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L’enlèvement des épaves
L’ENLEVEMENT DES EPAVES
Sous la direction de Maître C. SCAPEL et du Professeur P. BONASSIES
Adeline JUDE 2007/2008
Les premières images du pétrolier Tricolor en perdition, le 12 décembre 1999 (Sipa)
Centre de Droit Maritime et des transports
Faculté de Droit et de Science Politique d’Aix-Marseille
Directeur : C.SCAPEL
3, avenue Robert Schuman 13628 Aix-en-Provence
1
L’enlèvement des épaves
"Le navire est une personne...
le navire naît créé par l'homme...
sa naissance lui ouvre la vie... le navire a un nom... le navire a un
rang social, et la variété des classes est presque aussi nombreuse que
dans la société des hommes.
il est vaisseau de guerre ou navire de commerce, militaire ou civil ; il
est plus ou moins fonctionnaire (navires postaux) ;
il est marchand ou pêcheur, ou même oisif (yatch)...
parfois, plus modestement, il se loue à d'autres et devient serviteur...
Enfin le navire meurt, il est englouti dans les flots
ou réduit à l'état d'épave et déclaré innavigable."
[Doyen Ripert]
2
L’enlèvement des épaves
SOMMAIRE
SOMMAIRE........................................................................................................ 3 ACRONYMES & ABREVIATIONS ................................................................ 4 BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................. 6
MANUELS.............................................................................................................................6 REVUES ................................................................................................................................6 DOCUMENTS PROFESSIONNELS..................................................................................7 SITES INTERNET ...............................................................................................................7
Introduction......................................................................................................... 8 Première partie : Instruments juridiques permettant à un Etat côtier tel que la France d’obtenir l’enlèvement d’une épave maritime....................... 17
Chapitre préliminaire : variation des pouvoirs d’intervention des Etats côtiers sur une épave en fonction de la zone maritime dans laquelle elle se situe ...........................19 Chapitre 1 : Dans les eaux intérieures et territoriales de la France : application sa législation nationale, la loi de 1961 relative à la police des épaves.........24 Chapitre 2 : L’apport de la convention de Nairobi, signée en 2007, aux pouvoirs de l’Etat côtier sur les ZEE ou dans la limite des 200 miles marins des lignes de base .......................................................................................................................45
Deuxième partie : L’enlèvement des épaves et le problème de la limitation de responsabilité .............................................................................. 56
Chapitre 1 : Hostilité du droit français au jeu de la limitation de responsabilité pour les épaves.....................................................................................................................57 Chapitre 2 : Confrontation du droit maritime français aux exigences de la convention de Londres de 1976 favorable à la limitation................................................64
Conclusion.......................................................................................................... 72 ANNEXES.......................................................................................................... 75 TABLE DES MATIERES.............................................................................. 137
3
L’enlèvement des épaves
ACRONYMES & ABREVIATIONS
AAM Administrateur des Affaires Maritimes
C.E. Conseil d’Etat
CDMO Centre de Droit Maritime et Océanique
CE Communauté Européenne
CEDRE CEntre de Documentation, de Recherches et d’Expérimentation
CITEPA Centre Interprofessionnel Technique d’Etude de la Pollution Atmosphérique
CNUDM
Convention des Nations-Unis sur le Droit de la Mer, également appelée Convention de
Montego Bay (1982)
CO² Dioxyde de carbone
COMAR Commandants Maritimes
CROSS Centres Régionaux opérationnels de Surveillance et de Sauvetage
DDAM Direction Départementale des Affaires Maritimes
DMF Droit Maritime Français
Fasc Fascicule
HNS Hazardous Noxious Substances (substances nocives potentiellement dangereuses)
IFO Intermediate Fuel Oil (produit de viscosité moyenne
IFREMER Institut Français de la Mer
J.Cl.
COM Jurisclasseur de droit commercial
LLMC
Limitation of Liability for Maritime Claims, convention de Londres sur la limitation de
responsabilité en matière de créances maritimes, signée le 19 novembre 1976
MIES Mission Interministérielle de l’Effet de serre
MteqCO² Millions de tonnes équivalent CO²
4
L’enlèvement des épaves
OMI /
IMO Organisation Maritime Internationale / International Maritime Organization
ONU Organisation des Nations-Unis
RGDIP Revue Général de Droit International Public
SFDI Société Française de Droit International
SHOM Service Hydrographique et Océanographique de la Marine
UNESCO
United Nations Educational Scientific and Cultural Organization, Organisation des
Nations-Unis pour l’éducation, la science et la culture
ZEE Zone Economique Exclusive
ZPE Zone de Protection Ecologique
5
L’enlèvement des épaves
BIBLIOGRAPHIE
MANUELS
• BALMOND Louis, Société Française de Droit International, Colloque de Toulon,
le navire en droit international – l’épave du navire, PEDONE, 1992
• BEURIER Jean-Pierre, droits maritimes, DALLOZ, 2006 | 2007
• BONASSIES Pierre & SCAPEL Christian, Traité de droit maritime, LGDJ, 2006
• DAILLIER Patrick & PELLET Alain, droit international public, LGDI, 7° éd.
• GUILLIEN.R & VINCENT.J, lexique des termes juridiques, DALLOZ, 13°éd,
2001
• LUCCHINI Laurent & VOEKEL Michel, droit de la mer, tome 1, PEDONE, 1990
• MARTRAY Joseph, A qui appartient la mer ? EMOM (Edition Maritime d’Outre
Mer), 1977
• REMOND-GOUILLOUD Martine, droit maritime, PEDONE, 1988
• RIPERT, traité de droit maritime, t.III
• RODIERE René, traité général de droit maritime, tome évènement de mer,
DALLOZ, 1972
• RODIERE René & DU PONTAVICE Emmanuel, droit maritime, DALLOZ, 10°
éd, 1986
• ROUSSEAU.C, chronique des faits internationaux, RGDIP, 1972
• VIALARD.C, droit maritime, collection droit fondamental, PUF, 1997
REVUES
• Droit Maritime Français, le mensuel exclusivement dédié au droit des activités
maritimes.
• Bulletin d’étude de la marine (Centre d’Enseignement Supérieur de la Marine).
• Cols bleus, l’hebdomadaire de la marine et la mer.
6
L’enlèvement des épaves
• Le marin, l’hebdomadaire de l’économie maritime.
• Voiles et Voiliers, hors série fortunes de mer, 50 récits vécus, août 2002.
DOCUMENTS PROFESSIONNELS
• de la Direction Départementale des Affaires Maritime du Var : EPAVES
MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du
GE-CFDAM (Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des
Affaire Maritimes).
• du bureau des évènements de mer de la direction centrale du commissariat de la
marine : cartes maritimes.
SITES INTERNET
• www.titanic-online.com
Photographie de l’épave du Titanic
• http://pageperso-orange.fr/titanic
Citation d’Eva Hart, une survivante du naufrage du Titanic
• www.cedre.fr
Informations sur le naufrage du Tricolor et de l’Erika.
• www.ladepeche.fr 17 décembre 2002
• www.bretagne-environnement.org
Photographies sur les conséquences environnementales de certaines épaves.
• www.mer.developpement-durable.gouv.fr
Information sur l’organisation des Affaires Maritimes
• www.wikipedia.fr
Carte et superficie des Zone Economiques Exclusives de la France
• www.lamyreflex.fr
Accès au Droit Maritime Français, et au Lamy.
7
L’enlèvement des épaves
Introduction
Les transports structurent l’espace, leur présence relie et désenclave, leur absence
isole et pénalise1. L’Homme se forge continuellement de nouveaux besoins, celui de se
déplacer pour raisons professionnelles ou pour ses loisirs, celui d’obtenir un produit quel
que soit son lieu de fabrication ou de récolte, et celui de consommer à toute époque des
denrées saisonnières. Un transport s’impose dès qu’il y a une activité commerciale, c’est le
vecteur nécessaire à la rencontre de l’offre et de la demande. C’est encore plus vrai
aujourd’hui à l’heure de la mondialisation et de la globalisation des échanges. Mais cette
constatation est intemporelle, il y a une présence constante des transports à toutes les
époques et dans tous les espaces, déjà dans l’antiquité existaient des transports maritimes.
L’activité maritime a été l’instrument de la puissance de nombreux Etats, Phénicie,
Portugal, Espagne, Royaume-Uni… Même dans les contextes les plus difficiles les
transports restent fondamentaux, comme en témoignent les convois maritimes durant le
dernier conflit mondial ou le débarquement des alliés en Normandie en 1944.
Le transport maritime est le vecteur le plus important pour le transport de
marchandises. En 2005 plus de 6 milliards de tonnes ont emprunté la mer, assurant 90% du
trafic mondial. Le transport de personnes par voie maritime, même ayant beaucoup perdu
du fait de l’essor de l’aviation commerciale, subsiste de manière significative dans deux
créneaux importants : les traversées courtes et les croisières, nous pouvons également citer
les voyages d’exploration scientifique et les courses sportives même s’ils ne relèvent pas à
proprement parler du transport. Fait important, le transport maritime est, et restera
probablement encore longtemps le moins polluant par tonne de marchandises transportée.
Selon l’Organisation des Nations-Unis2 (ONU), la flotte mondiale marchande a émis en
2007 1,12 milliard de tonnes de CO², soit 4,5% des émissions globales (hors flottes
militaire, de pêche et de plaisance), soit à titre de comparaison en 2006 l’équivalent des
1 Chercher bouquin d’environ 10 ans sur les transp. Photocopie quelque part… 2 Rapport ONU, publié mi-février 2008 au Royaume-Uni, faisant état d’un calcul affiné, tenant compte de la quantité et de la qualité de carburants vendus aux cargos dans le monde, du type de moteur et du temps passé à naviguer.
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L’enlèvement des épaves
émissions totales de deux pays comme la France3. C’est un argument capital pour son
développement.
La mer n’apparaît donc pas comme une frontière entre les Hommes, mais comme
un trait d’union entre les nations. La terre, planète bleue, est recouverte à 70% d’eau.
Chercher à utiliser cet espace c’est se donner une chance de se développer
économiquement, l’ignorer c’est se condamner. Les transports maritimes vont de plus en
plus se développer, en témoigne le gigantisme des nouveaux navires.
Tout au long de l’histoire, la mer n’a cessé de fasciner l’Homme, habitant de la terre ferme.
Elle est un mystère qui se conjugue souvent avec souffrances, dangers et catastrophes.
L’expédition maritime a toujours été accompagnée de mille périls. « Elément qui donne la
vie et dispense la mort… l’océan a la nature sans scrupule d’un féroce autocrate4 dépravé
par une perpétuelle adulation5 ». La mer, milieu hostile, est synonyme de danger, le risque
est le compagnon de l’homme de mer. L’épave est le symbole le plus évident de ce
risque, sanctionné par la perte du navire, parfois la mort du marin. L’épave du
navire est une disqualification du navire et une victoire de la mer sur l’homme6.
L’Organisation des Nations-Unis pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO)
estime à plus de 3 millions7 le nombre d’épaves englouties avec leur cargaison à travers le
monde. Le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM) a recensé
pas moins de 4 125 épaves (bateaux, avions…) et 1 312 obstructions diverses (amas de
chaînes, blocs de bétons…) le long des côtes françaises. La situation ne fait qu’empirer.
Chaque jour de nouvelles épaves sont découvertes. Les conteneurs tombés à la mer sont
également un danger majeur pour la navigation. Selon les experts, 10 000 « boites »
tombent chaque année des ponts des navires, à proximité des routes maritimes les plus
fréquentées.
Avant de poursuivre, il convient de se demander ce qu’est une épave et ce qui fait
qu’elle soit considérée comme maritime. Est-ce un bien abandonné, ou un bien perdu ?
Est-ce que seules les épaves perdues en mer constituent des épaves maritimes ? (Section 1
de l’introduction)
3 541 MteqCO² ont été émises au total en France en 2006, selon l’inventaire CITEPA fait pour MIES. 4 Souverain dont la puissance n’est soumise à aucun contrôle. 5 J.Conrad cité in L.Lucchini et M. Voelckel, droit de la mer, T.1, Paris, Pédone, 1990, p. IV. 6 L.Balmond, le navire en droit international, Paris, Pédone, 1992, p 69. 7 Lamy environnement, l’eau. Partie 5, titre 4, étude 543 gestion des épaves.
9
L’enlèvement des épaves
Il convient également de s’attarder sur la perception que l’on a des épaves maritimes. Sont-
elles une source d’enrichissement ou une source de danger ? Nous verrons que le droit a
évolué dans ce domaine. De la protection de l’intérêt particulier des propriétaires d’épave,
le centre de gravité du droit a basculé en faveur de la protection de l’intérêt général du fait
de la dangerosité des épaves (Section 2 de l’introduction).
Section 1 - Qu’est ce qu’une épave maritime et comment la distinguer des autres
épaves ?
Les épaves sont des biens perdus. Elles ne doivent pas être confondues avec les
RES DERELICTAE qui sont des choses abandonnées, et non pas seulement égarées. Ici le
propriétaire renonce volontairement à son droit de propriété, animé de l’intention de laisser
le premier venu se les approprier. Elles ne sont pas plus des RES NULLIUS, c'est-à-dire
des biens sans maîtres. Dans le cas d’une épave, le propriétaire a perdu la possession
de son bien, mais en conserve la propriété8.
Il existe des épaves terrestres, aériennes, spatiales, fluviales et maritimes. C’est
cette dernière catégorie qui nous intéresse. La distinction est fondée sur le lieu de
découverte. Elle peut sembler évidente, mais il faut se méfier des évidences, même si la
différence entre épaves terrestres et épaves maritimes est claire - les épaves terrestres étant
celles trouvées sur la terre ferme - la frontière entre épaves fluviales et épaves maritimes
est plus floue et nécessite un approfondissement.
Les épaves se distinguent donc entre elles selon le lieu de leur découverte. Ainsi,
toute épave qui n’est ni maritime, ni fluviale, est terrestre. C’est pour cela que cette
catégorie comprend les épaves aériennes et spatiales trouvées sur terre. Celles tombées
dans une rivière suivront le régime des épaves fluviales. Et celles tombées en mer suivront
le régime des épaves maritimes. Le raisonnement est logique, une épave n’est jamais
retrouvée en l’air !
8 JurisClasseur Civil Code, fascicule unique : modes divers d’acquérir la propriété, biens sans maître. Cote 02,2004.
10
L’enlèvement des épaves
Si la distinction entre épaves maritimes et épaves terrestres est relativement
simple, en revanche la différence entre épaves maritimes et épaves fluviales est plus
difficile. Elles se distinguent par la nature physique de l’environnement dans lequel elles
sont trouvées. Il faut donc pour les différencier, distinguer la mer du fleuve. Cette
distinction résulte de textes réglementaires (avis comité consultatif de la Marine 31 juin
1908, Instr. Administrateur de l’Etablissement des Invalides 22 août 1908). Sont des
épaves fluviales les objets trouvés sans maître, présents dans le domaine public fluvial.
Celui-ci comprend les cours d’eau navigables ou flottables, les rivières canalisées, les
canaux de navigation, étangs ou réservoirs d’alimentation et autres dépendances, les ports
publics situés sur des voies navigables et leur dépendance, les ouvrages publics construits
dans le lit ou sur les bords des voies navigables ou flottables. Si les épaves d’origine
maritime découvertes dans les fleuves sont ainsi des épaves fluviales, il faut faire une
exception pour les épaves de navire. La force d’attraction du droit maritime est telle
qu’elle régit les épaves de navires trouvées hors de la mer, sur les fleuves ou canaux.
Ainsi, le navire même échappé du milieu maritime et devenu épave, reste régi par le
droit maritime. Nous verrons la définition exacte d’une épave maritime dans la première
partie de notre étude.
Section 2 - Changement de paradigme9 autour de l’épave maritime : de la protection
des intérêts particuliers à la protection de l’intérêt général
La majorité des épaves maritimes a une origine accidentelle liée le plus souvent à
un défaut d’entretien de la part des propriétaires de navires ou à de mauvaises conditions
météorologiques (ex. le vent violent entraînant le naufrage du Tricolor). Parfois, c’est en
raison du lieu géographique dans lequel évoluent les navires (ex. le Titanic naviguant au
milieu d’Icebergs). Les épaves peuvent être créées volontairement pour en faire
notamment des frayères10 à poissons, mais cela reste anecdotique. En tout état de cause, il
semble que l’époque des naufrageurs soit révolue. Ils guidaient les navires sur des récifs
ou des hauts fonds afin de les piller11. Cette funeste pratique a conduit le législateur à
9 Paradigme : désigne une modélisation qualitative des choses 10 Endroit où les poissons viennent frayer, c'est-à-dire pondre ou mettre la laitance 11 M.REMOND-GOUILLOUD, droit maritime, Pédone 1988, no 47, p 39.
11
L’enlèvement des épaves
définir très tôt et précisément les conditions d’appropriation des épaves maritimes
(conditions fixées par le décret n°1547 du 26 décembre 1961 pris en application de la loi
n°1262 du 24 novembre 1961).
Quand une épave est découverte, des intérêts opposés sont en jeu. D’un côté
l’intérêt particulier de chacune des personnes se déclarant avoir des droits sur elle, il
s’agit ici du quatuor : inventeur, propriétaire, sauveteur et administration. Le droit, pendant
longtemps s’est essentiellement focalisé sur ce problème de redistribution des richesses
des épaves (A). Et de l’autre côté l’intérêt général pour lequel l’épave est plus une source
de danger qu’une source d’enrichissement (B). Le droit a évolué en prenant en compte
cette nouvelle caractéristique. On observe dans l’évolution du droit des épaves un véritable
changement de paradigme. Le centre de gravité de l’intérêt pour les épaves s’est
déplacé du particulier au général (C).
A) L’épave : un objet de convoitise car source d’enrichissement
Pendant longtemps le droit des épaves est resté concentré sur le problème de leur
appropriation ou sur les intérêts patrimoniaux en conflit12. La raison principale est que les
épaves apparaissaient aux yeux des populations littorales comme « un don de Dieu13 »
qu’il fallait partager en respectant tous les acteurs intéressés par elles : le propriétaire,
l’inventeur, le sauveteur, et l’administration. Il est vrai qu’à l’époque certains navires
transportaient d’immenses richesses, et coulaient chargés d’or et de pierres précieuses.
Aujourd'hui, il y a encore de temps en temps de formidables découvertes. Nous pouvons
citer l’exemple de l’épave du navire Central America14 qui contenait une cargaison de plus
d’une tonne d’or. Cette découverte a conduit à un terrible combat judiciaire opposant
l’inventeur, les universitaires à l’origine du projet de recherche, des assureurs, et même…
un couvent de moines bénédictins revendiquant des droits sur cette manne céleste.
Malheureusement les découvertes sensationnelles sont de plus en plus rares, et bien
souvent les épaves apparaissent plus comme une source de danger, de dette ou de
responsabilité pour leur propriétaire, que comme une source d’enrichissement pécuniaire.
Néanmoins il reste que l’enrichissement peut être recherché ailleurs, sans doute la
12 M.NDENDE, les épaves et la limitation de responsabilité, DMF – 2002, p 1049 13 M.REMOND-GOUILLOUD, droit maritime, Pédone 1988, no 47, p 39. 14 Cette épave fut découverte au large de la Caroline du Sud.
12
L’enlèvement des épaves
richesse des épaves peut parfois résider dans leur caractère
archéologique, historique ou culturel. D’ailleurs, la très célèbre
épave du Titanic15, ainsi que la découverte de la gourmette de
Saint-Exupéry ont suscité une vive passion à travers le monde.
Une survivante du Titanic, Eva Hart, a déclaré en 1994 :
« toute cette immense tragédie me la fait considérer comme
une sorte de tombe différente, le navire est son propre mémorial »16. Le Titanic quitta le
port de Southampton et fonça à plus de vingt nœuds vers sa tragique destinée. Plus de
1 500 personnes trouvèrent la mort17 dans cette catastrophe. Cela nous rappelle que les
épaves ont une histoire liée à celle des hommes et qu’elles méritent que l’on s’y intéresse.
Aujourd'hui les découvertes d’épaves pleines de richesses restent sporadiques, et
même s’il faut les traiter avec intérêt, elles sont trop souvent dangereuses et nécessitent
d’être retirées.
B) L’épave : un objet dérangeant car source de danger
Comme nous l’avons indiqué, les épaves sont de plus en plus une source de danger.
Leur nombre toujours croissant est sans aucun doute responsable de la méfiance que l’on a
aujourd'hui envers celles que l’on nomme parfois si tragiquement « tristes ordures18 ».
A titre de preuve, le fichier « épaves » du SHOM indiquait en 1992 la présence en France
de 4039 épaves. A la même époque, l’Hydrographic Department recensait 14000 épaves
dans les eaux des îles Britanniques19. Sur les 4039 épaves recensées par le SHOM, 1255
ont un brassage inférieur à 30 mètres, or le tirant d’eau maximal des navires marchands
peut être aujourd'hui de plus de 30 mètres. On comprend mieux l’inquiétude justifiée que
suscite les épaves. La Manche qui reçoit le trafic le plus dense au monde compterait, à elle
seule, pas mois de 3500 épaves. À cela nous pouvons ajouter le problème des navires
abandonnés qui constituent un phénomène inquiétant. Ces chiffres doivent être analysés de
manière à prendre en considération l’intensification des transports par voie maritime. Ce
phénomène risque à moyen terme d’augmenter le nombre d’épaves. En effet, plus il y a de
navires en mer, plus il y a de risques de voir le nombre d’épaves augmenter. Parallèlement 15 Source photographique du Titanic : copyright RMS Titanic, Inc. http://www.titanic-online.com 16 http://pagesperso-orange.fr/titanic/page10.htm 17 VOILES ET VOILIERS, hors-série fortunes de mer 50 récits vécus, août 2002. 18 Expression empruntée à M.REMOND-GOUILLOUD 19 L.BALMOND, l’épave du navire, colloque SFDI sur le « navire en droit international », Toulon 1991, Ed. Pédone 1992. p 69
13
L’enlèvement des épaves
on constate une tendance à l’accroissement de la conteneurisation. Les conteneurs perdus
en mer sont des épaves et constituent un danger supplémentaire pour la navigation
maritime. Un conteneur qui tombe à l’eau ne coule pas systématiquement à pic, il peut
rester entre deux eaux avant de couler, parfois il ne coule pas du tout.
Recensement non exhaustif des dangers que font courir les épaves :
a) un risque pour les tiers : les autres navires ou usagers de la mer et les
sauveteurs
Ces épaves ou bâtiments en détresse, devenus obstacles imprévisibles, sont d’abord
un risque pour la sécurité de la navigation en augmentant le nombre de collisions ou
en gênant considérablement les voies de circulation. La crainte est le sur-accident.
L’épave du Pacanas coulé en 1971 dans le Pas-de-Calais a provoqué le naufrage de 3
navires et la disparition de 37 hommes 20 . Une autre illustration de ces dangers en
ANNEXE 1 : L’aventure du Tricolor 21 devenu épave dans l’un des détroits les plus
fréquentés au monde.
Elles sont également une menace pour la sécurité des activités maritimes, en
particulier pour les activités de pêche. Les épaves deviennent des pièges redoutables pour
les chaluts.
Quand elles sont constituées de produits HNS22 (Hazardous Noxious Substances)
ou si elles sont des engins de guerre (mines, obus), les dangers d’explosion et d’incendie
sont très importants.
Enfin, une épave est aussi un danger pour le sauveteur qui mû par l’appât du gain
ou l’altruisme des gens de mer se met parfois en danger pour la sauver.
b) un risque pour l’environnement
20 N.MOSTERT, les supertankers, Paris, 1975, p 86, et C.ROUSSEAU, chronique des faits internationaux, RGDIP, 1972, p 530. 21 CEDRE - Centre de Documentation, de Recherche et d’Expérimentations sur les pollutions accidentelles des Eaux - http://www.cedre.fr22 substances nocives et potentiellement dangereuses (HNS est le signe anglais)
14
L’enlèvement des épaves
Les épaves sont un danger pour l’environnement. Elles présentent un risque de
pollution. On se souvient de l’Olympic Bravery, échoué en 1976 dans les eaux françaises,
qui s’étant brisé avait perdu 1200 tonnes de brut23.
La terrible marée noire provoquée par le naufrage du pétrolier Erika le 11 décembre 1999,
restera également présente dans toutes les mémoires. En ANNEXE 2 une présentation de
cette catastrophe.
C) De la sauvegarde des intérêts particuliers à celle de l’intérêt général
Le droit des épaves est une bonne illustration de l’imprégnation historique du droit
maritime24. En effet ce régime a survécu aux bouleversements juridiques de la révolution
française. Il a fallu attendre la loi du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves
maritimes, et son décret d’application du 24 décembre 1961 relatif au régime des épaves
maritimes pour voir évoluer les règles de l’ordonnance de la marine de 1681. Comme
nous l’avons vu précédemment le droit s’inquiétait surtout de la protection des
propriétaires contre les appétits féroces des riverains. Mais subitement le droit adopte une
nouvelle posture après trois siècles de stabilité. On s’est aperçu que le navire « a cessé
d’être une manne céleste pour les riverains et, est de plus en plus fréquemment, devenu un
véritable cadeau empoisonné25 ». L’intérêt privé passe au second plan, et l’intérêt de la
collectivité devient prioritaire. On passe de la protection du propriétaire à celle des
riverains contre les dangers de l’épave et celle de la collectivité contre les carences du
propriétaire.
Ainsi la préoccupation majeure des juristes et des autorités maritimes n’est plus
l’attribution de la propriété de l’épave, mais la neutralisation des dangers qu’elle
peut présenter. Bien entendu les deux problèmes peuvent se présenter dans une même
espèce26. Mais on peut combiner aisément les solutions destinées à rendre inoffensive
l’épave, et régler le sort de sa valeur. Le droit des épaves a désormais pour objectif : la
protection des intérêts de tous.
23 http://www.bretagne-environnement.org 24 A.VIALARD, DROIT MARITIME, collection droit fondamental, Presse Universitaire de France, édition 1997, p244. 25 Expression emprunté à VIALARD 26 v. J.-Cl. COM., du Pontavice, fasc. 1140, n° 48.
