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MISE AU POINT Figure 1. Les quatre principales familles de complexes pouvant être rencontrées lors de l’analyse d’un tracé holter chez un porteur de stimulateur cardiaque (exemple du système ELA ® ). N vP aP avP N : complexe normal ; aP : stimulation atriale ; vP : stimulation ventriculaire. 10 | La Lettre du Cardiologue n° 448 - octobre 2011 Comment interpréter un holter chez un patient porteur d’un stimulateur cardiaque ? How to read a Holter in patients implanted with pacemaker? V. Algalarrondo* * Unité Inserm U 769, signalisation et physiopathologie cardiaque, service de cardiologie, hôpital Béclère, Clamart. L’ enregistrement holter ECG est un examen cardiologique courant. Son interprétation, parfois complexe, peut être rendue particu- lièrement ardue par la présence d’un stimulateur cardiaque. En sus des problèmes rythmologiques classiques, l’analyse doit intégrer l’interaction entre le patient et l’appareil. Or, les algorithmes de ces stimulateurs sont devenus particulière- ment complexes. La réalisation d’un holter chez un porteur de pacemaker permet néanmoins un contrôle “extérieur” de l’interface homme/ machine, contrairement à l’analyse des mémoires du stimulateur, où les tracés sont sélectionnés et interprétés par l’appareil. Le but de cette revue est, sans prétendre à l’exhaustivité, de passer en revue les principales “figures” électrocardiographiques pouvant être rencontrées, en distinguant ce qui relève du comportement normal du stimulateur de ce qui doit alerter le praticien. Paramètres initiaux d’interprétation La présence d’un stimulateur cardiaque doit être notifiée à l’enregistreur dès la pose, afin de régler son seuil de sensibilité. Aucun réglage spécifique n’est requis sur le pacemaker pour la réalisation d’un holter. Néanmoins, quelques informations contribueront à interpréter correctement le tracé, comme le mode de réglage, les fréquences mini- male et maximale, et le caractère uni- ou bipo- laire de la stimulation. De plus, il conviendra de noter précisément les symptômes ressentis lors de l’enregistrement, ainsi que l'heure à laquelle ils se sont produits. Quand la présence d’un stimu- lateur cardiaque a été indiquée dans le logiciel d’analyse, plusieurs familles supplémentaires de complexes sont disponibles pour classer les événe- ments (figure 1). L’onglet de rapport des paramètres de stimulation permet ensuite d’obtenir les taux de stimulation atriaux, ventriculaires ou double chambre. Dans la pratique, la classification peut être fastidieuse, notamment quand la détection des artefacts de stimulation est incorrecte.

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Page 1: Comment interpréter un holter chez un patient porteur d’un ... · Le holter ECG est un examen courant de cardiologie. Sa lecture peut être toutefois ardue chez le patient Sa lecture

MISE AU POINT

Figure 1. Les quatre principales familles de complexes pouvant être rencontrées lors de l’analyse d’un tracé holter chez un porteur de stimulateur cardiaque (exemple du système ELA®).

N vP

aP avP

N : complexe normal ; aP : stimulation atriale ; vP : stimulation ventriculaire.

10 | La Lettre du Cardiologue • n° 448 - octobre 2011

Comment interpréter un holter chez un patient porteur d’un stimulateur cardiaque ?How to read a Holter in patients implanted with pacemaker?

V. Algalarrondo*

* Unité Inserm U 769, signalisation et physiopathologie cardiaque, service de cardiologie, hôpital Béclère, Clamart.

L’enregistrement holter ECG est un examen cardiologique courant. Son interprétation, parfois complexe, peut être rendue particu-

lièrement ardue par la présence d’un stimulateur cardiaque. En sus des problèmes rythmologiques classiques, l’analyse doit intégrer l’interaction entre le patient et l’appareil. Or, les algorithmes de ces stimulateurs sont devenus particulière-ment complexes. La réalisation d’un holter chez un porteur de pacemaker permet néanmoins un contrôle “extérieur” de l’interface homme/machine, contrairement à l’analyse des mémoires

du stimulateur, où les tracés sont sélectionnés et interprétés par l’appareil. Le but de cette revue est, sans prétendre à l’exhaustivité, de passer en revue les principales “figures” électrocardiographiques pouvant être rencontrées, en distinguant ce qui relève du comportement normal du stimulateur de ce qui doit alerter le praticien.

