quand manger sain devient une obsession (tabula … · digestible et bon pour la santé, et ce qui...

24
R E V U E D E L ’ A L I M E N T A T I O N N o 2 / avril 2003 T A B U L A T A B U L A SCHWEIZERISCHE VEREINIGUNG FÜR ERNÄHRUNG ASSOCIATION SUISSE POUR L’ALIMENTATION ASSOCIAZIONE SVIZZERA PER L’ALIMENTAZIONE Quand manger sain devient une obsession

Upload: doantuyen

Post on 12-Sep-2018

213 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

R E V U E D E L ’ A L I M E N T A T I O N

No 2 / avril 2003

T A B U L AT A B U L A

SCHWEIZERISCHE VEREINIGUNG FÜR ERNÄHRUNGASSOCIATION SUISSE POUR L’ALIMENTATION

ASSOCIAZIONE SVIZZERA PER L’ALIMENTAZIONE

Quand manger sain devient une obsession

Je commande

CD «Feuilles d’informations nutritionnelles, vol. 2» à fr. 20.– (fr. 10.– pour les membres de l’ASA) + frais d’expédition

Nom/prénom

Rue

NPA/lieu

Date/signature

C O M M A N D E

Je suis membre de l’ASA Je ne suis pas membre

Recommandations nutritionnelles pour les adultes, poster «recommandations

nutritionnelles» pour les adultes, alimentation de la femme enceinte, alimentation

de la femme qui allaite, alimentation des enfants de 1 à 14 ans, alimentation

des personnes âgées, alimentation des sportifs amateurs, fast food,

convenience food, apport hydrique et boissons, numéros E – additifs

alimentaires, transport, méthodes de conservation et entreposage des denrées

alimentaires, alimentation légère, alimentation et diabète, alimentation et

maladies rhumatismales.

D’autres renseignements comme des adresses utiles, des bibliographies etc. complètent ces

informations. Les utilisateurs sont formellement autorisés à copier les documents pour leurs clients,

patients, élèves, étudiants, etc.

Feuilles d’informationsnutritionnelles, vol. 2Le CD contient 13 notices en trois langues en formatpdf (Acrobat Reader). Le logiciel Acrobat Reader 4.0s’y trouve bien évidemment aussi. Les thèmes suivantssont traités:

Découper et envoyer à:SVE/ASA, case postale 361, 3052 Zollikofentél. 031-919 13 06, fax 031-919 13 13, e-mail: [email protected]

SCHWEIZERISCHE VEREINIGUNG FÜR ERNÄHRUNGASSOCIATION SUISSE POUR L’ALIMENTATION

ASSOCIAZIONE SVIZERRA PER L’ALIMENTAZIONE

EDITORIALSOMMAIRE

TABULA NO 2 / AVRIL 2003 3

4 REPORTAGE«Health food junkies»: les accrosdu sain manger

10 SPECIALLes mangeurs de la lumière:une aberration gagne des adeptes

12 DIDACTIQUELa vitamine K

14 CONSEILSLes conseils nutritionnelsd’Esther Infanger

15 ACTUALITEBon, le poisson, surtout s’il est gras

16 A LA LOUPELes plantes sauvages s’apprivoisent

20 LIVRESLus pour vous

22 ENTRE NOUSInformations aux membres de l’ASA

23 MEMENTOManifestations, formationscontinues

24 DESSINDes mondes différents

PAGE DE COUVERTURE

IMPRESSUMTABULA: Revue trimestriellede l’Association suisse pourl’alimentation (ASA)

Editeur: ASA, Effingerstrasse 2,3001 Berne, tél. 031-385 00 00

Rédaction: Andreas Baumgartnere-mail: [email protected]

Comité de rédaction: Marianne BottaDiener, Gabriele Emmenegger,Gabriella Germann, Sylvia Schaer,Silvia Gardiol, Pr Paul Walter

Conception: ASA/Andreas Baumgartner

Impression: Stämpfli SA, Berne

PHOTO: HENDRIK KOSSMANN/STERN/PICTURE PRESS

Bettina Isenschmid,médecin responsable dela consultation pour lesdésordres alimentairesde l'Hôpital de L'Ile àBerne.

«Tout est souscontrôle…»

C'est juste ou c'est faux? C'est bon ouc'est mauvais pour la santé? Depuis toutpetits, nous sommes confrontés à cesquestions. Et ça ne concerne pas seulementnotre alimentation. Enfant, nous man-geons par plaisir. Tout est intéressant etattirant. Ce sont les adultes qui décident sic'est bon pour la santé ou non. Nousavons confiance, leur choix est bon pournous. Qui ne se souvient des refrainsentendus à table: «Mange ta soupe, ça tefera guérir!», «la viande, ça rend fort», «lescarottes sont bonnes pour la vue», «lechocolat constipe», etc?

En prenant de l'âge, il faudrait prendreconfiance en soi, dans notre perception dela soif et de la saturation, dans ce méca-

nisme merveilleux qu'est notre corps. Lui, il sait ce qui estdigestible et bon pour la santé, et ce qui ne l'est pas. Or cetteconfiance semble de plus en plus nous échapper.

Nous sommes immergés dans un environnement deconseils et d'interdits toujours «bien intentionnés». Le plaisirinné et naturel de manger et les signes en nous de faim et desaturation sont de plus en plus supplantés par la peur deperdre le contrôle de nous-mêmes. Maintenant, il est impor-tant de savoir avec précision ce qui arrive aux aliments quenous mangeons. L'ajustement des substances nutritives doitse faire avec précision, sinon quelque chose pourrait aller detravers. Partout nous subodorons des éléments perturbants,notre menu nous donne pour tâche de devenir de nouveaux,voire de meilleurs hommes grâce à des produits «ultra puri-fiés». Alors nous ne serons plus livrés sans défense au chari-vari de la digestion. Se faire plaisir de tous ses sens réunis enmangeant, qui ose encore ça?

De l'absence de cet élément qu'est le plaisir en mangeantaux véritables sentiments de culpabilité que certains peuventéprouver, il y a de quoi s'inquiéter. La contrainte cérébrale dedevoir absolument se nourrir «juste» peut déboucher sansautre sur un désordre alimentaire qui fera dépendre du bonrégime que nous suivrons, de la silhouette idéale et du poidsrêvé que nous atteindrons, l'image que nous aurons denous-mêmes. Le plaisir de manger et, finalement, notre vien'y trouvent pas leur compte …

4 TABULA NO 2 / AVRIL 2003

REPORTAGE

L'obsession permanente desa propre santé est déjà ensoi une maladie», lançait

déjà, en guise d'avertissement,le grand philosophe grec Platon.«C'est une maladie bien en-nuyeuse que de vouloir préserversa santé en observant un régimetrop strict», philosophait à sontour il y a plus de trois cents ansl'écrivain et bon vivant françaisFrançois de La Rochefoucauld. Oril semble que la dite «ennuyeusemaladie» commence à se répan-dre dans notre société. On cons-tate que, aiguillonnés par unevolée d'avertissements bien in-tentionnés visant à préserver leursanté, un nombre grandissant denos contemporains se sont fixépour but de manger sain. Ilss'astreignent alors à un régimedraconien et tentent de gagnerleur entourage à une espèce de«foodamentalisme» dogmatique.

L'industrie du divertissementse divertit de moins en moinsquand elle passe à table. Depuisquelque temps, stars et starlettesfont une fixette sur les platscomplets, bio, macrobiotiques etvégétariens. Prenez Winona Ry-der: elle s'est juré de ne plusboire que du coca «bio». Ou Ju-lia Roberts: elle, elle ne sortjamais sans glisser dans son sacson lait de soja, pour le café.Ou encore Gwyneth Paltrow:elle serait tout simplement per-due sans son prof de yoga quitous les jours établit son régimemacrobiotique.

On pourrait encore rire de cespetites manies innocentes si,chez certaines vedettes du spec-tacle, elles ne prenaient pas pro-gressivement la forme d'unedangereuse névrose. Depuis queses articulations le chicanentsérieusement, le costaud dugrand écran, Nick Nolte, a lancéune croisade militante en faveurd'une forme de vie saine. Ainsi,

Obsédés denourriture saineIl faut manger pour vivre, et non le contraire, dit leproverbe. Pourtant bien des gens n'ont que lanourriture en tête. Ils ne salivent pas à la perspectivede petits filets de perches meunière ou d'un bavarois àla fraise. Non, ils ruminent sans cesse comment ilsvont mettre la main sur des aliments purs, sains etlégers, et passent leur temps à élaborer des menus quileur conviennent. C'est un peu comme si les recomman-dations en faveur d'une alimentation saine avaienttouché un point particulièrement sensible de leur moiintime.

PAR ROLF DEGEN

PHO

TO: J

O V

AN

DEN

BER

G/

STER

N/

PICT

URE

PRE

SS

Rolf Degen estjournaliste indé-pendant et auteurde livres. PourTABULA, il a écritdivers articles, dontle dernier, «L’obses-sion de manger»(TABULA 1/2002).

TABULA NO 2 / AVRIL 2003 5

après son entraînement matinalen salle de musculation, l'acteurentreprend d'élaborer lui-mêmeun petit déjeuner à base de pro-duits naturels 100% bio, mélan-geant hardiment le chou, la bet-terave rouge, la carotte, les to-mates cerises et la laitue pom-mée. Comme si, à elles seules,ces crudités ne lui procuraientpas suffisamment de substancesnutritives, le pauvre Nolte ingur-gite en supplément une trentainede vitamines et autres zinzinscomplémentaires. Enfin, pour nepas laisser la moindre faille dansson système immunitaire, ilsoumet son corps à des hormo-nes de croissance et s'appliquedes compresses de testostérone.

Même la chanteuse pop bri-tannique Gerri Halliwell n'a paséchappé à cette obsession del'alimentation saine. Depuis soncombat – réussi – de dix-huitmois contre les kilos superflusau terme duquel elle en a perduquatorze, l'ancienne Spice Girl nese nourrit plus que du bout deslèvres. «Je ne mange plus de fari-ne blanche, j'évite le sucre com-me la peste et je fais pareil avecle chocolat. Chez moi, on netrouve plus que des alimentssains comme les légumes et lepoisson», a-t-elle récemment dé-claré au magazine «New Wo-man». Pour ceux (celles) qui n'au-raient pas compris, elle ajoute:«Je pense tous les jours à ce quej'ai le droit et pas le droit de man-ger.»

Quand la santé tourneen obsessionPour Steven Bratman, méde-

cin spécialiste de la nutrition dela Côte Ouest américaine, cettevéritable obsession des aliments«permis» et «interdits» est déjàle signe d'une nouvelle forme dedésordre alimentaire. Il lui amême donné un nom: orthorexia

nervosa, ou obsession maladivede l'alimentation saine, en re-lation directe avec l'anorexie(anorexia nervosa) et la boulimie(bulimia nervosa). Alors que lesanorexiques et les boulimiquessont poursuivis par des notionsde quantités, les orthorexiques lesont par celles de qualité. «Cestrois formes de maladie ont cecien commun que la nourritureprend une importance totalementexcessive dans la vie de tous lesjours de ceux qui en sont atteints,diagnostique Steven Bratman. Enlieu et place de vie, ces gens n'ontqu'un programme alimentaire.»

