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Sevi - Sorru Cruzzini - Cinarca Découvrir le patrimoine bâti CRDP de Corse

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Découvrir le Patrimoine Bâti

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Sevi - Sorru Cruzzini - Cinarca

Découvrir le patrimoine bâti

CRDP de Corse

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Nous remercions vivement pour leurs conseils, la documentation et les photographies mises à notre disposition :

La Direction Régionale des Affaires Culturelles de CorseService régional de l’archéologie et Conservation régionale des monuments historiques ;

les Archives départementales de la Corse-du-Sud ;

et particulièrement Madame et MessieursAurélie Harnéquaux, Joseph Cesari,

Ghjuvan Battistu Paoli, Ghjuvan Michele Weber.

Sommaire

Circuit pédagogique n°1 Les premiers noyaux d’habitation : de la Préhistoire au début du Moyen Âge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 05

Circuit pédagogique n°2La structure médiévale : pièves et féodalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 13

Circuit pédagogique n°3 La protection du littoral : un enjeu majeur aux XVIe et XVIIe siècles . . . . . . . . p. 19

Circuit pédagogique n°4 Les communautés rurales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 27

Dans la même collection

l’Alta Rocca - Sartenais-Valinco - Taravo - Ajaccio - Prunelli-Gravona

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Sevi - Sorru Cruzzini - Cinarca

AuteursDAniel istriA

Chargé de recherche CNRS

UMR 6572 LAMM Aix-en-Provence

MATHIEU HARNÉQUAUX

Professeur de Philosophie

Chef de Projet au CRDP de Corse

avec la collaboration de

PhiliPPe ColombAni

Professeur d’Histoire-Géographie

Lycée Lætitia Bonaparte - Ajaccio

et

AlAin GAuthier

Professeur agrégé de Sciences de la Vie et de la Terre

Docteur en géologie

SERVICES CULTURE ÉDITIONS RESSOURCES POUR L’ÉDUCATION NATIONALE

CRDP de CORSE

Édité par le Centre Régional de Documentation Pédagogique

Ouvrage publié avec le concoursdu Conseil général de la Corse-du-Sud

Découvrir le patrimoine bâti

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monte lazzu, Casaglione.Dominant la plaine fertile du Liamone, ce site préhistorique se distingue par une quantité importante de cuvettes de broyage qui, avec lesoutils de meunerie trouvés sur place, témoignent de l’activité agricole de ses occupants.

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les premiers noyaux d’habitation :

de la préhistoire au début du moyen ÂgeDurant la Préhistoire et l’Antiquité, l’habitat s’implante de manière privilégiée

dans les zones littorales de la microrégion. Celles-ci présentent en effet l’intérêt d’offrir des terres fertiles à l’embouchure des fleuves, alors que se développent,

depuis le Néolithique, les activités agricoles et pastorales. La présence de mouillages abrités devient un attrait supplémentaire lorsque la présence

romaine entraîne la multiplication des échanges avec l’extérieur.

Un environnementattractif poUr lespremières popUlations

La richesse naturelle des plainescôtières constituées au débouchédes petits fleuves comme laSagone, le Liamone ou la Liscia,a joué un rôle attractif importantpour les premières populations dela microrégion. Elles ont trouvéici des zones particulièrementadaptées à l’implantation d’habi-tats et au développement d’uneéconomie agro-pastorale.Le site du Monte Lazzu estcertainement l’un des plussignificatifs de ce point de vue.Situé en position stratégique, à125 m d’altitude et à proximitéimmédiate du littoral, il domineet contrôle à la fois les plaines duLiamone et de la Liscia.L’habitat, qui prend la forme d’unpetit village ouvert, non fortifié,a été installé durant leNéolithique final (IVe millénaireav. J.-C.) dans les abris des chaos

granitiques au sommet et sur lapente occidentale de la petitecolline. Sur les blocs erratiquesde granite ont été creusées prèsde cent soixante petites cuvettes,ou cupules, souvent disposées enbatteries et parallèles les unes auxautres. Elles étaient destinées àmoudre des céréales et doiventêtre associées aux très nombreuxbroyeurs et meules trouvés sur lesite. Tous ces éléments témoignentdu dynamisme des activitésagricoles et indirectement de lamise en valeur des secteursproches de l’habitat. Mais lesterres humides offraientégalement de vastes pâturagespour les troupeaux (notammentd’ovins) tout autant que des zonesde chasse, de pêche et decueillette, qui fournissaient descompléments alimentaires nonnégligeables, ainsi que desréserves importantes de matièrespremières (argile, joncs…). Ce type d’habitat se retrouve toutle long du littoral de lamicrorégion. Parfois, comme sur

le site d’A Trinità, à Sagone, ouencore du castellu de Cinarca, àTiuccia, la position élevée etdominante était complétée par unrempart en pierre sèche. Dans l’arrière pays, les habitatsde ce type ne sont pas absentsmais semblent à la fois plusmodestes et moins structurés.Outre les petits ensembles, parfoispourvus de quelques structuresdéfensives, on rencontre aussi detrès petites unités installées dansdes chaos rocheux sommairementaménagés. Au total, c’est donc uneoccupation très large mais peudense du territoire qui est miseen place durant la Pré- et laProtohistoire. La situationgéographique privilégiée, notam-ment sur le littoral, a favorisél’ancrage de ces établissementsqui, dans bien des cas, ont connuune longue occupation. En effet,l’organisation du peuplement à lafin de la Préhistoire et durant laProtohistoire ne semble pasmarquée ici par des changementsradicaux.

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5000-1500 -1000 -500-2000 1000

Bronze FerConquête romaine

(-259 av. J.-C.)

Début de lachristianisation

Sagonesiège épiscopal(VIe siècle)

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la vallée des statUes-menhirs

La vallée de la Sagone et sesabords immédiats présentent uneconcentration importante demonuments mégalithiques etparticulièrement de statues-menhirs. Situés originellement surde petites éminences au débouchéde la vallée et le long des grandsaxes de communication, beaucoupde ces monuments ont étédéplacés au Moyen Âge ou à desépoques très récentes (surtout auXXe siècle). Le groupe le plus spectaculaireest celui de Sagone. Trois, peut-être quatre, statues-menhirs sontconnues ; elles devaient se dresser,à l’âge du bronze, sur le petitreplat qui domine l’embouchurede la Sagone, où elles se trouventencore aujourd’hui, réemployéesdans les maçonneries de lacathédrale Sant’Appianu, cons-truite au XIIe siècle.

Tout près de là, à moins d’unkilomètre, Prosper Mériméedécouvrit en 1839 la statue-menhir dite depuis « l’Hommed’Appriciani », aujourd’huiexposée à l’entrée du village deVico. Celle-ci devait jalonner unchemin parallèle à la côte, dominéà l’est par la statue-menhir deRenicciu (commune de Coggia) etbordée à l’ouest par celle deScumunicatu (commune deCargèse).

En amont de la vallée de laSagone se trouvait celle de Renno,aujourd’hui disparue. Tous ces monuments, sculptésdans le granite, ont en communun style particulier, caractérisépar des traits anthropomorphestrès affirmés : cou et épaules bienmarqués, oreilles proéminentes,traits du visage, pectoraux etomoplates bien dessinés.

En revanche, aucune d’entre ellesn’est armée, contrairement àcelles qu’on trouve notammentdans le sartenais. À ces statues-menhirs s’ajoutentdes monuments funérairesmégalithiques, notamment lesdolmens de Paomia et de Tremica.

Il s’agit de sépultures collectives,ici de petites dimensions. Leurconstruction, comme l’érectiondes menhirs et statues-menhirsdans le courant des IIIe et IIe

millénaires avant Jésus-Christ,s’inscrit globalement dans unephase d’expansion démogra-phique et de conquête agro-pastorale des zones côtières. Tous ces monuments apparaissentainsi comme des élémentsstructurants du paysage, signalantet sacralisant peut-être descarrefours importants, des limites,ou des espaces privilégiés.

Statue-menhir de Sagone II. Visible dans l’angle nord-est de l’édifice, elleprésente des caractères communs avec les autres statues-menhirs de la vallée.

Statue-menhir U Scumunicatu. Elle est située à proximité des ruinesde l’église San Giovanni de Paomia.

Statue-menhir d’Appriciani.