Paramètres initiaux d’interprétation

La présence d’un stimulateur cardiaque doit être notifiée à l’enregistreur dès la pose, afin de régler son seuil de sensibilité. Aucun réglage spécifique n’est requis sur le pacemaker pour la réalisation d’un holter. Néanmoins, quelques informations contribueront à interpréter correctement le tracé, comme le mode de réglage, les fréquences mini-male et maximale, et le caractère uni- ou bipo-laire de la stimulation. De plus, il conviendra de noter précisément les symptômes ressentis lors de l’enregistrement, ainsi que l'heure à laquelle ils se sont produits. Quand la présence d’un stimu-lateur cardiaque a été indiquée dans le logiciel d’analyse, plusieurs familles supplémentaires de complexes sont disponibles pour classer les événe-ments (figure 1). L’onglet de rapport des paramètres de stimulation permet ensuite d’obtenir les taux de stimulation atriaux, ventriculaires ou double chambre. Dans la pratique, la classification peut être fastidieuse, notamment quand la détection des artefacts de stimulation est incorrecte.

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FCmax

(100-140 bpm)

FCmn

(40-70 bpm)

Tachycardie parréentrée électronique

Arythmies atrialessans replis

Asservissement

Suivi du rythme spontané

Hystérésis de fréquence Préservation de la conductionAV physiologique

Défaut de stimulation Inhibition par surdétection

Bpm : battements par minute.

Figure 2. Principales bradycardies et tachycardies pouvant être induites par un stimu-lateur cardiaque, “physiologiques” (en noir) ou “pathologiques” (en rouge) en fonction de la fréquence cardiaque.

La Lettre du Cardiologue • n° 448 - octobre 2011 | 11

RésuméLe holter ECG est un examen courant de cardiologie. Sa lecture peut être toutefois ardue chez le patient porteur d’un stimulateur cardiaque. Le praticien devra différencier, à partir du tracé, les comportements “physiologiques” issus des algorithmes de l’appareil, des tracés “pathologiques”, dangereux pour le patient et nécessitant un avis spécialisé. Si certains tracés sont facilement reconnaissables, d’autres nécessiteront une confrontation entre lecteur de holter et rythmologue.

Mots-clésHolter ECGStimulateur cardiaqueAlgorithme

Summary24-hours Holter ECG is a common tool in cardiology. However, Holter ECG reading in patients implanted with pacemaker may challenge the physician. The current article reviews main pacemaker algorithms leading to specific ECG traces and indicates how to discriminate “physiologic“ versus “pathologic” pacemaker behaviors. If most of the traces are easily readable, others will require to share information between physicians reading the Holter and pacemaker specialists.

Keywords24-hours Holter ECG

Cardiac pacing

Algorithm

Les principales fonctions du stimulateur cardiaque (détection et stimulation) sont résumées dans la dénomination internationale :

➤ la première lettre correspond à la cavité stimulée : A (oreillette), V (ventricule), D (les deux), O (aucune cavité) ;

➤ la deuxième lettre correspond à la cavité détectée : A (oreillette), V (ventricule), D (les deux), O (aucune cavité) ;

➤ la troisième lettre correspond à la programma-tion en cas de détection d’une activité spontanée : I (inhibée), T (déclenchée), D (les deux en fonction du cycle), O (aucune adaptation). La lettre D implique une synchronisation entre oreillette et ventricule via un délai atrioventriculaire (DAV) ;

➤ la quatrième lettre correspond à l'asservissement de la fréquence cardiaque (FC) à l’effort : R.On présentera successivement les bradycardies, les tachycardies, puis les anomalies de la synchronisation AV (figure 2).

Interprétation des bradycardies

Bradycardies physiologiques : fréquences cardiaques de base, de repos, nocturne ; hystérésis de fréquence

La FC de base est habituellement programmée entre 60 et 40 coups par minute. Elle peut être ralentie de 5 à 10 bpm lorsque le stimulateur ne détecte pas d’activité physique (fréquence de repos) ou pendant les périodes nocturnes (fréquence nocturne). Afin de rechercher l’émergence d’un rythme spontané, l’algorithme d’hystérésis de fréquence ralentit tempo-rairement la cadence de stimulation. Si aucune activité spontanée n’est détectée, la fréquence remonte après la période programmée.