Alors qu'il était cuisinier etagriculteur écolo d'une grandecommune de l'état de New York,dans les années septante, StevenBratman s'était déjà pris les piedsdans le puritanisme alimentairepathologique. «Je refusais demanger des légumes qui avaientété récoltés plus d'un quartd'heure auparavant. J'étais rigou-reusement végétarien, je masti-quais cinquante fois le même mor-ceau avant de l'avaler et je prenaisbien garde à chaque repas de neremplir que partiellement monestomac. Toutes les pauvres âmesperdues de mon environnementproche ou éloigné qui se gavaientde barres chocolatées et de pom-mes frites n'étaient pour moi quedes bêtes. Elles n'avaient rien d'au-tre en tête que de satisfaire leursappétits frénétiques et bestiaux.»

Même les membres de la com-munauté du Colorado avec les-quels vivait cet étudiant en méde-cine manifestèrent progressive-ment des signes indiquant qu'ilsperdaient le sens des réalités. Legroupe dominant, formé des vé-gétariens, frémissait à l'idée queses aliments aient pu être cuitsdans des plats souillés par «desvibrations de nature carnée». Cha-cun s'efforçait de gagner les au-tres à sa cause, forcément la seulequi fût crédible. «Dans ma fébri-lité vertueuse, je me sentis obligéd'initier mes frères plus faiblesà mes convictions et j'ai tenu,tant à mes amis qu'à mes parentsd'interminables discours sur lanature malsaine des aliments pré-parés industriellement.»

Les «health food junkies»,comme on les appelle outre-Atlantique, deviennent toujoursplus difficiles. On ne le constatepas seulement dans une Californieobsédée par la santé mais on lelit même dans le très britannique«Observer» qui constate: «Noussommes soudain confrontés à untrend énorme.»

En Suisse aussi, les médecinsqui s'occupent des désordres ali-mentaires doivent bien constaterque la vague de l'extrémismenutritif atteint des proportionspréoccupantes. «Les patients quifréquentent nos consultationssont à 95% des végétariens, desvégétaliens ou des gens qui sont

Des pointures dushow biz commeJulia Roberts, GeriHalliwell, WinonaRyder et Nick Nolteont adopté «uneforme militante devie saine».

REPORTAGE

6 TABULA NO 2 / AVRIL 2003

Obsédés de nourriture saine

La folie au cœur de son programme alimentaireLa société étasunienne présente de plus en plus de signes d'un désordre alimen-taire collectif. Des sentiments de culpabilité et des complexes gâchent le plaisir de manger.

Sigmund Freud, père de la psychanalyse,considérait la pulsion sexuelle comme la

puissance essentielle de l'existence. Cettepulsion entre en permanence en conflit avecles normes de la société qui empêchent lesgens de prendre la vie du bon côté. «Sa théorieaurait été plus convaincante s'il avait analyséla pulsion alimentaire», pense le psychologuePaul Rozin, de l'Université de Pennsylvanie. Lagloutonnerie possède une bien plus grandepuissance explosive que la libido, du moins auxEtats-Unis. Comme le descendant moderne del'homme de Néandertal n'a plus le droit de laisserlibre cours à ses appétits culinaires dans unmonde jalonné de normes de sveltesse et desanté, la société étasunienne glisse de plus enplus vers un désordre alimentaire collectif.

D'après les observations du psychologue,des signes inquiétants indiqueraient quel'absorption de nourriture ne s'accompagneraitplus que de sentiments de culpabilité et decomplexes. Aujourd'hui, quand des genss'offrent une fois un repas de fête, ils n'arriventà surmonter leur mauvaise conscience, et

encore de façon imparfaite, qu'en plaisantantsur la calcification de leurs artères et lesinfarctus cardiaques. «Il semble qu'il existe unconsensus selon lequel la nourriture est aussibien du poison qu'une substance nutritive, etque le repas est presque aussi dangereux quele non-repas.»

La plupart de ses contemporains, selon PaulRozin, sont obsédés par l'idée de diviser lesaliments en «bons» ou «mauvais», «sains» ou«malsains». Il précise: «Selon des sondagesdémoscopiques, un tiers des Etasuniens croientque le sel et la graisse sont aussi toxiques quele mercure. Or la plupart des plats qui encontiennent sont en moyenne sains et neprovoquent des dégâts que consommés en tropgrande quantité.» Selon lui, les soucis que sefont ses concitoyens sur la teneur en calories,les adjuvants, la charge toxique, les effets surla santé, etc. auraient pris une importancedémesurée telle qu'ils détruisent toute idée deplaisir.

«Beaucoup d'Etasuniens, particulièrementles femmes, seraient prêts à renoncer à manger,

ce qui reste l'un de nos plus grands plaisirs, aulieu de souffrir à chaque bouchée en luttantentre le plaisir et l'empoisonnement. Au termed'une enquête récemment menée parmi desétudiants, 10% des femmes ont avoué qu'ellesauraient de la peine à acheter une barre dechocolat. 30% d'entre elles ont ajouté qu'ellesne craqueraient pour une tablette nutritive quesi elle était sûre, équilibrée et remplaçaitvalablement un véritable repas.» La spécialisteen nutrition de l'Université de Columbia, JoanGussow, partage la même opinion que PaulRozin: «De toute notre histoire, nous n'avonsjamais été aussi étrangers à notre alimen-tation.»

Plusieurs femmes modernes considèrentqu'une aventure avec un homme mariédéclenche moins de sentiment de culpabilitéqu'une entorse à son régime. Cette ambivalenceéclate de plus en plus en plein jour sous formede «schizophrénie alimentaire». On paie larançon de ses propres «manquements». Si, unjour, on a mangé trop de chocolat, le lendemainon ne grignote que des carottes et des radis.

Enlèvement de cada-vres lors de l'épizoo-tie de fièvre aphteu-se en Angleterre: del'eau au moulin desvégétariens.

préoccupés par tous les produitsimaginables qu'ils ne digèrentpas, constate Bettina Isenschmid,médecin à la polyclinique psy-chiatrique de l'Hôpital de l'Ile àBerne. Et il y en a de plus enplus.» Voilà pourquoi, ces der-nières années, la clinique a dûpasser de deux à huit heures deconsultations hebdomadairespour les personnes souffrant dedésordres alimentaires. Mais c'estapparemment encore insuffisantcar l'agenda est plein des mois àl'avance.

Même son de cloche de la partde Gabriella Milos, responsablede la division qui s'occupe desdésordres alimentaires à la poly-

nos patients croient qu'ils ne doi-vent manger que des fruits ou deslégumes ou des choses préten-dument saines, dit-elle. Ceux quisont particulièrement vulnérableséprouvent de graves désordres ali-mentaires lorsqu'ils suivent scru-puleusement certains régimes.»

La tyrannie de l'auto-amendementSouvent, l'orthorexie com-

mence par une décision assezanodine. On décide, par exemple,de s'attaquer à des maux chroni-ques ou à des champignons intes-tinaux, de maigrir, d'améliorerson état de santé général ou dese débarrasser de mauvaises ha-

clinique psychiatrique de l'Hôpi-tal universitaire de Zurich: l'ob-session qu'ont les gens de leursanté la préoccupe. «Presque tous

PHOTO: HOWARD DAVIES

TABULA NO 2 / AVRIL 2003 7

bitudes alimentaires. Et là-dessusviennent se greffer quelques so-lides scandales liés à l'alimen-tation. On sait, par exemple,qu'en Angleterre le nombre devégétariens a fait un énorme bonden avant à la suite de la fièvreaphteuse. Mais, selon StevenBratman, souvent les pointuresde la médecine alimentaire sem-blent ignorer que beaucoup degens avalent leurs théories de tra-vers. «Au contraire, de nombreuxouvrages de médecine naturelleen arrivent, en encourageant leschangements radicaux d'alimen-tation, à activer l'apparition del'orthorexie».

Ce qu'il faut savoir, dit BobRoundtree, conseiller en nutritionde Boulder, Colorado, c'est qu'iln'y a pas de vérité absolue surles façons, bonnes ou mauvaises,de se nourrir. Il n'existe «aucun‹bon› régime universel applicableà tout le monde.» La plupart desrecommandations que l'on donnese baseraient sur des connais-sances insuffisantes car personnene sait à coup sûr quels serontles effets à long terme d'un cer-tain mode d'alimentation. «C'estsimplement trop difficile de me-ner le genre d'études dont onaurait besoin pour prouver qu'unrégime ou un autre a des effetsbénéfiques sur l'espérance de vieet la santé.»

Voilà pourquoi Bob Roundtreerecommande de considérer d'ur-gence les conseils des spécialis-tes comme des directives géné-rales et non comme des règlesabsolues. D'autant plus que lesrecommandations en questionchangent parfois au gré desmodes.

Dans le film «Le dormeur»,Woody Allen incarne un hommequi émerge de son sommeilartificiel dans un avenir où lemonde scientifique constate queles cigarettes et le chocolat sont

bons pour la santé et que l'ali-mentation jugée saine au XXe

siècle provoquait le cancer. Enfait, pendant des années lesglucides ont eu la réputation defaire grossir. Ensuite, on a faitporter le chapeau aux matièresgrasses, responsables des excé-dents de poids et des maladiescoronariennes. Aux dernièresnouvelles, l'«indice glycémique»montre maintenant du doigtl'amidon.

L'orthorexie est l'exempleeffrayant de ce qui peut arriverquand les gens accordent tropd'importance aux conseils qu'ilsreçoivent sur leur mode alimen-taire. Le résultat de cette obses-sion se traduit par des symp-tômes de carence aussi bien surle plan de la santé que dans lesrapports avec autrui. Steven Brat-man a pu observer des manifes-tations de repli sur soi et des sé-parations de couple, par exemple

quand des fanatiques ont décrétéque le café que buvait leur com-pagnon «exhalait des senteurspestilentielles». «A l'extrême,l'orthorexie affecte tous les as-pects de l'existence», confirme unspécialiste des dépendances, Hen-ry Cheng, de New York. Ainsi,les accros de la santé n'entre-prennent-ils pas un voyage sansleur kit de survie. Steven Bratmanparle également de fondamen-talistes en proie à des crises deconscience après n'avoir mangéqu'une seule cuillère de glace auchocolat, comme s'ils avaientcommis le pire des péchés.

Peter Marko, qui tient un ca-binet médical à St-Gall et travailleen même temps comme conseil-ler en nutrition, est aussi con-fronté aux conséquences de ré-gimes trop stricts. «On n'est pasplus protégé des maladies endevenant végétarien qu'on ne l'estde la sottise en vieillissant, ré-sume-t-il. Or, malheureusement,les patients ont tendance à sur-évaluer les bienfaits d'une ali-mentation végétarienne. Les pro-duits végétaux peuvent provo-quer des effets plus graves et plusallergiques sur le système immu-nologique que les produits carnéset irriter l'intestin.» Son conseil:«Ce qui compte avant tout, c'estune alimentation variée sansqu'aucun aliment ne prenne le passur les autres.»