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rome et laréorganisation dUpeUplement

Au IIIe siècle avant Jésus-Christ,Rome conquiert la Corse par laforce. Bien que les grandes étapesde cette guerre et de lacolonisation qui en découle sontconnues par les textes anciens,bien peu de traces matérielles ontété mises en évidence et étudiéesà ce jour. La vallée de la Sagoneconserve pourtant un témoignagemajeur de cette période : lecastellu de Volta. Le site,inventorié dans la cartearchéologique nationale, comporteune vaste fortification construite

sur les hauteurs, à 530 md’altitude, constituée d’une longueenceinte en pierre sèche deplusieurs mètres d’épaisseur parendroit. À l’intérieur, plusieursstructures rectangulaires sontencore reconnaissables ; il s’agitprobablement d’habitations cons-truites elles aussi en pierre sècheet originellement couvertes degrosses tuiles à crochets (tegulae).

Les monnaies et la céramique finetrouvées sur place permettent desituer son occupation entre le IIIe

et le Ier siècle avant notre ère.Quant à l’abondance de lacéramique d’importation, visibleen surface, et particulièrement defragments d’amphores produitesen Espagne ou dans le sud del’Italie, elle suggère qu’il s’agit làd’un établissement romain et nond’une fortification indigène, toutcomme la découverte d’uneinscription gravée sur une plaque

de bronze. La fonction de cetteforteresse était certainementstratégique. Elle domine en effetles vallées de Sagone et dePaomia, alors que sa positionélevée permet de surveiller unetrès longue portion de côte. Parailleurs, le choix de sonimplantation n’est peut-être pasindifférent aux richessesnaturelles offertes par cettemicrorégion et notamment auxminerais (fer, cuivre, plomb,argent, étain…) et aux vastesforêts de pins Lariccio, de sapinset de hêtres pouvant faire l’objetd’une exploitation. Quoiqu’il en soit, cette conquêteromaine marque le début d’unextraordinaire développement deséchanges avec l’extérieur. Onassiste ainsi à un déplacement deshabitats vers le littoral et, aveceux, les petits mouillages naturels,dispersés tout le long de la côte,vont rapidement se développer.

Le site de Volta, détail des fortifications en pierre sèchePlusieurs indices permettent de le considérer comme un établissement romain.

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Le site des fortifications de Volta.

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L’ÉTABLISSEMENT DE SAGONE

Le petit mouillage bien abrité deSagone a certainement constituéun atout majeur pour le dévelop-pement de la zone dès le début del’Antiquité. Les premiers indices sûrs de sonutilisation remontent au IIe siècleavant Jésus-Christ, mais ce n’estque durant la première moitié duIer siècle de notre ère qu’un petithabitat voit le jour à proximitéimmédiate de l’embouchureactuelle de la Sagone. Il s’agit d’un village ou plusprobablement d’une villa, c’est-à-dire du centre résidentiel etd’exploitation d’un granddomaine. L’établissement est alorsconstitué de plusieurs ensemblesséparés par des zones non bâties.Tout au nord, le replat deSant’Appianu est probablementoccupé par l’habitat principald’une superficie d’un peu moinsd’un hectare. Les quelquesconstructions visibles etl’abondant mobilier archéologiqueprésent en surface suggèrent d’yvoir un espace résidentielrelativement confortable. Celui-cidisposait d’un petit édificethermal situé à proximité del’habitat, pourvu de pièceschauffées et bien sûr de bassinstrès probablement alimentés eneau par la rivière toute proche. Sur le relief d’A Sulana et àenviron 200 m au sud de cettezone résidentielle, se trouvent desconstructions plus modestes.D’aspect rustique, elles sontconstruites avec des moellonsprélevés sur place simplement liésà la terre et couvertes d’unetoiture en matériaux périssables.Leur organisation conduit à

penser qu’elles pouvaientprincipalement faire officed’entrepôts, mais plusieurs indicesrévèlent également la présenced’une forge et peut-être destructures d’habitation. Cet ensemble disposait bienévidemment d’une nécropole,située à l’ouest et à proximitéimmédiate des espaces bâtis. Elles’étendait sur plus de 5000 m².Deux types de tombes y ont étéidentifiés. Les plus nombreusesétaient constituées de quatre ousix tuiles à crochets disposées enbâtière au-dessus du corps dudéfunt de manière à former uncoffrage de section triangulaire.Plus rares étaient les tombes enamphores. Ces récipients, destinésoriginellement au transportd’aliments ou de boissons, étaientalors coupés soit dans le sens deleur longueur, soit uniquement auniveau du fond et de l’épaulementafin de pouvoir y introduire lecorps du défunt, généralement unenfant, avant d’être placés dansune simple fosse creusée dans laterre. Des sépultures isolées contem-poraines ont également étérepérées au nord et au sud, le longd’un petit chemin qui, déjà àl’époque antique, pouvaitconduire aussi bien versl’intérieur des terres qu’au petitmouillage probablement situé àl’embouchure actuelle de laSagone. On ne connaît rien deséventuels aménagements de cedernier. Les marins s’étaient peut-être simplement accommodés desa configuration naturelle, quiprotège efficacement les naviresdes forts coups de vent, et de laprésence d’une grande plage desable permettant de haler

facilement les petites embar-cations. Quoiqu’il en soit, lesactivités commerciales y étaientnombreuses et régulières dès ledébut de notre ère. Monnaies,vaisselle en céramique, récipientsen verre et petits objetsmétalliques destinés à l’habil-lement ou encore à l’équipementde la maison, étaient en effetimportés de l’ensemble desrégions qui bordent le bassinméditerranéen. C’est cependantd’Afrique du nord (actuellesTunisie et régions nord-orientalesde l’Algérie) que provenait lamajorité de ces artefacts. C’estégalement là qu’était produite laplus grande partie de l’huiled’olive, des sauces de poisson etdu vin qui étaient consommés àSagone, même si, occasion-nellement, certaines de cesdenrées alimentaires pouvaientégalement provenir d’Espagne, dusud de l’Italie et de Méditerranéeorientale.

des établissements dispersés sUr le

littoral

Sagone n’était certes pas l’uniquehabitat de la région et denombreux petits établissementscontemporains étaient dispersésle long du littoral, plus rarementà l’intérieur des terres. On peineencore à comprendre précisémentleur organisation et leur fonction-nement, mais tous semblentpouvoir correspondre à des unitésd’exploitation, des fermes enquelque sorte, plus ou moinsimportantes, bien souventétroitement liées à une zone demouillage. Ils contribuaient ainsià la mise en valeur de cet espace

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et au renforcement des échangesavec l’extérieur. Mais ce réseauétait instable. Dès le IIIe ou le IVe siècle de notre ère, des habitatsont été totalement ou partiel-lement abandonnés alors qued’autres ont été profondémenttransformés. Ainsi, l’établissementde Sagone semble avoir été aumoins en partie restructuré. Mais,c’est surtout le VIe siècle quimarque une rupture importantedans l’organisation du peup-lement avec l’arrivée duchristianisme et la structurationde la première Église de Corse.

les debUts dUchristianisme

Si le christianisme a peut-être étéintroduit dans l’île dès le IVe siècle,cette nouvelle religion n’a alorslaissé aucune trace matérielle et,dans un premier temps, est sansdoute restée très marginale. Cen’est que bien plus tard, dans lecourant du VIe siècle, qu’uneÉglise de Corse est véritablementconstituée et structurée. C’est à ce moment que l’établis-sement de Sagone est élevé aurang de siège épiscopal. Unévêque y est installé afind’évangéliser et de maintenir dansla foi une communauté répartiesur un territoire très vaste quiprend le nom de diocèse ou évêchéde Sagone. Ses limites sont encoretrès mal définies, mais il devaitcertainement englober toute lamicrorégion et peut-être mêmedéborder au nord jusqu’enBalagne. L’arrivée d’un évêque àSagone implique la restruc-turation de l’habitat qui estdésormais organisé autour d’un

édifice de culte : la cathédrale. Cette église de l’évêque est érigéesur les bâtiments résidentielsromains, en grande partie arasés.Il s’agit d’une petite constructiond’environ 20 m de longueur et 9 m de largeur. Elle est constituéed’une nef unique couverte d’unetoiture en tuiles avec charpenteapparente, terminée par uneabside parfaitement orientée,semi-circulaire à l’intérieur et àtrois pans à l’extérieur. Àl’intérieur, le chœur, réservé auclergé, était séparé de la nef parun muret et surélevé d’unetrentaine de centimètres. Ilsupportait l’autel principal sansdoute déjà dédié à saint Appien(Appianu). Cet édifice futconstruit, ou peut-être sim-plement restauré, par un certainPaul, probablement l’un despremiers évêques, dont le nom aété retrouvé associé à celui de

saint Appien, inscrit sur une tuile. À quelques mètres de lacathédrale s’élevait un autreédifice qui a assurément joué unrôle fondamental dans l’évan-gélisation de la région : il s’agitdu baptistère. C’est là que lescatéchumènes, c'est-à-dire leshommes et les femmes fraî-chement initiés à la nouvellereligion, recevaient de l’évêque lesacrement du baptême. Une foisl’an, durant la nuit qui précède lafête de Pâques, ils entraientdévêtus dans cette constructionde plan circulaire et s’avançaient,tour à tour, vers la cuvebaptismale octogonale située aucentre. Agenouillés face à l’est oùs’élevait la table d’autel, ilsétaient immergés dans les eauxlustrales puis vêtus d’une tuniqueblanche, et enfin bénis parl’évêque qui se tenait tout près delà, sur sa chaire.