15
L’enlèvement des épaves
Les épaves maritimes constituent donc un danger qu’il faut neutraliser. Cette
neutralisation passe notamment par l’enlèvement de ces épaves devenues des obstacles
imprévisibles pour la navigation, et des risques pour l’environnement. C’est aux Etats
côtiers, en tant qu’autorités protectrices de l’intérêt général, de tout mettre en œuvre pour
supprimer ces dangers. La France étant un Etat côtier, est concernée par cette
problématique. Elle sera donc au centre de notre analyse, nous examinerons plus
particulièrement sa situation.
Dans ce cadre, il convient d’étudier les instruments juridiques mis à la disposition de la
France pour obtenir l’enlèvement d’une épave maritime (première partie). Cet
enlèvement entraine souvent des frais considérables. Nous verrons que ces frais sont à la
charge du propriétaire, mais parfois l’Etat doit financer lui même l’enlèvement. La
question qui se pose alors est de savoir si les responsables peuvent lui opposer la
constitution d’un fonds de limitation (deuxième partie).
16
L’enlèvement des épaves
PREMIÈRE PARTIE :
INSTRUMENTS JURIDIQUES PERMETTANT À
UN ETAT CÔTIER TEL QUE LA FRANCE
D’OBTENIR L’ENLÈVEMENT D’UNE ÉPAVE
MARITIME
Rechercher les fondements juridiques permettant à la France d’intervenir sur une
épave maritime, c’est s’enfoncer dans le problème de l’appropriation des espaces par les
Etats. Ils sont confrontés à deux ambitions antagonistes. D’un côté, ils veulent des espaces
étendus de souveraineté, et de l’autre, ne pas souffrir de la souveraineté des autres.
L’adage « la liberté des uns, s’arrête là où commence celle des autres » peut être
transformé en la souveraineté des uns s’arrête là où commence celle des autres. C’est pour
cela que la mer, en tant qu’espace intéressant les Etats, se retrouve compartimentée, et les
possibilités d’action des Etats varient en fonction de la zone maritime dont il s’agit. Ainsi,
leur pouvoir d’intervention sur les épaves maritimes est différent selon l’espace maritime
dans lequel se trouve l’épave (chapitre préliminaire). De cette manière, la France, ayant
souveraineté sur sa mer territoriale, tout comme sur ses eaux intérieures, pourra appliquer
sa législation nationale, c'est-à-dire sa loi de police des épaves de 1961 (chapitre 1). Il est
plus difficile de déterminer ses pouvoirs sur les autres espaces maritimes, mais la
convention de Nairobi signée en 2007 est un instrument important pour l’enlèvement des
épaves situées dans les Zones Economiques Exclusives (ZEE) (chapitre 2). Le cas de
l’épave en haute mer ne sera pas évoqué ici car, en raison du régime juridique de cet
espace, les compétences de l’Etat en haute mer ne peuvent s’exercer que sur les navires
17
L’enlèvement des épaves
battant son pavillon. Nous nous bornerons à rappeler que la convention de Bruxelles de 29
novembre 1969 complétée par un protocole de 1973 reconnait aux Etats menacés de façon
grave et imminente un droit d’intervention en haute mer à l’égard des navires battant
pavillon tiers.
18
L’enlèvement des épaves
Chapitre préliminaire :
variation des pouvoirs d’intervention des Etats côtiers
sur une épave en fonction de la zone maritime
dans laquelle elle se situe
A l’heure actuelle il n’existe pas de statut international de l’épave maritime. Il faut
entendre par là qu’aucune convention internationale n’offre un panel de solutions pour
l’ensemble des épaves susceptibles d’être rencontrées en mer (Section 1). Ainsi, il n’existe
pas UNE épave maritime, mais des épaves maritimes. On ne peut raisonner de manière
abstraite face à une épave, il faut au contraire l’analyser concrètement, réfléchir au cas par
cas. L’épave va se situer dans une zone particulière, et présenter un risque particulier
(pour la navigation, ou pour l’environnement). L’épave apparait donc comme un « objet de
droit situé » dans une mer compartimentée (Section 2), et les instruments juridiques
permettant à un Etat côtier tel que la France d’obtenir l’enlèvement d’une épave varieront
en fonction de la zone maritime dans laquelle l’épave se situe.
Section 1 - l’absence de statut international de l’épave maritime
Le régime juridique des épaves maritimes traduit une lente érosion du droit de
propriété. Cette évolution est rythmée par les sinistres consécutifs aux épaves. L’intérêt
général devient la priorité, sans nier pour autant le propriétaire. Mais qu’il s’agisse de
supprimer les dangers que représente une épave, ou de la protéger, on assiste à une
19
L’enlèvement des épaves
intervention accrue de la puissance publique. Ces tendances ne sont pas propres au droit
français. C’est un mouvement législatif assez général, reposant sur une définition de
l’épave proche de celle admise en droit français. Cette convergence aurait pu conduire à
l’élaboration d’un statut international de l’épave du navire : il n’en a rien été27. Le
droit international, comme nous le prouve la toute récente convention de Nairobi signée en
2007 se limite à des situations particulières, et ne règle pas l’ensemble des problèmes
générés par tous les types d’épaves maritimes et dans toutes les zones maritimes.
Cela ne veut pas dire que le droit international se désintéresse du problème.
L’épave du navire est évoquée ou mentionnée dans un certain nombre de conventions
internationales spécialisées.
Nous pouvons citer à titre d’exemple la convention sur la prévention de la pollution des
mers résultant de l’immersion des déchets, Londres, 29 décembre 1972 ; le Traité de paix
de Lausanne28 mettant fin aux hostilités entre la Turquie et les Alliés, du 24 juillet 1923. Il
peut y avoir également des accords mentionnant plus ou moins directement l’épave d’un
navire. Mais ces textes spécialisés n’offrent pas de cadre général à l’étude des épaves, ils
règlent pour la plupart des rapports de droit privé.
Si l’on observe les conventions générales portant sur le droit de la mer, celle de Genève de
1958 et celle de Montégo Bay de 1982, ou Conférence des Nations Unies sur le Droit de la
Mer (CNUDM), on constate que l’épave y est ignorée comme si la fortune de mer avait
voulu être conjurée. Néanmoins, la CNUDM n’est pas restée sans effet sur les épaves.
Elles prennent place dans des espaces maritimes strictement encadrés.
Section 2 - l’épave : un « objet de droit situé 29 » dans une mer
compartimentée par la CNUDM
Les caractéristiques des transports internationaux et des communications, les
besoins de recherches scientifiques, les nécessités militaires ont, de tout temps, conduit les 27 L.BALMOND dans le navire en droit international, ed. Pédone 1992, colloque de la société française pour le droit international, p71 28 Ce traité demande aux Hautes parties contractantes de faire respecter et entretenir les cimetières, sépultures, ossuaires… des soldats et marins tombés sur le champs de bataille, il concerne partiellement les épaves de navire. Le champs de bataille pour un marin ne pouvant être logiquement que la mer. 29 Expression empruntée à L.BALMOND, le navire en droit international, ed. Pédone 1992, colloque de la société française pour le droit international, p72.
20
L’enlèvement des épaves
Etats à revendiquer l’accès libre à des zones étendues de l’espace maritime. De ce fait,
certains espaces maritimes échappent à toute appropriation nationale et font l’objet d’une
règlementation avant tout internationale.
Ainsi, les navires circulant en mer, changent en permanence d’espace, quittant les
eaux territoriales de leur Etat, pour aller dans celles d’un autre, en passant par la haute mer.
L’évènement transformant le navire en épave peut survenir à tout moment et dans
n’importe quelle zone. La mer étant ainsi compartimentée, un Etat ne peut pas agir de la
même manière et en toutes circonstances face à une épave. En effet, l’épave est un
« objet de droit situé » et la réponse juridique d’un Etat dépend du régime applicable à
l’espace dans lequel se trouve l’épave30. Cette réponse juridique s’inscrit dans la
problématique contemporaine de l’évolution des pouvoirs de l’Etat côtier en mer.
Présentation succincte des principaux31 espaces maritimes dans lesquels une épave
peut être retrouvée, et pouvoirs des Etats correspondants32 :
- les eaux intérieures (parfois appelées
mer nationale ou territoire maritime) : ce sont
celles baignant les côtes de l’Etat et situées « en
deçà » de la ligne de base de la mer territoriale
(article 8, §1, de la CNUDM). Elles comprennent
les ports, les rades, les havres, les échancrures des
côtes très découpées 33 et les baies historiques,
ainsi que le sol et sous sol de ces zones.
Ces eaux sont soumises à la souveraineté de l’Etat,
la compétence de l’Etat se veut exclusive.
- La mer territoriale : elle est constituée
de la zone maritime adjacente aux eaux
30 C.DE CET BERTIN, l’Etat et l’épave : droit français et projet de convention internationale, in bulletin d’étude de la marine n°36, janvier 2007, p71 et s. 31 ce n’est pas une liste exhaustive de tous les espaces maritimes. L’objet de cette étude n’est pas de faire du droit de la mer. les détroits, les eaux archipélagiques et le plateau continental sont sous souveraineté de l’Etat côtier concernant la police des épaves. Concernant la « zone », une épave retrouvée au fond peut difficilement être retirée compte tenu des moyens techniques actuels. 32 P.DAILLIER et A.PELLET, droit international public, 7° édition, LGDI, p 1139 et s. 33 fjords, rias
21
L’enlèvement des épaves
intérieures sur laquelle s’étend la souveraineté de l’Etat, sa largeur ne dépasse pas 12
milles marins mesurés à partir des lignes de base. L’Etat côtier peut y exercer des
compétences exclusives tant d’un point de vue économique, que d’un point de vue de
police, notamment police des épaves. Le principe de souveraineté de l’Etat côtier sur sa
mer territoriale doit tout de même laisser un droit de passage inoffensif34 aux navires
étrangers. Il doit être continu et rapide.
- La zone contiguë : dans cette portion de mer adjacente à la mer territoriale, l’Etat
riverain conserve certains pouvoirs exclusifs mais limités. C’est une zone de transition
dont la fonction est d’atténuer le contraste entre le régime de la mer territoriale et celui de
la haute mer. Elle fait au maximum 24 miles marins de largeur à partir des lignes de base.
Elle ne relève pas de la souveraineté territoriale de l’Etat côtier qui n’y exerce pas sa
juridiction, ni même des droits souverains. L’Etat dispose seulement de compétences
rigoureusement fonctionnelles de prévention ou de répression des infractions commises
dans les espaces placés sous sa souveraineté.
- La Zone Economique Exclusive : elle n’autorise pas les Etats à y exercer leur
souveraineté, elle leur confère des droits souverains en matière économique. Elle peut
s’étendre jusqu’à 200 milles des lignes de base, soit 188 milles pour les Etats qui ont établi
une mer territoriale.
- La haute mer : c’est une sorte de RES COMMUNIS imparfaite dont tout le
monde peut jouir sans se l’approprier. La règle de base est celle de la liberté. La
compétence de l’Etat sur les navires battant son pavillon est à la fois plénière et exclusive :
il peut, seul, recourir à la contrainte pour faire respecter tant les règles pertinentes du droit
international que sa propre réglementation. Mais ce principe ne revêt toutefois un caractère
absolu que pour les navires d’Etat affecté à des fins non commerciales. S’agissant des
navires marchands, la compétence de l’Etat du pavillon se heurte parfois à celle d’autres
Etats. Les possibilités d’intervention des Etats vis-à-vis des navires marchands sont
diversifiées. On peut citer l’approche, la reconnaissance et l’enquête de pavillon, le
déroutement, la saisie et l’immobilisation, et la destruction si le navire constitue un
danger grave et imminent pour l’environnement marin, comme ce fut le cas pour
34 Droit de passage inoffensif : « le fait de naviguer dans la mer territoriale aux fins de la traverser sans entrer dans les eaux intérieure » (art 18 §1 convention de Montego Bay).
22
L’enlèvement des épaves
l’épave du Torrey Canyon bombardée par l’aviation britannique en 1967. C’est la
gravité des dommages subis par les Etats riverains des grands axes de circulation maritime
qui ont imposé l’adoption d’un certain nombre de conventions. Ces démarches accentuent
les pouvoirs de police des Etats côtiers dans la haute mer. c’est la convention de Bruxelles
de 29 novembre 1969 complétée par un protocole de 1973 qui reconnaissent aux Etats
menacés de façon grave et imminente un droit d’intervention en haute mer à l’égard des
navires battant pavillon tiers (ex. destruction).
L’ANNEXE 3 vous propose un schéma simplifié des zones de juridiction de l’Etat côtier
d’après la CNUDM.
Comme nous venons de le voir, les possibilités d’intervention de la France, et donc
ses pouvoirs pour obtenir l’enlèvement d’une épave ne sont pas les mêmes selon que
l’épave soit dans sa mer territoriale ou dans sa ZEE.
Nous devons maintenant chercher quels sont les instruments juridiques qui
permettent à la France d’obtenir l’enlèvement d’une épave maritime. Commençons par le
cas d’une épave se situant dans sa mer territoriale (chapitre 1). Nous verrons ensuite le cas
d’une épave se situant dans une de ses nombreuses ZZE (chapitre 2).
Nous rappelons que nous traiterons uniquement de ces zones maritimes, à savoir
eaux intérieure, mer territoriale et ZEE. Compte tenu du droit actuel, elles apparaissent
comme étant les zones sur lesquelles les Etats côtiers ont le plus de pouvoirs, notamment
concernant l’enlèvement des épaves.
23
L’enlèvement des épaves
Chapitre 1 :
Dans les eaux intérieures et territoriales de la France :
application sa législation nationale,
la loi de 1961 relative à la police des épaves
Les eaux intérieures et la mer territoriale sont une prolongation du territoire
terrestre d’un Etat ayant une façade maritime. C’est la raison pour laquelle il peut faire
appliquer sa législation nationale.
La France applique donc sa loi de police des épaves sur ces deux zones maritimes. Nous
devons à la fois étudier le cadre juridique et le champ d’application de ce régime (Section
1), puis s’attarder longuement sur la procédure menant in fine à l’enlèvement de l’épave
(Section 2).
Section 1 – le cadre juridique et le champ d’application de la loi française
de police des épaves
Sous-Section 1 - cadre juridique français
Les épaves maritimes sont soumises à un régime spécifique différent de celui des
autres épaves (terrestres ou fluviales).
Il est inscrit en droit français dans :
24
L’enlèvement des épaves
- la loi n° 61 – 1262 du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves modifiée
par :
o la loi n° 80 – 532 du 15 juillet 1980
o la loi n°82 – 990 du 23 novembre 1982
o la loi n°92 – 1336 du 16 décembre 1992 art 287 en vigueur le 1er mars
1994
- le décret d’application n°61 – 1547 du 26 décembre 1961 modifié par
o le décret n°78 – 847 du 3 août 1978
o le décret n°85 – 632 du 21 juin 1985
- l’arrêté du 4 janvier 1965 relatif aux épaves maritimes, modifié par
o l’arrêté du 9 janvier 1987
Ces textes ont été modifiés à plusieurs reprises afin de les adapter à l’évolution dont nous
avons parlé dans l’introduction.
Les textes de 1961 sont complétés par la loi n°85 – 662 du 3 juillet 1985 relatives aux
mesures concernant les navires et engins flottants abandonnés et son décret d’application
n° 87-830 du 6 octobre 1987. Par ailleurs les biens culturels maritimes font l’objet d’un
régime particulier prévu par la loi n° 89 – 874 du 1er décembre 1989 et le décret n° 91 –
1226 du 5 décembre 1991.
Vous trouverez en ANNEXE 4 la loi n°61-1262 du 24 novembre 1961 relative à la
police des épaves maritimes, et en ANNEXE 5 le décret n°61-1547 du 26 décembre 1961
fixant le régime des épaves maritimes.
Pour savoir à quel moment on peut appliquer les règles de droit français sur la
police des épaves, on regarde les grands principes de la répartition des compétences des
Etats en droit de la mer. Il apparait alors une compétence générale de l’Etat côtier sur ses
eaux intérieures et mer territoriale, un droit de contrôle sur la zone contiguë, une
compétence finalisée et partielle pour la ZEE et le plateau continental, et enfin une
compétence seulement indirecte pour ce qui est de la haute mer.Mais d’autres éléments
sont à prendre en compte aujourd'hui. D’une part la convention sur l’assistance du 28 avril
1989, ratifié par la France le 20 décembre 2001, et entrée en vigueur en droit français le 20
décembre 2002. D’autre part la convention de Nairobi adoptée le 18 mai 2007.
25
L’enlèvement des épaves
Sous-Section 2 - le champ d’application de la loi française de police des épaves
Il s’agit du champ d’application matériel (A) et géographique (B).
A- Champ d’application matériel : une épave maritime
L’article 1er du décret du 26 décembre 1961 définit ainsi les épaves maritimes :
« Sous réserve des conventions internationales en vigueur, constituent des épaves
maritimes soumises à l'application du présent décret :
1. Les engins flottants et les navires en état de non-flottabilité et qui sont abandonnés
par leur équipage, qui n'en assure plus la garde ou la surveillance, ainsi que leurs
approvisionnements et leurs cargaisons.
2. Les aéronefs abandonnés en état d'innavigabilité ;
3. Les embarcations, machines, agrès, ancres chaînes, engins de pêche abandonnés et
les débris des navires et des aéronefs ;
4. Les marchandises jetées ou tombées à la mer ;
5. Généralement tous objets, à l'exception des biens culturels maritimes, dont le
propriétaire a perdu la possession, qui sont soit échoués sur le rivage dépendant
du domaine public maritime, soit trouvés flottants ou tirés du fond de la mer dans
les eaux territoriales ou trouvés flottants ou tirés du fond en haute mer et ramenés
dans les eaux territoriales ou sur le domaine public maritime.
Ne sont pas considérés comme épaves au sens du présent décret les navires, engins
flottants, aéronefs, marchandises et objets volontairement abandonnés ou jetés en mer ou
sur le rivage en vue de les soustraire à l'action de la douane ».
Cette énumération appelle quelques commentaires. D’une part le navire n’est une
épave qu’à la double condition d’être à la fois en état de non flottabilité et abandonné
par l’équipage (A). Ces deux conditions sont cumulatives. Mais les épaves ne sont pas
systématiquement d’anciens navires. Nous allons voir que presque tout ce qui est en mer
est susceptible de devenir une épave (B), mais qu’il existe tout de même des cas
particuliers (C) et des cas exclus (D).
a. Epave de navire : non flottabilité et abandon par l’équipage
26
L’enlèvement des épaves
En 1978, une modification du décret de 1961 a remplacé le terme d’innavigabilité,
par le terme non flottabilité. Est-ce plus restrictif 35 ? Ce n’était pas la volonté du
législateur. Il a voulu donner au contraire une plus grande marge de manœuvre à
l’administration chargée des épaves. Ainsi, la définition de la non flottabilité ne limite plus
le caractère d’épave au navire dont la stabilité serait définitivement compromise dans des
conditions irréversibles. Il faut y voir la préoccupation d’étendre la législation des épaves
aux cas des navires échoués sur le littoral qui peuvent ne se trouver qu’en situation
d’innavigabilité provisoire qui cessera dans l’hypothèse d’un déséchouement. Par exemple,
plusieurs évènements de ce genre s’étaient produits sur la côte landaise entre le mois de
décembre 1976 et le mois de juin 1977. Sept navires étrangers s’étaient échoués à la côte,
l’inertie des armateurs lointains, et le contenu des textes en vigueur avaient laissé à
l’époque l’administration sans moyens d’agir.
En revanche, nous retiendrons que le législateur maintient le critère d’innavigabilité pour
les aéronefs, s’agissant d’aptitude à la navigation aérienne dans laquelle la notion de
flottabilité n’intervient pas.
Concernant l’abandon par l’équipage, la précédente rédaction du texte prévoyait la
perte du contrôle du navire par le propriétaire. Ainsi un navire abandonné en pleine mer
par son équipage n’était pas forcément abandonné par son armateur. La recherche de ses
intentions pouvait entrainer des délais importants rendant le navire dangereux et limitait
les initiatives urgentes pour la sécurité de la navigation et pour la protection de
l’environnement. C’est pour cela que le décret modificatif du 3 août 1978 reconnait la
qualité d’épave au navire « abandonné par l’équipage qui n’en assure plus la garde ou la
surveillance ».
b. Les autres choses susceptibles de devenir épave maritime36
- les embarcations :
Contrairement au cas des navires, il suffit que les embarcations soient abandonnées,
c'est-à-dire qu’elles aient échappé au contrôle de leur propriétaire légitime pour être
classées épaves, sans qu’il soit nécessaire de soulever la notion de non flottabilité. Il
35 Sur la controverse v. J.-Cl. COM., du Pontavice, fasc. 1140, n° 48. 36 EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM (Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des Affaire Maritimes).
27
L’enlèvement des épaves
demeure tout de même un problème, comment distinguer une embarcation d’un navire ?
C’est semble-t-il affaire d’appréciation et de bon sens, en s’appuyant notamment sur le
critère de taille.
- machines, agrès (abandonnés)
Ce sont les parties arrachées par la mer à ce qui fut un navire, après dislocation au
cours d’un naufrage ou d’un échouement, l’état de bris étant certain.
- ancres et chaînes (abandonnées)
Sous l’empire de l’ancienne règlementation, les ancres retirées du fond de la mer en
tant qu’épaves faisaient l’objet de dispositions particulières : l’inventeur devenait
propriétaire lorsqu’elles n’avaient pas été réclamées dans un délai de 2 mois. Dans la
pratique il en était de même pour les chaînes même si elles n’étaient pas nommément
désignées par l’ordonnance de 1681. Il convient aujourd’hui de rejeter toute demande
présentées en ce sens et de traiter désormais ancres et chaînes comme des épaves
ordinaires.
- engins de pêche (abandonnés) :
Le texte précise bien que sont épaves les engins de pêche « abandonnés », ce qui
écarte, en principe, les engins marqués qui ne cessent d’appartenir à leur propriétaire
légitime, même si celui-ci en a perdu momentanément le contrôle.
- débris de navire et d’aéronef
Sont des épaves tous les débris de navire et d’aéronef, autres que ceux indiqués
précédemment. Cette précision permet de comprendre que le navire déjà abandonné et en
état de non flottabilité lorsqu’il subsiste entier, ne cesse d’engendrer lui-même des épaves
en toutes ses parties dispersées après dislocation et bris, sans la moindre exception.
- Les marchandises jetées ou tombées à la mer
Ce sont sûrement des marchandises transportées à bord d’un navire et séparées de
celui-ci :
o soit parce qu’elles ont été jetées volontairement à la mer, mais c’est
relativement rare aujourd'hui, autrefois c’était plus fréquent notamment
28
L’enlèvement des épaves
quand il fallait alléger un navire échoué, le redresser après ripage de la
cargaison, ou pour toute autre cause mettant en jeu sa sécurité.
o soi parce qu’elles y sont tombées, par exemple les conteneurs, les pontées
enlevées par une grosse vague…
Il semblerait que le fait d’être transportables par voie de mer, rendent transformables en
épaves maritimes tous produits, matériaux ou matériels. Le mot « marchandises » recouvre
un domaine très vaste.
- Les conteneurs
La notion d’épaves couvrent largement toutes les choses perdues en mer, qu’il
s’agisse d’engins nautiques, de marchandises ou de conteneurs37.
- Tous objets
L’article 1er termine son énumération par « … et généralement tous objets… ». Ces
objets sont susceptibles d’être des épaves sous réserve qu’ils soient :
o sans propriétaire connu, au moins momentanément
o trouvés dans les eaux territoriales
Cette dernière précision est importante, elle impose, en vue de la définition d’une épave,
une condition de lieu de découverte, dont on doit penser qu’elle s’applique à l’ensemble
des biens énumérés précédemment.
c. les cas particuliers38
- les biens appartenant à l’Etat
Quand ils sont trouvés dans les conditions prévues par le décret, les biens
appartenant à l’Etat sont bien des épaves maritimes, et la règle générale leur est applicable
mais sous réserve des particularités spécifiées à l’article 20 du décret.
Ainsi l’Etat peut interdire le sauvetage de biens lui appartenant et devenus épaves
maritimes, et il fixe lui-même la rémunération due au sauveteur, et il peut même parfois
décider qu’il n’y a pas lieu à indemnisation.
37 JP. BEURIER, DROIT MARITIME, 2006-2007, p233. 38 EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM (Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des Affaire Maritimes).
29
L’enlèvement des épaves
- les biens culturels maritimes
Ils recouvrent : les gisements, les épaves, les vestiges, et tout bien présentant un
intérêt préhistorique, archéologique ou historique. Leur intérêt sur le plan archéologique ou
historique est reconnu par le ministre chargé de la culture après avis du Conseil supérieur
de la recherche archéologique.
Ils bénéficient d’un régime spécial. La loi du 1er décembre 1989 tient compte des nouvelles
techniques de recherche et d’exploration sous les mers, en modifiant la loi du 27 septembre
1941 qui règlemente les fouilles archéologiques. Le terme artistique est supprimé.
Afin de protéger ce patrimoine, le champ de protection est étendu à la zone contiguë, c'est-
à-dire jusqu’à 24 milles des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la
mer territoriale39.
- Les herbes marines
C’est une règlementation spécifique qui les concerne, ainsi que celles détachées du
fond et trouvées sur le rivage dénommées « goémon épave ». La législation commune sur
les épaves ne s’applique pas.
- Les marques scientifiques
Le marquage des espèces (pour connaitre leur migration et le niveau des stocks),
ainsi que le marquage des courants (pour permettre une appréciation des courants de
surface et de fond) contiennent des indications relatives à l’adresse à laquelle elles doivent
être expédiées. Ces marques doivent être transmises à l’IFREMER.
- Les bouteilles contenant des messages
Ce sont des épaves, elles doivent donc être traitées comme telles. Sauf
circonstances exceptionnelles, leur valeur est nulle, il n’y a pas lieu de leur faire
application des mesures prévues pour la gestion des épaves. Néanmoins il faut tenir
compte du message qu’elles contiennent pour leur donner une destination. C’est le plus
souvent sans intérêt. Les originaux doivent être transmis au Ministère.
d. Les cas exclus40
39 Article 33 de la convention des nations unis sur le droit de la mer du 10 décembre 1982. 40 EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM (Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des Affaire Maritimes).
30
L’enlèvement des épaves
Ne sont pas considérées comme épaves :
- les cadavres
Dans le cadre de l’ancienne législation, les cadavres trouvés en mer ou sur le rivage
maritime étaient expressément prévus. Cela permettait de les classer au nombre des épaves
maritimes, cela conduisait à la compétence de l’administration maritime. Aujourd'hui
aucune disposition de la réglementation de 1961 – 1965 n’y fait plus allusion.