Les aliments commemoyen de se libérerMais la plupart des gens

atteints d'orthorexie sont vrai-semblablement imperméables àce genre de raisonnement car leurjugement est troublé par un en-gouement d'une forme assezcomparable à celui qu'on éprouvepour une religion. «Pour devenirorthorexique, vous devez adhérertotalement à une théorie alimen-taire genre tout végétarien ou tout

Des «émanationsnauséabondes»chez son com-pagnon: le fana-tisme de certains«health foodjunkies» peut allerjusqu'à affecter desrelations de couple.

La mauvaiseconscience emboîtele pas du «péché»,une fois commis:les accros de lasanté ne s'accor-dent aucun plaisir.

PHOTOS: HENRY DILTZ/CORBIS

REPORTAGE

8 TABULA NO 2 / AVRIL 2003

Obsédés de nourriture saine

Un zèle sectaire: les«foodamentalistes»croient être seuls enpossession de lasainte vérité.

cru», relève Steven Bratman. Cen'est donc pas la théorie elle-même mais la réaction person-nelle qu'elle engendre qui a uncôté malsain. «Vous devez com-mencer à croire que cette théorieporte la seule et sainte vérité eten devenir obsédé.» Les ortho-rexiques ne peuvent se sentir pro-pres, fiers et moraux que s'ils ensuivent strictement les préceptes.«L'action laborieuse de se nourrirselon les normes peut mêmeprendre l'aspect d'un servicereligieux. Quelqu'un dont lesjournées sont remplies de jus defroment, de tofu et de biscuits dequinoa va alors se sentir aussisaint que s'il avait consacré savie aux sans-abris.»

Les psychologues savent de-puis longtemps que certainsêtres adhèrent à certaines idéo-logies et à certaines visions dumonde parce que ces dernièresles mettent à l'abri: de la visiondu fini et de l'«horreur» de lavie. Pour ne pas vivre une exis-tence perçue comme une cala-mité sans pitié qui salit tout cequ'il y a de précieux, de telsêtres protègent l'idée qu'ils ontd'eux-mêmes en épousant desreligions et des visions du mon-de ayant un sens. Celles-ci leuroffrent une conception simple etconvaincante de leur propremoi. Elles leur permettent desrituels qui sont autant de béquil-les pour leur vie de tous lesjours. Selon la théorie très por-teuse du «terror management»qu'avait développé le psycho-logue de l'Université du Colo-rado Tom Pyszczynski, tous lesrituels, mythes et autres reli-gions possibles peuvent remplircet office.

La «religion alimentaire»que représente l'orthorexia ner-vosa contient tous les ingré-dients nécessaires pour comblerle vide spirituel laissé par des

religions traditionnelles à boutde souffle. Chaque «croyant»d'un régime quelconque connaîtla source de la non-rédemption,que ce soit la viande, l'alimen-tation non bio ou la cuisson desaliments. Elle est responsabledes péchés et de la souffrancehumaine. Ce n'est pas un hasardsi, dans le christianisme, unpéché lié à l'acte de manger aété à l'origine du mal. Mais le«foodamentalisme» proposeaussi à ses adhérents une suitede rituels et de commandementsdont l'observation promet «sou-lagement» et rédemption. Et ilpermet à ceux qui ont «reçu lalumière» de s'élever au-dessusde ceux qui ne savent pas et dontl'âme ne pourra être sauvée dela damnation que par une actionmissionnaire réussie.

Même si on pourrait croirele contraire, l'orthorexia ner-vosa n'est nullement reconnuecomme un désordre alimentaireréel par les spécialistes de labranche. Son nom ne figure dansaucun ouvrage spécialisé décri-vant les désordres alimentaireset aucune des associations na-tionales de l'alimentation n'a re-connu officiellement son exis-tence. Pourtant les thèses deSteven Bratman ont suscité devifs débats sur les forums dediscussion de l'Internet et dansles groupes de soutien. La société

américaine des médecins, rien demoins, tresse même des louangesà son auteur dans sa revue pro-fessionnelle «JAMA». On y sou-ligne, notamment, la perspicacitéde ses observations. «L'ortho-rexie représente apparemment undésordre alimentaire bien plusrépandu que l'anorexie et la bou-limie, peut-on y lire. L'auteur yfournit la preuve convaincanteque l'expression orthorexia ner-vosa devrait figurer dans ledictionnaire médical.»

A Melbourne, également, ona vu apparaître, parmi ceux quidemandaient conseil, des gens«qui réfléchissent beaucoup tropà leur alimentation», souligne unspécialiste de la question, RickKausman qui a pu observer cephénomène dans son cabinet.Mais il ne considère pas cettesituation comme une maladie,plutôt comme un spleen. DeanneJade, directrice du très britanni-que «Centre national des désor-dres alimentaires», croit que lahaine de son propre corps cons-titue la pierre angulaire d'un véri-table désordre alimentaire. «Enrevanche, l'orthorexie est un com-portement de contrainte commeon peut en observer chez toutesles personnes dépendantes.»

D'autres auteurs, enfin, regret-tent que Steven Bratman ait sortide son chapeau une nouvellesous-catégorie de maladie psy-chique avec pour résultat de jeterune nouvelle frange de popu-lation dans le maquis des patho-logies. On craint, de surcroît, quela référence à un «délire de santé»ne serve à détourner les yeux dumal central qu'il cache, soit unexcès de poids ou une alimen-tation malsaine.

Libération del'auto-castration«J'ai créé la notion d'ortho-

rexie au premier chef pour don-

PHOTO: BRUCE AYERS

TABULA NO 2 / AVRIL 2003 9

Etes-vousorthorexique?Le test de Steven Bratman. Chaque ouicompte 1 point.1. Passez-vous plus de trois heures par jour à réfléchir à une

alimentation saine? (à partir de quatre heures, comptez2 points).

2. Elaborez-vous aujourd'hui déjà la structure de vos repasde ces prochains jours?

3. La valeur des plats en termes de santé passe-t-elle avantle plaisir de les savourer?

4. Quand vous essayez de vous nourrir «bien», votre qualitéde vie, selon vous, baisse-t-elle automatiquement?

5. Ces dernières années, êtes-vous devenu plus strict avecvous-même?

6. Avez-vous renoncé à certains plaisirs ou à vos plats favorisparce que d'autres aliments sont «meilleurs»?

7. Eprouvez-vous le sentiment d'avoir une valeur plus grandequand vous mangez des aliments sains? Regardez-vousde haut ceux qui ne le font pas?

8. Vous sentez-vous coupable de quelque chose ou vousmaudissez-vous quand vous vous écartez de votre régime?

9. Votre régime vous isole-t-il, socialement parlant?

10. Eprouvez-vous de la paix et le sentiment de vous contrôlercomplètement quand vous respectez votre régime?

Résultat0–2 points: votre comportement à l'égard des aliments estéquilibré. Vous êtes en mesure de les apprécier sans mauvaiseconscience.

3–5 points: il arrive, parfois, que l'orthorexie vous guette.Prenez garde à votre comportement!

6–8 points: vous avez de sérieux problèmes avec la nourriture.Ne prenez donc pas votre alimentation aussi au sérieux!

9 points et davantage: vous êtes un véritable orthorexiqueet vous avez besoin d'un épaulement professionnel. StevenBratman écrit: «Si tous ces comportement s'appliquent à vous,vous avez besoin d'aide. Vous n'avez plus une vie, vous avezune liste de plats».

ner aux gens matière à ré-flexion, répond Steven Brat-man à ses critiques. Je ne croispersonnellement pas que cedésordre représente le mêmedanger qu'une anorexie. Maisce terme provoque un choc etoblige les gens à redéfinir leuréchelle de valeurs». Le méde-cin qu'il est concède que biendes gens de notre société mo-derne seraient bien inspirés dese nourrir d'une manière plussaine. «Mais l'orthorexie aquelque chose de maladif enceci qu'elle induit une visiondéformée et malsaine du mon-de. C'est un peu comme avecles accros du boulot. Personnene croit que cette dépendancesoit aussi dangereuse que cellede la drogue. Mais les dépen-dants du travail sont exacte-ment comme les orthorexi-ques: ils sont persuadés lesuns et les autres que leur com-portement est particulièrementvertueux.»

Personne ne contestera quede nombreuses personnes déve-loppent une passion maladive àl'endroit de leur mode d'alimen-tation. Steven Bratman rapportequ'il y a peu, il a reçu un e-mailde quelqu'un qui était marié àune végétarienne. Sa femmeavait demandé le divorce parcequ'il mangeait de la viande.Pour les gens en question, l'idéed'une «alimentation saine» vabien au-delà de l'établissementd'un plan nutritionnel. C'est enquelque sorte un style de vie ouune identité. Et cela devient unproblème quand cela se trans-forme en idée fixe, donc enorthorexie.

Pour distraire les ortho-rexiques de leur folie, StevenBratman suggère un prudentretour à un végétarisme mo-déré. Parfois, un traitementplus énergique débouche sur

d'excellents résultats. A deuxoccasions, il a réussi une gué-rison spontanée à coups debières et de pizzas. Lui-mêmea échappé à sa propre obses-sion grâce au soutien d'unmoine bénédictin qui l'a aidéà retrouver les délices de laglace en gobelets et celles desrepas chinois.

Même si elle considère en-core et toujours que l'excédentde poids est le problème prin-cipal, Mary Foley, conseillèreen nutrition américaine, par-tage cette opinion: l'obsessionne constitue pas une bonnebase pour s'alimenter. «Man-ger sain ne suffit pas. Il fautaussi avoir un bon rapport àla nourriture, souligne-t-elle.C'est à nous de dévorer nosaliments, et non le contraire.»Une patiente de Steven Brat-man avait essayé régime surrégime mais n'arrivait jamaisà se débarrasser de sa doucefolie obstinément récurrente.Après l'avoir perdue de vuependant des mois, il la vitréapparaître. Elle lui dit alorsqu'elle avait guéri. Et com-ment? Grâce à un régime cons-titué de bières et de pizzas.

«Manger tout bêtement parplaisir fait partie de la vie deshumains», rappelle Steven Brat-man. «Si on s'écarte de cetterègle de bon sens, on s'exposeà des modifications graves etprofondes. Les gens doivent con-céder qu'un régime peut avoirson importance, mais qu'il esttout aussi important d'entretenirspontanéité et plaisir dans sonexistence. Le fait de mangerdevrait rester simplement ce quec'est et non devenir le biais choisipour arriver à se contrôler, à sepunir et à s'isoler socialement.S'ils peuvent se garder de cettedéviance, les gens auront duplaisir à manger et à vivre.»

ILLU

STRA

TIO

N: C

ORB

IS

10 TABULA NO 2 / AVRIL 2003

SPECIAL

Comble du régime,le jeûneApparemment, il n'y a pas de limite aux régimesamaigrissants, sauf celles fixées par l'être humainlui-même. Les zélateurs d'un culte étonnant,connus sous le nom de «breatharianistes, renon-cent totalement à toute alimentation et la rem-placent par la lumière.

PAR ROLF DEGEN

L'énergie permet nonseulement de chaufferdes maisons mais aussi

de faire avancer des véhiculesautomobiles. S'il n'en tenaitqu'aux «breatharianistes», l'ho-mo sapiens pourrait bientôt tirersa propre énergie de la puissanceexempte de tout rejet polluantqu'est la lumière du soleil. Qui-conque renonce aux alimentsd'ici bas et ne nourrit son corpsastral que d'air et de lumièreparviendra bientôt à un degré deconscience plus élevé et serapprochera de l'immortalité.