Site épiscopal de Sagone. Le site comprenait une cathédrale, reconstruite au XIIe siècle, et un baptistère qui fait toujoursl’objet de fouilles archéologiques.

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L’importance de ce rite était telleque l’on éprouva souvent le besoinde réaménager le baptistère etmême de le reconstruire pour luidonner davantage de monumen-talité. Le bâtiment est ainsientièrement reconstruit, certaine-ment dans le courant du VIIe siècle,sur un plan cruciforme qui prendpour modèle le baptistère de lacathédrale de Mariana (communede Lucciana). Autour de l’église et de sonbaptistère, plusieurs bâtimentssont édifiés pour répondre auxbesoins du prélat et de sonentourage : résidence, lieux deréception pour les hôtes demarque, ou d’accueil pour lesdémunis, magasins pour lestockage des productions artisa-nales ou agricoles, ateliers…

LES ÉGLISES RURALES ET UN

NOUVEAU CADRE POUR L’HABITAT

La cathédrale n’est pas l’uniqueédifice de culte chrétien dudiocèse. Même si les recherchesarchéologiques n’ont pas encorepermis de retrouver les églisesrurales qui permettaient d’enca-drer la communauté, on sait, parune lettre du pape Grégoire leGrand datée de 591, que l’évêquede Sagone avait entre autres pourmission de nommer les desser-vants de ces églises. Sans doute pour des raisons degestion, la géographie ecclésias-tique est considérablementsimplifiée vers la fin du VIIe siècle.Tous les évêchés de l’île sontregroupés sous l’autorité d’un seulévêque dont le siège est à

Mariana. Ainsi l’évêché de Sagoneest-il supprimé, mais on ne sait sila cathédrale est alors aban-donnée ou, plus probablement,rabaissée au rang d’églisebaptismale rurale. Dans ce cas,elle n’aurait plus constitué qu’unsimple relais de l’autoritéépiscopale auprès de lapopulation locale.

Longtemps implanté sur la côte,l'habitat est quant à lui marquédurant l’Antiquité tardive et lespremiers siècles du Moyen Âgepar une phase d’abandon, aupoint de remettre en causel’occupation effective de certainssecteurs. La population semblealors se déplacer vers leshauteurs, sans pour autantrechercher les sommets difficilesd’accès et naturellement défensifs.Il faut vraisemblablement écarteraujourd’hui les causes événemen-tielles (invasions vandales,lombardes, sarrasines…) de ce « perchement », au demeurant trèsrelatif, et privilégier plutôt desraisons sociales et économiquess’inscrivant dans une longuecroissance agraire. Sans doute peunombreux et très dispersés, ceshabitats ont pourtant constitué latrame du peuplement médiéval etdonné naissance à nos villagesactuels.

Baptistère paléochrétien de Sagone.

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la réactivation del’évêché

En 1091-92, le pape Urbain IIcède l’île à l’évêque de Pise et luien attribue le titre d’archevêqueavec pouvoirs métropolitains surla Corse. Cette concession, qui luiconfère l’autorité de réorganiserles évêchés et de désigner lesévêques, est à l’origine dephénomènes qui ont modifiéprofondément et durablement lepaysage insulaire, ainsi que lesystème ecclésiastique. L’évêché de Sagone est alorsréactivé et, comme les autresdiocèses de l’île, est subdivisé enpièves. Une église - aussi appeléepiève - est placée à la tête dechacune de ces circonscriptionsreligieuses, sortes de grandesparoisses rurales, et des chapellessont érigées dans les campagnes,en lien avec un habitat, unchâteau, ou un chemin. Ce sontainsi plusieurs dizaines d’édificesde culte qui voient le jour entrela fin du XIe et le début du XIIIe

siècle. L’un des premiers à avoir

été construit est sans doute lacathédrale de Sagone, installéesur les ruines de l’églisepaléochrétienne dont elle reprendle plan et les proportions. Selonles principes de l’art romaninsulaire, les murs sont constituésde blocs de granite, parfaitementtaillés. La décoration architec-

turale est limitée à des pilastresd’angles et à une haute plinthebiseautée. Ces caractéristiques permettentde rattacher ce monument à ungroupe d’églises de Sardaigne etde l’île d’Elbe, très probablementérigées vers le milieu du XIIe sièclepar des artisans itinérants formés

la structure médiévale : pièves et féodalité

À partir du XIIe siècle, la région connaît, à l’image de l’ensemble de l’île, une réorganisationdes structures religieuses et politiques de son territoire. La délimitation des pièves entraîneainsi la construction de nombreux édifices destinés à encadrer les fidèles, tandis que lamontée en puissance des seigneurs se traduit par la multiplication des fortifications qui

leur permettent de contrôler les terres et les hommes.

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15001200

Corse sous autoritéde l’archevêque de Pise

1091-92

1000 1300 14001100

Bataille de Méloria

1284

Office deSaint-Georges

1453PISE GÊNES

San Giovanni di Cinarca, Sari d’Orcino.Église piévane, elle est le cœur du territoire d’une communauté formée de hameaux dispersés.

Révoltes populaires1357-58

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en Toscane. Les pièves de larégion de Sagone sont elles aussibâties dans un style roman. Ellesrespectent le plan désormaisclassique constitué d’une nefunique rectangulaire et char-pentée, terminée vers l’est par uneabside semi-circulaire voûtée encul-de-four.

dominant la vallée de Paomia,s’élèvent encore les ruines de lachapelle Saint-Elie, elle aussiconstruite dans un style roman.

Il ne s’agit que de l’une des trèsnombreuses chapelles ou églisessecondaires qui, dès le XIIe siècle,ont été érigées dans lescampagnes pour former un réseautrès dense d’édifices de cultedestinés à encadrer lacommunauté chrétienne, maisaussi à baliser et structurer unterritoire dont l’exploitationconnaît un développement sansprécédent.

les premiers chÂteaUx

À partir du début du XIIe siècle,les riches propriétaires terriens del’île érigent les premièresfortifications privées. Ce phéno-mène s’inscrit dans un processustrès général qui a touché toute

San Giovanni de Cinarca, à Sarid’Orcino, est ainsi très prochedans sa conception de lacathédrale. Elle conserve dans sesfaçades orientale et occidentaled’originales ouvertures circulaires(oculi) mais aussi des cavitéscreusées dans la pierre, danslesquelles étaient insérés des bolsde céramique polychrome,aujourd’hui disparus. Construite sur le même modèle, lapiève de Paomia, bien que trèsdégradée, présente encore un planbien lisible. Des pierres sculptées,découvertes durant les fouilles etreplacées dans les maçonnerieslors de la restauration récente,sont les témoins du décorarchitectural qui ornait le murextérieur de l’abside. Tout prèsde là, au sommet d’une colline

Abside de l’église San Giovanni di Cinarca. Elle possède les caractéristiques des églises insulaires de style roman.

Abside de l’église San Giovanni de Paomia, Cargèse.

Abside de la chapelle Saint-Elie, Cargèse.Chapelle secondaire de taille plus modeste,son abside, récemment restaurée, reproduitle modèle des édifices piévans.