L’administration maritime n’étant plus compétente c’est à l’autorité municipale du lieu de
débarquement qu’il appartient de prendre les mesure nécessaires (identification ou
tentative d’identification, visite médicale, inhumation) dans les mêmes conditions que
celles prévues concernant les cadavres découverts sur la voie publique.
Cependant les effets trouvés sur les cadavres (bijoux et valeurs) sont des épaves maritimes.
Dans la pratique il semble plus simple de laisser les autorités municipales s’en occuper.
Dans le cas vraiment exceptionnel ou le sauveteur d’un cadavre réclamerait rémunération
il serait fait application du décret de 1961.
- les câbles télégraphiques
Ils sont rarement abandonnés au sens juridique du terme. Un câble est posé sur le
fond, en bon état ou non, en un lieu connu de son propriétaire qui attend une occasion pour
le relever ou le réparer. Il est recommandé de ne pas le relever, ni de tenter de le récupérer,
mais plutôt de le repérer soigneusement et d’aviser les autorités compétentes. Bien souvent
se sont les chalutiers qui crochent les câbles, en pareil cas, au non des règles de protection
des câbles sous-marins, ils doivent abandonner sur place leur trait de pêche sans tenter de
le récupérer.
- les « choses du crû de la mer »
La loi du 24 novembre 1961 et le décret du 26 décembre 1961 qui ont abrogé les
titre IX du livre IV de l’ordonnance d’août 1681, ont laissé toutefois subsister l’article 29 :
« les choses du crû de la mer, comme ambre, corail, poissons à lard et autre semblables
qui n’auront appartenu à personne, demeureront aussi entièrement à ceux qui les auront
tirées du flot de la mer, ou pêchées sur les flots, et s’ils les ont trouvées sur les grèves, ils
n’en auront que le tiers, et les deux autres seront partagés entre nous, ou ceux à qui nous
auront donné notre droit et l’amiral ».
31
L’enlèvement des épaves
Les choses du crû de la mer quand elles sont tirées du fond ou pêchées à la surface ne sont
pas considérées comme des épaves, et cela depuis fort longtemps. N’appartenant à
personne, elles appartiennent à celui qui les trouve et qui prend la peine de les capturer ou
de les récupérer. Quand lesdites choses sont trouvées échouées sur le rivage, la règle est la
même (d’une part à cause du silence du décret de 1961 à leur propos, d’autre part à cause
du maintien de l’art 29 de l’ordonnance de 1681).
- marchandises ou objets abandonnés volontairement
Les marchandises et objets volontairement abandonnés ou jetés à la mer ou sur le
rivage en vue de les soustraire à l’action de la douane ne sont pas considérés comme
épaves. On peut notamment penser à la drogue transportée sur des go-fast 41 , que les
trafiquants s’empressent de jeter par-dessus bord lorsqu’ils sont poursuivis.
B- Champs d’application géographique : dans les eaux intérieures et la mer
territoriale
Il ne fait aucun doute que les dispositions citées plus haut s’appliquent à toutes les
épaves, même étrangères. En effet, ce sont des dispositions de police sanctionnées par la
loi pénale. Un Etat, dans le respect du droit de la mer, est fondé à les appliquer dans ses
eaux intérieures et dans sa mer territoriale. L’ANNEXE 6 vous montre le tracé des lignes
de bases délimitant les eaux intérieures et la mer territoriale de la France (métropole).
Les dispositions sur le relèvement des épaves concernent ainsi tout le monde, y
compris le propriétaire étranger d’une épave de navire se trouvant dans les eaux
territoriales françaises. De la même manière, un navire étranger qui découvre une épave
dans ces eaux a l’obligation de prévenir l’administration française.
Une difficulté se présente pour les navires en passage inoffensif dans la mer
territoriale. L’obligation de notifier la découverte d’une épave pourrait aller à l’encontre du
droit de passage inoffensif cher au droit de la mer. mais la loi n°96 – 151 du 26 février
1996 modifiant la loi n°83 – 581 du 5 juillet 1983 impose au capitaine d’un navire étranger
de notifier aux affaires maritimes tout évènement de mer entrainant la perte ou risque de
perte de marchandises dangereuses, susceptible de constituer un danger pour la sécurité de
la navigation ou la préservation de l’environnement.
41 Petite embarcation très rapide que les trafiquants utilisent notamment pour traverser la Méditerranée à toute vitesse. Source : Marine Nationale
32
L’enlèvement des épaves
De plus, une directive communautaire n°2002/59/CE du parlement européen et du conseil
du 27 juin 2002 prévoit que les Etats membres devront prendre toutes mesures appropriées
pour que tout navire, battant pavillon communautaire ou pavillon tiers et navigant dans
leur zone de recherche et de sauvetage signale immédiatement au centre côtier compétent
(ex. CROSS pour la France) tout incident ou accident portant atteinte à la sécurité du
navire ou compromettant la sécurité de la navigation voir la simple présence observée par
lui d’un colis dérivant. Cette règle s’applique sûrement au navire en simple passage. Cela
justifie aujourd'hui une application extensive des règles du décret du 26 décembre 1961.
Il y a moins de difficulté concernant le navire en passage inoffensif qui devient une
épave. Le navire sort ainsi du simple passage inoffensif, et est pleinement soumis aux
dispositions de la loi et du décret de 1961.
Section 2 – procédure française menant à l’enlèvement de l’épave
C’est à partir de la découverte et la déclaration d’une épave maritime (sous-Section
1) que la procédure française débute, pour aboutir au final à son enlèvement s’il s’avère
nécessaire (sous-Section 2).
Sous-Section 1 – découverte et déclaration de l’épave par l’inventeur, et conservation
par les affaires maritimes
A) Découverte de l’épave et déclaration aux affaires maritimes42
a) Découverte
Toutes les personnes circulant en mer ont un jour ou l’autre la possibilité de
découvrir une épave en mer. Comme nous l’avons vu, presque tout ce qui est en mer est
susceptible de devenir une épave. Le découvreur s’appelle l’inventeur. 42 EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM (Groupe Ecole – Centre de Formation et de Documentation des Affaire Maritimes).
33
L’enlèvement des épaves
C’est à partir de la découverte d’une épave que tout commence, pour aboutir in fine à son
enlèvement s’il s’avère nécessaire.
b) mise en sûreté de l’épave par l’inventeur/sauveteur
L’inventeur d’une épave est tenu, dans la mesure du possible de mettre l’épave en
sûreté et notamment de la placer hors des atteintes de la mer. Cet acte va faire de lui le
sauveteur de l’épave.
La mise en sûreté qu’évoque le décret de 1961 doit s’entendre :
- s’agissant des épaves trouvées sur la grève, de leur déplacement hors des atteintes de la
mer, les mesures de mise en sûreté définitives étant de la compétence de l’administration.
Un arrêté de 1965 dans son article 1 limite la mise en sûreté à un déplacement « dans un
lieu aussi proche que possible du lieu de la découverte ».
- S’agissant des épaves trouvées en mer, la mise en sûreté consiste surtout, dans la mesure
où l’opération apparait possible, à les ramener au port.
Cette obligation disparait quand l’inventeur se trouve face à des dangers dus tant à
l’épave elle même qu’à son contenu. Dans le cas où celle-ci est identifiée comme
dangereuse ou ne peut être identifiée du tout, l’inventeur doit s’abstenir de toute
manipulation. C’est à l’administration des affaires maritimes de se charger de toutes
les opérations nécessaires à son identification et ensuite à son enlèvement.
c) Doit-on parler de sauvetage ou d’assistance ?
L’assistance en droit maritime français est une aide apportée à un navire ou à un
engin flottant assimilé au navire, s’il se trouve en danger. Le sauvetage quant à lui se
définit comme une aide donnée à un engin flottant, en état de non flottabilité que le
propriétaire a manifestement abandonné.
Contrairement à certains pays européens comme le Royaume-Uni, le Danemark ou
les Pays-Bas, le législateur français crée une différence entre le phénomène de l’assistance
maritime, et celui du sauvetage.
En effet, l’assistance a été prévue pour la première fois dans l’ordonnance de 1681, pour
remplacer le pillage, dont nous avons parlé précédemment, par la solidarité des gens de
mer qui est aujourd'hui un pilier de la navigation maritime. N’oublions pas que la mer est
un milieu hostile à l’homme, et ces dispositions sont inspirées par la solidarité qui doit
34
L’enlèvement des épaves
exister face aux périls de la mer. Cette obligation d’assistance a été légalisée par la loi du
10 mars 1891.
La convention de Bruxelles de 1910 ratifiée par la France en 1913 n’opère aucune
différence entre assistance et sauvetage. Elle a été influencée par le droit anglo-saxon qui
ne distingue pas le navire « avant sinistre » du navire « sinistré ». La loi du 29 avril
1916 introduit le mécanisme de la convention mais n’éteint pas la distinction et les
controverses doctrinales43.
Cette différence a été remise en cause par l’application de la convention de Londres de
1989, alors que le droit antérieur distinguait nettement entre l’assistance aux navires et le
sauvetage des épaves, cette convention inclut dans son domaine « tout acte entrepris pour
assister un navire ou tout autre bien en danger dans les eaux navigables ou dans
n’importe quelles eaux ». Ainsi, quand une personne récupère un conteneur tombé à l’eau,
cette action devient non plus un sauvetage d’épave, mais un fait d’assistance soumis à la
convention de 1989.
Aujourd'hui, même si la distinction entre assistance et sauvetage ne se justifie
plus tellement en raison des influences du droit anglais sur les règles maritimes, existe
toujours le principe de l’obligation d’assister un engin et son équipage en détresse
alors que cette obligation disparait si l’engin est abandonné et innavigable et devient
une épave.
d) déclaration à l’administrateur44 des affaires maritimes ou à son représentant
L’inventeur de l’épave doit immédiatement ou au plus tard dans les 48 heures
de la découverte en faire la déclaration à l’administrateur des affaires
maritimes ou à son représentant. Si l’épave a été trouvée en mer, ce
délai court depuis l’arrivée au premier port.
Toute épave susceptible de présenter un danger pour la navigation doit
43 RIPERT, traité de droit maritime, t.III, p124. 44 Les administrateurs des affaires maritimes (AAM), officiers de la marine nationale, sont des cadres de direction dont les fonctions sont extrêmement variées puisqu’elles peuvent les amener à exercer à l’étranger en tant que conseil ou expert. Leurs domaines de compétence sont larges et concernent notamment : l’application de la politique économique du département ministériel chargé de la mer ; les interventions économiques de l’Union européenne et de l’État quant aux pêches maritimes, la conchyliculture et l’aquaculture ; l’association aux opérations d’aménagement du littoral et de la protection de la qualité des eaux ; l’application des réglementations internationales et nationales tendant à assurer la sécurité de la navigation maritime. http://www.mer.developpement-durable.gouv.fr
35
L’enlèvement des épaves
être immédiatement signalée à l’autorité qualifiée pour la transmission de
l’information nautique : DDAM ou CROSS 45 . Ils assureront le transfert de
l’information. La même procédure doit s’appliquer pour signaler la disparition du danger
quand l’épave a été déplacée, enlevée ou détruite.
Dans le cas d’une épave dangereuse ou dont le contenu ne peut être identifié, cette
déclaration doit être faite immédiatement soit à l’administration des affaires maritimes,
soit à toute autre autorité locale, à charge ensuite pour elle de prévenir le directeur
départemental des affaires maritimes.
Quand il s’agit d’une épave d’aéronef, la déclaration aux affaires maritimes, se double
d’une déclaration auprès des autorités municipales en application de l’article R.1421 du
code de l’aviation civile.
La déclaration est écrite ou verbale, quand elle est verbale il est établi un procès-
verbal signé du déclarant. Quand l’épave est ramenée par un navire, sa découverte est
mentionnée au journal de bord, ainsi qu’au manifeste douanier.
En cas de dépôt d’une épave dans un port étranger par un navire français, quel que
soit le lieu de la découverte, aucune déclaration n’est demandée par les autorités françaises
dès lors que les formalités prévues par la loi locale ont été accomplies.
La déclaration de découverte d’un bien culturel maritime doit être effectuée dans le même
délai.
Cette obligation est sanctionnée pénalement, le détournement d’épave étant puni
comme le vol et le recel.
e) rémunération du sauveteur
Le sauveteur d’une épave a droit à une indemnité calculée en tenant compte : 45 centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) Dépendant des directeurs régionaux des affaires maritimes et placés sous l’autorité opérationnelle des préfets maritimes, armés par des personnels militaires des affaires maritimes et de la marine nationale, les CROSS constituent l’ossature du dispositif de surveillance maritime français. A leur mission initiale qui était d’assurer la direction et la coordination des moyens des différentes administrations en matière de recherche et de sauvetage en mer, se sont ajoutées la surveillance de la navigation maritime, des pollutions marines, la police des pêches maritimes, la diffusion de renseignements de sécurité maritime et de réception puis transmission des alertes ou d’informations liées à la sûreté des navires . Il existe cinq centres principaux et un centre secondaire répartis sur le littoral métropolitain ainsi que deux centres principaux en outre-mer aux Antilles et à La Réunion. La création de deux autres centres dans le Pacifique, un en Polynésie française, à Papeete, et un Nouvelle Calédonie, à Nouméa, est programmée. http://www.mer.developpement-durable.gouv.fr
Photographie provenant du même site.
36
L’enlèvement des épaves
- des frais exposés y compris la rémunération du travail accompli
- de l’habileté déployée, du risque couru et de l’importance du matériel de sauvetage
utilisé
- de la valeur en l’état de l’épave
Ce droit à rémunération se prescrit par 2 ans à compter du jour marquant la fin des
opérations de sauvetage. Cette rémunération est assorti d’un privilège sur l’épave sauvée
tout comme les frais engagés par un service public.
B) Protection et sauvetage de l’épave par les affaire maritimes, puis restitution
Nous l’avons noté dès la partie préliminaire, nous avons assisté à un changement de
paradigme. Aujourd'hui les textes se soucient davantage des dangers que pourraient causer
les épaves et donc de l’intérêt général. Il
reste néanmoins que le droit de
propriété, et les intérêts particuliers du
propriétaire ne sont pas oubliés.
L’administration doit tout faire pour que
l’objet retourne à son propriétaire. Pour
cela elle doit prendre toutes les mesures
utiles pour la sauvegarde et la conservation des objets devenus épaves.
Comme nous l’avons vu l’inventeur d’une épave en fait la déclaration et est tenu de
prendre les premières mesures de mise en sûreté. Ensuite ce sont les affaires maritimes qui
prennent le relais. D’après l’article 3 du décret de 1961, les épaves sont placées sous la
protection et la sauvegarde de l’administrateur des affaires maritimes, qui prend toutes les
mesures utiles pour le sauvetage et veille à la conservation des objets sauvés. Parfois il est
plus pratique de demander au sauveteur d’être le gardien de ce qu’il a trouvé. Mais
pour éviter de mauvaises surprises le même article dégage l’administration de toute
responsabilité : ces objets demeurent aux risques des propriétaires, leur détérioration,
altération ou déperdition ne peut donner lieu à des dommages et intérêts, quelle que soit la
cause du dommage.
Les pouvoirs de l’AAM :
37
L’enlèvement des épaves
Ce sont donc essentiellement des pouvoirs de protection des épaves. Il peut requérir46
toute personne physique ou morale capable de participer au sauvetage, ainsi que tous
les moyens de sauvetage et magasins. Il peut par exemple demander l’assistance des
autorités locales ou de la force armée pour prévenir le pillage, et demander les services des
personnes capables d’assurer le gardiennage…
Il peut même donner l’ordre d’occuper ou de traverser des propriétés privées. Cette
réquisition doit se faire par écrit. On doit estimer que ces réquisitions devront se référer
aux textes réglementaires qui les autorisent : décret du 26 décembre 1961, article 3, et
l’arrêté du 4 février 1965 article 5. Elles devront préciser :
- L’identité des prestataires
- Les moyens mis à la disposition de l’administration
- Et tous les éléments qui permettront ultérieurement de
fixer le montant des indemnités de réquisition.
L’AAM doit fait preuve de prudence, et ne pas user de son
droit de réquisition avec excès. Les frais engagés ne doivent
pas dépasser la valeur de l’épave.
L’objectif est de restituer l’épave à son propriétaire. Le fait
pour un objet quelconque de répondre à la définition d’épave maritime ne modifie en rien
les droits de propriété légitimes.
Cependant le propriétaire est tenu de revendiquer ses droits. C'est-à-dire de faire
connaitre à l’AAM chargé de la gestion de l’épave qu’il entend reprendre possession de
son bien, les droits des tiers étant réservés.
La revendication doit être exprimée par écrit, et contenir justification des droits du
réclamant. Elle est produite dans un délai de 3 mois à partir :
- de la publication des avis de recherche lancés par l’administration dans le cas où le
propriétaire n’est pas identifié
- de la notification qui lui en est faite s’il est connu, directement le cas échéant,
indirectement par la voie du consulat s’il est étranger.
L’acte de revendication contient une déclaration du propriétaire précisant ses
intentions quant au sort de l’épave. A noter que le délai de 3 mois peut être réduit en
cas d’urgence (épave dangereuse, ou denrées périssables).
46 R.REZENTHEL, le régime des épaves maritimes, DMF2007, n°679 navire transport maritime gens de mer.
38
L’enlèvement des épaves
Si ces formalités sont satisfaites et qu’il n’est soulevé aucune contestation sur les sommes
à payer par le propriétaire, l’épave lui est remise avec un procès-verbal de restitution.
Ainsi, les droits du propriétaire sont garantis sous réserve qu’il revendique son bien. Soit il
récupère son épave déjà « sauvée » par le sauveteur (inventeur ou affaires maritimes), soit
il doit procéder lui même au sauvetage. Il dispose alors 3 mois pour le faire, délai qui peut
être réduit en cas d’épave dangereuse. Le propriétaire a l’obligation de supprimer ce
caractère dangereux. Nous allons voir maintenant que dans le cas d’une épave dangereuse,
l’administration a des pouvoirs importants (Section 2).
Sous-Section 2 – pouvoirs de l’administration française pour faire procéder à
l’enlèvement de l’épave
Le décret du 3 aout 1978 introduit la protection de l’intérêt général, qui avait été
ignorée lors de la rédaction de la loi de 1961. Cette notion a été à nouveau affirmée à la
suite de l’intervention de la loi du 23 novembre 1982.
Le décret avait confié cette protection à l’AAM, mais depuis cette date sont intervenues la
décentralisation et la déconcentration. Tout naturellement, le décret du 21 juin 1985 a tenu
compte de cette évolution et par la même, l’AAM a été déchargé de ce rôle de protecteur
de l’intérêt général au profit de l’autorité chargée de cette protection.
Une épave menace l’intérêt général quand elle présente un danger, aussi afin de
supprimer le caractère dangereux, l’article 6 du décret du 26 décembre 1961 modifié
précise quelle sera l’autorité compétente qui devra prendre les mesures nécessaires.
La première de ces mesures sera la mise en demeure faite au propriétaire de supprimer le
caractère dangereux de l’épave, c’est une obligation pour lui (A). La deuxième, dans le cas
où le propriétaire est inconnu ou refuse d’agir, consiste pour l’autorité compétente à
procéder d’office à la suppression de ce caractère dangereux (B).
A) l’enlèvement : une obligation du propriétaire
La police des épaves impose tant au propriétaire d’une épave qu’à celui qui la
découvre des obligations précises. Le propriétaire a l’obligation de procéder à
l’enlèvement de toute épave présentant un caractère dangereux pour la navigation ou
pour l’environnement. En cas de carence, l’administration peut le mettre en demeure.
39
L’enlèvement des épaves
a) quelle est l’autorité compétente pour procéder à la mise en demeure ?47
Le propriétaire de l'épave dangereuse est dans l'obligation de procéder à sa
récupération, son enlèvement ou sa destruction. Il est mis en demeure, selon l'article 3
du décret du 6 octobre 1987, d'après la localisation de l'épave par :
- le préfet maritime
o dans les ports militaires, avec délégation aux COMAR (commandants
maritimes)
o dans le cadre de son autorité de police administrative générale en mer à
partir de la laisse de basse mer. Il délègue souvent cette compétence aux
AAM.
- le président du conseil général pour les ports départementaux.
- le directeur du port autonome.
- le préfet du département pour les ports non autonomes relevant de la compétence
de l'État.
- le maire, pour les ports communaux.
S'il existe un doute sur la limite de partage des compétences entre l'une de ces autorités et
le préfet maritime, l'autorité présumée compétente et le préfet interviennent conjointement :
c'est le cas dans les chenaux d'accès.
L'autorité compétente pour adresser la mise en demeure doit adapter sa forme en fonction
de son destinataire : il s'agit de distinguer selon que le propriétaire de l'épave est connu ou
non.
b) la forme de la mise en demeure48 adressée au propriétaire connu
Les mises en demeure varient en fonction de la nationalité du propriétaire :
- si le propriétaire est français : la mise en demeure fait l'objet d'une notification,
47 EPAVES MARITIMES, juin 2005, Support pédagogique destiné aux élèves et stagiaires du GE-CFDAM. Pour toute diffusion externe à l’administration l’autorisation doit être demandée par écrit au directeur du GE-CFDAM. 48 Charlotte LALLEMENT, LES EPAVES DANGEREUSES DE NAVIRES DANS LES PORTS MARITIMES, Doctorante au C.D.M.O.
40
L’enlèvement des épaves
- si le propriétaire est étranger : la notification est adressée au consul de l'Etat dont il est
ressortissant,
- si le propriétaire est étranger et de nationalité différente de celle de l'Etat
d'immatriculation du navire : la notification est adressée au consul de l'Etat dont le navire
bat le pavillon.
Quand le propriétaire est inconnu : La mise en demeure relève de l’appréciation
souveraine de l’autorité qui doit y procéder. Lorsque l’épave constitue un danger grave
et imminent pour la navigation, la pêche ou l'environnement, l’Administration intervient
en cas de carence du propriétaire inconnu ou ne pouvant être avisé en temps utile. Dans ce
cas la mise en demeure n'est pas nécessaire mais quand elle a lieu, elle est faite par voie
d’affiches ou d’insertions dans la presse.
- Si le navire devenu épave est étranger, la notification est faite au consul de l'Etat
d’immatriculation. Lorsque la notification est impossible, la mise en demeure est faite
uniquement par voie d’affiches ou d’insertions dans la presse.
c) contenu et effets de la mise en demeure
D’après l’article 8 du décret de 1985, la mise en demeure accorde un délai au
propriétaire pour l'accomplissement des opérations indispensables. Les textes ne
donnent aucune indication sur le délai de mise en demeure, il peut être très variable en
fonction des circonstances : d’une heure à plusieurs semaines. Le juge ne sanctionnera que
l’erreur manifeste d’appréciation49, en cas de délai trop court.
La mise en demeure est considérée restée sans effet lorsque les travaux de relèvement
ou de démolition n’ont pas été commencés ou achevés dans les délais.
La déchéance des droits du propriétaire de l’épave peut être prononcée par décision
du Ministre chargé de la Marine Marchande, à l’expiration du délai que celui-ci aura fixé
au propriétaire pour exécuter les mesures prescrites.
Si le propriétaire n'accomplit pas les opérations nécessaires passé ce délai, l’autorité
compétente peut intervenir pour les faire effectuer (article 8 alinéa 2 du décret de 1985).
49 l’erreur manifeste d’appréciation : théorie jurisprudentielle imaginée par les juridictions administratives pour étendre leur contrôle sur le pouvoir discrétionnaire de l’administration, leur permettant face à ce qu’elles considèrent comme des erreurs particulièrement flagrantes de celle-ci, de contrôler l’appréciation des faits à laquelle elle s’est livrée. R.GUILLIEN et J.VINCENT Lexique des termes juridiques, Dalloz, 13° édition, 2001.
41
L’enlèvement des épaves
Il convient donc d'étudier les cas dans lesquels l'administration interviendra (B).
B) en cas de défaillance du propriétaire ou d’urgence : l’Etat procède lui même à
l’enlèvement de l’épave
Comme nous l’avons vu, le propriétaire a l’obligation de procéder lui même au
relèvement de son épave. Mais dans plusieurs circonstances l’administration peut être
amenée à faire elle même cette opération (a). Elle le fait aux frais et risques du propriétaire
(b), qui ne peut d’ailleurs plus faire l’abandon de son épave (c).
a) cas dans lesquels l’administration procède elle même à l’enlèvement :
- l’administration peut procéder d’office à la récupération de l’épave :
o si le propriétaire est inconnu
o s’il ne peut être avisé en temps utile (art 7 du décret du 26 décembre 1961)
o si la mise en demeure est restée sans effet
- l’administration peut également intervenir à la demande du propriétaire, à ses
frais et risques (article 8 du décret du 26 décembre 1961).
- L’administration procèdera à l’enlèvement en cas de danger grave et
imminent sans mise en demeure. Nous pouvons citer à titre d’exemple l'arrêt du
Conseil d'État du 23 octobre 1987, dans cette espèce un navire abandonné chargé
d'explosifs dérivait, à demi-submergé, et fut détruit par la Marine Nationale : le
Conseil d'État donna raison à la Marine Nationale d'avoir agi immédiatement sans
mettre en demeure le propriétaire, car il y avait un danger grave et imminent.
b) toutes ces interventions sont à la charge du propriétaire
L’administration n’assume pas les risques de ses interventions car elle n’est pas un
sauveteur ordinaire ni un gérant d’affaires. Cette précision met à l’abri l’administration
d’éventuelles poursuites que pourraient exercer des particuliers à son encontre du fait
d’une erreur de manipulation de sa part, surtout en matière de cargaisons dangereuses : en
42
L’enlèvement des épaves
matière de sauvetage ordinaire en effet, le sauveteur serait responsable de sa maladresse
envers les propriétaires de l’épave (ou à l'égard des tiers), si celle-ci entraînait la perte ou
des avaries supplémentaires à l’épave.
De même, l'administration n'est pas un gérant d'affaires au sens de l'article 137250
du Code civil : elle n'a pas à se soumettre aux obligations qui résulteraient d'un mandat
exprès que lui aurait donné le propriétaire.
L'administration intervient donc aux frais et risques du propriétaire.
D’une part même en cas de déchéance de ses droits, le propriétaire devra procéder au
remboursement des frais engagés (c).