Depuis la fin des années no-nante, Ellen Greve attire les foulesaussi bien en Europe qu'auxEtats-Unis. Sous le nom spirituelde Jasmuheen ou «parfum d'éter-nité», cette prédicatrice austra-lienne de 42 ans promet desmiracles. Les femmes, surtout,se prosternent aux pieds de cetteancienne employée de banquequi, selon ses dires, ne se régaleque de «prana» (lumière liquide)depuis 1993. A l'entendre, cha-cun(e) pourrait en trois semainesreprogrammer son corps et leconvertir à l'alimentation solaire.Cela lui permettrait, alors, deparvenir à la «maîtrise de soncorps psychique, émotionnel et

mental». La blonde zélatrice enest convaincue et ses rondeursprouvent qu'elle ne souffre d'au-cun déficit calorique.

L'«illumination» que cettemère de deux filles a connueautrefois lui a été transmise parvoie télépathique. Les dollarsqu'elle encaisse depuis lorssuivent, eux, le très prosaïquechemin de la banque. A coups deséminaires, de lectures publi-ques, de livres (cinq à ce jour),de vidéos, d'une revue trimes-trielle et de CD (neuf), le comptede la «Cosmic Academy» qu'ellea fondée en Australie devientconfortable. A plusieurs reprises,Jasmuheen est venue faire soncinéma en Allemagne, en Au-triche et en Suisse, chaque foisdevant des salles combles. Dansles pays de langue allemande, ilsemble bien qu'elle ait déjà con-quis plus de cinq mille adeptesqui ont tenté de se déconnecterde la chaîne alimentaire. EnSuisse aussi, ils se comptent parcentaines ceux qui suivent la voielumineuse de Jasmuheen.

D'amour et de lumièrePour s'extirper des autres

mammifères gloutons, l'aspirantaffamé de prana doit se soumettre

Couverture du livred'Ellen Greve, aliasJasmuheen, «Lesambassadeurs de lalumière».

à une «transformation» de vingt-et-un jours dont les milieux spé-cialisés reconnaissent l'extrêmerigueur. La caractéristique la plusfrappante de ce régime absolu enest la renonciation totale et cons-tante à toute nourriture, solide etliquide, pendant sept jours. Et cen'est que le point de départ duprocessus de purification. Aveccette «interdiction d'avaler»,comme l'a baptisée un de cescandidats, le «breatharianisme»fait table rase de tout ce qu'onsait sur le jeûne. En effet, on atoujours prescrit de grandesquantités de liquides pour per-mettre au corps de se débarrasserdes poisons qu'il contient.

TABULA NO 2 / AVRIL 2003 11

Ce régime implacable cons-titue cependant la condition né-cessaire pour que «la confrériecéleste des maîtres montés auciel» modifie le système corporelde telle façon qu'il puise direc-tement son énergie cosmique.Ensuite, seulement, et si vraimentnécessaire, on peut boire quel-ques gorgées d'eau ou de jus trèsdilué. L'objectif de cette pratique,qui dure trois semaines, est deparalyser complètement le pro-cessus de la digestion. En épurantsuffisamment le «chakren» et enpermettant un flux d'énergie touten finesse, prédit Madame Greve,l'être peut alors se délecter de«prana» dans une mesure telleque tout autre apport de nourrituredevient un fardeau. Par-dessus lemarché, quand on commute sur«l'énergie de vie cosmique», ongagne aussi du temps parce queles besoins en sommeil seréduisent de moitié quand il nedisparaissent pas purement etsimplement. Finie, aussi, lacorvée de préparation des repas.

A cela s'ajoute, plus ou moinsdistinctement exprimée, la pro-messe de l'immortalité. Pour tousceux que ces sublimes promes-ses n'allèchent pas, Jasmuheenpossède un argument très terre-à-terre mais imparable: «L'argentqu'on économise en nourriture,on peut le dépenser pour les frin-gues. Voilà qui va faire particu-lièrement plaisir aux femmes.»

Une folie dangereuseLes médecins sérieux et les

spécialistes de la nutrition ontl'estomac qui se retourne àl'écoute de cette théorie de l'«ali-mentation par la lumière». «C'estune folie absolue, s'exclame Mi-chael Boschmann, de l'Institutallemand de recherches en ali-mentation. L'énergie de la lumiè-re ne fournit ni minéraux ni vita-mines. Au bout de quarante à

soixante jours, le corps est con-sumé.» Les livres médicaux quitraitent du jeûne fixent à un litreminimum la quantité d'eau né-cessaire qu'il faut absorber cha-que jour pour entraîner les subs-tances toxiques hors du corps.Les risques de dommages corpo-rels que peut entraîner une tellepratique sont élevés car, selon lescritères médicaux, au bout detrois jours déjà sans apport deliquide, les reins peuvent cesserde fonctionner. Le système im-munitaire est affaibli, et le risqued'une infection grave est bienréel. Si, en plus, le taux de glycé-mie descend, le mangeur de lu-mière peut perdre conscience.Enfin, si le cerveau est sous-ali-menté, on peut voir apparaîtredes crises d'angoisse, de con-fusion et des psychoses.

Peter Ballmer, spécialiste dumétabolisme et médecin-chef dela clinique médicale de l'Hôpitalcantonal de Winterthur, lanceaussi un cri d'alarme. Selon lui,le régime extrême préconisé parJasmuheen «est une terrible ab-surdité»: il y a longtemps que cegenre de régime extrême a prouvéson inutilité, sans compter lesdésordres alimentaires qu'il en-gendre. Et c'est un fait, nombred'anorexiques se retrouvent dansles réunions des fanatiques de lalumière. «Tout ça oscille entre lasatire publique et la psychiatrieouverte», persifle Colin Goldner,spécialiste allemand des sectes.Il semblerait qu'au moins trois«pranants» aient déjà trouvé lamort en suivant la voie de la lu-mière prônée par Jasmuheen.

De faux illuminésEn n'exerçant même qu'un

minimum d'esprit critique, onpeut évidemment douter du ré-gime exclusivement solairequ'aurait suivi pendant mainte-nant dix ans Jasmuheen. L'émis-

sion de la télé australienne «60minutes», qui voulait en avoir lecœur net, a coupé en 1999 EllenGreve de toute nourriture solideou liquide, et cela sous contrôlestrict. Au bout de quatre jours,le médecin qui était à ses côtés adû interrompre l'expérience carla dévoreuse de lumière souffrait,entre autres, de déshydratation,de dilatation des pupilles, dedifficultés de langage et d'accé-lération de son pouls. Tout pro-longement de cet essai aurait misen danger le fonctionnement deses reins.

Jasmuheen, comme tous ceuxqui font partie d'une secte, s'esttirée de ce faux-pas avec uneexcuse pour le moins douteuse.Elle prétendit qu'elle n'avait pastenu le coup car le premier jourde ce test on l'avait installée dansune chambre d'hôtel qui donnaitsur une rue animée. Cela l'avaitempêchée de tirer de l'air ambiantles éléments nutritifs dont elleavait besoin. «Je cherchais del'air frais car 70% de ce qui menourrit vient de l'air frais. Or jene pouvais même pas respirer.»

Le triomphe de la nutritionsolaire sur la logique et le bilanénergétique ne peut se maintenirqu'en dissimulant certaines cho-ses. Ainsi, dans un avion, unjournaliste a surpris secrètementla prophétesse alors qu'elle com-mandait un repas à une stewar-dess. Et les réserves de nourriturequ'a découvertes chez elle un deses confrères étaient, paraît-il,destinées à d'autres convives.

On a relevé le même genrede dystrophie entre le discourset la réalité chez Wiley Brooks,fondateur de l'«Institut de nutri-tion par la lumière» aux Etats-Unis. On a pris en flagrant délitle patron des mangeurs de lu-mière en train de quitter un ma-gasin de produits alimentaires labouche pleine de hot-dog.

Avertissement del'éditeur de Jasmu-heen «L'auteur nil'éditeur ne peuventêtre tenus respon-sables ou astreints àdes dommages-intérêts pour quel-que perte ou dom-mage que ce soitdont pourrait seréclamer quelqu'unen se référant auxinformations conte-nues dans ce livre».

DIDACTIQUE

PHOTO: ALEXANDER EGGER

SCHWEIZERISCHE VEREINIGUNG FÜR ERNÄHRUNGASSOCIATION SUISSE POUR L’ALIMENTATION

ASSOCIAZIONE SVIZZERA PER L’ALIMENTAZIONE

.

Vitamine KPropriétés• La vitamine K se présente sous des formes diverses. Elle fait partie

de la famille des vitamines solubles dans la graisse.• Les plantes fabriquent la vitamine K1 (phyllochinone) que l'on acquiert

par l'alimentation. Les bactéries des intestins de l'homme et de certainsanimaux fabriquent la vitamine K2 (ménachinone). Il n'est pas certainqu'elles couvrent les besoins.

Fonctions• Importante pour la dernière étape de la synthèse des facteurs de

coagulation du sang. Ceux-ci contribuent à stopper les saignements.• Joue un rôle dans la constitution et le maintien des os.

Symptômes de carence• Les symptômes de carence sont rares et apparaissent de

toute façon en liaison avec des maladies et des médicaments(antibiotiques).

• Symptômes de carence: mauvaise cicatrisation, saignements(par exemple du nez).

Risques en cas de surdosage• On n'a relevé aucune modification toxique même lors de

consommation sur une longue période de grandes quantitésde vitamines K1 et K2.

• Chez les nouveau-nés, de fortes doses de vitamines K peuventprovoquer une hémolyse (dissolution des globules rouges).

RecommandationsD.A.CH 2000

Dose quotidienne (70 µg)contenue dans:

Enfants(selon l’âge)

15–50 µg/jour

Adultes et adolescentsFemmes 60–65 µg /jourHommes 70–80 µg/jour

Chez les nouveau-nés, la flore intesti-nale n'est pas entièrement constituée,ce qui fait qu'elle ne peut pas fabri-quer suffisamment de vitamine K.Comme le lait maternel en contienttrès peu, les nourrissons en reçoiventun apport supplémentaire.

10 g de chou vert

20 g d’épinards

25 g de choux de Bruxelles

35 g de rampon

40 g de broccoli

55 g de salade pommée

90 g de foie de volaille

100 g de choucroute

CONSEILS

14 TABULA NO 2 / AVRIL 2003

NUTRINFOService d’informations

nutritionnelles

Lundi–vendredi8.30–12.00 h

tél. 031-385 00 08e-mail: [email protected]

ou écrivez à:ASA

Effingerstrasse 2Case postale 8333

3001 Berne

Esther Infanger duservice d’infor-mations nutrition-nelles NUTRINFO.

LégumineusesL'eau de trempage deslégumineuses devrait-elle être utilisée commeeau de cuisson?En raison des risques de bal-

lonnements, il serait peut-êtrejudicieux de jeter l'eau dans la-quelle on a fait tremper les légu-mineuses. En effet, divers glu-cides non digestibles, par exem-ple le stachyose et le raffinose,sont à l'origine de ces ballonne-ments. Ces fibres alimentairessont dégradées dans notre grosintestin par les bactéries qui s'ytrouvent. C'est à ce moment-làque naissent les gaz provoquantces ballonnements. Comme lesfibres alimentaires, quand on lestrempe, se dissolvent en partie dansl'eau, en jetant cette eau de trem-page on pourrait diminuer les bal-lonnements nés de la consomma-tion de ces légumineuses.