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l’Europe et qui s’est poursuiviselon un rythme irrégulier jusqu’àla fin du XVe siècle. La mainmise de la cité de Pise surla Corse a entraîné une réac-tivation des échanges ainsi qu’undéveloppement des activitésagricoles et pastorales. Ces chan-gements rapides et importants ontété à l’origine de l’activation desrouages qui ont conduit à la « mutation féodale ». Les grandspropriétaires terriens insulaires,premiers bénéficiaires de cettecroissance économique et del’ouverture de l’île sur le mondeméditerranéen, entreprennentalors d’étendre leurs possessionset de s’accaparer des droits surles hommes au détriment desseigneurs voisins. Le château, u castellu, devient alors un outilindispensable. Bâti avant toutpour faire la guerre, il permet deconquérir de nouveaux territoireset d’en protéger d’autres. Ainsi, dans le courant du XIIe siècle, une nouvelle géo-graphie politique se met en place,qui voit l’île être divisée en unetrentaine de seigneuries. Larégion passe alors entre les mainsde la famille des Cinarchesi, dunom de leur château éponyme :Cinarca. Autour d’eux gravite unemultitude de nobliaux, parentsproches, vassaux et amis à quiavait été confiée, dans quelquescas, la garde d’une forteressesecondaire. De cette manière estmis en place un réseau com-prenant jusqu’à une dizaine deplaces fortes, à l’intérieur d’unvaste territoire dont les limitesvarient au gré des guerres, desalliances et des trahisons. Si ces castelli permettent de sedéfendre ou de lancer des attaques

détenteur du pouvoir, de la forceet de la justice. C’est dans cetteforteresse qu’il réside le plussouvent, entouré de sa famille etde ses serviteurs, qu’il reçoit sesinvités et qu’il emmagasine lesproduits de ses terres ou encoreles redevances payées par lespaysans, généralement en nature.

LE CASTELLU DE CINARCA

Le castellu de Cinarca occupe uneplace très particulière dansl’histoire médiévale corse.Implanté sur un sommet rocheuxrelativement difficile d’accès, ildomine directement l’agglomé-ration actuelle de Tiuccia et laplage de la Liscia. Cette hauteurnaturelle, bordée par des à-picsvertigineux, constitue un élémentdéfensif de première importance

éclairs, ils offrent aussi lapossibilité d’exercer un contrôlerapproché des terres et bien sûrdes hommes. Les seigneurs peuvent donc gérerplus efficacement l’exploitationagricole de leur domaine, préleverles impôts et instaurer des péagesle long des voies de passage. Occa-sionnellement, ils n’hésitent pas àdépouiller quelques marchands ouencore à dérober le bétail d’unecommunauté voisine. Au-delà de ces fonctions trèspratiques, qui permettaient à unpetit groupe de s’enrichir, des’élever et finalement de s’imposersur l’ensemble de l’île, le châteauest aussi un édifice symboliquequi, par sa position et sescaractéristiques matérielles,marque le paysage et rappelle àtous que le seigneur est le

Site du castellu de Cinarca, Casaglione. Symbole du pouvoir seigneurial, il était le castelluà détenir pour prétendre au titre de Comte de Corse.

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qui dispense du creusement d’unfossé ou de la construction destructures complexes.

La rocca, c’est-à-dire la partieseigneuriale proprement dite,était installée sur la plate-formesommitale du site. Elle étaitconstituée d’un petit donjonquadrangulaire et d’un autredonjon, plus imposant, de plancirculaire dont les murs avaientprès de trois mètres d’épaisseur.Il s’agissait probablement de latorre bianca, mentionnée dans desdocuments anciens, qui sembleavoir comporté trois niveauxsurmontés d’une terrasse où setrouvait la cloche d’alerte et despièces d’artillerie. Entre les deuxse trouvait une citerne, alimentéepar les eaux de pluie, qui

chapelle dédiée à saint Antoine,dont les arases sont encorevisibles au nord du site castral.Au XVe siècle, le château était tenupar un châtelain assisté d’unofficier (castellanus et subcas-tellanus). La garnison comprenait,outre vingt-trois soldats, unchapelain, un barbier, un forgeronet un canonnier. Elle était arméede deux coulevrines (petitscanons), de treize petits fusils àcanon très court (spingardi), detrois canons de fer, d’unevingtaine d’arbalètes et de trente-six lances longues. Pour seprotéger, les soldats disposaientde cuirasses, de casques et deboucliers. En cas de siège, commeen 1454, le château pouvaitaccueillir jusqu’à 120 défenseurs,pour un temps limité.

Le château de Cinarca estconsidéré comme le plusimportant du sud de la Corse etle siège emblématique du pouvoirde cette partie de l’île. Forteresseéponyme des familles seig-neuriales du sud, qui se qualifientvolontiers de Cinarchesi, ellepossède de ce fait une très fortevaleur symbolique. Mais, saposition lui confère également unpoids stratégique important.

Ainsi, lors du siège de 1454, lesGénois n’hésitent pas à engagerd’importantes troupes soutenuespar quatre bombardes pours’emparer du château, alors tenupar le seigneur Raffè da Leca.Après avoir été possédé parplusieurs familles seigneuriales dela région (Cinarca, Leca, Rocca,Istria), il tombe entre les mainsdes Génois, avant d’être métho-diquement détruit en 1495.

permettait de survivre en cas desiège prolongé. Plusieurs piècessont visibles autour de cesstructures, sans que l’on puissedéfinir précisément leur fonction.Elles constituaient le palazzo,décrit dans les textes du xve siècle,qui s'élevait sur deux niveaux.Une chapelle y était directementassociée. Bien que de modestesdimensions, elle était décorée,toujours d’après les textes, depeintures à fresque de grandequalité. Tous ces bâtiments, dont les murssont construits en pierres liées aumortier de chaux, étaient défen-dus par un rempart adossé auxflancs du relief. À l’extérieurprenaient place d’autres aména-gements défensifs, plus som-maires, ainsi qu’une seconde

Vestiges du castellu de Cinarca. Méthodiquement rasé par les Génois, il ne reste du castellu que des vestiges permettant delire partiellement ses anciennes structures.

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les chÂteaUx dU

xve siècle

La révolte populaire de 1358 etles expéditions militaires génoisesqui s’ensuivent, ont entraîné ladestruction de la quasi-totalitédes châteaux de l’île. Seulsquelques-uns ont été conservéspour servir de lieu de justice ; cefut le cas de celui de Cinarca.Pourtant, et en particulier dans lesud de la Corse, beaucoup vontêtre reconstruits ou érigés dans lecourant du XVe siècle. Lesseigneurs devant désormaisassurer une résistance face àl’avancée des troupes génoises,souvent nombreuses, bienentraînées et bien armées, on voitalors apparaître un nouveau typede fortifications, dont la fonctionest essentiellement militaire.Erigées à l’intérieur des terres,elles concentrent sur des surfacesexiguës les éléments défensifsfondamentaux : tour, citerne etremparts percés de meurtrières.

Perchés sur de hauts sommets,très difficiles d’accès, ils nedépassent pourtant pas quelquesdizaines de mètres carrés desuperficie et sont mal armés. Dominant le golfe de Porto, lecastellu des Rocche di Sia, quiappartenait aux seigneurs deLeca, est le seul à avoir fait l’objetd’une fouille archéologique.Construit vers 1413 et totalementdétruit en 1491, il se présentaitcomme un ensemble fortifiéarticulé sur trois niveaux. Leniveau inférieur formait un avant-poste qui contrôlait l’unique ported’entrée et créait une enceinteavec chemin de ronde. Le niveauintermédiaire portait les lieuxd’habitation composé de deuxailes : les communs, regroupantciterne et cuisine, ainsi que lespièces à vivre et les réserves, plusvastes. Tout au sommet prenaitplace une tour quadrangulaire quidevait faire office à la fois deposte de guet et d’ultime refuge.

Mais c’est surtout le relief naturel,très spectaculaire - des pitonsrocheux élevés et très escarpés -qui fait la force de ces castelli.Au moins cinq sont construits oureconstruits dans la région : Sia,Foce d’Orto, Geneparo, Zurlina etLeca.

Site du castellu de Zurlina, Murzo.

CinarchesiTerme désignant, à partir du XVe siècle, les cinq familles de seigneurscorses qui dominent la noblesse du sud de l’île : les della Rocca, lesIstria, les Ornano, les Bozzi et les Leca. Elles revendiquent commeancêtre commun, Cinarca, fils du légendaire Ugo Colonna. Bien queparents, les Cinarchesi sont le plus souvent rivaux, chacun cherchantà soumettre les autres à son autorité. Officiellement vassaux de laCommune de Gênes, les Cinarchesi sont maîtres dans leurs seigneurieset défendent jalousement cette indépendance. Le maintien de cettestructure seigneuriale explique le terme de « Terra dei signori »appliqué au sud, par opposition au nord (Terra del Comune), qui aadopté un système communal, sous l’autorité directe de Gênes. À lafin du XVe siècle, l’Office de Saint-Georges, soucieux d’imposer sonautorité à l’ensemble de l’île, décide de soumettre ou de détruire cesseigneuries lors des « guerres cinarchesi ». Ainsi, à partir du XVIe siècle, les Cinarchesi restent des familles influentes mais neconstituent plus un pouvoir indépendant.