Bradycardie physiologique : préservation de la conduction intrinsèque

Afin de promouvoir la conduction AV physiologique, des algorithmes permettent de minimiser la stimula-tion ventriculaire tout en la maintenant lors de troubles conductifs aigus. Ces modes associent une stimulation atriale seule (AAI) à une surveillance continue de l’acti-

vité ventriculaire. Si un trouble de la conduction AV est détecté, l’appareil “commute” du mode AAI vers le mode DDD (stimulation atriale et ventriculaire). Une fois dans le mode DDD, il recherchera une activité ventriculaire spontanée en inhibant temporairement la stimulation ventriculaire (au moins 1 fois par jour). Si celle-ci est détectée, le stimulateur commutera dans le mode initial (AAI). Ces épisodes de commutation AAI → DDD et DDD → AAI donnent lieu à des bradycar-dies transitoires par inhibition de la stimulation ventri-culaire et peuvent être interprétés à tort comme des dysfonctionnements du stimulateur (figure 3, p. 12).

Bradycardie pathologique : le défaut de capture

Les défauts de capture se traduisent par une stimulation inefficace : l’artefact de stimulation n’est pas suivi de l’activation de la cavité concernée (figure 4, p. 12). Ils peuvent résulter d’une mauvaise programmation, d’un déplacement de sonde, d’une fracture de sonde ou d’une élévation de seuil. Un défaut de capture peut entraîner une bradycardie profonde et symptomatique. Il peut être intermittent et impose un contrôle en urgence du stimulateur cardiaque.

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Comment interpréter un holter chez un patient porteur d’un stimulateur cardiaque ?MISE AU POINT

Figure 3. Recherche de la conduction intrinsèque déclenchée par un algorithme spécifique. Alors que la stimulation est en mode DDD, la stimulation ventriculaire est inhibée temporairement, démasquant un bloc AV complet. Quelques battements plus tard, la stimulation ventriculaire reprend après détection du trouble conductif.

Figure 4. Pacemaker VVI déconnecté entraînant une association de défaut d’écoute et de capture. Le rythme spontané du patient n’inhibe pas les spikes de stimulation (défaut d’écoute) qui n’entraînent pas de dépolarisation ventricu-laire (défaut de capture).

PL : période longue. RR : intervalle de temps calculé par le logiciel Holter entre 2 complexes QRS.

12 | La Lettre du Cardiologue • n° 448 - octobre 2011

Bradycardie pathologique : surdétections et écoutes croisées

La détection d’une activité électrique para-site (interférence électromagnétique, myopo-tentiels, parasites dus à une fracture de sonde) sur une des voies du stimulateur peut provoquer une inhibition de celui-ci. Cette surdétection entraînera donc une bradycardie potentiellement dangereuse (figure 5). À la différence du défaut de stimulation, aucun artefact de stimulation n'appa-raîtra sur le tracé pendant la pause. On précisera l’activité du patient au moment de l’épisode (utili-sation d’appareils électriques mal isolés). Dans la stimulation double chambre, l’activité électrique issue d’une cavité (atriale ou ventriculaire) peut

être détectée de manière inappropriée par l’autre canal (ventriculaire ou atrial). Ce type particulier de surdétection est appelé “écoute croisée” ou “cross-talk”. Cette surdétection recycle la stimulation et aboutit à un ralentissement de la FC basale. Un contrôle du stimulateur sera nécessaire.

Interprétation des tachycardies

Les stimulateurs cardiaques peuvent augmenter de manière “physiologique“ leur fréquence de stimu-lation jusqu’à la FC maximale (FCmax) programmée dans plusieurs situations :

➤ augmentation spontanée de la cadence atriale. Le stimulateur cardiaque “suivra” cette augmenta-

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MISE AU POINT

Figure 5. Inhibition temporaire de la stimulation ventriculaire par surdétection de myopotentiels (sonde unipolaire).

