertée et coordonnée pour améliorer la prise en charge des enfants et
jeunes de la rue dans la ville de Bamako
11h45 – 13h00 Panel 2 : Stratégie et Plan d’action de la lutte contre l’exclusion sociale à Dakar
13h00 – 14h30 Pause Déjeuner
14h30 – 16h00 Panel 3 : De l’action sociale auprès des familles aux nouveaux défis de la grande exclusion à
Ouagadougou
16h00 – 17h00 Transport + Visite du Centre d’Hébergement d’Urgence du Samusocial Pointe-Noire
Vendredi 31 janvier 2013
08h30 – 09h00 Accueil des participants
09h00 – 09h15 Synthèse de la première journée et lancement de la seconde journée
09h15 – 09h45 Panel 4 : Regard croisé sur l’enfance en danger dans les villes de Brazzaville, Kinshasa, Bangui
et Dolisie
09h45 – 11h15 Panel 5 : Contours d’un partenariat institutionnel entre une municipalité et un Samusocial :
exemple de Pointe-Noire
11h15 –12h45 Débat général : les enjeux d’une politique de la ville dans la lutte contre l’exclusion sociale
12h45 – 13h00 Conclusions
13h00 – 15h00 Déjeuner
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Les intervenants
Mme Emilienne Raoul Ministre des Affaires Sociales, de l’Action Humanitaire et de la Solidarité de
la République du Congo.
M. Raymond Mboulou Ministre de l’Intérieur de la Décentralisation de la République du Congo
M. Anatole Collinet Ministre de la Jeunesse de la République du Congo
Dr. Xavier Emmanuelli Président fondateur du Samusocial International
M. Alexandre Honoré PAKA Préfet de Pointe-Noire
M. Alou Coulibaly Directeur du Samusocial Mali.
M. Hady Mody Sall Deuxième adjoint au Maire de la ville de Bamako.
M. Diarra Bassy Chargé du développement urbain à la Mairie de Bamako, membre du
Conseil d’Administration du Samusocial Mali.
Mme DienabaLy Sonko Directrice de la Division du Développement Social et des Services aux
personnes de la Mairie de Dakar
Mme Mariétou Diongue Diop Présidente du Samusocial Sénégal
Mme Isabelle de Guillebon Directrice du Samusocial Sénégal
M. Marin Casimir Ilboudo, Maire de Ouagadougou
Mme Denise Sanou Dakiswende Directrice du Développement Social à la Mairie de Ouagadougou
Pr. Bibiane Koné Président du Samusocial Burkina Faso
Mme Bertille Pissavy Yvernault Directrice du Samusocial Burkina Faso
Mme Madeleine Zana Yassepou Adjointe au Maire de la ville de Bangui
M. Akouwéti Emmanuel Kipoi Représentant du Gouverneur de la Province de Kinshasa et Ministre
Provincial des Affaires Intérieures, Sécurité et Décentralisation
M. Franck Aïssa Représentant du Maire de Brazzaville
Mr. Adam De Paul Dibouilou Maire de Dolisie
M. Roland Bouiti Viaudo Maire de Pointe-Noire et Président du Samusocial Pointe-Noire
Mme Anne Thiriet Directrice du Samusocial Pointe-Noire
M. Pierre Baillet Secrétaire Permanent de l’Association Internationale des Maires
Francophones (AIMF)
M. Patrick Dal Bello Représentant de l’Agence Française de Développement au Congo
Mme Fanny Derrien Représentante de l’Union Européenne au Congo
Mme Elodie Martin Représentante de la coopération monégasque