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Ces châteaux du XVe siècleapparaissent plus comme deslieux de repli que comme despositions stratégiques destinées àcontrôler un territoire. Malgréleur localisation sur des sitesparticulièrement escarpés, ils nepeuvent résister bien longtemps

Site et reconstitution hypothétique du castellu des Rocche di Sia, Ota, (d'après les relevés du Père Louis Doazan).

aux sièges menés par les troupesde l’Office de Saint-Georges, bienravitaillées et disposant d’uneartillerie moderne, leur principalefaiblesse résidant dans le peu deréserves dont ils disposent en casde siège et surtout dans le peu decapacité qu’ont les seigneurs de

monter des opérations d’en-vergure capables de secourir lesassiégés. La plupart sont doncrasés à la fin du XVe siècle, l’Officeles considérant comme dangereuxen cas de révolte et inutiles poursa propre stratégie de contrôle duterritoire.

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Le couvent Saint-François de Vico

L’existence du couvent Saint-François de Vico estintimement liée à celle de Giovan Paolo da Leca.À la fin du XVe siècle, ce seigneur Cinarchesicherche à ajouter à l’image du chef de guerrecelles du courtisan et du pieux mécène, comme sedoivent de l’être les princes de son temps. En1481, alors au sommet de sa puissance, GiovanPaolo finance la fondation d’un couvent au seinde sa seigneurie, comme le fera quelques annéesplus tard son homologue et rival du sud de l’île,Rinuccio della Rocca, avec le couvent de Tallano.Bien que les sources manquent, on fait de lui lecommanditaire du grand Christ en boispolychrome, « U Franciscone », œuvre d’un maîtreitalien du XVe siècle, qui se trouve toujours dansl’église du couvent. Ses dons alimentent lecouvent au moins jusqu’en 1487, année qui le voitentrer en guerre ouverte contre l’Office de Saint-Georges et qui marque le début de son déclin. Lecouvent, comme l’ensemble de la région, aura àpâtir de ses liens avec le seigneur rebelle.Jusqu’à la fin du XVIe siècle, les constructions desfrères mineurs s’additionnent autour de l’égliseSaint-François. Dans un souci de refondation, tantmatérielle que spirituelle, la communauté décidede remanier l’église et de reconstruire lesbâtiments conventuels selon un modèle « àl’italienne », courant dans les couvents insulaires.Les travaux, qui commencent en 1627, durerontjusqu’à la fin du XVIIIe siècle, et l’achèvement dela seconde aile nord-sud, qui donne au couvent leplan en U que nous lui connaissons aujourd’hui.

La seigneurie de Leca au milieu du XVe siècle : pièves et principales fortifications connues de la région Sia-Cinarca

D’après A. Franzini, La Corse du XVe siècle, Politique et société.

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la tour de Porto.

Anse de Girolata, osani, vue aérienne.

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Le passage du Moyen Âge à l’époque moderne correspond à un tournant dans la politique decontrôle et d’aménagement de l’île par les Génois. La construction des tours fortifiées sur lelittoral des Deux Sevi témoigne de ce changement d’époque : l’Office de Saint-Georges a faitdétruire les châteaux des Cinarchesi, mais le contrôle du territoire est compromis par la

recrudescence des attaques et incursions des corsaires barbaresques.

gênes et la menace

barbaresqUe

En 1453, la prise de Constan-tinople par l’empire ottomanmarque un tournant dans leconflit qui oppose chrétiens etmusulmans en Méditerranée etrelance la guerre de course.L’importance stratégique des îles,éléments clefs pour le contrôle desvoies commerciales maritimes, sevoit renforcée. La même année, la commune deGênes, qui exerce son autorité surla Corse depuis la fin du XIIIe siècle, confie l’administrationde l’île à l’Office de Saint-Georges. Puissante institutionfondée en 1407 et composée desprincipaux banquiers, créancierset négociants génois, l’Office sevoit attribuer à cette époque lagestion de certains territoirespour rembourser les dettes de laCommune. Pour renforcerl’autorité de Gênes et rentabilisersa possession, il mène une vasteréforme administrative et engage

la lutte contre les seigneurs quiveulent conserver leurindépendance. Au début du XVIe siècle, tous leschâteaux ont été démantelés.Mais, les guerres contre lesféodaux à peine terminées, l’îleest confrontée à un nouveaudanger. Les attaques et razziasmenées par ceux qu’on nomme les « Turcs » - en réalité, il s’agit decorsaires le plus souvent venusdes côtes situées entre Alger etTunis, alors sous dominationottomane, se multiplient. Cesraids sont si nombreux qu’ilsempêchent les tentatives deréoccupation des terres déjàdépeuplées suite aux guerrescinarchesi. Les galères génoises tentent derépondre à ces attaques. Ainsi, àGirolata, celles des Doriacapturent un des plus célèbrescorsaires barbaresques, Dragut,en juin 1540 (libéré contre rançon,il mènera de nouvelles attaquescontre la Corse), mais elles ne sontpas assez nombreuses pourassurer une défense efficace des

côtes. Les alentours d'Evisa sontpillés en 1550 : quatre-vingtshabitants sont emmenés enesclavage. La construction etl’armement d’une flotte plusimportante étant jugée tropcoûteux, l’Office de Saint-Georgespréfère constituer une ligne dedéfense en procédant à laconstruction de tours, à desendroits désignés par sescommissaires. Il s’agit de sécuriser les côtes, lespopulations et le trafic com-mercial, en particulier les bateauxtransportant le corail. Les toursont également un rôle écono-mique, puisqu’elles permettent depercevoir droits de douane etd’ancrage, ou encore de luttercontre la contrebande.La pratique courante de l’Officeconsistait à faire de laconstruction de ces tours lacontrepartie d’une concession deterres et de droits afférant à leurexploitation. Le financementdevait en être assuré, au moinspartiellement, par une augmen-tation du prix du sel, qui faisait

la protection du littoral : un enjeumajeur aux xvie et xviie siècles

Cir

cuit p

édagogiq

ue 3

180016001500

Premiersraids «turcs »

1700

Capture de Dragut1540

Guerre desFrançais

1553-1559

Constructions des « tours difficiles »

1604-1608

Colonie grecquede Paomia

1676

Traité de Versailles1768

Fondation de Cargese1773

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reposer sur les populations lepoids de leur propre sécurité. Aumilieu du XVIe siècle, deux sitessont ainsi retenus pour fortifier legolfe de Porto : l’embouchure dela Sia (ancien nom de la rivièrede Porto) et l’anse de Girolata.

LA TOUR DE PORTO

Les travaux de la tour dePorto, à l’origine « Porto diSia », qui surveille l’accèsau fond du golfe, démarrenten 1551. Elle est une despremières tours construitessur la côte occidentale,alors que dans le Cap Corsepar exemple, zone où letrafic maritime est le plusimportant, la plupart destours littorales ont déjà étéédifiées à cette époque. Ellepermet de constater que lemodèle de la tour ronden’est pas systématique.Ronde ou carrée, lavocation des tours estidentique et leur structurecomparable.De l’extérieur, un cordon demaçonnerie partage la touren deux niveaux : une baserenforcée avec des mursépais et un talus, destinéeà accueillir une citerne, etune partie supérieure pourla salle des gardes et la terrassede vigie. La tour est faite pourune garnison peu nombreuse (au XVIIIe siècle, on sait que celle-ci selimite à un capo et deux soldats)dotée d’une artillerie modeste. Laporte principale, à laquelle onaccède par une échelle, est situéeau niveau supérieur ; elle étaitprotégée par des mâchicoulis donton voit les traces sur la terrasse.Le système défensif est complété

importance stratégique etsymbolique particulière : la petiteanse dans laquelle le fortin estconstruit, assez bien abritée desvents dominants et éloignée desvillages, constituait un repère ouun accès de choix pour lescorsaires, malgré les hauts-fonds ;elle est d’autre part le lieu de la

capture de Dragut. Elleabrite, non une simpletour, mais ce qui apparaîtcomme l’ouvrage défensifmajeur de la côte nord-occidentale, citadellesmises à part ; elle illustrela nécessité pour Gênesde s’impliquer davantagedans les affaires de laCorse, en particulier pourencadrer et sécuriser lesopérations de forti-fication. C’est l’ingénieur-architecte missionné àcet effet, Geronimo deLevanto, dit le Levan-tino, qui conduit lapremière phase destravaux, après avoirtravaillé à renforcer lesfortifications de Calvi. ÀGirolata, la constructiond’une tour se fait doncpour la première foissous l’autorité directe de

l’Office, qui prend également à sacharge la mise à disposition demaçons, d’ouvriers, et desnombreux soldats nécessaires à laprotection du chantier.Sur la carte des fortificationslittorales génoises, les forts oufortins sont rares : Campomoro etTizzano sont les deux seuls autresexemples sur la côte occidentale.Ces derniers cas sont pourtant unpeu différents : ils sont en effet le

par la présence de meurtrières.Aux angles se trouvent desvestiges d’échauguettes enencorbellement. Ainsi, implantée sur sonpromontoire rocheux, la tourconstitue un poste de surveillancequi permet à ses occupants d’êtrerelativement protégés et de

pouvoir prévenir les populationsen cas d’attaque, même si sescapacités à défendre la côterestent limitées.