Cela dit, ces ballonnementsapparaissent surtout parce quechez nous on ne consomme plustellement de légumineuses. Si onen mangeait régulièrement, la for-mation de gaz diminuerait d'elle-même et il serait alors superflu dejeter l'eau de trempage. Car celle-ci contient de précieux éléments(vitamines, sels minéraux) qu'ilserait bon de conserver.

RéglisseEst-il vrai que le jus decette racine augmentela pression sanguine?Oui, c'est exact. La réglisse

que l'on trouve chez nous estobtenue en extrayant le jus decette racine. Dans ce jus, il y adu sucre de bois doux (glycé-ricine), un composant naturel decette plante (glycyrrhiza glabra).

La plupart des gens ne con-naissent la réglisse que sous for-me de douceur. Mais on utilise

depuis des millénaires les ex-traits du bois doux, notammentcomme médicament, par exem-ple pour dissoudre les mucositésen cas de refroidissement. A hau-te dose, la glycéricine a aussi lapropriété d'élever la pression san-guine. Elle peut également pro-voquer la concentration du sel etde l'eau dans le corps. Pour cetteraison, la commission scienti-fique alimentaire de l'Union eu-ropéenne recommande de ne pasconsommer plus de 100 mg parjour de glycéricine. L'Office fédé-ral de la santé publique s'est ralliéà cette décision. Voilà pourquoiles sucreries à la réglisse de-vraient porter un avertissementsur l'emballage suivant leurteneur en glycéricine.

VégétarienDepuis peu, sur denombreux emballagesfigure la mention «végé-tarien». Qu'est-ce que çaveut dire, exactement?A l'occasion de la dernière

révision de l'Ordonnance sur lesdenrées alimentaires, on a établidiverses catégories végétariennes(art. 33). Si, sur un emballage,figure la mention «végétarien»,cela signifie que cet aliment n'estni de la viande, ni du poisson, etque ses composants n'en sont pasextraits. Mais ça peut contenir dulait, des composants du lait (parexemple du lactose), des œufs,des dérivés des œufs et du miel.A la place de «végétarien», onpeut aussi lire «ovo-lacto-végé-tarien». Si un produit porte lamention «ovo-végétarien», il necontient, à part des œufs, descomposants d'œufs et du miel,aucun composant d'origine ani-male. Les aliments qui ne con-tiennent pas d'autres composantsd'origine animale que du lait, descomposants de lait et du miel ont

droit à la mention «lacto-végéta-rien». Un produit qui ne com-prend absolument aucun compo-sant d'origine animale est décritpar la mention «vegan» ou «vé-gétalien».

Tête marbréeQu'est-ce donc que latête marbrée et de quoiest-elle composée?La tête marbrée, que l'on ap-

pelle aussi pâté de tête ou rouleaude cochon, est une préparation decharcuterie traditionnelle. La re-cette d'origine faisait cuire en-semble les morceaux de tête(sans la cervelle), pieds, oreilleset langue de porc. Ensuite, oncoupait le tout en petits mor-ceaux, on ajoutait du vinaigre, duvin, du bouillon et des épicesavant de poursuivre la cuisson.Cet appareil était ensuite moulédans un récipient et mis au froidjusqu'à consommation.

Aujourd'hui, la tête marbréea la forme d'un saucisson. Soncomposant essentiel reste la têtede porc, plus de la couenne, desoignons, du sel, du poivre et desépices. Il existe la tête de veaublanche (recette de base) et larouge à laquelle on a ajouté dusang de porc. On peut mangercette délicieuse charcuterie froideou chaude.

ACTUALITE

TABULA NO 2 / AVRIL 2003 15

PHO

TO: W

OLF

GA

NG

KA

EHLE

R /

CO

RBIS

Tous les poissonsne se valent pasQuand on mange beaucoup de poisson, on vit plussainement. Les poissons de mer riches en graisse,surtout, avec une forte teneur en acides gras omega-3,sont bons pour le cœur et les artères. Maintenant, unenouvelle étude démontre que cet effet protecteurdépend également de la façon dont on les apprête.Une grande consommation de poisson n'a de fonctionpréventive contre les maladies cardio-vasculaires ques’il est bouilli ou rôti.

Les premiers signes sug-gérant qu'une forte con-sommation de poisson

pouvait avoir un effet protecteursont issus de l'observation desesquimaux. Chez les Inuits, lesmaladies cardio-vasculaires sontrarissimes. Or ils se nourrissentessentiellement de phoques, dechair de baleine et de poissons.Pareil au Japon où on mangebeaucoup de poisson.

Ces observations ont, en-suite, été étayées scientifique-ment. Ces trente dernières an-nées, on a mené et publié descentaines d'études mettant enévidence les effets bénéfiquessur le circuit cardio-vasculaired'un régime alimentaire riche enpoisson. Dans l'une d'elles,l'étude hollandaise Zutphen,souvent citée, les cobayes man-geaient chaque jour au moinstrente grammes de poisson, cequi abaissait de moitié leur ris-que d'être victime d'une affec-tion cardio-vasculaire. Dansl'italienne GISSI, on a pu démon-

trer que les patients déjà victi-mes d'un accident cardiaquecouraient un risque de rechuteinférieur de 30% si, pendant lesannées suivantes, ils avalaientune capsule d'huile de poisson.

Le fishburger n'offreaucune protectionUne nouvelle étude de Da-

riush Mozaffarian et ses collè-gues de l'Université de Washing-ton montre que, selon toute vrai-semblance, cet effet protecteurdépend avant tout de la variétéde poisson que l'on mange et deson mode de préparation. Lespoissons riches en graisse, sur-tout, contiennent ces belles quan-tités d'acides gras à longue chaîneomega-3 poly-insaturés qui sontsalutaires pour le circuit cardio-vasculaire. Les poissons en ques-tion sont le maquereau, le hareng,le thon, la sardine et le saumon.

Dariush Mozaffarian, cepen-dant, n'a pu démontrer d'effetprotecteur que pour les partici-pants qui avaient bouilli ou rôtileur poisson. Les poissons fritset les fishburgers n'en ont pas.Cela devrait tenir au fait, lit-on

dans cette étude, que les pois-sons utilisés pour la friture oupour garnir des sandwichs necontiennent en règle généraleque de modestes quantités d'aci-des gras omega-3. A cela s'ajou-te qu'en les faisant frire, on mo-difie la composition des acidesgras. En particulier le rapportentre les acides gras omega-3 etomega-6 fait pencher la balancedu mauvais côté, ce qui fait quela protection en question dispa-raît partiellement voire complè-tement.

3910 personnes de plus de65 ans ont participé à cetteétude; au départ, elles ne pré-sentaient aucun signe de mala-die cardio-vasculaire. Au boutde neuf ans d'observation conti-nue, on est arrivé au résultatsuivant: en mangeant trois foisou plus par semaine du thon ouun poisson équivalent, bouilliou rôti, on abaisse de 49% lerisque de mourir d'une affectioncardiaque, par rapport à quel-qu'un qui n'en consomme pas.

SOURCE: MOZAFFARIAN D. ET AL.: CARDIAC BENEFITSOF FISH CONSUMPTION MAY DEPEND ON THE TYPEOF FISH MEAL CONSUMED. CIRCULATION 2003; 107:1372–1377

PAR ANDREASBAUMGARTNER, ASA

A LA LOUPE

16 TABULA NO 2 / AVRIL 2003

PHO

TO: M

ARK

DO

WN

EY

Au début, il y a eu ce po- lar. Je ne me souviens plus de son auteur. Mais

j’avais trouvé fascinant que cettefemme, trompée par son mari, aitdécidé par vengeance de le tueren lui servant un plat époustou-flant à base d’ail des ours. Biensûr, cette plante n’est pas poison,mais elle dégage des arômes telsqu’ils couvraient ceux du muguetfinement haché qu’elle avaitajouté. Et le muguet, ça peut tuer.

A la suite de cette lecture, j’aicessé de maugréer chaque foisque je suis parti dans la forêt avecmes parents pour cueillir de l’aildes ours, armée de sacs en plas-tique. J’ai appris que le muguetne dégageait pas le moindre ef-fluve comparable à celui de l’aildes ours, mais aussi que sesfleurs ont une forme de cloche etnon d’étoile, et que ses feuillessont plus étroites. Et encore quel’ail des ours doit être savouréfrais et qu’on peut se débarrasser,après en avoir mangé, de la forteodeur qu’il laisse en bouche enmâchant du persil ou des grainsde café.

Je m’imaginais, aussi, quecomme à l’époque de nos ancê-tres, un ours pouvait surgir à toutmoment et s’en régaler. Car sicette plante, allium ursinum, por-te ce nom, c’est en raison del’amour immodéré que portait leplantigrade à cette plante dont ilse gavait au sortir de son longsommeil hivernal.

Un éventail splendideEn Europe continentale pous-

sent environ douze mille varié-tés de plantes. Environ mille cinqcents d’entre elles sont comes-tibles. Selon toute vraisemblance,leur nombre est plus grand carseules quelques centaines d’entreelles sont vraiment toxiques.Chez nous, en Suisse, les plantessauvages comestibles croissent

Récolter sans avoirbesoin de semerRécolter sans avoirbesoin de semer

Elles annoncent le printemps, elles sont comestibles et même délicieu-ses, elles ont souvent une bien plus grande valeur nutritive et da-vantage de vitamines que leur version cultivée, en un mot, ce sontles plantes et racines sauvages. Les plus populaires, incontestablement,s'appellent ail des ours et dents de lion. La preuve: on les trouve mêmedans les supermarchés. Mais il y en a de moins connues, en fait, la ma-jorité, comme le plantain, l'achillée millefeuille, l'arroche étalée et l'égo-pode, qui reconquièrent patiemment la place qu'elles occupaient avantdans les cuisines suisses. Il est vrai que chasseurs et cueilleurs en avaientfait leur pitance journalière. Mais attention, si on ne connaît pas bien cesplantes et si, par exemple, on ne fait pas la différence entre le muguet etl'ail des ours, il ne faudra pas s'étonner de se retrouver aux soins intensifs.Car il en va de même de la cuillette des plantes sauvages que de celledes champignons: il faut s'en tenir à certaines règles pour que leplaisir de les manger ne se transforme pas en cauchemar.

PAR MARIANNE BOTTA DIENER, INGENIEURE DIPLOMEE ETS EN NUTRITION

TABULA NO 2 / AVRIL 2003 17

en grand nombre. Dans les prés,on trouve des pâquerettes, lelierre terrestre, le trifolium, ladent de lion et l’oseille sauvage,dans les bois ou à leur lisière l’aildes ours, l’égopode et l’aspéruleodorante, près de l’eau la con-soude, le cresson de fontaine etla lentille d’eau, enfin au borddes chemins le plantain, l’achilléemillefeuille, le lamier blanc et lamauve sauvage.