VP VP

VS

VS

VS

VS

VP VP VP VP905

A

B

2 845

53 bpm (25 mm/s)FC mn/24 h : 32 bpm

RR Max/24 h : 2 845 msPause RR = 2 845 ms

855 725 860 860

La Lettre du Cardiologue • n° 448 - octobre 2011 | 13

tion en entraînant le ventricule jusqu’à la fréquence maximale programmée ;

➤ mise en route de l’algorithme d’asservissement ; ➤ algorithmes de détermination automatique du

seuil et des impédances ; ➤ activation d’algorithmes rares : “chute de

fréquence” (employés dans le traitement des syncopes neurocardiogéniques à réponse cardio-inhibitrice) ; algorithmes de lissage, réponse aux extrasystoles auriculaires (ESA), overdrive (utilisés en prévention de la fibrillation atriale) ; algorithmes de stabilisation du rythme en arythmie.Les tachycardies “pathologiques” induites par le stimulateur entraînent une cadence ventriculaire élevée sans dépasser la FCmax. Elles peuvent avoir pour origines un déclenchement abusif de l’asservis-sement, un défaut de repli lors d’une arythmie atriale, ou une tachycardie par réentrée électronique (TRE).

Asservissement à l’effort

Tous les stimulateurs actuellement implantés ont la capacité de détecter un effort du patient et de l’accompagner par une accélération de la FC stimulée. Cet algorithme d’asservissement n’est activé qu’en cas d’insuffisance chronotrope. La tachycardie induite par l’asservissement débute et s’arrête progressivement. Tous les complexes sont stimulés (modes VVIR, AAIR et DDDR). Lorsqu’il est mal réglé (déclenchement abusif), l’asservisse-ment peut entraîner une sensation désagréable de tachycardie pour le patient. Plusieurs paramètres peuvent être alors réglés (pente de début et rapidité de déclenchement, période de récupération, etc.).

Repli devant une arythmie atriale

Lors de la survenue d’une arythmie atriale, la fréquence augmente brutalement dans l’oreillette. En mode DDD, cette arythmie suscitera une stimulation ventriculaire rapide (figure 6, p. 14). Les algorithmes de repli évitent la prolongation de cette stimulation. Après la détection de l’arythmie atriale, la synchro-nisation AV est désactivée (repli vers un mode VDI ou DDI). Le repli se déclenche rapidement (en moins de 1 minute) et s’arrête quand le rythme redevient sinusal. Lors d’un défaut de repli, l’entraînement du ventricule à une cadence proche de la FCmax sera main-tenu et provoquera une gêne. Un réglage de l’algo-rithme et/ou de la sensibilité atriale sera nécessaire.

Tachycardie par réentrée électronique

La tachycardie par réentrée électronique (TRE) a pour mécanisme une macroréentrée impliquant un stimulateur cardiaque double chambre et le nœud AV (via sa conduction rétrograde) [figure 7, p. 14]. Elle est déclenchée quand une désynchronisation AV entraîne une onde P rétrograde (par exemple, après une extrasystole ou un défaut de stimulation atrial) et induit brutalement une tachycardie proche de la FCmax. L’onde P est de morphologie rétrograde (néga-tive dans les dérivations inférieures). Non dange-reuse, la TRE peut néanmoins être gênante pour le patient. Des “algorithmes anti-TRE” la détectent et l’interrompent en quelques dizaines de battements. Si ces algorithmes ne sont pas activés ou sont défi-cients, la TRE peut être soutenue. Un réglage du stimulateur est alors nécessaire.

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Comment interpréter un holter chez un patient porteur d’un stimulateur cardiaque ?MISE AU POINT

Figure 6. Salve de tachycardie atriale non soutenue chez un porteur de stimulateur cardiaque double chambre. L’arythmie atriale est détectée et conduite à une fréquence proche de la FCmax (120 bpm). En cas d’arythmie soutenue, l’algorithme de repli devra s’activer.

vP780

A

B

780 795 495 610 500vP vP vP vP vP vP

vP vPvP500 615

800895

PM

P

AS

TREA

V

NAV

VP

QRS

AS : détection atriale ; VP : stimulation ventriculaire ; NAV : nœud atrioventriculaire;PM: pacemaker ; P : onde P.

Figure 7. Mécanisme de la tachycardie par réentrée électronique (TRE).

Blanking (mode O)

Fenêtre de sécurité (mode T)

Hystérésis (mode I)

Délai AV (mode I)

AP VP

Figure 8. Intervalles de temps déclenchés successivement par le stimulateur cardiaque après un événement atrial dans un mode DDD.