LE FORTIN DE GIROLATA

Il en va autrement du fortin deGirolata, qui est bien plus qu’unsimple poste d’observation. Le sitede Girolata possède en effet une

tour de Porto.

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résultat de la transformationd’une tour préexistante en fortin,par superposition ou adjonctiond’une enceinte ; dans une mêmecampagne de travaux pourCampomoro, mais de manièrebeaucoup plus tardive pourTizzano. À Girolata, au contraire, nousavons affaire à l’unique cas où laconstruction de l’enceinte sembleformer avec celle de la tour unprojet d’ensemble, et ce, même sila réalisation de ce projet se faitpar étapes successives, s’étalantde 1551 à 1611, avec troiscampagnes distinctes de travaux,et répond de ce fait à un certainnombre de facteurs contingents. La construction du premierbastion, décidée par le Levantino,est ainsi fortement liée à lanécessité de défendre le chantieren mobilisant moins de soldatssur place : c’est le constructeurplus que le commanditaire quifait prendre conscience del’importance du projet et leréoriente dans le sens du fortin.La mort du Levantino, en 1552,interrompt la première phase detravaux ; les campagnes suivantess’attacheront à en réparer lesdéfauts ou les insuffisances.Cependant, dès le départ, tour etenceinte semblent avoir étéconçues en lien l’une avec l’autre,comme parties d’un seul et mêmesystème défensif. Ce derniertémoigne des évolutions quecommence à connaître l’architec-ture militaire en raison desprogrès de l’artillerie : la hauteurde l’enceinte n’est plus le critèredéfensif primordial, comme dansla fortification médiévale. Les deux tours s’intègrent àl’enceinte polygonale fortifiée de

L’espace entre les bastions, parlequel on peut aujourd’hui entrer,était fermé ; il fallait passer troisportes, sous le feu des défenseurs,pour pénétrer dans le fortin : lapremière, située dans le long murqui descend jusqu’à la falaise, laseconde au pied de la TorreGrande, et la troisième après unpassage fortifié accolé lui aussi àcette tour principale.

L’accès à cette tour qui s’élève surquatre niveaux (citerne, deuxsalles habitables pour les gardes,terrasse sommitale), se faisaitinitialement par une échelleextérieure. Il se fait aujourd’huipar les escaliers de la secondetour, ou Torre Mozza, qui lui a étéaccolée dans un second temps.

manière à former un toutcohérent. Accueillant les piècesd’artillerie les plus importantes,elles sont tournées vers la mer etl’entrée de l’anse. Les bastions,quant à eux, sont tournés vers leport : ils défendent la partie laplus accessible depuis la terre,tandis que les murs extérieursutilisent les atouts du relief pourinterdire le cheminement jusqu’auplateau situé derrière les tours,très difficile d’accès depuis la mer.Les parapets sont régulièrementpercés de meurtrières offrant demultiples angles de tir protégéspour les défenseurs ; celui destours est constitué de mâchicoulis(que l’ouverture de créneaux, liéeà l’évolution de l’artillerie, arendus inutilisables).

le fortin de Girolata, vue aérienne.

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Même si les candidats sont peunombreux, la construction d'unetour offre des avantages à celuiqui en obtient la concession etreprésente un poids pour lespopulations locales. On comprendalors les réticences des notablesde la piève de Vico à la dési-gnation d’Anton Giovanni Sarrolaet leur opposition quand celui-ciréclame de pouvoir êtreaccompagné d’une troupe de 50 hommes pour assurer ladéfense des chantiers. On com-prend également les propositionsdes populations des pièvesenvironnantes pour limiter ouamortir le coût des travaux, parexemple que la location des terresrécupérées leur soit attribuée, ouque la garde salariée des toursleur soit réservée.

tours et de constituer un réseaudéfensif plus dense, permettantnotamment aux tours decommuniquer entre elles. C’est ainsi qu’en 1573 est présentéun programme de quatre tours,pour ce qui apparaît comme l’unedes régions les plus exposées :Omigna, Orchino, Cargese et CaviRossi (c’est-à-dire Capo Rosso).Les difficultés d’accès, et surtoutles difficultés pour assurer lefinancement de ces tours dans unerégion dévastée et abandonnée deses habitants, vont retarderfortement la réalisation de ceprogramme. Plus de trente anssont nécessaires pour voir leprojet se réaliser : les trois pre-mières tours ne sont construitesqu’en 1604-1605 ; la dernière, àCapo Rosso, est achevée en 1608.

tourd’omigna, Cargèse.

Construite vraisemblablemententre 1590 et 1604, celle-cicomplète la défense de la façadesud qui n’était protégée que pardes mâchicoulis, tenant sous sonfeu, non seulement la base de latour, mais aussi les deuxpremières portes. Bien qu’il soit difficile de retraceravec exactitude les différentesétapes de la construction dufortin, qui connaît de nouveauxaménagements en 1610-1611 enraison de son mauvais étatgénéral (d’autres seront faits auXVIIIe siècle), toutes ont donc viséà en améliorer la défense, demanière à répondre à une menacequi ne fait que s’amplifier jusqu’àla fin du siècle et au début dusiècle suivant.

Un système de défenserenforcé

Dans l’ensemble de l’île, la guerrecontre les Français, qui trouventdans les « Turcs » des alliésoccasionnels, a ralenti la cons-truction des tours. Les années quisuivent voient la fréquence desattaques et des razzias augmenterpour atteindre son apogée dansles années 1580-1590. Ceci obligele Sénat génois, qui a reprisl’administration directe de l’île en1562, à redéfinir sa stratégie enmatière de défense du littoral. Ilne s’agit plus de construire lestours de manière ponctuelle, maisde recenser les besoins et lesemplacements favorables pourélaborer un véritable pland’ensemble. Gênes envoie doncdeux commissaires pour sillonnerl’île, avec pour objectif de plani-fier la construction des nouvelles

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Difficile, la construction destours l’est également enraison des sites choisis, dansune région qui, rappelons-le, est à l’époque désertée.Les lieux sont à la fois trèsisolés et pour certains trèsexposés. C’est le cas notamment dela tour située au bout de lapresqu’île d’Omigna. Nonseulement, il faut faire venirde loin matériaux et eaudouce, mais encore, lechantier subit les attaquesincessantes des corsaires, sibien qu’il faut construirepréalablement de petitsbastions pour le mener àbien. Elle est la première àêtre achevée, en 1606. Plusieurs chantiers devantêtre menés de front, laconstruction de la tour deCapo Rosso a dû êtrerepoussée. Moins exposéeaux attaques que la tourd’Omigna, c’est aussi la plusinaccessible : c’est à 331mètres d’altitude qu’il fautacheminer les pierres et dequoi faire la chaux. Situéeau sommet de la falaise, latour domine l’anse de SanPellegrinu, offrant depuis saterrasse un panorama magni-fique : ici plus qu’ailleurs, c’est lafonction de surveillance quiprévaut. Il en résulte une tour plus basseque d’ordinaire, et des élémentsde défense plus sommaires : il n’ya pas d’embrasure pour une pièced’artillerie ; la terrasse n’est pascouronnée de mâchicoulis mais neprésente que trois bretèches, dontune au-dessus de la porte.L’escalier extérieur est un ajout

récent. Il permet d’accéderà un intérieur classique :une salle de garde voûtéedans laquelle on trouve lepuits de la citerne, lacheminée et les petitescavités de rangement. Lesmurs sont assez épais pourabriter l’escalier qui mèneà la terrasse de guet. En lien avec la tour del’îlot de Gargalo, la tourcomplète le dispositif desurveillance voulu par lepouvoir génois, établissantune sorte de ceinturecôtière contre le dangervenu de la mer.Les tours n’empêchentpourtant pas d’autresattaques menées par les « Turcs » et d’autres prisesd’esclaves. C’est en réalitéla diminution progressivede la piraterie barba-resque au cours du XVIIe siècle qui permet laréoccupation et lestentatives de mise envaleur des terres dulittoral, en même tempsqu’elle conduit à l’abandondes tours au siècle suivant.