Et d’autre part il ne pourra plus faire abandon de l'épave depuis la condamnation définitive
de cet abandon par la loi du 3 janvier 1967 (d).
c) déchéance du droit de propriété mais pas des frais engagés
antérieurement
La loi du 24 novembre 1961 prévoit dans article 1er que le propriétaire dûment
mis en demeure, qui refuse ou néglige de procéder au sauvetage de l’épave, subira la
déchéance de son droit de propriété. Elle sera prononcée par le ministre chargé de la
Marine Marchande. La nouveauté introduite par la loi du 23 novembre 1982 est la
possibilité de prononcer la déchéance du droit de propriété quand l’épave remonte à plus
de 5 ans. Cela permet à l’administration de se débarrasser des épaves abandonnées par
leur propriétaire dès qu’il y a des volontaires pour leur récupération.
Le plus important c’est qu’en cas de déchéance du droit de propriété, rien de s’oppose au
recouvrement des frais engagés antérieurement par les autorités compétentes. C’est
d’ailleurs ce qui bloqua pendant longtemps le consensus autour de ce texte.
d) L’impossibilité d’abandon de ses droits par le propriétaire
50 Art 1372 code civil : Lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même ; il doit se charger également de toutes les dépendances de cette même affaire. Il se soumet à toutes les obligations qui résulteraient d'un mandat exprès que lui aurait donné le propriétaire.
43
L’enlèvement des épaves
Indépendamment du fait que le propriétaire peut se laisser déposséder de ses droits
sur l’épave par le jeu de la déchéance, il pouvait encore avant la loi du 3 janvier 1967
portant statut des navires et autres bâtiments de mer, les abandonner purement et
simplement par un acte volontaire. C’était la faculté d’abandon. Cette formalité
l’exonérait de tous les frais entrainés par la présence ou l’enlèvement de l’épave ! Depuis
cette loi de 1967, qui a abrogé l’article 216 du code de commerce instituant l’abandon, il
ne peut plus user de la faculté d’abandon du navire. Cette faculté était également prévue
par le décret du 26 décret 1961. Il est en effet personnellement responsable de tous ses
biens.
Comme nous l’avons vu, le droit permet à la France d’obtenir l’enlèvement d’une
épave maritime sans trop de difficulté dans ses eaux sous souveraineté. La situation est
différente dans les eaux extraterritoriales. A l’heure actuelle, la France a une petite marge
de manœuvre dans ses Zones Economiques exclusives. Mais la toute récente convention de
Nairobi signée en 2007 permettra, dès son entrée en vigueur, à la France de pouvoir se
protéger des conséquences dommageables des épaves maritimes (chapitre 2).
44
L’enlèvement des épaves
Chapitre 2 :
L’apport de la convention de Nairobi, signée en 2007,
aux pouvoirs de l’Etat côtier sur les ZEE ou dans la
limite des 200 miles marins des lignes de base
Il convient de faire un état des lieux du droit des épaves dans les ZEE (Section 1),
avant de constater l’apport bénéfique de la convention de Nairobi (Section 2).
Section 1 – l’état actuel du droit dans les ZEE51
La question est de savoir si l’on peut étendre le régime français dans les ZEE
de la France, voir dans sa Zone de Protection Ecologique (ZPE) ou sur son plateau
continental.
Il est très incertain que la France puisse imposer sa loi de police des épaves sur ces espaces
maritimes. L’article 56 de la CNUDM ne reconnait à l’Etat côtier sur sa ZEE que des
« droits souverains aux fins d’exploitation, de conservation, et de gestion des ressources
naturelles… des eaux surjacentes aux fonds marins ». Elle lui confère aussi « juridiction »
notamment pour la « protection et la préservation du milieu marin ». Il est délicat de
51 Sur les problèmes posés par les épaves, voir P. Bonassies, Encyclopédie Dalloz de droit international, rubrique Epave maritime.
45
L’enlèvement des épaves
déduire de ce texte l’affirmation d’un pouvoir général de police de l’Etat côtier sur sa ZEE,
comme sur toute zone de protection écologique.
On peut éventuellement admettre que la France puisse imposer au capitaine d’un navire
battant pavillon étranger ou à l’armateur de ce navire une obligation de déclaration ou de
relèvement pour une épave présentant un danger pour le milieu marin. On peut même
imaginer, qu’il puisse le faire pour une épave lui faisant obstacle pour exploiter sa zone
économique.
Il est possible à la France, de prendre les mesures appropriées à l’égard de l’épave d’une
ile artificielle, d’une plate forme de forage ou de toute autre installation susceptible de
faire obstacle à la sécurité de la navigation. La compétence de l’Etat étant ici prévue par
l’article 60 de la CNUDM.
Le même raisonnement doit être suivi s’agissant du plateau continental. C’est
seulement dans des situations exceptionnelles, où l’exploitation ou l’exploration des
ressources naturelles seraient menacées, que l’Etat côtier pourrait faire usage de ses droits
de police.
Nous allons maintenant étudier ce qu’apporte la convention de Nairobi. Plusieurs
années passeront avant que cette convention n’entre en vigueur. Il n’est pourtant pas
sans intérêt de
s’intéresser à elle.
L’apport est certain !
Car en l’état actuel du
droit, international et
français,
l’administration
française ne peut
intervenir à l’égard
d’un navire étranger en
ZEE qu’au cas où il y a menace de pollution. Une menace pour la sécurité de la navigation
n’autorise pas, en principe, l’intervention des autorités françaises. Mais cette intervention
sera possible, une fois la convention de Nairobi en vigueur.
46
L’enlèvement des épaves
La France a tout intérêt à voir cette convention entrer en vigueur. Comme nous le montre
cette carte, elle possède de nombreuses ZEE d’une superficie totale de 11.035.000 km²,
dont 5,03 millions en Polynésie française et 1,74 en Nouvelle-Calédonie52. En ANNEXE
7 vous trouverez un tableau recensant les textes relatifs aux ZEE françaises.
Section 2 – Dans les ZEE : les apports de la convention de Nairobi de
2007
A) les origines de la convention de Nairobi de 200753
C’est grâce à une initiative conjointe de l’Allemagne, de la Grèce, des Pays-Bas et
du Royaume-Uni que la question des épaves a été portée dès 1993 à l’ordre du jour du
comité juridique de l’Organisation Maritime Internationale (OMI).
Ce sont les problèmes de navigation auxquels étaient régulièrement confrontés les navires
faisant escale dans les ports de ces Etats, en raison de la présence d’épaves dans les eaux
extraterritoriales, qui ont motivé cette initiative. Les législations nationales étaient dans
l’impossibilité de maîtriser ces problèmes.
Les travaux menés ont conduit à la signature, le 18 mai 2007, de la convention
internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves. Cette convention est annexée au
présent mémoire. ANNEXE 8 : Nairobi international convention on the removal of wrecks,
200754. Les articles infra ont fait l’objet d’une traduction personnelle.
Elle entrera en vigueur 12 mois55 après la date à laquelle, dix Etats (quel que soit le
tonnage global cumulé représenté par leurs marines marchandes), soit l’auront signée sans
avoir émis de réserve quant à sa ratification, son acceptation, ou son approbation, soit
52 source des chiffres et de la carte : wikipédia 53 Lamy environnement – l’eau. Partie 5, titre 4, étude 543 gestion des épaves, Section 1. http://wwwlamylinereflex.fr 54 www.imo.org 55 DMF 2008. N° 12 supplément, le droit positif français en 2007.
47
L’enlèvement des épaves
auront déposé un instrument de ratification, d’acceptation ou d’adhésion auprès du
secrétariat général de l’OMI.
B) objet et principes de la convention de Nairobi
La convention de Nairobi sur les épaves a une double préoccupation. Tout d’abord
fixer sur le plan international des règles et des procédures qui garantissent l’enlèvement
rapide et efficace des épaves qui sont dans les eaux extraterritoriales et jugées
dangereuses au regard des risques qu’elles font courir à la fois à la navigation et à
l’environnement. Ensuite, garantir le règlement et le remboursement des frais liés à la
localisation, la signalisation et l’enlèvement de ces épaves.
Elle pose pour principe général que tout Etat partie est en droit de prendre les
mesures nécessaires à l’enlèvement d’une épave qui présente un danger dans la zone
qu’elle vise.
Elle donne également, un certain nombre de dispositions importantes pour sa mise en
œuvre. Elle indique notamment, que les mesures prises pour l’enlèvement doivent être
proportionnées au danger (article 2 § 2). Proportionné signifie que les mesures prises ne
doivent pas aller au-delà de ce qui est raisonnablement nécessaire pour mener à bien
l’opération. Elles doivent prendre fin dès que l’épave a été enlevée, et ne pas porter
atteinte de manière injustifiée aux droits et intérêts des autres Etats ou de toute autre
personne morale ou physique intéressée (article 2 § 3). De plus, les Etats parties
doivent coopérer quand les effets d’un accident, cause d’une épave, touche un Etat
autre que celui dans les eaux duquel se trouve l’épave.
C) champ d’application de la convention de Nairobi
a. champ d’application géographique : ZEE ou dans la limite des 200 milles
marins à partir des lignes de base
La convention s’applique à la ZEE de tout Etat partie, ou si cette zone n’a pas
été établie, à toute zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci et
ne s’étendant pas au-delà des 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles
est mesurée la largeur de la mer territoriale (article 1 § 1).
48
L’enlèvement des épaves
Ce champ exclut donc à la fois les eaux territoriales des Etats parties, et la haute
mer. Cependant, d’après l’article 3 § 2, tout Etat à la faculté d’élargir la portée de cette
convention. C'est-à-dire qu’il peut inclure les épaves qui se trouvent dans les limites de son
territoire, notamment la mer territoriale et les eaux intérieures. Toutefois, il ne peut le
faire que s’il manifeste son intention au secrétaire général de l’OMI. Il faut noter, que du
fait de cette extension, un certain nombre de dispositions de la convention ne seront pas
applicables aux eaux territoriales.
b. champ d’application matériel
1. les navires au sens large
Certes, cette convention s’applique aux navires. Mais il est pris dans son sens le
plus large. Ainsi la définition donnée correspond à celle retenue par d’autres conventions
maritimes telle que la convention internationale du 29 novembre 1969 sur l’intervention en
haute mer en cas d’accident entrainant ou pouvant entrainer une pollution par
hydrocarbure.
Elle exclut :
- les plates-formes flottantes : quand elles se livrent à des activités d’exploration,
d’exploitation ou de production des ressources minérales des fonds marins.
- les plates-formes fixes : car elles ne sont couvertes ni par les conventions traitant
de l’assistance ou de l’intervention en haute mer, ni par celle de Londres sur la
limitation de responsabilité.
- les navires de guerre et les navires appartenant à un Etat partie ou exploités par lui,
tant que celui-ci les utilise exclusivement à des fins gouvernementales et non
commerciales. Mais un Etat peut en décider autrement, s’il l’indique au secrétariat
général de l’OMI.
- les navires coulés à des fins d’exploitation. Ils sont visés à l’article 4 du protocole
de 1996 de la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers
résultant de l’immersion des déchets. Les dispositions qui leur sont applicables
relèvent des directives spécifiques aux déchets, applicables aux navires destinés à
être éliminés.
2. La convention donne sa propre définition d’une épave
49
L’enlèvement des épaves
L’article 1 § 4 de la convention précise que constitue une épave :
- tout ou partie d’un navire naufragé ou échoué, y compris tout objet se
trouvant ou s’étant trouvé à bord d’un tel navire, ou
- tout objet perdu en mer par un navire tel que les conteneurs, cargaison en
pontée…, et qui est échoué, submergé ou à la dérive en mer, ou
- un navire sur le point de couler ou de s’échouer, ou dont le naufrage ou
l’échouement peuvent être raisonnablement attendus, si aucune mesure efficace
destinée à prêter assistance au navire ou à un bien en danger n’est déjà en train
d’être prise. Ainsi, n’est pas une épave un navire naufragé ou échoué restant sous le
contrôle ou que le propriétaire pourrait envisager de relever.
D’après l’article 1 § 3, la situation de l’épave ne peut être que la conséquence d’un
accident de mer. Par exemple : un abordage, un échouement, un incident de navigation…
La convention caractérise l’épave par son origine qui se trouve dans un accident maritime,
et non par son état qui n’est pas nécessairement l’abandon (ce que fait le droit français).
3. L’épave doit constituer un danger
La convention de Nairobi a pour objectif de donner des possibilités d’action aux
Etats afin de limiter les dangers potentiels d’une épave. Elle énumère dans son article 6,
quinze critères permettant d’établir qu’elle constitue bien un danger.
Citons notamment :
- la profondeur d’eau
- la proximité de routes maritimes ou de voies de circulation établies
- la densité et la fréquence du trafic
- la nature et la quantité de la cargaison de l’épave
- la hauteur de l’épave au dessus et en dessous de la surface de l’eau
- etc.
D) la procédure à suivre
50
L’enlèvement des épaves
Il est intéressant de noter que la convention ne fait pas référence à l’Etat côtier
(coastal state) mais à l’Etat affecté (affected state)56. On doit entendre par « Etat affecté »,
l’Etat dans la zone duquel se situe l’épave. Cette situation est révélatrice du problème que
rencontrent les Etats avec la délimitation des zones maritimes, tantôt désireux d’avoir des
pouvoirs étendus, tantôt frileux de se voir imposer les pouvoirs souverains des autres. La
convention de Nairobi fait référence à la notion de propriétaire inscrit. Cette expression
fait référence à la ou les personnes, au nom de laquelle ou desquelles le navire est
immatriculé ou, à défaut d’immatriculation, dont le navire est la propriété au moment de
l’accident de mer.
Ces remarques sémantiques opérées, nous pouvons commencer l’étude de cette
procédure.
a. déclaration
Pour permettre la prise de contact entre l’Etat côtier et le propriétaire inscrit, le
capitaine ou l’exploitant est dans l’obligation d’adresser « sans tarder » un rapport à l’Etat
affecté quand le navire a été impliqué dans un accident de mer qui a causé une épave.
Ce rapport doit contenir des renseignements pertinents pour permettre à l’Etat affecté
d’établir si l’épave est ou non dangereuse (article 5).
b. localisation de l’épave
D’après l’article 7 de la convention, tout Etat affecté, après avoir eu connaissance
de l’existence d’une épave, doit avertir les navigateurs, et les Etats intéressés de la
nature et de l’emplacement de l’épave. Si cette dernière présente un danger, l’Etat
affecté doit veiller à ce que toutes les mesures soient prises pour déterminer son
emplacement exact.
c. signalisation de l’épave
56 C. DE CET BERTIN, l’Etat et l’épave : droit français et projet de convention internationale, in Bulletin d’étude de la Marine n° 36, janvier 2007, p 71 et s
51
L’enlèvement des épaves
Si l’épave constitue bien un danger, l’Etat affecté doit s’assurer que toutes les
mesures raisonnables sont prises pour signaler celle-ci. Cette signalisation peut se faire par
tous les moyens appropriés, y compris une publication nautique.
d. l’enlèvement de l’épave
l’article 9 de la convention précise l’ensemble des mesures devant être prises par
l’Etat affecté et par le propriétaire inscrit pour permettre l’enlèvement de l’épave dès lors
que celle-ci constitue bien un danger au regard des critères énumérés à l’article 6.
Elément fondamental de la convention, on notera l’obligation du propriétaire inscrit
d’enlever l’épave jugée dangereuse « dans un délai raisonnable » au regard du danger
qu’elle constitue. L’Etat affecté se réserve le droit, dans le cas où le délai ne serait pas
respecté, ou, quand il s’avère nécessaire d’agir immédiatement, d’enlever l’épave par les
moyens les plus pratiques et les plus rapides disponibles.
En contrepartie l’Etat affecté a des obligations. Il doit avertir immédiatement l’Etat
d’immatriculation du navire et le propriétaire inscrit. Quand il est établi que l’épave est un
danger il doit procéder à des consultations préalables de l’Etat d’immatriculation, et des
autres Etats susceptibles d’être affectés, au sujet des mesures à prendre.
L’Etat ne peut imposer ses propres moyens que dans les cas où le propriétaire
inscrit ne peut être prévenu, quand le délai imparti est dépassé, ou en cas d’urgence.
Le choix des moyens incombe donc en principe au propriétaire inscrit. Néanmoins, l’Etat
affecté peut encadrer les opérations d’enlèvement. Il peut avant que l’enlèvement ne
commence en fixer les conditions, mais uniquement dans le but de s’assurer que
l’opération se déroule dans le respect de la sécurité et de la protection du milieu marin. De
la même manière, une fois que l’enlèvement est commencé, il peut s’assurer que
l’opération se déroule efficacement et de manière respectueuse de la sécurité et de
l’environnement.
E) les frais de localisation, de signalisation, et d’enlèvement sont à la charge
du propriétaire inscrit
La convention de Nairobi ne traite que des frais liés à la localisation, la
signalisation et à l’enlèvement encourus par le propriétaire inscrit. Mais elle ne prévoit pas
de canalisation de la responsabilité. Cela autorisera l’Etat à agir pour le recouvrement de
52
L’enlèvement des épaves
ses frais, non seulement contre le propriétaire, mais aussi contre l’exploitant du navire,
voir contre l’armateur tiers responsable du naufrage ayant causé l’épave. Elle ne prévoit
pas de régime global de responsabilité.
Elle n’établit pas non plus de droit pour le propriétaire de limiter sa responsabilité. Elle se
réfère simplement au « régime national ou international » applicable en matière de
limitation de responsabilité (convention de Londres de 1976 sur la limitation de
responsabilité en matière de créances maritimes). Nous verrons le problème de la
limitation de responsabilité dans la seconde partie.
a. charges incombant au propriétaire
Le propriétaire est tenu de payer les frais de localisation, de signalisation et
d’enlèvement de l’épave (article 10 § 1), quand il est établi que l’épave constitue un
danger au regard des critères énumérés dans l’article 6 de la convention.
b. cas d’exonération
Ils sont prévus par l’article 10 § 1 de la convention. Ils sont peu nombreux et sont
identiques à ceux retenus par la convention internationale de 1992 sur la responsabilité
civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.
Au terme de l’article 11, le propriétaire inscrit n’est pas tenu de payer les frais de
localisation, de signalisation et d’enlèvement de l’épave, si dans la mesure où l’obligation
de s’acquitter de ces dépenses est incompatible avec :
- la convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les
dommages dus à la pollution par les hydrocarbures
- la convention internationale de 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour
les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement
dangereuses (convention SNPD/HNS)
- la convention de 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie
nucléaire
- la convention de Vienne relative à la responsabilité civile en matière de dommages
nucléaires, 1963
- la législation nationale régissant ou interdisant la limitation de responsabilité en
matière de dommages nucléaires
53
L’enlèvement des épaves
- la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les
dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute.
Il est tenu de payer ces frais, sauf s’il prouve que l’évènement de mer qui a causé l’épave,
provient d’un acte de guerre ou assimilé, un phénomène naturel de caractère exceptionnel,
inévitable et irrésistible, de l’action délibérée d’un tiers, enfin de la négligence d’un
gouvernement ou autre autorité responsable de l’entretien des feux ou autres aides à la
navigation.
c. l’obligation d’assurance
Au terme de l’article 12 de la convention, le propriétaire inscrit d’un navire d’une
jauge brute égale ou supérieure à 300 et battant pavillon d’un Etat partie, est tenu de
souscrire une assurance ou autre garantie financière, telle le cautionnement d’une
banque ou d’une institution similaire pour couvrir sa responsabilité.
Ainsi, toute demande de remboursement des frais découlant des opérations de localisation,
de signalisation et d’enlèvement pourra être formulée contre l’assureur ou autre personne
dont émane la garantie financière couvrant la responsabilité du propriétaire inscrit. Le délai
de prescription est de 3 ans à compter de la date à laquelle le danger a été établi.
Néanmoins, aucune action en justice ne peut être intentée après un délai de 6 ans à compter
de la date de l’accident de mer à l’origine de l’épave.
Nous étudierons le problème du montant de cette responsabilité dans la deuxième partie de
ce mémoire.
54
L’enlèvement des épaves
Nous avons étudié le fondement juridique national permettant à la France d’obtenir
l’enlèvement d’une épave. Nous avons également vu les possibilités d’action qu’elle a
pour l’instant sur ses ZEE, et celles qu’elle aura dès l’entrée en vigueur de la convention de
Nairobi signée en 2007.
Dans les deux cas, les enlèvements sont à la charge des propriétaires des épaves.
Mais souvent, ils entrainent des frais importants que la France doit, dans certaines
circonstances, avancer. Il s’agit maintenant de voir dans quelles conditions elle est
indemnisée par les responsables. La question qui se pose est de savoir si les responsables
peuvent lui opposer la constitution d’un fonds de limitation. Nous allons voir que le droit
français a une position particulière, difficile à appréhender. La convention de Nairobi ne
prévoit pas le problème de la constitution d’un fonds de limitation par les propriétaires,
elle renvoie au droit national ou international. Cela renforce la nécessité d’analyser la
conception française de la limitation de responsabilité en cas d’enlèvement d’une épave.
Nous devons donc maintenant expliquer comment le droit français envisage la
limitation de responsabilité concernant l’enlèvement des épaves, et confronter cette
position à celle internationale contenue dans la convention de Londres de 1976 (deuxième
partie).
55
L’enlèvement des épaves
DEUXIÈME PARTIE :
L’ENLÈVEMENT DES ÉPAVES ET LE PROBLÈME
DE LA LIMITATION DE RESPONSABILITÉ
L’objet de cette deuxième partie est de montrer que le droit maritime français est
hostile au jeu de la limitation de responsabilité en particulier vis-à-vis des créances
invoquées par les pouvoirs publics, dans notre cas, l’enlèvement des épaves opéré par
l’Etat (chapitre 1).
Nous verrons que ce dispositif déroge à la convention de Londres du 19 novembre
1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes, dite convention
LLMC57 (chapitre 2).
57 LLMC : Limitation of Liability for Maritime Claims
56
L’enlèvement des épaves
Chapitre 1 :
Hostilité du droit français au jeu de la limitation de
responsabilité pour les épaves
L’hostilité française vis-à-vis du jeu de la limitation de responsabilité pour les
épaves n’est pas absolue, la France a en effet ratifié la convention de Londres de 1976.
Néanmoins, historiquement sa position est claire et manifeste en droit interne, concernant
les dommages causés par les épaves (Section 1). Sa position est la même concernant les
créances invoquées par l’Etat à la suite du relèvement d’une épave (Section 2). Il faut,
avant de commencer, rappeler ce qu’est la « limitation de responsabilité » (Section
préliminaire).
Section préliminaire - limitation de responsabilité, définition.
Nous allons rappeler ses origines (A) et son évolution (B), pour ensuite donner les
créances limitables et celles exclues (C). Nous constaterons l’unanimité des législations en
la matière et les réserves de la France sur certains domaines (D).
A- origine
57
L’enlèvement des épaves
C’est l’institution la plus originale du droit maritime. L’idée dominante est celle
qu’expriment les notions de patrimoine de mer, et de fortune de mer, expression utilisée
par le doyen Ripert58. Ces notions soutiennent l’idée que le propriétaire du navire ne met
en jeu que le bien qu’il a affecté à l’expédition maritime, le navire, éventuellement
augmenté des sommes gagnées pendant l’expédition59. Cette idée était en accord avec
l’article 216 du code de commerce prévoyant l’abandon du navire et du fret.
B- évolution
Le 10 octobre 1957, la convention internationale sur la limitation de responsabilité
des propriétaires de navires de mer est signée à Bruxelles.
Le 19 novembre 1976, la convention internationale sur la limitation de
responsabilité en matière de créances maritimes est signée à Londres.
Après cette convention de 1976, la référence à la fortune de mer n’était plus
possible en raison de l’extension de la limitation aux armateurs non propriétaires. Il faut
chercher ailleurs une justification. On peut la retrouver dans deux autres idées. D’une part,
les risques de mer, et d’autre part, l’intérêt général. C’est parce qu’il affronte la mer et ses
risques, que le propriétaire peut voir sa responsabilité limitée. Et c’est parce que son
activité est importante pour l’intérêt général qu’elle peut être allégée pour l’armateur non
propriétaire.
C- créances limitables et créances exclues de la convention de 1976
La convention de 1976 donne une liste des créances qui sont limitables, et une liste
de celles qui ne sont pas limitables, articles 2 et 3 :
Art. 2 Créances soumises à la limitation
1. Sous réserve des art. 3 et 4, les créances suivantes, quel que soit le fondement de la responsabilité, sont
soumises à la limitation de la responsabilité:
a) créances pour mort pour lésions corporelles, pour pertes et pour dommages à tous biens (y compris les
dommages causés aux ouvrages d’art des ports, bassins, voies navigables et aides à la navigation), survenus
à bord du navire ou en relation directe avec l’exploitation de celui-ci ou avec des opérations d’assistance ou
de sauvetage, ainsi que pour tout autre préjudice en résultant; 58 C’est l’intitulé du titre dans son traité : tome 2, 5° édition, n°1228 et s, « La fortune de mer. Abandon du navire et du fret ». 59 P.BONASSIES, C.SCAPEL : traité de droit maritime, 2006, ed. LGDJ, p265.
58
L’enlèvement des épaves
b) créances pour tout préjudice résultant d’un retard dans le transport par mer de la cargaison, des
passagers ou de leurs bagages;
c) créances pour d’autres préjudices résultant de l’atteinte à tous droits de source extracontractuelle, et
survenus en relation directe avec l’exploitation du navire ou avec des opérations d’assistance ou de
sauvetage;
d) créances pour avoir renfloué, enlevé, détruit ou rendu inoffensif un navire coulé, naufragé, échoué ou
abandonné, y compris tout ce qui se trouve ou s’est trouvé à bord;
e) créances pour avoir enlevé, détruit ou rendu inoffensive la cargaison du navire;
f) créances produites par une personne autre que la personne responsable pour les mesures prises afin de
prévenir ou de réduire un dommage pour lequel la personne responsable peut limiter sa responsabilité
conformément à la présente convention, et pour les dommages ultérieurement causés par ces mesures.
2. Les créances visées au paragraphe 1 sont soumises à la limitation de la responsabilité même si elles font
l’objet d’une action, contractuelle ou non, récursoire ou en garantie. Toutefois, les créances produites aux
termes des al. d), e) et f) du par. 1 ne sont pas soumises à la limitation de responsabilité dans la mesure où
elles sont relatives à la rémunération en application d’un contrat conclu avec la personne responsable.