Même les mauvaises herbesdu jardin sont comestibles, parexemple les orties, le mourondes oiseaux et la capselle bourse-à-pasteur. Ces plantes ne noussauveront pas de la famine maiselles améliorent et embellissenttous les mets. Selon la variétéchoisie, on va en utiliser les ra-cines, les pousses, les feuilles oules bulbes, et parfois même lesfleurs. Le sirop de fleurs de su-reau devrait encore rappeler dessouvenirs à certains, pareil pourles arômes vanillés d’une glaceà l’aspérule odorante.

Les gourmets, quant à eux,sont devenus familiers, au coursdes ans, du beurre d’orties surtoasts, du soufflé aux feuilles deberce ou des grosses racines debardane aux saveurs proches decelles de l’artichaut. Oskar Marti,le fameux «Chrüter Oski», de laMoospinte de Münchenbuchsee,près de Berne, mais aussi JudithBaumann, à la Pinte des Mos-settes, à Cerniat, près de Char-mey, Georges Wenger, au Noir-mont, ou Carlo Crisci, du Cerf, àCossonay, pour n’en citer quequelques-uns, ont donné leurslettres de noblesse à ces plantessauvages.

Les plantes sauvagesdans l’histoireCe n’est évidemment pas une

découverte. Nos ancêtres, qui re-montent à quatre millions et demid’années, se nourrissaient essen-

tiellement de plantespoussant sauvage-ment dans la nature.Il y a plus de dix milleans, quand l’homosapiens s’est mis àl’agriculture, la cueil-lette des plantes n’arien perdu de sonimportance. La con-naissance qu’on enavait se transmettaitde génération en gé-nération. Plus tard, onl’a consignée dans deslivres. En Europe, auxXVIe et XVIIe siècles,ces livres étaient trèsappréciés. Ils trai-taient, entre autres, de magie, demédecine et d’astrologie.

En revanche, en cette fin deMoyen-Age, la cueillette perditprogressivement de son impor-tance. Il est vrai que les paysans(mais aussi les prétendues sor-cières!) continuèrent de récolterdes plantes sauvages, mais la no-blesse et plus tard la bourgeoisiese nourrissaient essentiellementde viande, de pain blanc, de sucreet, plus rarement, de fruits et delégumes exotiques. En tout cas,les nouvelles plantes ramenéespar les marins présentaient da-vantage d’intérêt que les ancien-nes variétés locales. La cueilletteresta désormais l’apanage de lapauvre population paysanne et futdonc dédaignée. Et il en futcomme du reste: ce qui est àportée de main est peu apprécié,d’autant moins si l’on ne peut pasen tirer de l’argent.

Un nouvel intérêtCes derniers temps, pourtant,

l’intérêt pour ces plantes peu évi-dentes poussant dans les champs,les prés et les bois est en pleinerenaissance. On trouve en quan-tité de plus en plus importantel’ail des ours, la dent de lion et

Cie, même dans les zones urbai-nes, ce qui rend sa cueillette per-so superflue. D’astucieux pro-prios de jardins sèment toutessortes de plantes. Intéressant,certes, pour la cuisine, mais àdouble tranchant car certaines deces plantes font partie de la fa-mille forcément moins appréciéedes mauvaises herbes. Alors,quand on veut de nouveau lesexpulser du jardin parce qu’ellesont crû et multiplié, c’est touteune affaire.

Cela dit, c’est bien plus sym-pa d’aller glâner soi-même sonherbier. On oublie le bureau oule magasin pour aller flâner dansles bois, le long des cours d’eauet à la lisière des prés, on entend,on écoute, on hume, on voit eton découvre toujours de nouvel-les plantes. Par-dessus le marché,c’est gratuit et toute la famille yprend plaisir.

Forte teneur envitamines eten sels minérauxLe plus génial, c’est que la

santé y trouve son compte, indé-pendamment de la balade de pleinair. Car les plantes sauvagesoffrent aussi beaucoup d’intérêtsur le plan nutritif. En compa-raison avec la salade pommée,l’ortie contient trente fois plus devitamine C, vingt fois plus debétacarotène, quatorze fois plusde calcium, vingt-cinq fois plusde magnésium et cinquante foisplus de fer. La dent de lion con-tient autant de bétacarotène quela carotte et le cynorrhodon trentefois plus de vitamine C que lecitron. Fraîchement cueillies etpréparées, ces plantes font la dif-férence, surtout si on les compareaux légumes et salades cultivéset longuement stockés dans lesgrandes surfaces. Ce n’est certai-nement pas un hasard si la plu-part des herbes sauvages con-

«Ces méchantesfemmes qu'onappelle dessorcières»: fac-similé d'une gravuresur bois (vers1500).

A LA LOUPE

18 TABULA NO 2 / AVRIL 2003

Récolter sans avoir besoin de semer

Achillée millefeuille

Aspérule odorante

Cresson de fontaine

Dent de lion

Lierre terrestre

Orties

Oseille sauvage

Pâquerette

Ail des ours

Plantes sauvagesindigènesPetit tour d'horizon des plantes les plusconnues qui apparaissent toujours plussouvent dans les cuisines helvétiques.

Eveille l'appétit et facilite la digestion:l'achillée millefeuille, présentéecomme un bon esprit. Dessin de MaryCicely Barker (1895-1973).

naissent leur heure de gloire auprintemps, à un moment de l’an-née, au sortir de l’hiver, où l’êtrehumain, surtout dans les tempsanciens, n’est pas trop riche envitamines.

En règle générale, les légu-mes sauvages comme leurs cou-sins de culture ont une forte te-neur en eau, peu de matière gras-se et de glucides. Ils sont doncpauvres en calories. A leur cré-dit, il faut ajouter beaucoup desubstance de lest et les sels mi-néraux secondaires les plus di-vers qui soient. D’habitude, lesplantes sauvages dégagent desarômes plus puissants que leslégumes de culture. Ils contien-nent aussi plus d’albumine. Pourla santé, ils présentent aussi l’avan-tage de n’avoir subi aucun traite-ment à base de purin, de pesti-cides, de fongicides et autres pro-duits douteux. Pour autant qu’onles cueille au bon endroit.

Intéressants aussidu point de vue médicalOn attribue à de nombreuses

plantes sauvages des vertus mé-dicinales. En d’autres termes,comme l’a déjà dit Hippocratequatre cents ans avant J.-C.: «Cequi vous nourrit devrait vous gué-rir et ce qui vous guérit devraitvous nourrir.» Bien des herbes,épices et autres plantes sauvagesont été, et sont encore, utiliséestant pour leurs saveurs que dansl’élaboration de médicaments, dethés voire de compresses et d’on-guents. On voit, par exemple, quedes compresses de feuilles fraî-ches d’achillée millefeuille favo-risent la cicatrisation, et que lethé légèrement amer de ses bou-tons active la sécrétion de la bile.Ces plantes, de surcroît, ont uneffet stimulant sur l’appétit etpeuvent empêcher l’apparition dedouleurs spasmodiques dans larégion de l’estomac et des intes-

tins. On a fait appel à l’égopodepour combattre l’arthrite alorsque l’ail des ours est aussi diuré-tique et, en général, aussi bonpour la santé que l’ail tout court.On a recommandé la bardane auxrhumatisants pour atténuer leursdouleurs et la fleur d’aubépineaux cardiaques. Bue sous formede tisane, celle-ci régularise lapression sanguine et active la cir-culation sanguine. Tant le lierreterrestre que le mouron des ois-eaux, des plantes aux vertus ex-pectorantes, sont encore emplo-yés dans le traitement de la toux.L’achillée millefeuille, encore lui,et la pâquerette font merveillepour exciter l’appétit et faciliterla digestion. Et encore, ce ne sontque quelques exemples des milleet un emplois possibles de cemerveilleux herbier que nousoffre la nature.

Rien n’est poison …Par l’intermédiaire d’une ava-

lanche de livres traitant de l’as-pect médicinal des plantes sau-vages, celles-ci connaissent au-

les jeunes feuilles conviennent à merveillepour préparer des salades, les autres,hachées, conviennent comme assaisonne-ment. Contiennent de l'huile éthérée, destanins, du glucosyde et de l'amertume.

utiliser les feuilles et le bulbe commeassaisonnement; convient pour préparerdes soupes, des omelettes, des salades,des tartines, des pesto. Mêmes propriétésque l'ail avec les mêmes effets sur la santé.

idéale pour le sirop, le bowle et les metssucrés (gâteaux, poudings, crèmes, glaces).Les saveurs de l'aspérule odorante séchéeviennent d'une substance spéciale, la cuma-rine.

on mange les feuilles crues en salade, cui-tes en légume. Contient les vitamines C etK, du calcium, du magnésium, du fer, dumanganèse et du glucosinolat qui passepour un antibiotique naturel.

utiliser les feuilles en salade ou comme unlégume sauvage pareil à l'épinard. Contientde la bétacarotène, du potassium, du calcium,du magnésium et du fer, plus de l'inulinedans ses racines (bon pour les diabétiques).

un cousin de la menthe. Hacher les feuilleset les utiliser comme assaisonnement dansla salade ou les soupes. Ses composantsessentiels sont l'huile éthérée, ses tanins,son amertume et la vitamine C.

employer les jeunes feuilles en salades oucuites en légumes comme des épinards. In-fusions. Contient de la bétacarotène, de lavitamine C, du fer et du calcium. Ne pas ré-chauffer les plats à base d'orties (nitrates).

on peut faire appel à ses feuilles commeassaisonnement et comme salade. Con-tient de la vitamine C et A, de l'acide oxali-que, de l'acide silicique, du calcium, du fer,du manganèse et de l'huile éthérée.

feuilles et fleurs en salade, plonger lesbourgeons dans du vinaigre et les utiliserpour remplacer les câpres. Les pâquerettescontiennent de la saponine, de la flavo-noïde et de l'huile éthérée.

TABULA NO 2 / AVRIL 2003 19

Conseils aux cueilleurs• Ne cueillez que les plantes que vous connaissez. Pour

plus de précaution, prenez avec vous un livre spécialisé.

• Renseignez-vous sur les confusions possibles entredifférentes plantes (ail des ours et muguet, égopode etpersil des chiens).

• Il n'est pas inutile de bien connaître les plantes toxiques.Ce conseil vaut d'autant plus que vous pratiquez lacueillette avec des enfants et qu'ils ramassent d'autreschoses que vous.

• Dites aux enfants qui vous accompagnent de ne pasmanger de plante qu'ils ne vous aient montrée. Il faut serappeler que les enfants réagissent à des quantitésmoindres de substances toxiques que les adultes. Pensez-y en particulier quand vous préparez des douceurs avecde l'aspérule odorante ou équivalente.

• Prenez garde aux plantes qui par mégarde, par exempleà proximité de jardins et de prés, ont été en contact avecdes pesticides, du purin ou des fongicides. Il en va demême des plantes qui poussent près des lieux où leschiens font leurs besoins. Evitez également les borduresde route.

• Ne cueillez que des plantes saines, donc aucune qui al'air anormale, souffreteuse ou peu claire.

• Ne cueillez aucune plante menacée de disparition.

• Ne cueillez des plantes que là où elles poussent enquantité et laissez celles qui sont isolées pour qu'ellespuissent se reproduire.