Un constructeur de tours : Anton Giovanni Sarrola

En 1604, Anton Giovanni Sarrola obtient la concession du programmede construction des quatre tours. Il obtiendra également celle de Sagone.Soldat ayant combattu en Flandres avant de rentrer au pays, principaledu Delà des Monts, il est issu d’une famille de gentilshommes ayantobtenu le titre de benemeriti, en récompense de leur fidélité à Gênespendant les guerres cinarchesi puis contre Sampiero. À ce titre autoriséà porter les armes en public et exempt d’impôt, entre autres avantages,il est le représentant d’une notabilité dont l’émergence a été favoriséepar la présence génoise et la suppression progressive des droits féodauxau cours du XVIe siècle.

tour de Capo rosso, vue aérienne.

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Au XVIIe siècle, Gênes favorisel’installation en Corse d’unecommunauté grecque qui fuyaitla domination turque. La colonie s’établit en 1676 surles terres de l’ancienne Paomia,désertées lors des guerrescinarchesi, et laissées à l’abandonen raison des ravages causés parles barbaresques. En quelques années, les Grecsmettent en valeur les terresfertiles et y développent dif-férentes cultures, notamment

les autorités françaises ayant jugépréférable de l’établir à un nouvelemplacement. L'installation seracette fois définitive, malgré destensions qui dureront jusqu'aupremier quart du XIXe siècle.Symbole de l'intégration de lacommunauté, aux extrémités duvillage, se trouvent l’église latineet l’église catholique de rite grec,toutes deux bâties au XIXe siècle,dans un climat apaisé.

celles du blé, des arbres fruitierset de la vigne, et ce, malgrél’hostilité des populationsvoisines, qui revendiquent lapropriété des terres concédées parGênes. Restés fidèles à Gênes, les Grecssont chassés de Paomia par lesinsurgés corses en 1731, aprèsqu’une partie d’entre eux ait étéassiégée dans la tour d’Omigna,et doivent se réfugier à Ajaccio.Ce n’est qu’à partir de 1773 quela colonie se réinstalle à Cargèse,

LA COLONIE GRECQUE : DE PAOMIA À CARGESE

Plan terrier de la Corse, rouleau n°26, détail © Archives départementales de la Corse-du-Sud. La construction du village suit le plan déterminé par le génie militaire français, qui lui confère son allureparticulière. Traversées par un axe perpendiculaire, les rues parallèles adoptent un tracé rectiligne.

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Cargèse, « l’église latine » (à droite) et « l’église grecque » (à gauche).

Église Saint-Spiridon dite « église grecque », iconostase.

La communauté grecque partie de Vityloappartenait à l’église gréco-catholique,

c’est-à-dire qu’elle pratiquait peu ou proule rite byzantin tout en reconnaissant la

primauté du pape. Cette situation lui per-mettait notamment de demander la pro-

tection d’un État catholique tel que Gênesalors que la Grèce était soumise à la do-mination ottomane. Si la langue et le rite

grecs ont pendant longtemps été les seulsen vigueur dans la communauté de Car-gèse, l’adoption du culte romain par une

partie de celle-ci entraîne, en 1827, laconstruction d’une église lui étant destinée.

Le rite grec ne disparaît pas pour autant,puisqu’en 1852, commence

la construction d’une nouvelle église pour remplacer un édifice devenu trop petit.

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Azzana.

Coggia.

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Le patrimoine bâti vernaculaire est le fruit de modes de construction partagés par l’ensemble d’une communauté. Il conserve la trace des activités humaines animant ou ayantanimé la région et témoigne de la manière dont les communautés rurales se sont structurées

jusqu’à la première moitié du XXe siècle.

la constitUtion desensembles villageois

LE REGROUPEMENT PROGRESSIF DE

L’HABITAT

Dans ce qui fut la seigneurie deLeca, la fin du XVe et le XVIe sièclecorrespondent à une époque deprofondes évolutions et derecomposition de l’habitat, àl’origine de la constitution desensembles villageois que nousconnaissons aujourd’hui. Jusque-là, la structure piévane pré-domine : les gros villages, ouborghi, sont rares, et l’habitat secompose plutôt d’une multitude depetits noyaux plus ou moinsdispersés, ville ou capelle. Lapopulation de Vico, lieu oùrésidaient les Lieutenants duDelà-des-Monts jusqu’à la fonda-tion d’Ajaccio, est estimée à 1500habitants en 1488, équivalant àpeu près à celle qui peuplel’ensemble des ville connues detoute la piève de Cinarca, où seulesles communautés de Sari et deCalcatoggio comptent plus de 200habitants.Suite aux guerres contre lesCinarchesi, les représentants del’Office de Saint-Georges, désireux

d’éliminer des foyers possibles derésistance, font détruire denombreux hameaux et déplacer lespopulations. Antoine Franzini endonne la liste : « dépeuplement despievi de Crùzini et de Sorno in sù,des villages d’Èvisa et Cristinaccedans celle de Sevenentro (…) ;déplacement des habitants de lapieve de Vico vers la pieved’Ajaccio ; dévastation des pievide Sia et de Chiomi (…) ; dans lapieve de Cinarca même, dévas-tation des villages de Sari,Lòpigna et Arrò et déplacement deleurs ”150 familles”… » (La Corsedu XVe siècle, p. 499). Avec les attaques répétées menéespar les « Turcs » au cours du XVIe

siècle, qui dévastent notammentles pièves de Sia et de Paomia, cesont les lieux les plus exposés dulittoral qui sont abandonnés. Dansle cours des XVIe et XVIIe siècles, lesvillages tendent alors à seréorganiser à plus haute altitude,sur des sites défensifs.

Plutôt que de former un ensemblearchitectural cohérent, le bâti sestructure en quartiers quasimentindépendants les uns des autres,les maisons se groupant trèssouvent autour d’une tour ou

d’une maison forte, aujourd’huidisparues ou profondémentremaniées. Cette organisationprévaut au moins jusqu’au débutdu XVIIIe siècle, alors que le dangerreprésenté par les incursionsturques est de mieux en mieuxcontrôlé ; la tour, émergeant d’unbâti peu élevé, continue d’être, au-delà de ses fonctions strictementdéfensives, un élément dedistinction sociale et une marquede notabilité.

LA MUTATION DES VILLAGES

Le XIXe siècle constitue une étapeimportante dans l’évolution desensembles villageois. Débarrasséede toute menace extérieure,stabilisée intérieurement, la Corses’intègre dans le cadre de lacroissance économique et démo-graphique que connaissent laplupart des régions rurales del’ensemble français. Des espacesproches du littoral, autrefoisdésertés, ou occupés de manièresaisonnière, selon la pratique de latranshumance, voient se réinstallerdes familles de manière perma-nente, conduisant à l’apparition denouvelles communes : Osani,Partinello et Serriera sont ainsireconnues comme telles en 1864.

les communautés ruralesCir

cuit p

édagogiq

ue 4

Arrêtés Miot1801

1ER EMPIRE1804-1815

MONARCHIE DE JUILLET1830-1848

SECOND EMPIRE1852-1870

19501900185018001750Traité deVersailles1768

IIIe RÉPUBLIQUE1870-1940

Première guerremondiale

1914-1918

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L’augmentation de la populationentraîne également des rema-niements dans les maisonsexistantes : surélévation d’un,voire de deux étages, ou réalisationd’une construction attenante(appiciu). Les nouvelles cons-tructions, le long des sentiers quireliaient les anciens hameaux,constituent progressivement denouvelles rues. L’ouverture d’unevoie carrossable entraîne quant àelle un déplacement des nouvellesconstructions vers la route, quitend à effacer l’ancienne structuredes quartiers pour ne plusconstituer qu’un seul gros villagegroupé. L’ensemble de cesmodifications détermine la formeque les villages ont encore de nosjours. Ces évolutions sont visibles parexemple à Sari d’Orcino. Le planterrier, réalisé à la fin du XVIIIe siècle, laisse encoreapparaître la division primitive du

des premières maisons, on peutinterpréter celle-ci en fonction desconsidérations défensives : cercled’habitations se refermant autourd’une placette et placées sous laprotection d’une maison forte (ACardulaccia), ou alignement desmaisons formant rempart sur unéperon rocheux (A Pighjola). Aucours du XIXe siècle, de nouvellesmaisons sont venues faire le lienentre les différents hameaux, sibien que de sept hameaux, onpasse à deux entités plusimportantes, l’Acquà inghjò etl’Acqua insù – chacune des deuxparties du village possédant safontaine propre. Ce phénomène de mutation del’espace villageois est renforcé parl’apparition d’une architecturepublique initiée sous le SecondEmpire et accentué pendant la IIIe

République. Apparaissent dans lesvillages de nouveaux « centres

village en sept hameaux, chacunconstituant une entité particulière.Si l’on s’attache à la disposition

Plan terrier de la Corse, rouleau n°27, détail © Archives départementales de laCorse-du-sud.

sari d’orcino, hameau A Cardulaccia.