Art. 3 Créances exclues de la limitation
Les règles de la Présente Convention ne s’appliquent pas:
a) aux créances du chef d’assistance, de sauvetage, ou de contribution en avarie commune;
b) aux créances pour dommages dus à la pollution par les hydrocarbures au sens de la Convention
internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures en
date du 29 novembre 1969, ou de tout amendement ou de tout protocole à celle-ci qui est en vigueur;
c) aux créances soumises à toute convention internationale ou législation nationale régissant ou interdisant
la limitation de la responsabilité pour dommages nucléaires;
d) aux créances pour dommages nucléaires formées contre le propriétaire d’un navire nucléaire;
e) aux créances des préposés du propriétaire du navire ou de l’assistant dont les fonctions se rattachent au
service du navire ou aux opérations d’assistance ou de sauvetage ainsi qu’aux créances de leurs héritiers,
ayants cause ou autres personnes fondées à former de telles créances si, selon la loi régissant le contrat
d’engagement conclu entre le propriétaire du navire ou l’assistant et les préposés, le propriétaire du navire
ou l’assistant n’est pas en droit de limiter sa responsabilité relativement à ces créances, ou, si, selon cette loi,
il ne peut le faire qu’à concurrence d’un montant supérieur à celui prévu à l’art. 6.
En dressant une liste dans deux articles différents des créances limitables et de
celles exclues, la convention de 1976 adopte une position plus claire, et comble les
souhaits du doyen Ripert60.
D- unanimité des législations sur ce principe fondamental du droit maritime
60 I.CORBIER, DMF-12-2002, n°632. Les créances non limitables, www.lamylinereflex.fr
59
L’enlèvement des épaves
La limitation est au cœur du droit maritime, c’est une marque forte de son
particularisme. Nous assistons d’ailleurs à une unanimité des législations en la matière61.
Même si ce n’est pas à la hauteur du rêve de Patrick Simon, le droit français, c'est-à-dire
son législateur, ses tribunaux et sa doctrine, est dans le principe favorable à l’institution de
la limitation. Nous avons pour preuve l’ouverture de la limitation à d’autres bénéficiaires
que le propriétaire de navire. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a d’ailleurs su appliquer
la limitation dans l’affaire du Zulu Sea, et cela alors même qu’elle est souvent rigoureuse à
l’égard des armateurs. L’affaire du Darfur confirme également cette orientation.
Mais au-delà de ce respect de principe, nous pouvons voir une certaine réserve à l’égard de
cette institution. Il y a une réserve du législateur en matière de créance des marins62,
domaine où la convention de 1976 laissait libre les Etats de décider. La France a ici choisi
la position la plus favorable aux salariés. Il y a une réserve aussi du législateur quant aux
créances de relèvement des épaves, elles aussi sont exclues du domaine de la limitation
(Section 1).
Section 1 – hostilité visible du droit français dans la responsabilité
intégrale pour les dommages causés par les épaves
Le jeu de la limitation de responsabilité est dérogatoire au droit commun. En effet,
le principe du droit commun est que la victime doit obtenir une indemnisation à la hauteur
du préjudice subit par elle. En droit maritime, avec le principe de la limitation de
responsabilité, ce n’est pas le cas. La victime ne percevra pas une indemnisation
équivalente à son préjudice, mais une indemnisation basée sur un fonds de limitation
proportionnel au tonnage du navire.
Le droit maritime français a toujours été soucieux d’une juste indemnisation des
victimes. Il s’était d’ailleurs montré hostile au jeu de l’abandon en nature d’une épave en
guise d’indemnisation. Dans l’affaire du Lamoricière63 et du Champollion, la Cour de
61 P.BONASSIES, DMF-12-2002, n°632. Rapport de synthèse, www.lamylinereflex.fr62 voir I.CORBIER, DMF-12-2002, n°632. Les créances non limitables, www.lamylinereflex.fr 63 Cass. Com. 19 juin 1951.
60
L’enlèvement des épaves
cassation l’a bien montré. Elle a fait un recours audacieux au code civil (article 1384
alinéa 1 : « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre
fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou
des choses que l'on a sous sa garde ») afin que les créances des familles ne soient pas
réduites à néant par le mécanisme de l’abandon. On peut donc dire que le problème des
épaves est au centre de la genèse de la modernisation de la limitation de responsabilité.
La Cour de cassation a été suivie par le Conseil d’Etat dans cette résistance. Il a
cherché à protéger les créances de l’Etat et des établissements portuaires contre les
propriétaires d’épaves. Dans un arrêt du 23 juin 197164, le Conseil d’Etat s’est prononcé
sur le cas du Romulus. Ce navire avait fait naufrage en se brisant sur les jetées du port de
Bayonne. Il a jugé que l’article 216 du code de commerce et l’article 5 du décret de 1961,
qui autorisaient la limitation, ayant tout deux été abrogés par la réforme opérée par la loi
de 1967 sur le statut des navires, ne pouvaient permettre l’abandon d’une épave à l’Etat en
guise d’indemnisation.
Depuis l’abrogation de l’article 216 du code de commerce, et avec les textes
actuels sur la limitation de responsabilité, le raisonnement suivi désormais en la matière est
très simple. La limitation de responsabilité étant prévue pour des créances attachées aux
navires, on ne voit pas pourquoi on l’étendrait aux épaves, qui ont par définition cessé
d’être des navires. Ainsi, la responsabilité du propriétaire d’une épave, pour les dommages
causés par celle-ci, relève plus du droit civil que du droit maritime, et interdit par
conséquent le jeu de la limitation de responsabilité.
Section 2 – hostilité manifeste du droit français dans l’interdiction
expresse de la limitation des créances de « prise en charge » des épaves
par les pouvoirs publics65
64 C.E. 23 juin 1971, DMF 1971, p. 738. 65 M.NDENDE, DMF – 2002, les épaves et la limitation de responsabilité.
61
L’enlèvement des épaves
Le problème du financement de l’enlèvement, du renflouement ou de la destruction
des épaves a toujours suscité en France de grandes difficultés. En particulier lorsque
l’administration réclame le remboursement des frais qu’elle a été obligée d’exposer en
raison de l’inertie du propriétaire d’une épave dangereuse, ou en cas d’urgence.
La querelle persiste depuis le XIXème siècle. L’administration française et la
jurisprudence administrative ont toujours tenté de soustraire les créances de renflouement
et d’enlèvement d’épaves à toute limitation de responsabilité du propriétaire de navire.
A- rappel de la première partie : la prise en charge de l’épave par le propriétaire
ou par les autorités françaises
Comme nous l’avons vu dans la première partie de cette analyse :
Le propriétaire à l’obligation de procéder à l’enlèvement de son épave
lorsqu’elle est dangereuse ou polluante. Quand l’épave ne présente aucun danger, ni
pour la sécurité de la navigation, ni pour l’environnement, le propriétaire, s’il est
identifié, doit procéder aux travaux de relèvement, renflouement, enlèvement,
destruction dans les délais qui lui sont imposés. Cela sous peine de subir la déchéance
de son droit de propriété. Il doit dédommager le sauveteur, les règles applicables étant
celles prévus par les textes sur le sauvetage des épaves, et ici la limitation de responsabilité
n’intervient pas (article 60 de la loi de 1967).
Les pouvoirs publics ont des obligations particulières lorsqu’une épave présente
un danger pour la navigation, la pêche, ou l’environnement, pour l’accès dans un
port ou le séjour dans un port. La loi du 23 novembre 1982, complétée par le décret du
21 juin 1985 impose à l’administration de se substituer au propriétaire s’il reste inerte
après la mise en demeure d’enlever l’épave, ou s’il est inconnu.
En cas de danger grave et imminent, l’article 9 de cette loi dispense l’administration de
procéder à la mise en demeure, et lui demande d’intervenir d’office aux frais et risques
du propriétaire.
Il est donc fréquent que les autorités portuaires ou maritimes prennent en charge le
relèvement d’épaves de navires constituant un danger pour la sécurité de la navigation en
espérant obtenir le remboursement des frais engagés.
62
L’enlèvement des épaves
B- dispositions de la loi du 21 décembre 1984 en faveur du remboursement
intégral des créances des pouvoirs publics
L’exclusion de la limitation est le moyen de l’administration française de
répondre à l’indélicatesse de certains propriétaires de navires qui, lorsque leur navire
fait naufrage, tendent à esquiver leurs responsabilités et à laisser à la charge des
pouvoirs publics le coût des opérations de relèvement, de renflouement ou de
neutralisation de ces épaves66.
Ainsi, aux termes de la loi de décembre 1984 modifiant l’article 59 de la loi du 3
janvier 1967 sur le statut des navires et autres bâtiments de mer : « le propriétaire d’un
navire ne peut opposer la limitation de sa responsabilité aux créances de l’Etat ou de toute
personne morale de droit public qui aurait, au lieu et place du propriétaire, renfloué,
enlevé, détruit ou rendu inoffensif, un navire coulé, échoué ou abandonné, y compris tout
ce qui se trouve ou s’est trouvé à bord ». Dans la rédaction initiale, le propriétaire pouvait
opposer aux créanciers la limitation de sa responsabilité, à l’exception des dommages
causés par l’épave.
Sur ce point cette loi va à l’encontre des dispositions de la convention de Londres
de 1976, voyons cela dans le chapitre 2.
66 R.LE BRUN, des interventions de la marine nationales en matière d’évènement de mer, DMF 1986.
63
L’enlèvement des épaves
Chapitre 2 :
Confrontation du droit maritime français aux exigences
de la convention de Londres de 1976 favorable à la
limitation
Les règles internationales ne deviennent sources du droit dans l’ordre juridique
national, et donc applicables, que si elles y ont été préalablement introduites. C’est la
Constitution française de 1958 qui détermine les conditions, définit les procédures et
précise les formalités suivant lesquelles les normes internationales vont pouvoir s’insérer
dans le système normatif de l’Etat. L’article 55 de la Constitution pose trois formalités,
dont l’accomplissement marque à la fois l’engagement de la République sur le plan
international (ratification ou approbation) et l’entrée en vigueur en droit interne
(publication) des traités et accords signés par la France. Ces trois conditions constituent
autant d’exigences préalables à l’application, et donc à l’invocabilité devant les juges
nationaux, des stipulations conventionnelles. Ces trois formalités cumulatives assurent la
primauté des traités et accords sur les lois et autres normes juridiques nationales inférieures.
Article 55 : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur
publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou
traité, de son application par l'autre partie ».
Les conventions internationales en vigueur font partie de l’ordre juridique interne
des Etats contractants dès leur ratification. Elles ont une autorité supérieure à celle des lois
nationales dans la hiérarchie des normes. Les Etats peuvent écarter leur application dans
les litiges purement internes, mais ils sont contraints d’y recourir chaque fois qu’un litige
présente des facteurs d’extranéité rentrant dans les conditions de la convention
internationale considérée.
64
L’enlèvement des épaves
Le consentement d’être lié à un traité peut être limité par des réserves. Ce sont des
actes unilatéraux émanant des Etats qui indiquent par là le degré et la portée de leur
engagement c'est-à-dire qu’ils interprètent ou au besoin indiquent de ne pas admettre tel ou
telle dispositions d’un traité.
Les juges français doivent appliquer la convention de Londres de 1976 quand le
navire ou l’épave concerné(e) sont des bâtiments ou des biens étrangers relevant d’Etats
contractants. La France a donné son approbation à cette convention par une loi du 29
décembre 1979, et elle a été publiée par décret le 23 décembre 1986. Néanmoins la France
a assorti une réserve à la signature et à la ratification de cette convention (section 1). Cette
réserve a fait couler beaucoup d’encre, et ce n’est que très récemment que la jurisprudence
française et la doctrine se sont sortis du chaos rhétorique dans lequel cette réserve les avait
plongés, grâce à l’intervention de la Cour de cassation dans l’affaire du navire Jerba.
Nous devons chercher comment cette réserve a été perçue et appliquée par la
jurisprudence française (Section 2), pour ensuite essayer de déterminer si ce problème a
été réglé par l’intervention de la Cour de cassation grâce à sa jurisprudence Jerba de 2006
(Section 3).
Section 1 – les créances soumises à limitation posées par la convention de
Londres et réserve effectuée par la France
A- principe posé par la convention de Londres
D’après la convention de Londres « sont soumises à la limitation de
responsabilité… les créances pour avoir renfloué, enlevé, détruit ou rendu inoffensif un
navire coulé, naufragé, échoué ou abandonné, y compris tout ce qui se trouve ou s’est
trouvé à bord ». A la différence de la loi française, le propriétaire de l’épave peut limiter sa
responsabilité à l’égard de tout créancier, même lorsqu’il s’agit de créances invoquées par
65
L’enlèvement des épaves
l’Etat ou toute autres personne moral de droit public qui aura renfloué, enlevé ou rendu
inoffensif une épave.
Ce principe posé par la convention de Londres n’est pas une innovation. La
convention de Bruxelles du 10 octobre 1957, retenait déjà parmi les créances soumises à
limitation « toute obligation ou responsabilité imposée par une loi relative à l’enlèvement
des épaves et se rapportant au renflouement, à l’enlèvement ou à la destruction d’un
navire coulé, échoué ou abandonné (y compris ce qui se trouve à bord ».
S’agissant de l’enlèvement des épaves, cette convention a des dispositions
différentes du droit interne français contenu dans les textes de 1961 modifiés. D’après ces
textes, les frais d’enlèvement sont à la charge du propriétaire qui ne peut opposer à
l’administration aucune limitation de sa responsabilité quand l’Etat a procédé au
relèvement de ladite épave. La convention quant à elle énonce dans son article 2 § 1 que
« sont soumises à limitation, entres autres, les créances pour avoir renfloué, enlevé,
détruit ou rendu inoffensif un navire coulé, naufragé, échoué ou abandonné, y compris
tout ce qui s’est trouvé à bord (article 2, alinéa d), ainsi que les créances pour avoir
enlevé, détruit ou rendu inoffensive la cargaison du navire (article 2, alinéa e) ».
On ne voit pas pourquoi les Etats, les autorités portuaires, ou les collectivités
publiques qui ont engagé des dépenses d’enlèvement ou de renflouement échapperaient à
cette règle. C’est justement tout le problème. C’est pour ne pas pénaliser les pouvoirs
publics titulaires de créances sur des propriétaires d’épaves que la France s’est aménagé la
possibilité de faire jouer une réserve à cette convention.
B- réserve opposée par la France
La convention précise que tout Etat peut se réserver le droit d’exclure de la liste des
créances « soumises à limitation », les créances visées au paragraphe 1 de son article 2,
lettre « d » et « e ». Et la France a précisément assorti la ratification de la convention d’une
réserve ainsi rédigée : « conformément à l’article 18 § 1, le gouvernement de la
République Française se réserve le droit d’exclure l’application des alinéas « d » et « c »
du paragraphe 1 de l’article 2 » (décret du 23 décembre 1986, JO 1er janvier 1987). Mais
cette réserve est ambiguë, et a entrainé à la fois des hésitations au sein de la doctrine et des
jurisprudences complexes n’apportant pas au droit ce que le gouvernant voulait en faisant
cette réserve (Section 2).
66
L’enlèvement des épaves
Section 2 – la convention de Londres et son application par la
jurisprudence française jusqu’à l’éclaircissement de la Cour de cassation
en 2006
Nous rappellerons ici 2 jurisprudences. D’une part l’affaire du navire Vittoria67,
d’autre part l’affaire du navire Jerba.
Le pétrolier grec Vittoria a été victime d’un abordage causé par un pétrolier
japonais, alors qu’il remontait la seine, non loin du port du Havre. Le Vittoria a explosé
sous le choc, causant la mort de six personnes dont le pilote du Havre. Les pertes
financière du port autonome du Havre du fait de son intervention se sont chiffrées à 33
millions de francs. L’assistance apportée par la Marine Nationale et par les remorqueurs du
Havre et de Rouen n’avait pu sauver que le pétrolier abordeur.
Sur demande du commandant du port, l’armateur du Vittoria avait chargé une société de
relevage de retirer l’épave après l’avoir neutralisée. Cet armateur avait alors dépensé plus
de 50 millions francs. Le fonds de limitation de responsabilité constitué par l’armateur
abordeur s’étant révélé insuffisant, l’armateur du Vittoria allais saisir tour à tour le
pétrolier japonnais ainsi qu’un autre bâtiment appartenant au même armement pétrolier.
Le Tribunal de commerce avait jugé que le fonds de limitation ne pouvait être opposé
aux créances représentant le cout des opérations de renflouement, d’enlèvement et de
neutralisation de l’épave. Mais la Cour d’appel de Bordeaux par son arrêt du 8
septembre 1987 infirma cette décision. Elle rappela que dans le système de la convention
de Londres de 1976, les créances de renflouement ou d’enlèvement d’une épave figurent
dans celles entrant dans la masse constituant la créance globale. La décision est
parfaitement fondée. En droit international, la limitation de responsabilité s’applique bien
aux créances de renflouement et de traitement des épaves dangereuses, et il importe peu
67 M.NDENDE, DMF-2002, les épaves et la limitation de responsabilité.
67
L’enlèvement des épaves
que l’intervention sur l’épave concernée ait été effectuée sur demande directe du
propriétaire de l’épave ou d’une autorité publique.
Cependant, la Cour d’appel a pris position sur le problème de la réserve formulée par la
France concernant le jeu de la limitation de responsabilité contre les créances
d’intervention des autorités publiques sur les épaves. C’est vis-à-vis de cette réserve que la
position de la Cour d’appel semble moins consensuelle.
La cour d’appel de Bordeaux a jugé que cette réserve ne constituait pas une véritable
exclusion, la France ayant simplement voulu préciser qu’elle se réservait d’avoir
ultérieurement recours à l’article 18 de la convention de Londres de 1976.
C’est la même analyse qu’avait faite la Cour de Caen dans l’affaire du navire
Jerba. Alors qu’il était dans les eaux du port de Rouen, le Jerba avait perdu 800 grumes
arrimées en pontées. Son armateur ayant refusé de renoncer à la limitation de
responsabilité, l’administration a obtenu du président du tribunal de commerce du havre
l’autorisation de saisir conservatoirement le navire. L’armateur ayant alors constitué un
fonds de limitation demanda la mainlevée de la saisie. Cette mainlevée lui fut d’abord
refusée par le président du tribunal de commerce du Havre au motif que le sinistre s’étant
produit en France, il était soumis aux dispositions de l’article 59 de la loi du 3 janvier
1967, lesquelles prévoient que le propriétaire ne peut opposer la limitation aux créances de
l’Etat ou de tout autre personne morale de droit public qui aurait rendu inoffensif un navire
coulé, naufragé échoué ou abandonné.
Sur appel la Cour de Caen infirmant la décision du premier juge, accorda la mainlevée
demandée. Pour elle, on ne pouvait invoquer les dispositions de l’article 59 de la loi du 3
janvier 1967, l’armateur pouvait bénéficier de la protection résultant de la convention de
1976, alors même que la Turquie n’avait pas ratifié ce texte… Quant à la réserve faite
par la France et invoquée par l’administration, elle « ne pouvait avoir d’autre effets
que celle exprimé. La France s’est seulement réservée la faculté pour l’avenir d’avoir
recours à l’article 18 de la convention ». C’est cette interprétation qui est rejetée par la
première chambre civile de la Cour de cassation (Section 3).
68
L’enlèvement des épaves
Section 3 – interprétation positive de la réserve faite par la France à la
convention de 1976 sur la limitation de responsabilité par la Cour de
cassation dans l’affaire du navire Jerba en 200668
La haute juridiction n’a pas contesté le « caractère ambiguë » de la réserve
française qui a d’ailleurs fortement embrouillé la doctrine et les juges. Mais la Cour de
cassation retient que la convention de Vienne du 23 mai 1969, dans son article 2, donne
une définition très large de la réserve. Article 2 d) « L’expression « réserve » s’entend
d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat
quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à
exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur
application à cet Etat ». Ainsi toute déclaration unilatérale qui vise à exclure ou à modifier
l’effet juridique de certaines dispositions du traité, quel soit sa rédaction et son intitulé,
faite par un Etat, et par laquelle l’Etat entend modifier l’effet juridique de certaines
dispositions du traité, est une réserve.
D’après la Cour de cassation, la réserve française qui a été régulièrement déposée
auprès de l’OMI, puis publiée dans le décret de ratification du 23 décembre 1986,
n’exprime non pas seulement une simple déclaration d’intention, mais bien une
déclaration unilatérale, telle que comprise par le traité de vienne. Cette réserve vise
bien à exclure l’application de la convention de 1976 dans les domaines que la France a
identifié. Cette réserve interdit à l’armateur d’invoquer la limitation de responsabilité à
l’encontre d’une créance pour avoir rendu inoffensive la cargaison du navire, créances
expressément visée par elle.
Il faut approuver cette décision.
D’une part, la Cour de cassation a de cette manière rétabli la véritable intention des
rédacteurs de la réserve, et cela alors que ces mêmes rédacteurs devaient pertinemment
savoir les discussions qui suivraient leur réserve.
68 P.BONASSIES DMF-11-2006, interprétation positive de la réserve faite par la France à la convention de 1976 sur la limitation de responsabilité.
69
L’enlèvement des épaves
D’autre part, dire que la France se réservait « pour l’avenir » la possibilité de faire
appel à l’article 18, c’était méconnaitre la lettre même de la convention. En effet la
convention indique elle même que les réserves devaient être faites à l’occasion de la
signature, de la ratification, de l’acceptation, de l’approbation ou de l’adhésion. Pour la
France il était donc trop tard pour émettre une réserve !
De plus, un texte juridique, quel qu’il soit, doit être lu de manière à lui donner un
sens, et non pas avec l’intention de le vider de tout effet juridique.
Enfin, la portée reconnue à cette réserve rejoint la position de nombreux autres
pays. En effet parmi les huit Etats qui ont fait une réserve à l’article 2 de la convention de
1976, cinq (Chine, République Fédérale d’Allemagne, Japon, Pays-Bas, et Royaume-Uni)
ont utilisé exactement la même formulation que la France. Comme l’a dit très justement le
professeur Pierre Bonassies « on imagine mal que ces Etats, et notamment le Royaume-Uni,
avec l’attention que ses juristes portent à tout ce qui touche au maritime, aient entendu
simplement réserver pour le futur leur droit de faire des réserves, alors que, nous l’avons
vu, tout futur était fermé »69.
Nous nous permettrons d’apporter une autre critique qui apparait fondée : « la
position de la Cour de cassation nous parait devoir recueillir l’approbation de tous. Même
s’il peut parfois être tentant pour le juge de se gausser de l’administration inhabile à
exprimer sa véritable pensée, il faut « raison garder ». Quand l’intention de l’Etat qui
ratifie un traité est certaine, et même si elle est maladroitement exprimée, le juge doit la
respecter70 ».
Ainsi, qu’il s’agisse d’un cas d’application de la convention de Londres, ou d’un
cas d’application de la législation française, chaque fois qu’une personne cherchera à
limiter sa responsabilité, la France pourra exclure la limitation de responsabilité pour les
créances publiques de relèvement d’épaves.
Il faut souligner que la disposition de la convention de Nairobi qui renvoie à la législation
internationale ou nationale n’est pas suffisamment claire. Cette disposition doit être mise
en perspective avec tout ce que nous venons de voir, à savoir l’opposabilité à la France de
69 P.BONASSIES DMF-11-2006, interprétation positive de la réserve faite par la France à la convention de 1976 sur la limitation de responsabilité. 70 DMF-06-2007, n°11 supplément, le droit positif français en 2006, JURISPRUDENCE, INSTITUTIONS GENERALES DU DROIT MARITIME. www.lamyreflex.fr
70
L’enlèvement des épaves
la limitation de responsabilité71. La convention ne semble pas permettre aux Etats de faire
des réserves. La question qui pourrait se poser serait celle de savoir si des réserves
formulées sur la convention de Londres seraient opposables au propriétaires visés par la
convention de Nairobi. Comme le dit Cécile de CET BERTIN « c’est une belle question
pour les internationalistes ».
71 C. de CET BERTIN, l’Etat et l’épave : droit français et projet de convention internationale, in bulletin d’étude de la marine n°36, janvier 2007, p71 et s.
71
L’enlèvement des épaves
Conclusion
De très nombreuses épaves sont retrouvées en mer, et leur dangerosité pour la
navigation et l’environnement est variable. Elle dépend de leur localisation, de leur taille et
de leur consistance. Contrairement à une idée reçue, les épaves ne sont pas seulement
d’anciens navires. Presque tout ce qui est retrouvé en mer est susceptible d’être une épave
maritime, notamment les conteneurs.
Les Etats ne peuvent pas, comme nous l’avons vu, réclamer de la même manière
leur enlèvement. Les pouvoirs d’un l’Etat varient selon la zone maritime dans laquelle est
retrouvée l’épave.
Sa compétence est maximale quand elle se situe dans ses eaux intérieures ou sa mer
territoriale. Ainsi la France peut y appliquer sa législation nationale, et réclamer au
propriétaire, soit l’enlèvement de l’épave, soit le remboursement des frais avancés, quand
c’est elle qui a dû procéder au retirement de l’épave.
Quand l’épave se situe dans les eaux extraterritoriales, le droit de l’Etat côtier de réclamer
cet enlèvement est sujet à discussion, et reste toujours limité à des situations particulières.
A ce sujet, la convention de Nairobi apporte une pierre à l’édifice juridique permettant à
l’Etat de réclamer l’enlèvement d’une épave dangereuse quand celle-ci se situe dans une
de ses ZEE. Mais il faudra attendre qu’elle entre en vigueur…
Concernant le problème de l’indemnisation des créances publiques de relèvement d’épave,
la convention de Nairobi renvoie au droit national ou international en vigueur. Il s’agira
pour la France de chercher si elle pourra continuer d’imposer le remboursement de la part
du propriétaire, des frais qu’elle aura avancés en effectuant elle même l’enlèvement de
l’épave dangereuse située dans une de ses ZEE.
Les épaves les plus « fourbes », et par là même les plus dangereuses, du fait, d’une
part de leur nombre, et d’autre part, de leur taille, sont les conteneurs tombés en mer. Ces
72
L’enlèvement des épaves
conteneurs sont de pièges sournois pour de nombreux navires, en effet ils restent entre
deux eaux et ne se voient pas.