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Mesure automatique des impédances et des seuils de stimulation

La mesure des impédances des sondes et de la batterie contrôle l’intégrité du système de stimu-lation. Elle peut être mesurée automatiquement par stimulation des deux cavités pendant quelques battements. Or, la transition d’un cœur stimulé peut être ressentie par le patient. La mesure peut alors être gênante. Afin de minimiser l’énergie utilisée pour la stimu-lation, certains stimulateurs déterminent automa-tiquement le seuil de stimulation. Ces algorithmes sont à l'origine d'une série de stimulations ventri-culaires à une cadence plus rapide que la FC basale, et pouvant se terminer par un défaut de stimula-tion sur un complexe (perte de la stimulation quand l’énergie de stimulation passe sous le seuil). Une variation dans l’amplitude des artefacts de stimu-lation peut être observée pendant cette mesure. Si une telle séquence est mise en évidence, il faudra vérifier l’activation de l’algorithme afin de ne pas méconnaître une perte de capture intermittente.

Synchronisation AV : analyse du délai atrioventriculaire Analyse du délai AV : blanking, fenêtre de sécurité et hystérésis du délai AV

Dans le mode DDD, plusieurs intervalles de temps sont successivement déclenchés après un événement atrial modifiant la réaction du stimulateur (figure 8). Le but de ces intervalles est de minimiser les risques d’inhibition de la stimulation ventriculaire par surdé-

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MISE AU POINT

Figure 9. Défaut de détection entraînant une stimulation atriale inappropriée (AP rouge) et un décalage de la détection de la séquence AV. Quand le QRS “tombe” en fenêtre de sécurité (V/FS), le DAV est raccourci ; dans la période de blanking (V/Bl), la stimulation ventriculaire survient pendant l’onde T ; dans le DAV standard (V/DAV), on observe une fusion du QRS spontané et de la stimulation ventriculaire.

La Lettre du Cardiologue • n° 448 - octobre 2011 | 15

tection et de stimulation ventriculaire arythmo-gène (pendant l’onde T).Le premier intervalle est le blanking. Il dure quelques dizaines de millisecondes après la stimulation atriale. Pendant cet intervalle, un événement ventriculaire ne sera pas détecté (mode O). Le deuxième inter-valle est la fenêtre de sécurité. Si un signal ventri-

culaire y est détecté, il déclenchera une stimulation ventriculaire avec un DAV court de 100 ms en général (mode T). Pendant le reste du DAV, la détec-tion d’un événement ventriculaire inhibera la stimu-lation (mode I). Le DAV peut être prolongé pendant quelques battements afin de permettre l’émergence d’un rythme ventriculaire propre : c’est l’hystérésis

Tableau. Récapitulatif des principales observations électrocardiographiques et leur causes potentielles (algorithmes ou dysfonctionnement grave du stimulateur).

Observation ECG Algorithme potentiellement responsable

FC < FCmin (– 5 à 10 bpm) entraînée par le stimulateur FC de reposFC nocturneInhibition par écoute croisée ventriculo-atriale

FC < FCmin (– 5 à 10 bpm) et inhibition de la stimulation Hystérésis de FC avec détection d’un rythme spontané

FC < FCmin (– 5 à 10 bpm) et stimulation pendant quelques battements Hystérésis de FC (pas de rythme spontané)

Allongement du DAV pendant quelques battements Hystérésis du DAV

Raccourcissement important du DAV sur un battement Fenêtre de sécuritéVérifier : ESV, défaut d’écoute atriale

1 ou 2 (au maximum) ondes P bloquées, puis stimulation double chambre Préservation de la conduction intrinsèque

Pause sans artefact de stimulation Inhibition par surdétection (ou préservation de la conduction intrinsèque)

Ondes P dissociées de la stimulation ventriculaire

Défaut d’écoute atriale/écoute atriale non activée ou impossible

Délais de stimulation non recyclés par des événements spontanés (étage atrial ou ventriculaire)

Défaut d’écoute atriale

Artefacts de stimulation inefficaces Défaut de capture (ou mesure automatique du seuil de stimulation)

Tachycardie brève (< 1 mn), à début et fin brutale, dont la FC < FCmax comportant une stimulation inefficace et/ou des variations d’amplitude de l’artefact de stimulation

Mesure automatique du seuil de stimulation (vérifier l’absence d’un défaut de capture)

Tachycardie à début et à fin progressive entraînée par le stimulateur Asservissement à l’effort

Tachycardie brève entraînant le ventricule au début d’une arythmie atriale, puis cédant spontanément alors que l’arythmie persiste

Repli Défaut de repli si l’épisode de tachycardie > 1 mn

Tachycardie stimulant uniquement le ventricule à la FCmax, à début et fin brutale ; mode DDD

Tachycardie par réentrée électronique

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Comment interpréter un holter chez un patient porteur d’un stimulateur cardiaque ?MISE AU POINT

Lexique AP, VP : stimulation atriale, stimulation ventriculaire.