• Ne cueillez que ce qui vous sera nécessaire pour lesdeux jours suivants. Les plantes sauvages doivent êtreconsommées aussi vite que possible.

• Ne cueillez jamais toute la plante mais seulement sesfeuilles, sinon la plante meurt. Ce conseil est particulière-ment valable pour les plantes annuelles qui, cas contraire,ne pourront plus se multiplier.

• Ne dégagez les racines que si vous allez les utiliser.

• Pensez que de nombreux animaux se nourrissent de leursbaies sauvages et de leurs graines.

• Ne cueillez que les feuilles tendres et comestibles, lesautres ont moins bon goût.

• Triez les plantes par espèces, placez-les délicatementdans des sachets de plastique frais et à l'abri du soleil.Ou alors enveloppez les plantes dans des linges humi-des.

• Cueillez les plantes avec délicatesse car l'herbe et laterre rendent, ensuite, la corvée de nettoyage vraimentfastidieuse.

• Avant de les consommer, lavez soigneusement lesplantes récoltées, scrutez-les attentivement une foisencore pour exclure toute confusion.

jourd’hui un engouement sansprécédent. Des notions comme la«médecine phyto» ou les «mé-thodes de guérison douces» fontcroire aux patients qu’il s’agit deméthodes sans effet secondaire,ce qui, bien sûr, n’est pas vrai.En effet, les soins par les plantespeuvent aussi avoir des effets nondésirés, voire, quand on y recourttrop largement, provoquer desdégâts pour la santé. Ainsi, derécentes études ont mis en évi-dence les dommages provoquésau patrimoine génétique et au foiepar deux produits aromatiques,l’estragol et le méthylénique, pré-sents, entre autres, dans le ba-silic, l’estragon, le fenouil etl’anis. Précisément au momentoù les plantes sauvages connais-sent un regain d’intérêt, on nedevrait pas les consommer engrandes quantités et, notamment,ne pas boire tous les jours desthés qui en seraient tirés.

Il se trouve, en effet, que nousmanquons de connaissances surleurs effets secondaires à longterme. Il n’existe pratiquementpas d’étude sur la consommationrégulière de plantes sauvages etles conséquences qu’elles pour-raient avoir sur la santé. En destemps plus anciens, en revanche,la connaissance qu’on en avait,notamment sur leur usage à desfins thérapeutiques, se transmet-tait de génération en génération.

… tout est poisonQuelques-unes de ces plantes

comme, par exemple, les ché-nopodiacées, l’oxalis des bois etl’oseille sauvage contiennent del’acide oxalique qui n’est guèreindiqué, particulièrement aux né-phrétiques. Les alcaloïdes de laconsoude officinale sont toxiquespour le foie alors que les poussesde fougères contiennent unesubstance qui détruit la vitamineB1 dans le corps. De surcroît, les

plantes cueillies dans les boispourraient transmettre le ténia durenard alors que le cresson defontaine qui pousse le long decours d’eau traversant des pâ-turages peut être infecté par leslarves de la grande sangsue hépa-thique. Ce parasite présent chezles ruminants est aussi dange-reux, voire mortel pour l’homme.Pour plus de sûreté, le cressonqui vient de ces coins-là devraitêtre cuit, ce qui, hélas, lui faitperdre une partie de ses vita-mines. L’armoise commune àhaute dose peut provoquer dessymptômes d’intoxication etmême des fausses couches.Quand on craque trop souventpour l’aspérule odorante, cetteplante est alors à l’origine de mi-graines, de vertiges, de blocagesrespiratoires, de problèmes dedigestion et de dégâts au foie etaux reins. Le responsable de cesdommages est une substancearomatique, la coumarine. On lesévite à coup sûr si, pour s’enpréparer une infusion, on jette aumaximum trois grammes d’aspé-rule odorante dans un litre d’eau.Dans sa version avancée, elle estparticulièrement toxique car le di-cumarinol qui s’en dégage sertd’antivitamine K et peut engen-drer de fortes hémorragies. C’estpourquoi on fait appel à cettesubstance pour préparer de lamort aux rats. Quand on cueillede la berce, il faut également fai-re attention car la furanocuma-rine qu’elle contient peut engen-drer de fortes dermatoses. Il faut,enfin, aussi prendre garde auxquantités consommées avec lehoublon, le tussilage et le gené-vrier. En revanche, si on abusede la dent de lion, de l’ail desours et de la pâquerette, pas decrainte à avoir. A moins que lasalade qui les réunit ne contiennedes feuilles de muguet finementhachées …

LIVRES

20 TABULA NO 2 / AVRIL 2003

Léo ne rentreplus dans sonmaillotMymi Doinet etNanou. EditionsLipokili, collection«Les autres et moi»,Trois-Ponts/Belgique, 2002,18 pages,fr. 14.70

Un lapin qui ne peut plus fermer sonmaillot et mangeant gâteaux et chocolatillustre très joliment la couverture decet ouvrage pour enfants. Il traite,comme son titre l'indique, du surpoidschez les tout jeunes, et cela de façonéducative, simple et non culpabilisante.

Les illustrations sont très agréa-bles. L'histoire montre l'évolution deLéo face à son problème de poids. Ilest confronté successivement au pro-blème pratique (ne plus pouvoirfermer ses habits) et à sa propreimage («quel gros bedon, pense-t-il!»), ainsi qu'à la difficulté de se

montrer face aux autres (à la piscine). Ilse console donc avec du chocolat! Enfin,Léo décide de se prendre en charge etagit en apprenant notamment à apprécierles légumes et en mangeant moins vite.

Des situations bien observées etproches du vécu des enfants en surpoids.A lire en famille ou… tout seul!

PAR NICOLE MEGROZ,DIETETICIENNE DIPL./PRO INFO

Le diabète,mieuxconnaître,mieuxcomprendre,mieux gérerDr Valdo A. Chabotet Dr Marc-H.Blanc. EditionsMédecine &Hygiène, Chêne-Bourg, 2002,223 pages,fr. 34.–

Cet ouvrage se veut lereflet de la pratique des au-teurs qui, depuis plus devingt ans, participent à l'en-seignement thérapeutique despatients diabétiques. Il s'agit dela seconde édition de ce manuel,mise à jour dix ans après lapremière, sous le même titre.Les modifications principales onttrait à la réactualisation, maisaussi à une typographie améliorée,des schémas revus et une impres-sion en polychromie qui renforcela lisibilité.

De référence plutôt qu'ency-clopédique, ce livre insiste tout parti-culièrement sur la conception globale dela prise en charge de la maladie chro-nique. Elle passe par l'autonomisationdu patient, ainsi que sur la mise enœuvre simultanée des méthodes relevantde la médecine, de la diététique, de lapédagogie et du bon sens. La partici-pation active du patient demeure unecondition indispensable au succès dutraitement.

Le contenu de l'ouvrage est exhaus-tif; il traite de l'explication du diabète,des principes de traitement, de l'auto-contrôle glycémique, des hypoglycé-mies, du diabète décompensé, du pieddiabétique. Mais aussi des complicationsà long terme, des enfants et des adoles-cents diabétiques, des voyages, notam-ment.

Dans chaque chapitre, ou presque, ontrouve un résumé pour le lecteur pressé,très pratique si l'on désire rapidementdénicher une réponse à une questionprécise. Plusieurs tests de connaissancesont aussi proposés au lecteur.

De nombreux tableaux, schémas etun glossaire facilitent sa lecture. At-tention toutefois à ne pas se perdre dansles différentes présentations d'équi-valences glucidiques, variant selon lesrégions géographiques (Suisse romandeet autres pays) et qui sont données à lasuite.

Ce manuel peut être mis en toutesmains, y compris celles des profession-nels de la santé.

Autre ouvrage consacré aux en-fants, avec un message nutritionnelplus global. En effet, l'équilibre ali-mentaire est ici exposé par le biaisdes différents groupes d'alimentsprésentés sous une grande tente: le«Palais Gourmand».

Les deux protagonistes de l'histoire,Rémi et Lilou, visitent ce palais où alieu la grande fête des aliments. Ac-cueillis par Merlin le diététicien, ilsparcourent les lieux et apprennent lesbases de l'équilibre alimentaire. Ils yrencontrent notamment Marguerite, uneénorme vache en plastique qui leurprésente le groupe du lait et des laitages.Mais aussi Lucie, qui fait réfléchir lesenfants sur les graisses cachées, Valentinet son jardin (groupe des fruits et légumes).

Sur chaque double page, une partieconsacrée à l'histoire et l'autre, plusdidactique, sur le groupe d'aliments. Cepetit ouvrage prend fin sur des jeux(menus et mots difficiles).

L'alimentationPourquoi on nemange pas quedes frites ?

Françoise Rastoin-Faugeron. EditionsNathan, Paris,2002, 29 pages,fr. 12.70

TABULA NO 2 / AVRIL 2003 21

Voici une approche peu commune:le petit déjeuner et ses variantesdiététiques sous la loupe. Ou encoreune approche inédite des grandscourants diététiques par la lorgnettedu repas matinal. Même si certainesrecommandations données ici sontparfois un peu ésotériques, il n'enreste pas moins que de bonneschoses sont à prendre dans cetouvrage … à condition de ne pas tout

suivre à la lettre! Le considérer comme unétat des lieux des différents petits déjeu-ners que l'on peut trouver actuellement.

Le repas du matin marque danstoutes les cultures la rupture du jeûnenocturne. Son importance et sa structurevarient considérablement d'un pays àl'autre. Saviez-vous que dans la régiondes Caraïbes, le petit déjeuner est conçuautour de la morue et d'autres poissonssalés (habitude introduite par les Por-tugais) malgré l'abondance de poissonsfrais?

Le petit déjeuner est porteur degrandes attentes. Il est supposé apporterun élan intellectuel et physique pourtoute la matinée. Cependant, selon lestypes de régimes, ce n'est pas toujoursle cas! On lui confère aussi un rôletransitoire entre l'intimité de la nuit et lesactivités sociales, c'est dire son importance!

Dans ce dédale du repas matinal– un univers! –, intimement lié à nosréférences culturelles, à nos habitudeset à nos croyances, l'auteur souhaite per-mettre à chacun d'adopter et d'adapteren connaissance de cause son propre petitdéjeuner. Jean-Pascal Cusin parcourt cerepas en mettant en évidence les dif-férents régimes (pour chacun d'entreeux, petit descriptif des principes durégime, puis une évaluation critique), lesaliments du petit déjeuner, les besoinsspécifiques à différents âges de la vie,l'histoire et les différentes formes à tra-vers le monde. Dans cette dernière par-tie, force est de constater que les peuplesse nourrissant de façon traditionnelle(souvent pour des raisons économiques)et de leur éloignement des influencesoccidentales connaissent peu de maladiesdites de civilisation. A bon entendeur…

Les petitsdéjeuners desgrands de ladiététiqueJacques-PascalCusin. EditionsJouvence, St-Julien-en-Genevois, Cedex,2003, 225 pages,fr. 26.–

Anorexiques etboulimiquesBilan d'uneapprochethérapeutiquefamiliale

Mara SelviniPalazzoli, StefanoCirillo, MatteoSelvini, Anna MariaSorentino. EditionsMédecine &Hygiène, Chêne-Bourg, 2002,223 pages,fr. 60.–

Une mise au clair toutd'abord: cet ouvrage, traduit del'italien, traite principalementde l'anorexique. Le terme«boulimiques» cité dans letitre induit le trouble bou-limique qui est parfois as-socié à l'anorexie.