Le conteneur qui se trouve à bord d’un navire coulé, échoué ou abandonné ou qui
s’est trouvé à bord d’un tel navire entre dans le champs d’application de l’article 2 d) de la
convention de 1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes et
de l’article 59 de la loi française du 3 janvier 1967.
Ces deux textes visent, de la même façon, les créances de l’Etat ou de toute personne
morale de droit public pour avoir « au lieu et place du propriétaire, renfloué, enlevé,
détruit ou rendu inoffensif, un navire coulé, échoué, ou abandonné, y compris tout ce qui
s’est trouvé à bord ».
Le texte international range ces créances parmi celles soumises à limitation, tandis que le
droit français rend inopposable la limitation à ces créances. Comme nous l’avons vu la
Cour de cassation a éclairci le problème en 2006 dans l’affaire du navire Jerba. Il en
résulte, qu’il s’agisse du droit français ou international, que la France peut exclure la
limitation de responsabilité.
Mais ces textes ont une limite 72 … le navire doit être « coulé, échoué ou
abandonné ». Le fait de rendre inoffensif un conteneur à la dérive tombé d’un navire
poursuivant sa route, n’est pas inclus dans leur champ d’application. Ceci est une grosse
lacune.
Lacune heureusement comblée par la convention de Nairobi ! Cette convention donne aux
Etats parties le pouvoir de prendre des mesures en ce qui concerne les épaves dangereuses
situés dans les zones visées par elle (les ZEE), donc le conteneur. Mais ici encore il faudra
attendre qu’elle entre en vigueur.
Il y a une autre difficulté. D’après les textes, c’est le propriétaire qui est
responsable de son épave. C’est à lui de financer l’enlèvement. Mais à bien y réfléchir,
quand l’épave est un conteneur, est il responsable de la chute de son conteneur du navire ?
N’est ce pas plutôt à l’armateur du navire d’assumer la responsabilité du conteneur tombé
à la mer, d’autant que rechercher le propriétaire d’un conteneur équivaut à rechercher une
aiguille dans une botte de foins ? C’est pour cela que les textes d’aujourd'hui, et de demain,
déclarent l’armateur responsable du conteneur à la dérive. Comme le dit très justement
72 C. DE CET BERTIN, qui est responsable du fait du conteneur ?, publication, conférence maritime du 14/12/2006, contribution CDCB.
73
L’enlèvement des épaves
Cécile DE CET BERTIN : « Qui d’autre que l’armateur, exploitant du navire portant le
conteneur, peut-être responsable de sa chute ? »…
Le droit des épaves est un droit en perpétuelle évolution. Il doit s’adapter à la
pratique et à la réalité. Chaque jour il y a de nouvelles épaves, et chaque situation est un
cas particulier. Les praticiens du droit doivent faire une gymnastique drastique pour
trouver la bonne solution.
74
L’enlèvement des épaves
ANNEXES
75
L’enlèvement des épaves
LISTE DES ANNEXES
ANNEXE 1 : les dangers d’une épave pour la navigation - l’exemple caractéristique du
Tricolor devenu épave dans l’un des détroits les plus fréquentés au monde.
ANNEXE 2 : les dangers d’une épave pour l’environnement - l’exemple de l’Erika.
ANNEXE 3 : schéma simplifié des zones de juridiction de l’Etat côtier d’après la
convention sur le droit de la mer.
ANNEXE 4 : loi n°61-1262 du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves
maritimes.
ANNEXE 5 : décret n°61-1547 du 26 décembre 1961 fixant le régime des épaves
maritimes.
ANNEXE 6 : tracé des lignes de bases délimitant les eaux intérieures et la mer territoriale
(France – métropole).
ANNEXE 7 : textes relatifs à la Zone Economique française.
ANNEXE 8 : Nairobi international convention on the removal of wrecks, 2007.
ANNEXE 9 : Cour de Cassation chambre civile, audience publique du 11 juillet 2006,
affaire du navire Jerba.
76
L’enlèvement des épaves
ANNEXE 1
Les dangers d’une épave pour la navigation :
L’exemple caractéristique du Tricolor devenu épave dans l’un
des détroits les plus fréquentés au monde.
77
L’enlèvement des épaves
L’illustration73 des dangers d’une épave :
L’aventure caractéristique du Tricolor74
devenu épave dans l’un des détroits les plus fréquentés au monde75
Après le naufrage du Tricolor, plusieurs collisions ont eu lieu au même endroit en
48 h au large de Dunkerque dans l’un des détroits les plus fréquentés et dangereux au
monde. Ces collisions mettent en évidence deux points importants :
D’une part les risques de la navigation dans ce détroit où près de 400 navires commerciaux,
dont 50 déclarent transporter une cargaison dangereuse (hydrocarbures, gaz ou substances
radioactives), croisent chaque jour une centaine de ferries, principalement sur le trajet
Calais-Douvres.
D’autre part, les dangers que peuvent créer une épave et
qui doivent inciter à une étroite surveillance, et à son
enlèvement rapide.
Le 14 décembre 2002, vers 2h du matin dans le
Pas-de-Calais à 20 milles au nord ouest de Dunkerque, le
Tricolor76, un roulier, a été abordé et a coulé en quelques
minutes par 30 m de fond. Il était chargé de 2 862 voitures et de 77 conteneurs. Il
transportait 1 990 tonnes d’IFO77 380, répartis en 8 ballasts, 200 m³ de gasoil et 25 tonnes
d’huile de lubrification. Il constituait donc à la fois un risque pour la navigation et une
source potentielle de pollution. La préfecture maritime de la Manche-Mer du Nord a
aussitôt pris les mesures nécessaires. Un balisage et une surveillance de la zone de
navigation autour de l’épave ont été mis en place. Le patrouilleur de la gendarmerie
maritime Géranium a assuré la sécurité de la navigation sur le lieu du naufrage. Une bouée
lumineuse de signalement de l’épave a été mouillée par les Phares et Balises.
73 Circonstances relatées par M.Batalla-Gamnetta en cours de Sécurité Maritime 74 CEDRE - Centre de Documentation, de Recherche et d’Expérimentations sur les pollutions accidentelles des Eaux - http://www.cedre.fr75 LADEPECHE.FR 17 décembre 2002 76 Photographie trouvée sur internet 77 Intermediate Fuel Oil, produit de viscosité moyenne (380 cSt à 50°C)
78
L’enlèvement des épaves
En complément et à la demande de la préfecture maritime de Cherbourg, la société de
sauvetage Smit Salvage, contacté par l'assureur du navire, a fait appareiller deux autres
barges afin de renforcer son dispositif d’intervention et de mieux sécuriser la zone du
naufrage. Malgré ce dispositif de prévention et la diffusion de nombreux messages
radios, le Nicola 78 , un caboteur néerlandais a percuté
l’épave. Après cet incident, deux patrouilleurs français et
anglais ont été mis sur zone pour signaler la présence de
l’épave et le balisage autour du Tricolor a été totalement revu.
De plus des survols de l’épave ont été effectués
quotidiennement par des moyens français, belges ou
britanniques pour surveiller une éventuelle pollution. Malgré
cela le Vicky, un pétrolier turc transportant 66 000 tonnes de kérosène, en provenance
d'Anvers et à destination de New-York, s’est échoué sur l’épave du Tricolor.
La surveillance étroite de l'épave a permis de constater que des navires de passage ignorent
les multiples avertissements concernant celle-ci. L'intervention du patrouilleur de la
marine royale belge Lobelia auprès du navire malaisien Bunga Saga, faisant route droit sur
le Tricolor était la 57ème intervention de ce genre depuis le naufrage.
La société Smit Salvage, mobilisée par l’armateur, a dépêché sur zone la barge Deurloo
équipée de moyens d’intervention pour vider rapidement les réservoirs de carburant du
Tricolor, afin d’écarter les risques de pollution. Les opérations de pompage ont commencé
le 21 décembre 2002 et se sont terminées le 17 février 2003. Le risque de pollution à partir
de l’épave était alors devenu mineur mais le risque de pollution par un navire abordeur
demeurait jusqu'à l’enlèvement de l’épave.
78 Source photographique du navire Nicola : Marine Nationale
79
L’enlèvement des épaves
ANNEXE 2
Les dangers d’une épave pour l’environnement :
L’exemple de l’Erika.
80
L’enlèvement des épaves
Les dangers d’une épave pour l’environnement :
La catastrophe de l’Erika
Le 11 décembre 1999, l’Erika79 chargé de 31 000 tonnes de fuel lourd, en route de
Dunkerque à Livourne, est pris dans un vent d'Ouest force 8 à 9, et des creux de 6 m. Le
capitaine lance un SOS, son navire est en train de se casser
en deux80 dans les eaux internationales à une trentaine de
milles au sud de la Pointe sud du Finistère. L'équipage est
évacué par la Marine nationale aidés par la Royal Navy. La
quantité déversée au moment du naufrage est alors
estimée entre 7 000 et 10 000 tonnes. Les deux morceaux
de l'épave, éloignés de 10 km l'un de l'autre, reposent à environ 120 mètres de profondeur.
Les premiers arrivages à la côte sont observés dans le Finistère sud le 23 décembre, soit 11
jours après l'accident. Des arrivages disséminés se poursuivent les jours suivants,
atteignant les îles du Morbihan et la Vendée. En
raison d’un vent supérieur à 100 km/h soufflant
perpendiculairement à la côte et de très forts
coefficients de marée, la pollution est projetée très
haut sur l'estran, atteignant le sommet de falaises
hautes de plus de 10 mètres. 14 jours après l'accident,
l'île de Groix, face à Lorient, est très affectée et le
gros de la pollution atteint la Loire-Atlantique au nord et au sud de la Loire. Une couche
visqueuse de 5 à 30 cm d'épaisseur recouvre certaines zones du littoral81 sur plusieurs
mètres de large.
79 CEDRE - Centre de Documentation, de Recherche et d’Expérimentations sur les pollutions accidentelles des Eaux - http://www.cedre.fr80 Les premières images du pétrolier en perdition, le 12 décembre 1999 (Sipa) 81 En photo, des bénévoles commencent à nettoyer les plages le 24 décembre (Sipa)
81
L’enlèvement des épaves
ANNEXE 3
Schéma simplifié des zones de juridiction de l’Etat côtier
d’après la convention sur le droit de la mer de 1982
82
L’enlèvement des épaves
83
L’enlèvement des épaves
ANNEXE 4
loi n°61-1262 du 24 novembre 1961
relative à la police des épaves maritimes
84
L’enlèvement des épaves
LOI
Loi n°61-1262 du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves maritimes
Version consolidée au 20 août 2008
Article 1
Modifié par Loi n°82-990 du 23 novembre 1982, v. init.
En vue du sauvetage des épaves maritimes ou de la suppression des dangers qu’elles
présentent, il peut être procédé :
- à la réquisition des personnes et des biens, avec attribution de compétence à l’autorité
judiciaire, en ce qui concerne le contentieux du droit à indemnité ;
- à l’occupation temporaire et la traversée des propriétés privées.
Lorsque le propriétaire d’une épave est inconnu ou lorsque, dûment mis en demeure,
directement ou en la personne de son représentant, il refuse ou néglige de procéder aux
opérations de sauvetage, de récupération, d’enlèvement, de destruction ou à celles
destinées à supprimer les dangers que présente cette épave, l’Etat peut intervenir d’office,
aux frais et risques du propriétaire.
Dans les cas prévus à l’alinéa précédent ou lorsque l’existence d’une épave remonte à plus
de cinq ans, la déchéance des droits du propriétaire peut être prononcée par décision du
ministre chargé de la marine marchande.
Une épave peut être vendue au profit de l’Etat quand le propriétaire ne l’a pas revendiquée
dans les délais qui seront fixés par voie réglementaire.
Dans le cas où une épave est constituée par un navire et sa cargaison, la déchéance et la
vente au profit de l’Etat prévues ci-dessus s’étendent à l’ensemble de cette épave, sans
préjudice du recours du propriétaire de la cargaison contre le transporteur et, le cas échéant,
contre l’affrêteur.
La créance des sauveteurs ainsi que celle des administrations qui procéderaient aux
travaux de sauvetage est garantie par un privilège sur la valeur de l’épave de même rang
que le privilège des frais pour la conservation de la chose.
85
L’enlèvement des épaves
Article 2
Modifié par Loi n°96-151 du 26 février 1996 - art. 22 JORF 27 février 1996
L’officier ou inspecteur des affaires maritimes, chef du service des affaires maritimes et,
dans les ports maritimes, les officiers de port et les officiers de port adjoints sont habilités
à constater par procès-verbaux les infractions aux dispositions de la présente loi et les
décrets pris pour son application. L’administration des affaires maritimes ne peut
intervenir dans les ports militaires qu’à la demande du préfet maritime ou du commandant
de la marine.
L’officier ou inspecteur des affaires maritimes, chef du service des affaires maritimes peut,
en vue de découvrir des épaves, procéder à des visites domiciliaires et des perquisitions
dans les conditions prévues au code de procédure pénale. Il peut suivre les choses enlevées
dans les lieux où elles ont été transportées et les mettre sous séquestre.
Les procès-verbaux établis sont aussitôt transmis au procureur de la République.
Dans l’exercice de leurs fonctions de police judiciaire, l’officier ou inspecteur des affaires
maritimes, chef du service des affaires maritimes, les officiers de port et les officiers de
port adjoints peuvent requérir directement la force publique. Ils peuvent être requis par le
procureur de la République, le juge d’instruction et les officiers de police judiciaire afin de
leur prêter assistance.
Article 3
Modifié par Loi n°92-1336 du 16 décembre 1992 - art. 287 JORF 23 décembre 1992 en
vigueur le 1er mars 1994
Toute personne qui aura détourné ou tenté de détourner ou recelé une épave maritime sera
punie des peines de l’abus de confiance ou du recel prévues par les articles 314-1, 314-10,
321-1 et 321-9 du code pénal.
Article 4 (abrogé)
Abrogé par LOI 80-532 1980-07-15 JORF 16 JUILLET 1980 rectificatif JORF 3 AOUT
86
L’enlèvement des épaves
1980
Article 5
L’article 5 du titre IX du livre IV de l’ordonnance sur la marine d’août 1681 est abrogé.
Article 6
Modifié par Loi n°82-990 du 23 novembre 1982, v. init.
Les dispositions de la présente loi sont applicables dans les territoires d’outre-mer et à
Mayotte.
Dans les territoires d’outre-mer où il n’existe pas d’administrateur des affaires maritimes,
d’officiers de port, d’officiers de port adjoints, les pouvoirs qui leur sont dévolus à l’article
2 sont exercés par le délégué du Gouvernement de la République.
87
L’enlèvement des épaves
ANNEXE 5
Décret n°61-1547 du 26 décembre 1961
fixant le régime des épaves maritimes.
88
L’enlèvement des épaves
DECRET
Décret n°61-1547 du 26 décembre 1961 fixant le régime des épaves maritimes
Version consolidée au 20 août 2008
Dispositions générales
Article 1
· Modifié par Décret n°91-1226 du 5 décembre 1991 - art. 20 JORF 7 décembre 1991
· Sous réserve des conventions internationales en vigueur, constituent des épaves
maritimes soumises à l’application du présent décret :
1. Les engins flottants et les navires en état de non-flottabilité et qui sont abandonnés par
leur équipage, qui n’en assure plus la garde ou la surveillance, ainsi que leurs
approvisionnements et leurs cargaisons. 2. Les aéronefs abandonnés en état
d’innavigabilité ; 3. Les embarcations, machines, agrès, ancres chaînes, engins de pêche
abandonnés et les débris des navires et des aéronefs ; 4. Les marchandises jetées ou
tombées à la mer ; 5. Généralement tous objets, à l’exception des biens culturels maritimes,
dont le propriétaire a perdu la possession, qui sont soit échoués sur le rivage dépendant du
domaine public maritime, soit trouvés flottants ou tirés du fond de la mer dans les eaux
territoriales ou trouvés flottants ou tirés du fond en haute mer et ramenés dans les eaux
territoriales ou sur le domaine public maritime.
Ne sont pas considérés comme épaves au sens du présent décret les navires, engins
flottants, aéronefs, marchandises et objets volontairement abandonnés ou jetés en mer ou
sur le rivage en vue de les soustraire à l’action de la douane.
De la découverte et du sauvetage des épaves
Article 2
· Modifié par Décret 85-632 1985-06-21 art. 1 JORF 23 juin 1985
89
L’enlèvement des épaves
Toute personne qui découvre une épave est tenue, dans la mesure où cela est possible, de
la mettre en sûreté, et notamment de la placer hors des atteintes de la mer. Elle doit, dans
les quarante-huit heures [*délai*] de la découverte ou de l’arrivée au premier port si
l’épave a été trouvée en mer, en faire la déclaration à l’administrateur des affaires
maritimes ou à son représentant.
Il est toutefois dérogé à l’obligation de mise en sûreté de l’épave, quand des dangers sont
susceptibles d’être encourus, à raison tant de l’épave elle-même que de son contenu. Dans
le cas où celui-ci est identifié comme dangereux ou ne peut être identifié, la personne qui
découvre l’épave doit s’abstenir de toute manipulation et la signaler immédiatement à
l’administrateur des affaires maritimes, chef de quartier, à son représentant ou à toute autre
autorité administrative locale, à charge pour celle-ci d’en informer dans les plus brefs
délais l’administrateur des affaires maritimes, chef de quartier. Celui-ci peut faire procéder
immédiatement, aux frais du propriétaire, à toutes opérations nécessaires à son
identification.
Article 3
Les épaves sont placées sous la protection et la sauvegarde de l’administrateur des affaires
maritimes qui prend toutes les mesures utiles pour le sauvetage et veille à la conservation
des objets sauvés.
Ces objets demeurent aux risques des propriétaires ; leur détérioration, altération ou
déperdition ne peut donner lieu à dommages et intérêts, quelle qu’en soit la cause.
L’administrateur des affaires maritimes peut requérir, en vue du sauvetage et moyennant
indemnité, toute personne physique ou morale capable d’y participer ainsi que tous
moyens de transport et tous magasins ; il peut aux mêmes fins donner l’ordre d’occuper ou
de traverser les propriétés privées.
De la découverte, du sauvetage, de l’enlèvement ou de la destruction des épaves.
90
L’enlèvement des épaves
Article 4
· Modifié par Décret 85-632 1985-06-21 art. 2 JORF 23 juin 1985
La découverte d’une épave dont le propriétaire est inconnu fait l’objet, par l’administrateur
des affaires maritimes, d’une publicité sous forme d’affiches ou d’insertion dans la presse.
Lorsque le propriétaire est connu, notification est faite audit propriétaire s’il est français et
au consul du pays dont il est ressortissant ou présumé ressortissant, s’il est étranger.
Le propriétaire dispose d’un délai de trois mois, à compter de la date de publication ou de
la notification de la découverte ou du sauvetage de l’épave, pour revendiquer son bien et,
si le sauvetage n’a pu être fait et sous réserve des dispositions de l’article 5 ci-après, pour
déclarer qu’il entend y procéder.
Article 5
· Modifié par Décret 85-632 1985-02-21 art. 2 JORF 23 juin 1985
Lorsqu’une épave maritime présente, en totalité ou en partie, un caractère dangereux pour
la navigation, la pêche ou l’environnement, l’accès à un port ou le séjour dans un port, le
propriétaire de l’épave a l’obligation de procéder à la récupération, l’enlèvement, la
destruction ou toute autre opération en vue de supprimer le caractère dangereux de cette
épave.
Article 6
· Modifié par Décret 85-632 1985-06-21 art. 3 JORF 23 juin 1985
· Modifié par Décret n°88-199 du 29 février 1988 - art. 1 (V) JORF 2 mars 1988
Dans le cas mentionné à l’article 5, l’autorité compétente pour procéder à la mise en
demeure prévue à l’article 1er de la loi du 24 novembre 1961 susvisée est, selon la
localisation de l’épave :
91
L’enlèvement des épaves
Le préfet maritime, dans les ports militaires et, dans le cadre de son autorité de police
administrative générale en mer, dans la limite de la région maritime et à partir de la laisse
de basse mer, sauf dans les ports à l’intérieur de leurs limites administratives, dans les
estuaires en deçà des limites transversales de la mer et dans les baies fermées dont la liste
et les limites sont fixées par arrêté du Premier ministre ;
Le directeur, dans les ports autonomes ;
Le président du conseil général, dans les ports départementaux ;
Le maire, dans les ports communaux ;
Le préfet dans les ports non militaires relevant de la compétence de l’Etat, autres que les
ports autonomes, dans les estuaires et les baies fermées dont la liste et les limites sont
fixées par arrêté du Premier ministre, et sur le rivage. Dans le cas où il peut y avoir doute
sur la limite de partage des compétences entre l’une de ces autorités et le préfet maritime,
cette autorité et le préfet maritime interviendront conjointement.
Le préfet maritime peut déléguer ses pouvoirs de mise en demeure au commandant de la
marime dans les ports militaires et dans les autres cas à l’administrateur des affaires
maritimes, chef de quartier, le préfet au chef du service maritime ou à l’administrateur des
affaires maritimes chef de quartier.
Article 7
· Modifié par Décret 85-632 1985-06-21 art. 3 JORF 23 juin 1985
Dans le cas où le propriétaire est connu, la mise en demeure fait l’objet, si le propriétaire
est français, d’une notification à ce propriétaire. Si le propriétaire est un étranger, qu’il soit
ou non domicilié ou résidant en France, la notification est adressée à ce propriétaire, ainsi
qu’au consul de l’Etat dont il est ressortissant.
Si le propriétaire étranger n’a pas la nationalité de l’Etat d’immatriculation du navire, de
l’aéronef ou de l’engin flottant, la notification est seulement adressée au consul de l’Etat
92
L’enlèvement des épaves
dont le navire bat le pavillon ou de l’Etat d’immatriculation de l’aéronef ou de l’engin
flottant.
Dans le cas où le propriétaire est inconnu, la mise en demeure, si l’autorité compétente
croit devoir y procéder, est faite par voie d’affiches ou d’insertion dans la presse et, si le
navire, l’aéronef ou l’engin flottant devenu épave est étranger, fait l’objet d’une
notification au consul de l’Etat d’immatriculation. La mise en demeure est faite
uniquement par voie d’affiches ou d’insertion dans la presse, lorsque la notification au
consul est impossible.
Article 8
· Modifié par Décret 85-632 1985-06-21 art. 3 JORF 23 juin 1985
La mise en demeure impartit un délai au propriétaire pour l’accomplissement des
opérations indispensables, en tenant compte de la situation de l’épave ou de la difficulté
des opérations à entreprendre.
Si la mise en demeure reste dépourvue d’effet, l’autorité compétente en vertu de l’article 6
peut alors faire procéder aux opérations nécessaires.
Cette même autorité peut procéder d’office auxdites opérations dans le cas où le
propriétaire est inconnu ou ne peut être avisé en temps utile.
Elle peut également intervenir à la demande du propriétaire.
DaNs tous les cas, les opérations se font aux frais et risques du propriétaire.
De la découverte et du sauvetage de l’enlèvement ou de la destruction des épaves.
Article 9
· Modifié par Décret 85-632 1985-06-21 art. 3 JORF 23 juin 1985
93
L’enlèvement des épaves
Dans le cas où l’épave constitue un danger grave et imminent pour la navigation, la pêche,
l’environnement, l’accès à un port ou le séjour dans un port, l’autorité compétente en vertu
de l’article 6 peut faire procéder immédiatement, aux frais et risques du propriétaire, à la
récupération, l’enlèvement, la destruction ou à toutes opérations nécessaires en vue de
supprimer le caractère dangereux de tout ou partie de l’épave.
De la vente ou de la concession des épaves.
Article 10
· Modifié par Décret 85-632 1985-02-21 art. 3 JORF 23 juin 1985
Quand l’épave est constituée par un conteneur et dans le cas où l’état défectueux ou
l’absence de plaques, étiquettes et autres marques, ne permet pas d’identifier le
propriétaire, l’exploitant ou le locataire, l’administrateur des affaires maritimes, chef de
quartier, fait procéder à l’ouverture du conteneur. Si le contenu ne présente pas un
caractère dangereux, toxique ou polluant, le conteneur est traité comme une épave
ordinaire. Si le contenu présente un caractère dangereux, toxique ou polluant, l’autorité
compétente en vertu de l’article 6, qui peut se faire assister par l’administrateur des affaires
maritimes, chef de quartier, ou son représentant, prend les mesures prévues à l’article 9 ci-
dessus.
Article 11
· Modifié par Décret 85-632 1985-06-21 art. 3 JORF 23 juin 1985
La déchéance prononcée en application de l’article 1er, alinéa 3, de la loi du 24 novembre
1961 susvisée ne fait pas obstacle au recouvrement sur le propriétaire des frais engagés
antérieurement à raison de l’intervention de l’autorité administrative compétente.
Article 12
· Modifié par Décret 85-632 1985-06-21 art. 4 JORF 23 juin 1985
94
L’enlèvement des épaves
Lorsque l’épave est échouée ou a été ramenée sur la côte, l’administrateur des affaires
maritimes, chef de quartier, fait procéder à sa mise en vente :
Soit à l’expiration du délai de trois mois prévu à l’article 4 si le propriétaire ne l’a pas
revendiquée dans ce délai ;
Soit après notification au propriétaire ou publication dans les conditions prévues à l’article
4 de la décision du ministre chargé de la marine marchande prononçant, par application de
l’article 1er de la loi susvisée du 24 novembre 1961, la déchéance des droits du
propriétaire sur l’épave.
La vente est assortie d’un cahier des charges imposant à l’acquéreur les modalités et les
délais d’enlèvement ou de récupération de l’épave.
La vente ne peut avoir lieu moins d’un mois après la date à laquelle elle aura été annonçée.
Toutefois, s’il s’agit d’une marchandise périssable, l’administrateur des affaires maritimes,
chef de quartier, peut faire procéder à la vente sans qu’aient été observés les délais prévus
aux alinéas précédents.
Article 13
· Modifié par Décret 85-632 1985-06-21 art. 4 JORF 23 juin 1985
L’administrateur des affaires maritimes, chef de quartier, peut remettre au sauveteur, en
propriété, toute épave de faible valeur dont la vente ne procurerait aucun produit net
appréciable.
Les épaves provenant de navires appartenant à l’Etat et dont le service détenteur a décidé
la vente sont aliénées par le service des domaines selon les règles fixées par le code du
domaine de l’Etat.