AS, VS : détection atriale, détection ventriculaire.

Repli : algorithme permettant la détection d’une arythmie atriale et entraînant la perte de la synchronisation atrioventriculaire pendant la durée de l’arythmie.

Hystérésis : allongement temporaire d’un intervalle de temps permettant de promouvoir l’émergence d’un rythme intrinsèque. Si aucun rythme spontané n’est détecté, l’intervalle reprendra sa valeur initiale.

Stimulation/détection unipolaire : la fonction utilise un vecteur joignant l’électrode distale (bout de la sonde) et le boîtier du stimulateur.

Stimulation/détection bipolaire : la fonction utilise un vecteur joignant l’électrode distale (bout de la sonde) et l’électrode proximale (à quelques centimètres du bout de la sonde) .

Blanking : intervalle de temps du DAV démarrant immédiatement après l’événement atrial et pendant lequel les fonctions de détection et stimulation sont désactivées.

Fenêtre de sécurité : intervalle de temps du DAV succédant au blanking pendant lequel une détection d’un événement ventriculaire entraînera une stimulation ventri-culaire avec un intervalle AV court (environ 100 ms).

Seuil de stimulation : plus petite énergie nécessaire pour entraîner la dépolarisation de la structure cardiaque concernée.

Autocapture, autoseuil : algorithmes permettant la mesure automatique des seuils de stimulation par le stimulateur, et éventuellement l’adaptation de l’énergie de stimulation en fonction du résultat.

Préservation de la conduction intrinsèque : ensemble d’algorithmes visant à promouvoir la conduction physiologique (nœud AV, réseau His-Purkinje) en maintenant une stimulation ventriculaire de secours en cas de bloc atrioventriculaire.

16 | La Lettre du Cardiologue • n° 448 - octobre 2011

du DAV. Si une activité ventriculaire spontanée est détectée, la stimulation sera inhibée. Dans le cas contraire, le délai sera ramené à sa valeur basale après quelques battements.Ces algorithmes sont observés lors d’un décalage de la séquence AV (survenue d’une extrasystole ventri-culaire [ESV], défaut d’écoute atrial). En fonction du couplage de l’événement ventriculaire par rapport à la stimulation atriale, les différentes réponses pour-ront être observées.

Défaut d’écoute

Quand un événement spontané (atrial ou ventri-culaire) n’est pas détecté, le stimulateur déclenche alors une stimulation en prenant pour base l’événe-ment précédent (détecté ou stimulé). Ce décalage entraîne des stimulations inappropriées par rapport au cycle cardiaque, en particulier des stimulations ventriculaires sur l’onde T (figure 9, p. 15). Le défaut d’écoute impose un contrôle du stimulateur.

Syndrome du pacemaker

Le syndrome du pacemaker est un syndrome clinique secondaire à une mauvaise synchronisa-

tion AV (systole atriale sur valve mitrale fermée en systole). Les symptômes sont aspécifiques : malaises, dyspnée, douleur thoracique, palpitations, parfois poussée d’insuffisance cardiaque, etc. Sur le tracé électrocardiographique, on pourra mettre en évidence des ondes P dissociées de l’activité ventri-culaire ou un DAV très long.

Conclusion

Si l’orientation dans la “forêt“ des différents algo-rithmes de stimulation peut être ardue, l’interpré-tation d’un holter chez un porteur de stimulateur est facilitée par plusieurs éléments. Le repérage de figures “classiques“ permet de rassurer ou, au contraire, d’alerter le praticien (tableau, p. 15). La connaissance du type d’appareil et du mode de stimulation est primordiale. Elle nécessite un effort de communication particulier de la part du centre implanteur et du stimuliste. La confrontation des tracés ECG avec les données de l’interrogatoire du stimulateur et des mémoires holter embarquées dans l’appareil est nécessaire dans les situations les plus complexes.

Remerciements au Dr C. Juin pour sa relecture et ses conseils. ■

En savoir plus…

• �Ritter P, Fischer W. Pratique de la stimulation cardiaque. Paris : Springer-Verlag France.1997.