L'auteure principale,Mara Selvini Palazzoli, psy-chiatre, se trouvait à la finde la Seconde Guerre mon-diale, déjà à la pointe del'approche thérapeutiqueindividuelle des anorexi-ques. A l'époque, le pro-blème était encore quasi-ment inconnu. Elle a, par la suite, étél'une des premières à opter pour uneapproche thérapeutique familiale et àl'appliquer dans ses travaux et recher-ches. Depuis, 1982, la Dr Palazzoli amis sur pied, avec les trois autres co-auteurs et psychologues, une équipethérapeutique travaillant en étroite colla-boration.

La première partie de cet ouvrage(Etude du follow-up) retrace les ob-jectifs de la recherche et les résultatsobtenus concernant l'effet exercé à longterme de plusieurs méthodes appliquéessur la qualité de vie des ex-patientes.La deuxième partie (La méthode detravail actuelle) est consacrée à laprésentation de la méthode de travailactuelle à laquelle les auteurs ont aboutià la suite de leurs expériences. Cetteméthode porte une attention accrue auxdifférents membres de la famille. Quantà la troisième partie (L'anorexique etses proches), elle présente une re-cherche qualitative effectuée à partir decas plus récents (52 familles). On ydécrit également quatre types detroubles de la personnalité les plusfréquents chez les anorexiques (dé-pendant; état limite; obsessionel-com-pulsif; narcissique).

Cet ouvrage touffu est quelque peuallégé par des récits mettant en scènedes situations concrètes d'anorexiqueset leurs familles; il s'adresse princi-palement aux thérapeutes.

PAR HANSJÖRG RYSER,DIRECTEUR DE L’ASA

ENTRE NOUS

22 TABULA NO 2 / AVRIL 2003

Nouvelles structures –nouveaux défisLes membres du comité de

l'ASA et de la Société suisse derecherches sur la nutrition(SSRN) sont d'accord pour con-sidérer qu'une fusion de nos deuxorganisations sur le modèleallemand ou autrichien peut créerdes synergies précieuses. En re-groupant sous la même organi-sation nos activités scientifiqueset nos stratégies d'information,nous voulons donner à l'avenirune audience plus large aux ques-tions de nutrition et faire en sortequ'elles aient un plus grand re-tentissement sur la politique dela santé (pour les détails, voirl'article dans l'annexe concernantl'Assemblée des membres).

Au secrétariat de l'ASA aussi,des changements s'annoncent.C'est ainsi qu'un nouveau servicescientifique pourvu d'un poste àplein temps pour un(e) nutri-tionniste est en passe d'être créé.Le secrétariat disposera ainsi deressources supplémentaires enmatière d'informations spéciali-sées. Parallèlement, il est prévuque le gérant réduira son tempsde travail et se concentrera enpremier lieu sur les aspects rele-vant de la direction, les relationspubliques et les tâches politiques(v. Rapport annuel, éditorial duprésident).

Trois congrès sur desthèmes d'actualitéLe congrès printanier du ré-

seau suisse et santé nutrinet.chaura lieu le 22 mai 2003 à 13h30à l'Office fédéral de l'agriculture,Mühlemattstrasse 5 (salle U 9),à Berne. Thème actuel: «Lestroubles du comportement ali-mentaire – leur prévention et leur

traitement.» Deux intervenantesdonneront une conférence sur lesnouveaux médias destinés à l'en-seignement scolaire ainsi que surles informations et l'aide offertespar les services spécialisés. Lorsd'une troisième conférence, leréseau d'experts «Troubles ducomportement alimentaire» seraprésenté. L'entrée est gratuite etne nécessite aucune inscriptionpréalable. Renseignements: tél.031-385 00 00.

Vous trouverez en annexe no-tre invitation (avec talon d'ins-cription) au Congrès national, lesdocuments en prévision de l'As-semblée des membres de l'ASAdu 13 juin 2003, ainsi que le Rap-port annuel 2002. Le thème choi-si pour le congrès, «Excès pon-déral chez les enfants», illustrel'un des problèmes de santé lesplus virulents de notre époque.Les deux principales conférencesdu matin seront suivies l'après-midi de neuf brèves présenta-tions données dans le cadre dedeux tables rondes. Avec ce mo-dèle, nous voulons notammentmotiver les participants de don-ner leur avis (v. encadré). Laremise des prix Nestlé Nutritio2002 et une exposition au Foyercomplèteront la manifestation.

La Société suisse de recher-ches sur la nutrition fêtera les

50 ans de son existence les 29 et30 août au Kursaal de Berne parun Symposium scientifique surle thème «Essential fatty Acidsin Nutrition». Détails: voir p. 23.Informations auprès du secré-tariat: tél. 031 385 00 00.

Feuilles d'informationsnutritionnelles: nouveauCD-ROMLes membres de l'ASA trou-

veront en annexe le nouveau CDdes «Feuilles d'informations nutri-tionnelles», vol. 2, contenant desinformations sur 13 sujets en rap-port avec la nutrition en français,en allemand et en italien. Commele premier CD (vol. 1, 14 sujets),le nouveau CD convient notam-ment aux médiateurs qui peuventen recopier et redistribuer lestextes aux patients, aux écoliers,aux personnes demandant desconseils, etc.

Ce que 2003 nousréserve encore ...La société Wander SA nous a

remis son programme éprouvéde réduction pondérale «Profi-line» (vainqueur de notre testcomparatif «Régimes amaigris-sants – pour faire le bon choix»)afin que nous puissions le re-prendre et le perfectionner. Aucours des mois à venir, nous in-tensifierons le contact avec lesconseillères Profiline existantes(toutes diététiciennes diplômées)pour organiser d'autres activitésde formation continue.

Le service aux médias gérépar notre diététicienne EstherInfanger a pris un départ parti-culièrement réjouissant – plus de170 professionnels des médiasprofitent déjà de ce nouveauservice. Les personnes intéres-sées qui désirent s'abonner à nosinformations spécialisées mensuel-les peuvent s'inscrire en ligne enécrivant à [email protected].

Nouvelle forme de congrès – manifestationsparallèles en français et en allemand

Le «röstigraben» demeure le principal problème des congrèsspécialisés de l'ASA – nos visiteurs de Suisse romande ontsouvent le sentiment d'être un peu négligés. La solution– fort compliquée et coûteuse – de la traduction simultanéen'y a malheureusement rien changé. A partir de 2003,nous changeons de méthode: l'après-midi, le congrès seraséparé en deux sessions parallèles menées dans les deuxlangues respectives sur les mêmes thèmes, mais avec desorateurs différents. Nous espérons ainsi pouvoir motivernos membres francophones de venir assister au congrès.

Feuilles d'infor-mations nutrition-nelles, vol. 2. Prixpour les membresde l'ASA fr. 10.–,pour les non-mem-bres fr. 20.–. Voustrouverez en page 2des informationsdétaillées sur lecontenu du CD-ROM ainsi qu'unbulletin de com-mande.

MEMENTO

TABULA NO 2 / AVRIL 2003 23

Dès le 29 avril

Dès le 30 avril

Dès le 14 mai

Le 6 mai

Dès le 7 mai

Dès le 3juin

Dès le 5 juin

Dès le 12 mai

Le 22 mai

Du 5 au 8 juin

Le 13 juin

Les 29 et 30 août

Le 18 septembre

Du 1er au 4 octobre

Au Musée de l’alimentation «Alimentarium» à VeveyHeures d’ouverture: mardi à dimanche, 10 h 00–18 h 00,tél. 021-924 41 11, fax 021-924 45 63

A 19 h 00 à l’Espace prévention Morges-Aubonne, Place du Casino1, 1110 Morges, tél. 021-804 66 44, 2 séances

A 19 h 00 à l’Espace prévention Lausanne, Pré-du-Marché 23,1004 Lausanne, tél. 021-644 04 24, 8 séancesA 19 h 00 à l’Espace prévention Morges-Aubonne, Place du Casino 1,1110 Morges, tél. 021-804 66 44, 5 séances

17 h 15 à l’ Auditorium Maximum de l’EPF Zurich.Colloque publique de l’Institut des sciences alimentaires.Orateur: Prof. Dr Christophe Lacroix

A 19 h 30 à l’Espace prév. Nord Vaudois, Orbe-Cossonay, Vallée deJoux, Plaine 9, 1400 Yverdon-les-Bains, tél. 0844 811 721,5 séances (Vallée de Joux)A 18 h 30 à l’Espace prévention Lavaux–Riviera, Juste-Olivier 7,1260 Nyon, tél. 022-361 72 72, 4 séancesA 19 h 30 à l’Espace prévention Nord Vaudois, 5 séances (Yverdon)

A 19 h 30 à l’Espace prévention Lausanne, 2 séances

13 h 30–15 h 00 à l'Office fédéral de l'agriculture, Mühlematt-strasse 5 (salle U 9), à Berne. Congrès printanier du réseau suisseet santé nutrinet.ch. Informations: secrétariat de l’ASA,tél. 031-385 00 00, e-mail: [email protected]. Aucune inscriptionpréalable

Au Capsis Convention Center Aghai Pelegia, Heraklion, Crete(Greece). Information et inscription: www.evicevents.com/egea/

Congrès national et Assemblée générale de l’ASA au Casinoà Berne09 h 00–10 h 00 Assemblée générale10 h 00–16 h 30 Congrès nationalInformations: secrétariat de l’ASA, tél. 031-385 00 00,fax 031-385 00 05, e-mail: [email protected] membres de l’ASA ont reçu le programme du congrès ainsique le talon d’inscription lors de cet envoi

Symposium de la Société suisse de recherches sur la nutritionKursaal Berne, salle Szenario.09 h 00–09 h 45 Assemblée générale de la SSRN10 h 00–17 h 40 Symposium09 h 30–13 h 00 suite du Symposium (le 30 août)Information: secrétariat ASA/SSRN, tél. 031-385 00 00,fax 031-385 00 05, e-mail: [email protected]

A Genève. Formation continue de l’Association Suisse desDiététiciens/iennes diplômé(e)s (ASDD). Délai d’inscription:30 juin. Renseignements: Ecole de diététicien(ne)s, Genève,tél. 022-347 56 12, fax 022-328 21 56

Au Palazzo dei Congressi à Rome. Congrès de la Fédérationeuropéenne des sociétés nutritionnelles (FENS). Information etinscription: [email protected] ou www.fens2003.org

Exposition permanente«Cuisiner, manger, acheter et digérer»

La cuisine méditerranéenne

Maigrir en pleine forme

Des bactéries probiotiques dansles aliments fonctionnels:un défit d’envergure pour la rechercheen biotechnologie alimentaire

Quelques kilos à perdre

Cholestérol: quelles graisses à choisir?

Les troubles du comportementalimentaire – leur prévention etleur traitement

International Conference on HealthBenefits of Mediterranean Diet

Surpoids chez les enfants

Essential Fatty Acids in Nutrition

Cycle des troubles du comportementalimentaire 2003: la boulimie

9th European Nutrition Conference

DESSINDESSIN