95
L’enlèvement des épaves
Article 14
· Modifié par Décret 85-632 1985-06-21 art. 6 JORF 23 juin 1985
Il est opéré sur le produit de la vente de l’épave une déduction des frais d’extraction, de
récupération ou de démolition, en particulier de ceux qui ont été exposés par l’autorité
compétente en vertu de l’article 6, des frais de gestion et de vente, de la rémunération du
sauveteur, des droits de douane et autres taxes. Le produit net de la vente est versé à
l’établissement national des invalides de la marine (compte Gestion des épaves), où il peut
être réclamé pendant cinq ans par le propriétaire non déchu de ses droits ou par ses ayants
droit. A L’expiration du délai de cinq ans, il est acquis au Trésor.
Dans le cas de déchéance, le produit net de la vente est versé immédiatement au Trésor.
Article 15
Aucun fonctionnaire ou agent chargé de procéder à la vente ou à la concession d’une épave
ne peut se porter acquéreur ou adjudicataire des objets vendus [*interdiction*].
Article 16
· Modifié par Décret 85-632 1985-06-21 art. 4 JORF 23 juin 1985
L’autorité compétente en vertu de l’article 6 peut, si l’épave n’est pas vendue, passer un
contrat de concession soit par priorité avec l’inventeur de l’épave, soit à défaut, avec toute
autre entreprise, à la condition que le propriétaire ait renoncé à son droit de propriétaire ou
en ait été déchu.
Des droits du sauveteur
Article 17
Le sauveteur d’une épave a droit à une indemnité calculée en tenant compte :
96
L’enlèvement des épaves
1. Des frais exposés, y compris la rémunération du travail accompli ;
2. De l’habileté déployée, du risque couru et de l’importance du matériel de sauvetage
utilisé ;
3. De la valeur en l’état de l’épave sauvée.
S’il y a plusieurs sauveteurs, l’indemnité se partage d’après les bases susindiquées.
Article 18
Si le propriétaire réclame l’épave dans le délai imparti par le présent décret, la
rémunération est fixée par accord entre lui et le ou les sauveteurs et, s’il y a désaccord, par
le tribunal de commerce du lieu où l’épave a été soit trouvée, soit amenée.
Si le propriétaire n’a pas réclamé l’épave dans les délais impartis par le présent décret, le
directeur de l’inscription maritime ou, dans les départements d’outre-mer, le chef du
service de l’inscription maritime propose une rémunération évaluée par lui d’après les
bases fixées à l’article précédent.
Si les propositions du directeur ou du chef du service de l’inscription maritime ne sont pas
acceptées par les parties, la rémunération est fixée par le tribunal de commerce.
Article 19
Lorsqu’un navire a contribué occasionnellement au sauvetage d’une épave, la répartition
de la rémunération entre l’armateur, le capitaine et l’équipage est proposée par le directeur
ou le chef du service de l’inscription maritime, en tenant compte de l’ensemble des
circonstances de fait.
Si les propositions du directeur ou du chef du service de l’inscription maritime ne sont pas
acceptées par les parties, la rémunération est fixée par le tribunal de commerce.
97
L’enlèvement des épaves
Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux entreprises qui font
habituellement les opérations de sauvetage.
Article 20
En ce qui concerne les épaves appartenant à l’Etat et par dérogation aux dispositions qui
précèdent, les administrations intéressées, en liaison avec l’administrateur de l’inscription
maritime, peuvent interdire leur sauvetage ou, dans le cas où elles ont été sauvées, fixer
elles-mêmes la rémunération forfaitaire du sauveteur.
Article 21
La rémunération du sauveteur est assortie d’un privilège sur l’épave sauvée. Le
propriétaire qui réclame cette épave n’en obtiendra la restitution qu’après paiement de la
rémunération et des frais, droits et taxes ou, en cas de litige, la consignation d’une somme
suffisante pour en assurer le paiement.
Les frais éventuellement engagés par un service public en application de l’article 5 sont
assortis du même privilège.
Article 22
Le droit du sauveteur à rémunération est prescrit par un délai de deux ans à compter du
jour marquant la fin des opérations de sauvetage.
Des épaves présentant un intérêt archéologique, historique ou artistique (abrogé)
Article 23 (abrogé)
· Abrogé par Décret n°91-1226 du 5 décembre 1991 - art. 20 JORF 7 décembre 1991
Article 24 (abrogé)
· Abrogé par Décret n°91-1226 du 5 décembre 1991 - art. 20 JORF 7 décembre 1991
98
L’enlèvement des épaves
Article 25 (abrogé)
· Abrogé par Décret n°91-1226 du 5 décembre 1991 - art. 20 JORF 7 décembre 1991
Article 26 (abrogé)
· Abrogé par Décret n°91-1226 du 5 décembre 1991 - art. 20 JORF 7 décembre 1991
Article 27 (abrogé)
· Abrogé par Décret n°91-1226 du 5 décembre 1991 - art. 20 JORF 7 décembre 1991
Article 28 (abrogé)
· Abrogé par Décret n°91-1226 du 5 décembre 1991 - art. 20 JORF 7 décembre 1991
Article 29 (abrogé)
· Abrogé par Décret n°91-1226 du 5 décembre 1991 - art. 20 JORF 7 décembre 1991
Article 30 (abrogé)
· Abrogé par Décret n°91-1226 du 5 décembre 1991 - art. 20 JORF 7 décembre 1991
Sanctions. (abrogé)
Article 32 (abrogé)
· Abrogé par Décret n°91-1226 du 5 décembre 1991 - art. 20 JORF 7 décembre 1991
Infractions - Sanctions.
Article 31
· Modifié par Décret 85-632 1985-06-21 art. 5 JORF 23 juin 1985
Sera punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe, toute personne qui
n’aura pas fait dans le délai prescrit la déclaration [*défaut de*] prévue à l’article 2, alinéa
99
L’enlèvement des épaves
1er. Le contrevenant perdra alors en outre tous droits à l’indemnité de sauvetage.
Sera punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe toute personne qui,
en méconnaissance des dispositions du 3e alinéa de l’article 3, aura refusé de se conformer
aux réquisitions de l’administrateur des affaires maritimes, chef de quartier, ou à un ordre
d’occuper ou de traverser une propriété privée. En cas de récidive, la peine applicable est
celle de l’amende prévue pour la récidive de la 5e classe.
Dispositions diverses
Article 33
Il n’est en rien dérogé au régime douanier concernant les épaves maritimes.
Article 34
· Modifié par Décret 85-632 1985-06-21 art. 6 JORF 23 juin 1985
Un arrêté conjoint du ministre chargé de la marine marchande et des autres ministres
intéressés fixera les modalités d’application du présent décret et précisera, notamment, les
conditions de vente ou de concession des épaves et les modalités de la publication prévue
aux articles 4, 7 et 12.
Article 35
Le présent décret entrera en vigueur un an après sa publication au Journal officiel de la
République française.
Article 36
· Modifié par Décret n°2005-1514 du 6 décembre 2005 - art. 7 (V) JORF 8 décembre
2005
Dans les départements et territoires d’outre-mer et à Mayotte, les pouvoirs conférés par le
100
L’enlèvement des épaves
présent décret au préfet maritime sont exercés par les délégués du Gouvernement cités à
l’article 1er du décret du 6 décembre 2005, dans les limites de leurs zones de compétence
respectives.
Dans les territoires d’outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte, les pouvoirs
prévus aux articles 6 à 10 et 16 du présent décret autres que ceux conférés au préfet
maritime sont exercés selon le cas par le représentant de l’Etat ou par celui de la
collectivité territoriale lorsqu’il s’agit d’un port relevant de la compétence de cette dernière.
Article 38
Le ministre d’Etat chargé du Sahara, des départements d’outre-mer et des territoires
d’outre-mer, le ministre d’Etat chargé des affaires algériennes, le ministre d’Etat chargé
des affaires culturelles, le ministre des travaux publics et des transports, le garde des
sceaux, ministre de la justice, le ministre des finances et des affaires économiques, le
ministre des armées, le secrétaire d’Etat au Sahara, aux départements d’outre-mer et aux
territoires d’outre-mer et le secrétaire d’Etat aux finances sont chargés, chacun en ce qui le
concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la
République française.
Article 37
Sont abrogées toutes dispositions contraires à celles du présent décret, et notamment le
titre IX, sauf les articles 5 et 29, du livre IV de l’ordonnance sur la marine de 1681, les
déclarations du roi des 15 juin 1735 et 10 janvier 1770, les arrêtés des 27 thermidor an VII
et 17 floréal an IX, les articles 24 et 26 du règlement du 17 juillet 1816 sur l’établissement
des invalides de la marine, l’instruction du 20 avril 1841, l’article 62 de l’ordonnance du
23 juin 1846, le décret du 28 février 1918 et la loi du 18 septembre 1940.
101
L’enlèvement des épaves
ANNEXE 6
Tracé des lignes de bases délimitant
les eaux intérieures et la mer territoriale
102
L’enlèvement des épaves
103
L’enlèvement des épaves
104
L’enlèvement des épaves
105
L’enlèvement des épaves
106
L’enlèvement des épaves
107
L’enlèvement des épaves
108
L’enlèvement des épaves
109
L’enlèvement des épaves
ANNEXE 7
Textes relatifs à la Zone Economique française
110
L’enlèvement des épaves
111
L’enlèvement des épaves
112
L’enlèvement des épaves
ANNEXE 8
Nairobi international convention
on the removal of wrecks, 2007
113
L’enlèvement des épaves
114
INTERNATIONAL MARITIME ORGANIZATION
INTERNATIONAL CONFERENCE ON THE
REMOV AL OF WRECKS, 2007
Nairobi, 14-18 May 2007
Agenda item 8 ADOPTION OF THE FINAL ACT AND ANY INSTRUMENTS, RECOMMENDATIONS AND
RESOLUTIONS RESULTING FROM THE WORK OF THE CONFERENCE
LEG/CONF .16/19
23 May 2007
Original: ENGLISH
NAIROBI INTERNATIONAL CONVENTION ON THE REMOVAL OF WRECKS, 2007
Text adopted by the Conference
Preamble
THE STATES PARTIES TO THE PRESENT CONVENTION,
CONSCIOUS of the fact that wrecks, if not removed, may pose a hazard to navigation or the
marine environment,
CONVINCED of the need to adopt uniform international rules and procedures to ensure the
prompt and effective removal of wrecks and payment of compensation for the costs therein involved,
NO TING that many wrecks may be located in States' territory, including the territorial sea,
RECOGNIZING the benefits to be gained through uniformity in legal regimes governing
responsibility and liability for removal of hazardous wrecks,
BEARING IN MIND the importance of the United Nations Convention on the Law of the
Sea, done at Montego Bayon 10 December 1982, and of the customary internationallaw of the sea,
and the consequent need to implement the present Convention in accordance with such provisions, HAVE AGREED as follows:
Article 1
Definitions
For the purposes ofthis Convention:
1 "Convention area" means the exclusive economie zone of a State Party, established in accordance
with international law or, if a State Party has not established such a zone, an area
For reasons of economy, this document is printed in a limited number. Delegates are kindly
asked to bring their copies to meetings and not to request additional copies.
L’enlèvement des épaves
115
beyond and adjacent to the territorial sea of that State determined by that State in accordance with
international law and extending not more than 200 nautical miles from the baselines from which the
breadth of its territorial sea is measured. 2 "Ship" means a seagoing vessel of any type whatsoever and inc1udes hydrofoil boats, air-cushion
vehic1es, submersibles, floating craft and floating platforms, except when such platforms are on
location engaged in the exploration, exploitation or production of seabed mineral resources.
3 "Maritime casualty" me ans a collision of ships, stranding or other incident of navigation, or other
occurrence on board a ship or external to it, resulting in material damage or imminent threat of
material damage to a ship or its cargo. 4 "Wreck", following upon a maritime casualty, means:
(a) a sunken or stranded ship; or
(b) any part of a sunken or stranded ship, inc1uding any object that is or has been on
board such a ship; or
(c) any object that is lost at sea from a ship and that is stranded, sunken or adrift at sea; or
(d) a ship that is about, or may reasonably be expected, to sink or to strand, where
effective measures to assist the ship or any property in danger are not already being
taken. 5 "Hazard" means any condition or threat that:
( a) poses a danger or impediment to navigation; or
(b) may reasonably be expected to result in major harmful consequences to the marine
environment, or damage to the coastline or related interests of one or more States.
6 "Related interests" means the interests of a coastal State directly affected or threatened by
a wreck, such as:
(a) mantime coastal, port and estuarine actrvities, inc1uding fisheries activities,
constituting an essential means of livelihood of the persons concerned;
(b) tourist attractions and other economie interests of the area concerned;
( c) the health of the coastal population and the wellbeing of the area concerned,
inc1uding conservation of marine living resources and of wildlife; and
(d) offshore and underwater infrastructure.
7 "Removal" means any form of prevention, mitigation or elimination of the hazard created
by a wreck. "Remove", "removed" and "removing" shall be construed accordingly.
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116
L’enlèvement des épaves
117
8 "Registered owner" means the person or persons registered as the owner of the ship or, in the
absence of registration, the person or persons owning the ship at the time of the maritime casualty.
However, in the case of a ship owned by a State and operated by a company which in that State is
registered as the operator of the ship, "registered owner" shall mean such company. 9 "Operator of the ship" means the owner of the ship or any other organization or person such as the
manager, or the bareboat charterer, who has assumed the responsibility for operation of the ship from
the owner of the ship and who, on assuming such responsibility, has agreed to take over all duties and
responsibilities established under the International Safety Management Code, as amended".
10 "Affected State" means the State in whose Convention area the wreck is located.
11 "State of the ship's registry" means, in relation to a registered ship, the State of registration of the
ship and, in relation to an unregistered ship, the State whose flag the ship is entitled to fly.
12 "Organization" means the International Maritime Organization.
13 "Secretary-General" means the Secretary-General of the Organization.
Article 2
Objectives and general principles
1 A State Party may take measures in accordance with this Convention in relation to the
removal of a wreck which poses a hazard in the Convention area.
2 Measures taken by the Affected State in accordance with paragraph 1 shall be
proportionate to the hazard.
3 Such measures shall not go beyond what is reasonably necessary to remove a wreck which poses a
hazard and shall cease as soon as the wreck has been removed; they shall not unnecessarily interfere
with the rights and interests of other States inc1uding the State of the ship's registry, and of any
person, physical or corporate, concerned. 4 The application of this Convention within the Convention area shall not entitle a
State Party to c1aim or exercise sovereignty or sovereign rights over any part of the high seas.
5 States Parties shall endeavour to co-operate when the effects of a maritime casualty
resulting in a wreck involve aState other than the Affected State.
*
Refer to the International Management Code for the Safe Operation of Ships and for Pollution Prevention, adopted by
the Assembly of the International Maritime Organization by resolution A.741(18), as amended.
L’enlèvement des épaves
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Article 3
Scope of application
1 Except as otherwise provided in this Convention, this Convention shall apply to wrecks in
the Convention area.
2 A State Party may extend the application of this Convention to wrecks located within its territory,
including the territorial sea, subject to article 4, paragraph 4. In that case, it shall notify the Secretary-
General accordingly, at the time of expressing its consent to be bound by this Convention or at any
time thereafter. When a State Party has made a notification to apply this Convention to wrecks
located within its territory, including the territorial sea, this is without prejudice to the rights and
obligations of that State to take measures in relation to wrecks located in its territory, including the
territorial sea, other than locating, marking and removing them in accordance with this Convention.
The provisions of articles 10, Il and 12 of this Convention shall not apply to any measures so taken
other than those referred to in articles 7, 8 and 9 of this Convention. 3 When a State Party has made a notification under paragraph 2, the "Convention area" of
the Affected State shall include the territory, including the territorial sea, ofthat State Party.
4 A notification made under paragraph 2 ab ove shall take effect for that State Party, if made before
entry into force of this Convention for that State Party, upon entry into force. If notification is made
after entry into force of this Convention for that State Party, it shall take effect six months after its
receipt by the Secretary-General. 5 A State Party that has made a notification under paragraph 2 may withdraw it at any time by means
of a notification of withdrawal to the Secretary-General. Such notification of withdrawal shall take
effect six months after its receipt by the Secretary-General, unless the notification specifies a later
date. Article 4
Exclusions
1 This Convention shall not apply to measures taken under the International Convention relating to
Intervention on the High Seas in Cases of ail Pollution Casualties, 1969, as amended, or the Protocol
relating to Intervention on the High Seas in Cases of Pollution by Substances other than ail, 1973, as
amended. 2 This Convention shall not apply to any warship or other ship owned or operated by a State and
used, for the time being, only on Government non-commercial service, unless that State decides
otherwise. 3 Where a State Party decides to apply this Convention to its warships or other ships as described in
paragraph 2, it shall notify the Secretary-General, thereof, specifying the terms and conditions of such
application.
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119
4 (a) When a State Party has made a notification under article 3, paragraph 2, the following
provisions of this Convention shall not apply in its territory, including the territorial
sea: (i) Article 2, paragraph 4;
(ii) Article 9, paragraphs 1,5, 7, 8, 9 and 10; and
(iii) Article 15.
(b) Article 9, paragraph 4, insofar as it applies to the territory, including the territorial sea
of a State Party, shall read:
Subject to the national law of the Affected State, the registered owner may contract
with any salvor or other person to remove the wreck determined to constitute a hazard
on behalf of the owner. Before such removal commences, the Affected State may lay
down conditions for such removal only to the extent necessary to ensure that the
removal proceeds in a manner that is consistent with considerations of safety and
protection of the marine environment. Article 5
Reporting wrecks
1 A State Party shall require the mas ter and the operator of a ship flying its flag to report to the
Affected State without delay when that ship has been involved in a maritime casualty resulting in a
wreck. To the extent that the reporting obligation under this article has been fulfilled either by the
master or the operator of the ship, the other shall not be obliged to report. 2 Such reports shall provide the name and the principal place of business of the registered owner and
all the relevant information necessary for the Affected State to de termine whether the wreck poses a
hazard in accordance with article 6, including: ( a) the precise location of the wreck;
(b) the type, size and construction of the wreck;
(c) the nature of the damage to, and the condition of, the wreck;
(d) the nature and quantity of the cargo, in particular any hazardous and noxious
substances; and
( e ) the amount and types of oil, including bunker oil and lubricating oil, on board.
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Article 6
Determination of hazard
When determining whether a wreck poses a hazard, the following criteria should be taken
into account by the Affected State:
(a) the type, size and construction of the wreck;
(b) depth of the water in the area;
( c ) tidal range and currents in the area;
(d) particularly sensitive sea areas identified and, as appropriate, designated in
accordance with guidelines adopted by the Organization ", or a clearly defined area of
the exclusive economie zone where special mandatory measures have been adopted
pursuant to article 211, paragraph 6, of the United Nations Convention on the Law of
the Sea, 1982; ( e) proximity of shipping routes or established traffic lanes;
(f) traffic density and frequency;
(g) type of traffic;
(h) nature and quantity of the wreck's cargo, the amount and types of oil (such as bunker
oil and lubricating oil) on board the wreck and, in particular, the damage likely to
result should the cargo or oil be released into the marine environment; (i) vulnerability of port facilities;
(j) prevailing meteorological and hydrographical conditions;
(k) submarine topography of the area;
(1) height of the wreck ab ove or below the surface of the water at lowest astronomical
tide;
(m) acoustic and magnetic profiles of the wreck;
(n) proximity of offshore installations, pipelines, telecommunications cables and similar
structures; and
( 0 ) any other circumstances that might necessitate the removal of
the wreck.
*
Refer to the revised Guidelines for the Identification and Designation of Particularly Sensitive Sea Areas, adopted
by the Assembly of the International Maritime Organization by resolution A.982(24), as amended.
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Article 7
Locating wrecks
1 Upon becoming aware of a wreck, the Affected State shall use all practicable means, including the
good offices of States and organizations, to wam mariners and the States concemed of the nature and
location of the wreck as a matter ofurgency. 2 If the Affected State has reason to believe that a wreck poses a hazard, it shall ensure that
all practicable steps are taken to establish the precise location of the wreck.
Article 8
Marking ofwrecks
1 If the Affected State determines that a wreck constitutes a hazard, that State shall ensure
that all reasonable steps are taken to mark the wreck.
2 In marking the wreck, all practicable steps shall be taken to ensure that the markings conform to the
internationally accepted system of buoyage in use in the area where the wreck is located.
3 The Affected State shall promulgate the particulars of the marking of the wreck by use of
all appropriate means, including the appropriate nautical publications.
Article 9
Measures to facilitate the removal of wrecks
1 If the Affected State determines that a wreck constitutes a hazard, that State shall
immediately:
(a) inform the State of the ship's registry and the registered owner; and
(b) proceed to consult the State of the ship's registry and other States affected by the
wreck regarding measures to be taken in relation to the wreck.
2 The registered owner shall remove a wreck determined to constitute a hazard.
3 When a wreck has been determined to constitute a hazard, the registered owner, or other interested
party, shall provide the competent authority of the Affected State with evidence of insurance or other
financial security as required by article 12. 4 The registered owner may contract with any salvor or other person to remove the wreck determined
to constitute a hazard on behalf of the owner. Before such removal commences, the Affected State
may lay down conditions for such removal only to the extent necessary to ensure that the removal
proceeds in a manner that is consistent with considerations of safety and protection of the marine
environment.
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L’enlèvement des épaves
123
5 When the removal referred to in paragraphs 2 and 4 has commenced, the Affected State may
intervene in the removal only to the extent necessary to ensure that the removal proceeds effectively
in a manner that is consistent with considerations of safety and protection of the marine environment.
6 The Affected State shall:
(a) set a reasonable deadline within which the registered owner must remove the wreck,
taking into account the nature of the hazard determined in accordance with article 6;
(b) inform the registered owner in writing of the deadline it has set and specify that, if the
registered owner does not remove the wreck within that deadline, it may remove the
wreck at the registered owner's expense; and ( c) inform the registered owner in writing that it intends to intervene immediately in
circumstances where the hazard becomes particularly severe.
7 If the registered owner does not remove the wreck within the deadline set in accordance with
paragraph 6(a), or the registered owner cannot be contacted, the Affected State may remove the
wreck by the most practical and expeditious means available, consistent with considerations of safety
and protection of the marine environment. 8 In circumstances where immediate action is required and the Affected State has informed the State
of the ship's registry and the registered owner accordingly, it may remove the wreck by the most
practical and expeditious means available, consistent with considerations of safety and protection of
the marine environment. 9 States Parties shall take appropriate measures under their nationallaw to ensure that their
registered owners comply with paragraphs 2 and 3.
10 States Parties give their consent to the Affected State to act under paragraphs 4 to 8,
where required.
Article 10
Liability of the owner
1 Subject to article Il, the registered owner shall be liable for the costs oflocating, marking and
removing the wreck under articles 7, 8 and 9, respectively, unless the registered owner proves that the
maritime casualty that caused the wreck: (a) resulted from an act of war, hostilities, civil war, insurrection, or a natural
phenomenon of an exceptional, inevitable and irresistible character;
(b) was wholly caused by an act or omission done with intent to cause damage by a third
party; or
L’enlèvement des épaves
124
(c) was wholly caused by the negligence or other wrongful act of any Government or
other authority responsible for the maintenance of lights or other navigational aids in
the exercise of that function. 2 Nothing in this Convention shall affect the right of the registered owner to limit liability under any
applicable national or international regime, such as the Convention on Limitation of Liability for
Maritime Claims, 1976, as amended. 3 No claim for the costs referred to in paragraph 1 may be made against the registered owner
otherwise than in accordance with the provisions of this Convention. This is without prejudice to the
rights and obligations of a State Party that has made a notification under article 3, paragraph 2, in
relation to wrecks located in its territory, including the territorial sea, other than locating, marking
and removing in accordance with this Convention. 4 Nothing in this article shall prejudice any right ofrecourse against third parties.
Article Il
Exceptions to liability
1 The registered owner shall not be liable under this Convention for the costs mentioned in
article 10, paragraph 1 if, and to the extent that, liability for such costs would be in conflict with:
( a) the International Convention on Civil Liability for ail Pollution Damage, 1969, as
amended;
(b) the International Convention on Liability and Compensation for Damage in
Connection with the Carriage of Hazardous and N oxious Substances by Sea, 1996, as
amended; (c) the Convention on Third Party Liability in the Field of Nuclear Energy, 1960, as
amended, or the Vienna Convention on Civil Liability for Nuclear Damage, 1963, as
amended; or national law governing or prohibiting limitation of liability for nuclear
damage; or (d) the International Convention on Civil Liability for Bunker ail Pollution Damage,
2001, as amended;
provided that the relevant convention is applicable and in force.
2 To the extent that measures under this Convention are considered to be salvage under applicable
national law or an international convention, such law or convention shall apply to questions of the
remuneration or compensation payable to salvors to the exclusion of the rules of this Convention.
L’enlèvement des épaves
125
Article 12
Compulsory insurance or other financial security
1 The registered owner of a ship of 300 gross tonnage and ab ove and flying the flag of a State Party shall
be required to maintain insurance or other financial security, such as a guarantee of a bank or similar
institution, to cover liability under this Convention in an amount equal to the limits of liability under the
applicable national or international limitation regime, but in all cases not exceeding an amount calculated
in accordance with article 6( 1 )(b) of the Convention on Limitation of Liability for Maritime Claims,
1976, as amended. 2 A certificate attesting that insurance or other financial security is in force in accordance with the
provisions of this Convention shall be issued to each ship of 300 gross tonnage and ab ove by the
appropriate authority of the State of the ship's registry after determining that the requirements of paragraph
1 have been complied with. With respect to a ship registered in a State Party, such certificate shall be
issued or certified by the appropriate authority of the State of the ship's registry; with respect to a ship not
registered in a State Party it may be issued or certified by the appropriate authority of any State Party. This
compulsory insurance certificate shall be in the form of the model set out in the annex to this Convention,
nd shal taina l con the following particulars: ( a) name of the ship, distinctive number or letters and port of registry;
(b) gross tonnage of the ship;
( c) name and principal place of business of the registered owner;
(d) IMO ship identification number;
( e) type and duration of security;
(f) name and principal place of business of insurer or other person giving security and, where
appropriate, place of business where the insurance or security is established; and
(g) period of validity of the certificate, which shall not be longer than the period of validity of
the insurance or other security.
3 (a) A State Party may authorize either an institution or an organization recognized by it to
issue the certificate referred to in paragraph 2. Such institution or organization shall
inform that State of the issue of each certificate. In all cases, the State Party shall fully
guarantee the completeness and accuracy of the certificate so issued and shall undertake
to ensure the necessary arrangements to satisfy this obligation.
(b) A State Party shall notify the Secretary-General of:
(i) the specifie responsibilities and conditions of the authority delegated to an
institution or organization recognized by it;
(ii) the withdrawal of such authority; and
L’enlèvement des épaves
126
L’enlèvement des épaves
(iii) the date from which such authority or withdrawal of such authority takes
effect.
An authority delegated shall not take effect prior to three months from the date on
which notification to that effect was given to the Secretary-General.
( c) The institution or organization authorized to issue certificates in accordance with this
paragraph shall, as a minimum, be authorized to withdraw these certificates if the
conditions under which they have been issued are not maintained. In all cases the
institution or organization shall report such withdrawal to the State on whose behalf
the certificate was issued. 4 The certificate shall be in the official language or languages of the issuing State. If the language
used is not English, French or Spanish, the text shall include a translation into one of these languages
and, where the State so decides, the official language(s) of the State may be omitted.
5 The certificate shall be carried on board the ship and a copy shall be deposited with the authorities
who keep the record of the ship's registry or, if the ship is not registered in aState Party, with the
authorities issuing or certifying the certificate. 6 An insurance or other financial security shall not satisfy the requirements of this article if it can
cease for reasons other than the expiry of the period of validity of the insurance or security specified
in the certificate under paragraph 2 before three months have elapsed from the date on which notice
of its termination is given to the authorities referred to in paragraph 5 unless the certificate has been
surrendered to these authorities or a new certificate has been issued within the said period. The
foregoing provisions shall similarly apply to any modification, which results in the insurance or
security no longer satisfying the requirements of this article. 7 The State of the ship's registry shall, subject to the provisions of this article and having regard to
any guidelines adopted by the Organization on the financial responsibility of the registered owners,
determine the conditions of issue and validity of the certificate. 8 Nothing in this Convention shall be construed as preventing a State Party from relying on
information obtained from other States or the Organization or other international organizations
relating to the financial standing of providers of insurance or financial security for the purposes of
this Convention. In such cases, the State Party relying on such information is not relieved of its
responsibility as aState issuing the certificate required by paragraph 2. 9 Certificates issued and certified under the authority of a State Party shall be accepted by other States
Parties for the purposes of this Convention and shall be regarded by other States Parties as having the
same force as certificates issued or certified by them, even if issued or certified in respect of a ship
not registered in a State Party. A State Party may at any time request consultation with the issuing or
certifying State should it believe that the insurer or guarantor named in the certificate is not
127
financially capable of meeting the obligations imposed by this Convention. 10 Any claim for costs arising under this Convention may be brought directly against the insurer or
other person providing financial security for the registered owner's liability. In such a case the
defendant may invoke the defences (other than the bankruptcy or winding up of the registered owner)
that the registered owner would have been entitled to invoke, including limitation of liability under
any applicable national or international regime. Furthermore, even if the registered owner is not
entitled to limit liability, the defendant may limit liability to an
L’enlèvement des épaves
128
amount equal to the amount of the insurance or other financial security required to be maintained in
accordance with paragraph 1. Moreover, the defendant may invoke the defence that the maritime casualty
was caused by the wilful misconduct of the registered owner, but the defendant shall not invoke any other
defence which the defendant might have been entitled to invoke in proceedings brought by the registered
owner against the defendant. The defendant shall in any event have the right to require the registered
owner to be joined in the proceedings. Il A State Party shall not permit any ship entitled to fly its flag to which this article applies
to operate at any time unless a certificate has been issued under paragraphs 2 or 14.
12 Subject to the provisions of this article, each State Party shall ensure, under its national law, that
insurance or other security to the extent required by paragraph 1 is in force in respect of any ship of 300
gross tonnage and above, wherever registered, entering or leaving a port in its territory, or arriving at or
leaving from an offshore facility in its territorial sea. 13 Notwithstanding the provisions of paragraph 5, a State Party may notify the Secretary-General that, for
the purposes of paragraph 12, ships are not required to carry on board or to produce the certificate
required by paragraph 2, when entering or leaving a port in its territory, or arriving at or leaving from an
offshore facility in its territorial sea, provided that the State Party which issues the certificate required by
paragraph 2 has notified the Secretary-General that it maintains records in an electronic format, accessible
to all States Parties, attesting the existence of the certificate and enabling States Parties to discharge their
obligations under paragraph 12. 14 If insurance or other financial security is not maintained in respect of a ship owned by a State Party, the
provisions of this article relating thereto shall not be applicable to such ship, but the ship shall carry a
certificate issued by the appropriate authority of the State of registry, stating that it is owned by that State
and that the ship's liability is covered within the limits prescribed in paragraph 1. Such a certificate shall
follow as closely as possible the model prescribed by paragraph 2.
Article 13
Time limits
Rights to recover costs under this Convention shall be extinguished unless an action is brought
hereunder within three years from the date when the hazard has been determined in accordance with this
Convention. However, in no case shall an action be brought after six years from the date of the maritime
casualty that resulted in the wreck. Where the maritime casualty consists of a series of occurrences, the
six-year period shall run from the date of the first occurrence.
Article 14
Amendment provisions
1 At the request of not less than one-third of States Parties, a conference shall be convened
by the Organization for the purpose of revising or amending this Convention.
2 Any consent to be bound by this Convention, expressed after the date of entry into force
of an amendment to this Convention, shall be deemed to apply to this Convention, as amended.
L’enlèvement des épaves
129
Article 15
Settlement of disputes
1 Where a dispute arises between two or more States Parties regarding the interpretation or
application of this Convention, they shall seek to resolve their dispute, in the first instance, through
negotiation, enquiry, mediation, conciliation, arbitration, judicial settlement, resort to regional
agencies or arrangements or other peaceful means of their choice. 2 If no settlement is possible within a reasonable period of time not exceeding twelve months after
one State Party has notified another that a dispute exists between them, the provisions relating to the
settlement of disputes set out in Part XV of the United Nations Convention on the Law of the Sea,
1982, shall apply mutatis mutandis, whether or not the States party to the dispute are also States
Parties to the United Nations Convention on the Law of the Sea,1982. 3 Any procedure chosen by a State Party to this Convention and to the United Nations Convention on
the Law of the Sea, 1982, pursuant to Article 287 of the latter, shall apply to the settlement of
disputes under this article, unless that State Party, when ratifying, accepting, approving or acceding to
this Convention, or at any time thereafter, chooses another procedure pursuant to Article 287 for the
purpose of the settlement of disputes arising out of this Convention. 4 A State Party to this Convention which is not a Party to the United Nations Convention on the Law
of the Sea, 1982, when ratifying, accepting, approving or acceding to this Convention or at any time
thereafter shall be free to choose, by means of a written declaration, one or more of the means set out
in Article 287, paragraph 1, of the United Nations Convention on the Law of the Sea, 1982, for the
purpose of settlement of disputes under this Article. Article 287 shall apply to such a declaration, as
well as to any dispute to which such State is party, which is not covered by a declaration in force. For
the purpose of conciliation and arbitration, in accordance with Annexes V and VII of the United
Nations Convention on the Law of the Sea, 1982, such State shall be entitled to nominate conciliators
nnex VII, Article 2, and arbitrators to be included in the lists referred to in Annex V, Article 2, and A5 A declaration made under paragraphs 3 and 4 shall be deposited with the for the settlement of disputes arising out of this Convention. Secretary-General, who shall transmit copies thereof to the States Parties.
Article 16
Relationship to other conventions and international agreements
Nothing in this Convention shall prejudice the rights and obligations of any State under the
United Nations Convention on the Law of the Sea, 1982, and under the customary intemationallaw of
the sea.
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Article 17
Signature, ratification, acceptance, approval and accession
1 This Convention shall be open for signature at the Headquarters of the Organization
from 19 November 2007 until18 November 2008 and shall thereafter remain open for accession.
(a) States may express their consent to be bound by this Convention by:
(i) signature without reservation as to ratification, acceptance or approval; or
(ii) signature subject to ratification, acceptance or approval, followed by
ratification, acceptance or approval; or
(iii) accession.
(b) Ratification, acceptance, approval or accession shall be effected by the deposit of an
instrument to that effect with the Secretary-General.
Article 18
Entry into force
1 This Convention shall enter into force twelve months following the date on which ten States have
either signed it without reservation as to ratification, acceptance or approval or have deposited
instruments of ratification, acceptance, approval or accession with the Secretary -General.
2 For any State which ratifies, accepts, approves or accedes to this Convention after the conditions in
paragraph 1 for entry into force have been met, this Convention shall enter into force three months
following the date of deposit by such State of the appropriate instrument, but not before this
Convention has entered into force in accordance with paragraph 1. Article 19
Denunciation
1 This Convention may be denounced by a State Party at any time after the expiry of one
year following the date on which this Convention cornes into force for that State.
2 Denunciation shall be effected by the deposit of an instrument to that effect with the
Secretary -General.
3 A denunciation shall take effect one year, or such longer period as may be specified in the
instrument of denunciation, following its receipt by the Secretary-General.
L’enlèvement des épaves
131
Article 20
Depositary
1 This Convention shall be deposited with the Secretary General.
2 The Secretary-General shall:
(a) infonn all States which have signed or acceded to this Convention of:
(i) each new signature or deposit of an instrument of ratification, acceptance,
approval or accession, together with the date thereof;
(ii) the date of entry into force of this Convention;
(iii) the deposit of any instrument of denunciation of this Convention, together
with the date of the deposit and the date on which the denunciation takes
effect; and (iv) other declarations and notifications received pursuant to this Convention;
(b) transmit certified true copies of this Convention to all States that have signed or
acceded to this Convention.
3 As soon as this Convention enters into force, a certified true copy of the text shall be transmitted by
the Secretary-General to the Secretary-General of the United Nations, for registration and publication
in accordance with Article 102 of the Charter of the United Nations. Article 21
Languages
This Convention is established in a single original in the Arabie, Chinese, English, French,
Russian and Spanish languages, each text being equally authentic.
DONE IN NAIROBI this eighteenth day of May two thousand and seven.
IN WITNESS WHEREOF the undersigned, being duly authorized by their respective
Govemments for that purpose, have signed this Convention.
***
L’enlèvement des épaves
ANNEXE 9
Cour de Cassation chambre civile,
audience publique du 11 juillet 2006,
affaire du navire Jerba.
133
L’enlèvement des épaves
Cour de Cassation Chambre civile 1
Audience publique du 11 juillet 2006 Cassation.
N° de pourvoi : 02-20389
Publié au bulletin
Président : M. Ancel.
Rapporteur : M. Pluyette.
Avocat général : M. Sainte-Rose.
Avocats : SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Delaporte, Briard et Trichet.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 18 de la Convention de Londres du 19 novembre 1976, ensemble les articles 2 et
19 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969, prise en tant que coutume internationale ;
Attendu qu'aux termes de l'article 2 § d de la Convention de Vienne du 23 mai 1969, sur le
droit des traités, non ratifiée par la France mais codifiant sur ce point le droit international
coutumier, l'expression " réserve " s'entend d'une déclaration unilatérale, quel que soit son
libellé, faite par un Etat quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par
laquelle il vise à exclure ou à modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité dans
leur application à l'Etat ;
134
L’enlèvement des épaves
Attendu que le navire " Jerba ", appartenant à la société tunisienne " Tunisian Sea transport ",
ayant perdu le 24 janvier 2002 au large du port autonome de Rouen huit cents billes de bois,
le préfet maritime de la Manche et de la Mer du Nord a mis en oeuvre des mesures de
prévention ; qu'en application de l'article 2 § 1 d et e de la Convention de Londres du 19
novembre 1976, le propriétaire du navire a été autorisé à constituer un fonds de limitation de
responsabilité au titre de l'événement de mer ; que faisant valoir que la France, autorisée par
l'article 18 de ce traité, avait réservé l'application de cette dernière disposition de sorte
qu'aucune limitation de responsabilité ne pouvait lui êre opposée, l'agent judiciaire du Trésor
a obtenu, en garantie de la créance de l'Etat, la saisie conservatoire du navire ;
Attendu que pour en donner main-levée, en considérant que la réserve relative à cette
limitation de responsabilité émise par la France lors de la ratification du Traité de Londres,
n'était pas effective, l'arrêt attaqué retient que la France s'est seulement réservée la faculté
pour l'avenir d'avoir recours à cet article 18, que cette réserve ne peut avoir d'autres effets que
celle qu'elle exprime, que la France n'a pas notifié au secrétaire général de l'Organisation
maritime internationale, qui en est dépositaire, l'exercice effectif de son droit de la mettre en
oeuvre et d'exclure l'application de l'article 2 § 1 d et e de la Convention, et, enfin, que les
dispositions de l'article 59 de la loi du 3 janvier 1967, dans sa rédaction résultant de la loi du
31 décembre 1984, sur le statut des navires, qui exclut la possibilité pour le propriétaire du
navire d'opposer la limitation de sa responsabilité aux créances de l'Etat, est une disposition
d'ordre interne qui n'est pas applicable lorsque les conditions d'application de la Convention
de Londres sont, comme en l'espèce, réunies de sorte que cet article ne peut pas être opposé à
ceux qui bénéficient de la limitation de ce traité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'instrument d'approbation de la Convention de Londres du 19
novembre 1976, signée par la France, a été déposé, le 1er juillet 1981, au secrétariat général
de l'Organisation maritime internationale, organisation dépositaire de la Convention, avec
l'indication suivante : " conformément à l'article 18 § 1 le gouvernement de la République
française se réserve le droit d'exclure l'application des alinéas d) et e) du § 1 de l'article 2 ",
dont le texte a été ensuite publié par le décret du 23 décembre 1986 avec mention de cette
réserve et que, malgré le caractère ambig de cette formulation dans la langue française, elle
constituait de la part de l'Etat français, non pas une simple déclaration d'intention dépourvue
d'effet juridique mais une décision unilatérale visant à exclure, comme l'ont fait d'autres pays
signataires, l'application du texte précité, de sorte que l'agent judiciaire du Trésor ne pouvant
135
L’enlèvement des épaves
se voir opposer une limitation de responsabilité, la cour d'appel a violé, par refus d'application,
le premier des textes susvisés ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2002, entre
les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans
l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d'appel de Paris.
136
L’enlèvement des épaves
TABLE DES MATIERES
L’enlèvement des épaves
SOMMAIRE ........................................................................................................ 3 ACRONYMES & ABREVIATIONS ................................................................ 4 BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................. 6
MANUELS............................................................................................................................ 6 REVUES................................................................................................................................ 6 DOCUMENTS PROFESSIONNELS................................................................................. 7 SITES INTERNET............................................................................................................... 7
Introduction ......................................................................................................... 8
Section 1 - Qu’est ce qu’une épave maritime et comment la distinguer des autres épaves ?................................................................................................................................ 10 Section 2 - Changement de paradigme autour de l’épave maritime : de la protection des intérêts particuliers à la protection de l’intérêt général........................................... 11
A) L’épave : un objet de convoitise car source d’enrichissement............................. 12 B) L’épave : un objet dérangeant car source de danger ............................................ 13
a) un risque pour les tiers : les autres navires ou usagers de la mer et les sauveteurs ............................................. 14 b) un risque pour l’environnement ........................................................................... 14
C) De la sauvegarde des intérêts particuliers à celle de l’intérêt général.................. 15 Première partie : Instruments juridiques permettant à un Etat côtier tel que la France d’obtenir l’enlèvement d’une épave maritime ....................... 17
Chapitre préliminaire : variation des pouvoirs d’intervention des Etats côtiers sur une épave en fonction de la zone maritime dans laquelle elle se situe .................................. 19
Section 1 - l’absence de statut international de l’épave maritime.................................... 19 Section 2 - l’épave : un « objet de droit situé » dans une mer compartimentée par la CNUDM ........................................................................................................................... 20
Chapitre 1 : Dans les eaux intérieures et territoriales de la France : application sa législation nationale, la loi de 1961 relative à la police des épaves................................. 24
Section 1 – le cadre juridique et le champ d’application de la loi française de police des épaves ............................................................................................................................... 24
137
L’enlèvement des épaves
Sous-Section 1 - cadre juridique français..................................................................... 24 Sous-Section 2 - le champ d’application de la loi française de police des épaves....... 26
A- Champ d’application matériel : une épave maritime ................................... 26 a. Epave de navire : non flottabilité et abandon par l’équipage....................... 26 b. Les autres choses susceptibles de devenir épave maritime .......................... 27
- les embarcations : ..................................................................................... 27 - machines, agrès (abandonnés).................................................................. 28 - ancres et chaînes (abandonnées) .............................................................. 28 - engins de pêche (abandonnés) :................................................................ 28 - débris de navire et d’aéronef .................................................................... 28 - Les marchandises jetées ou tombées à la mer .......................................... 28 - Les conteneurs.......................................................................................... 29 - Tous objets ............................................................................................... 29
c. les cas particuliers ........................................................................................ 29 - les biens appartenant à l’Etat.................................................................... 29 - les biens culturels maritimes .................................................................... 30 - Les herbes marines ................................................................................... 30 - Les marques scientifiques ........................................................................ 30 - Les bouteilles contenant des messages..................................................... 30
d. Les cas exclus............................................................................................... 30 - les cadavres .............................................................................................. 31 - les câbles télégraphiques .......................................................................... 31 - les « choses du crû de la mer »................................................................. 31 - marchandises ou objets abandonnés volontairement ............................... 32
B- Champs d’application géographique : dans les eaux intérieures et la mer territoriale ................................................................................................................. 32
Section 2 – procédure française menant à l’enlèvement de l’épave ................................ 33 Sous-Section 1 – découverte et déclaration de l’épave par l’inventeur, et conservation par les affaires maritimes ............................................................................................. 33
A) Découverte de l’épave et déclaration aux affaires maritimes ...................... 33 a) Découverte ................................................................................................... 33 b) mise en sûreté de l’épave par l’inventeur/sauveteur .................................... 34 c) Doit-on parler de sauvetage ou d’assistance ? ............................................. 34 d) déclaration à l’administrateur des affaires maritimes ou à son représentant 35 e) rémunération du sauveteur ........................................................................... 36
B) Protection et sauvetage de l’épave par les affaire maritimes, puis restitution .............................................................................................. 37
Sous-Section 2 – pouvoirs de l’administration française pour faire procéder à l’enlèvement de l’épave ............................................................................................... 39
A) l’enlèvement : une obligation du propriétaire .............................................. 39 a) quelle est l’autorité compétente pour procéder à la mise en demeure ?....... 40 b) la forme de la mise en demeure adressée au propriétaire connu.................. 40 c) contenu et effets de la mise en demeure....................................................... 41
B) en cas de défaillance du propriétaire ou d’urgence : l’Etat procède lui même à l’enlèvement de l’épave......................................................................................... 42
a) cas dans lesquels l’administration procède elle même à l’enlèvement : ...... 42 b) toutes ces interventions sont à la charge du propriétaire.............................. 42 c) déchéance du droit de propriété mais pas des frais engagés antérieurement43 d) L’impossibilité d’abandon de ses droits par le propriétaire ......................... 43
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L’enlèvement des épaves
Chapitre 2 : L’apport de la convention de Nairobi, signée en 2007, aux pouvoirs de l’Etat côtier sur les ZEE ou dans la limite des 200 miles marins des lignes de base.... 45
Section 1 – l’état actuel du droit dans les ZEE ................................................................ 45 Section 2 – Dans les ZEE : les apports de la convention de Nairobi de 2007 ................. 47
A) les origines de la convention de Nairobi de 2007 ............................................ 47 B) objet et principes de la convention de Nairobi ................................................. 48 C) champ d’application de la convention de Nairobi............................................ 48
a. champ d’application géographique : ZEE ou dans la limite des 200 milles marins à partir des lignes de base............................................................................. 48 b. champ d’application matériel ........................................................................... 49
1. les navires au sens large ............................................................................... 49 2. La convention donne sa propre définition d’une épave ............................... 49 3. L’épave doit constituer un danger................................................................ 50
D) la procédure à suivre ........................................................................................ 50 a. déclaration ........................................................................................................ 51 b. localisation de l’épave...................................................................................... 51 c. signalisation de l’épave .................................................................................... 51 d. l’enlèvement de l’épave ................................................................................... 52
E) les frais de localisation, de signalisation, et d’enlèvement sont à la charge du propriétaire inscrit ........................................................................................................ 52
a. charges incombant au propriétaire ................................................................... 53 b. cas d’exonération.............................................................................................. 53 c. l’obligation d’assurance ................................................................................... 54
Deuxième partie : L’enlèvement des épaves et le problème de la limitation de responsabilité ................................................................................................ 56
Chapitre 1 : Hostilité du droit français au jeu de la limitation de responsabilité pour les épaves ............................................................................................................................. 57
Section préliminaire - limitation de responsabilité, définition. ........................................ 57
A- origine............................................................................................................... 57 B- évolution........................................................................................................... 58 C- créances limitables et créances exclues de la convention de 1976 .................. 58 D- unanimité des législations sur ce principe fondamental du droit maritime...... 59
Section 1 – hostilité visible du droit français dans la responsabilité intégrale pour les dommages causés par les épaves...................................................................................... 60 Section 2 – hostilité manifeste du droit français dans l’interdiction expresse de la limitation des créances de « prise en charge » des épaves par les pouvoirs publics ........ 61
A- rappel de la première partie : la prise en charge de l’épave par le propriétaire ou par les autorités françaises....................................................................................... 62 B- dispositions de la loi du 21 décembre 1984 en faveur du remboursement intégral des créances des pouvoirs publics................................................................... 63
Chapitre 2 : Confrontation du droit maritime français aux exigences de la convention de Londres de 1976 favorable à la limitation................................................................... 64
Section 1 – les créances soumises à limitation posées par la convention de Londres et réserve effectuée par la France......................................................................................... 65
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L’enlèvement des épaves
A- principe posé par la convention de Londres..................................................... 65 B- réserve opposée par la France .......................................................................... 66
Section 2 – la convention de Londres et son application par la jurisprudence française jusqu’à l’éclaircissement de la Cour de cassation en 2006 .............................................. 67 Section 3 – interprétation positive de la réserve faite par la France à la convention de 1976 sur la limitation de responsabilité par la Cour de cassation dans l’affaire du navire Jerba en 2006.................................................................................................................... 69
Conclusion.......................................................................................................... 72 ANNEXES.......................................................................................................... 75
LISTE DES ANNEXES ..................................................................................................... 76 ANNEXE 1 Les dangers d’une épave pour la navigation : L’exemple caractéristique du Tricolor devenu épave dans l’un des détroits les plus fréquentés au monde. ...................... 77 ANNEXE 2 Les dangers d’une épave pour l’environnement :L’exemple de l’Erika. ........ 80 ANNEXE 3 Schéma simplifié des zones de juridiction de l’Etat côtier d’après la convention sur le droit de la mer de 1982 ............................................................................ 82 ANNEXE 4 loi n°61-1262 du 24 novembre 1961 ............................................................... 84 relative à la police des épaves maritimes ............................................................................. 84 ANNEXE 5 Décret n°61-1547 du 26 décembre 1961 fixant le régime des épaves maritimes............................................................................................................................................... 88 ANNEXE 6 Tracé des lignes de bases délimitant les eaux intérieures et la mer territoriale............................................................................................................................................ 102 ANNEXE 7 Textes relatifs à la Zone Economique française ............................................ 110 ANNEXE 8 Nairobi international convention on the removal of wrecks, 2007................ 113 ANNEXE 9 Cour de Cassation chambre civile, affaire du navire Jerba. .......................... 133
TABLE DES MATIERES .............................................................................. 137
140
L’enlèvement des épaves
RESUME
De très nombreuses épaves jonchent les mers. Si beaucoup restent ignorées, certaines
sont problématiques en raison dans leur dangerosité pour la navigation ou l’environnement.
Les nombreux sinistres consécutifs à la présence d’épaves ont poussé le centre de gravité du
droit de la protection de l’intérêt particulier du propriétaire, vers la sauvegarde de l’intérêt
général. Cette sauvegarde passe par l’enlèvement des épaves dangereuses. Les Etats dotés de
façades maritimes sont donc confrontés à d’importants problèmes auxquels ils doivent
répondre au cas par cas sans grande concertation sur le plan international. Face à une épave,
on ne peut raisonner de manière abstraite, il n’y a pas de statut international de l’épave
maritime. L’épave s’analyse donc comme un « objet de droit situé » dans une mer
compartimentée. Par conséquent, les pouvoirs de la France pour obtenir l’enlèvement d’une
épave varient en fonction de la zone maritime dans laquelle elle se situe. Cette variation est
déterminée par la convention de Montégo Bay de 1982 sur le droit de la mer.
Ainsi, la France pourra appliquer sa loi de police des épaves dans sa mer intérieure et sa mer
territoriale. Quant aux autres zones maritimes, la délimitation de ses possibilités
d’intervention est plus délicate à cerner. Quand une épave est présente hors des eaux
territoriales, c'est-à-dire sans souveraineté exclusive, il n’est pas en son pouvoir de régler le
problème posé par des épaves en vertu de sa législation nationale. Néanmoins, la récente
signature de la convention de Nairobi offrira, à son entrée en vigueur, un cadre juridique lui
permettant d’obtenir l’enlèvement d’une épave dangereuse pour la navigation et
141
L’enlèvement des épaves
l’environnement dans ses Zones Economiques Exclusives, ou dans la limite de 200 milles
marins.
En principe, c’est au propriétaire de procéder à l’enlèvement de son épave, et d’en
assumer les frais et risques, mais il arrive qu’en cas de défaillance de celui-ci ou en cas
d’urgence, l’Etat procède lui même à l’enlèvement. Cet enlèvement a un coût. La question qui
se pose alors est de savoir si le responsable de l’épave pourrait lui opposer une limitation de
sa responsabilité, et de cette manière ne pas rembourser l’Etat à la hauteur des sommes qu’il a
dû verser. La France a une législation particulière. Elle a d’ailleurs effectué une réserve à la
convention de Londres sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes,
du le 19 novembre 1976. Elle refuse de voir un fonds de limitation opposé aux créances
publiques de relèvement d’épave.
Quand la convention de Nairobi sera en application, la question qui se posera sera de savoir si
la France pourra refuser de se voir opposer un fonds de limitation pour les créances publiques
de relèvement d’épave dans ses ZEE… une belle question pour les internationalistes…
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