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administratifs » : mairie et école,regroupées dans un seul bâtimentconstruit pour l’occasion, monu-mental à l’échelle du village, quisuit les plans types fixés parl’administration au niveaunational. La volonté généraled’améliorer le cadre de vievillageois correspond aussi à lamise en place d’éléments deconfort et de décoration. Dans cetesprit, les municipalités se dotentde fontaines publiques, parfoisdoublées de lavoirs municipauxqui deviennent des lieux sym-boliques de la communautévillageoise. En marge de cemouvement, la plupart des églisesparoissiales sont reconstruites,agrandies ou embellies, dans desstyles alliant prolongation tardivedu baroque d’inspiration italienneet emprunts au néo-classicismed’inspiration française.

UNE ARCHITECTURE RURALE

En dépit des multiplesremaniements qu’ont connus lesmaisons de village, celles-cilaissent encore apparaître unerelative unité dans la simplicité,témoignant de l’association étroiteentre les fonctions d’habitation etd’exploitation agricole. Les éléments qui composent lesmaisons paysannes obéissent à unmême schéma fonctionnel. Ontrouve généralement un étage desoubassement faisant office dedépendance agricole : abri pour lesanimaux, réserve, emplacementpour une meule ou un pressoir,cave. Celui-ci ne communique pasavec le rez-de-chaussée surélevéde l’habitation proprement diteauquel on accède soit de plain-pied grâce au dénivelé du terrain,soit par un escalier extérieurauquel s’ajoute parfois un perron(u scalonu) faisant la transitionentre les espaces publics et privés.Les escaliers intérieurs n’ap-paraissent souvent que lors desremaniements que connaît lamaison, reliant par exemple deuxétages d’habitation lors d’unesurélévation. Jusqu’au XIXe siècle, de la modestecasetta au casonu plus imposant,les habitations font appel auxmêmes matériaux : le granite pourles murs, la tuile canal en argilepour la toiture. Ces maisons sont de formerectangulaire, et leur toitureprésente des pans légèrementinclinés qui débordent à peine desmurs. L’appareil des murs estirrégulier et peut paraîtrerudimentaire : les pierres sont dedimensions variées et partiel-lement retaillées ; elles ne sont pasvraiment jointives et sont parfois

sari d’orcino, hameau A Pighjola.

Église de sari d’orcino.

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maison à soccia.

maison à Cristinacce.

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soccia, quartier A umbriccia

Perron, soccia.

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calées avec des éclats de petitetaille (e scaglie), démontrantparadoxalement un certain art del’assemblage. Les encadrementsdes baies et les chaînages d’anglesont les parties les plus soignées,pour lesquelles sont utilisées despierres de plus grande dimensionqui constituent souvent les seulséléments décoratifs de la maison.Les fenêtres de l’étage noble desmaisons de notables sont parfoisencadrées de niches. La fin du XIXe siècle voit égalementapparaître de nouveaux codesarchitecturaux dans les villages.S’inspirant de modèles urbains oucontinentaux, les familles les plusaisées font construire de petitsimmeubles villageois de trois ouquatre étages sur des parcellesplus grandes et indépendantes.Leurs façades présentent de largesfenêtres aux encadrementssoignés, disposées régulièrement,et s’organisant autour d’un portail

Calcatoggio.Symboles des nouvelles formes de notabilité qui s’affirment dans le courant du XIXe siècle, casonu et palazzu se détachent nettement du reste du bâti villageois, d’abord par leur taille,mais aussi par leur style. Par opposition à la majorité des maisons villageoises, le toit à quatrepans signale un bâtiment « fini » ne devant plus recevoir d’extensions.

niches, Coggia maiò.linteau surmonté d’un arc de décharge, soccia.

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à imposte ouvrant sur un escalierdistribuant les différents étages.Ces constructions marquentl’émergence d’une nouvelle formede notabilité – ou latransformation des formesanciennes – qui imposeprogressivement dans le bâtivillageois les marques de saréussite.

la dominante agro-pastorale

UNE AGRICULTURE VIVRIÈRE

Que ce soit sur le territoire ducanton du Cruzzini-Cinarca, desDeux Sevi ou des Deux Sorru, lepatrimoine bâti conserve la traced’un mode de vie agro-pastoraltraditionnel, dans lequel l’agricul-ture constituait avant tout lemoyen d’assurer sa subsistance. Jusqu’au XIXe siècle, les guerressuccessives et les raids barbares-ques n’ont pas permis de Cette économie a laissé dans le

paysage des traces qui lui sontpropres. Les distances qui séparentl’habitation principale du lieud’exploitation ou des terres depacage sont souvent importantes.On construit ainsi par exemple desmaisons à proximité deschâtaigneraies ou de modestesbergeries le long des axes detranshumance, sur les lieuxd’estive. La culture des céréalesfait aussi étroitement partie decette agriculture traditionnelle.Encore une fois, cette culture viseessentiellement la subsistance.C’est ce dont témoignent lespaillers et les aires à battre dontil ne reste aujourd’hui que desvestiges, ou les terrasses soutenuespar des murets de pierre sèche qui,pour la plupart, ont cessé d’être

développer l’exploitation desterres fertiles. Même l’exploitationde la forêt d’Aïtone, pourtantpourvoyeuse d’un bois propice à laconstruction navale et doncintéressant pour une républiquemaritime telle que Gênes, alongtemps pâti du manqued’aménagement et de l’absenced’une route reliant la forêt à lamer. Les ponts dits « génois » dela Pianella et de Zaglia, dans lesgorges de la Spelunca, tout enconservant la silhouette pittores-que des ponts plus anciens, nedatent respectivement que dudébut et de la fin du XVIIIe siècle.Ils apparaissent d’ailleursdavantage comme des projetsémanant des communautés d’Otaet d’Evisa, visant à faciliter lesdéplacements de leurs membres,que comme des aménagementsgénois, la route reliant Aïtone àSagone, destinée à l’exploitationforestière ayant été privilégiée surcelle de Porto.

le « pont génois » de la Pianella, ota.

rezza.

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ensemencées à la fin de lapremière guerre mondiale, nonseulement en raison de l’exoderural, mais aussi de l’incapacité dece type de culture à faire face à laconcurrence extérieure.

L’ESSOR DU XIXE SIÈCLE AVANT LE

DÉCLIN DU XXE

La région connaît une période decroissance économique au XIXe

siècle, favorisée par la fin destroubles qui l’ont agitée pendantdes siècles. Longtemps repliées surleurs villages d’altitude, lescommunautés rurales peuventdésormais réutiliser l’ensemble deleur terroir, en particulier laplaine, où se trouvent les terres

Un exemple de densification du bâti villageois : Ota.

Les débuts du tourisme Au XIXe siècle, le tourisme naissant est uneactivité mondaine. Dans le sillage du Sud-Estde la France, la Corse commence à devenir unlieu de villégiature, destination d’agrémentpour passer l’hiver, ou de séjour à vocationthérapeutique, avec la vogue du thermalisme.Il s’agit alors d’offrir au voyageur fortuné desprestations à la hauteur de ses attentes ou deses rêves, tout en lui permettant de retrouverune partie de ses habitudes sociales. Ainsi, alors que les vertus des eaux de Guagnoétaient déjà reconnues, avec notamment laprésence d’un hôpital militaire, unétablissement de bains est construit sous leSecond Empire. Entièrement rénovée dans lesannées soixante-dix, la station estmalheureusement aujourd’hui fermée. Construit vers 1910, l’Hôtel des Roches Rougestraduit quant à lui le goût éclectique qui règneencore à l’époque. Les baies et les terrassesoffrent à la clientèle ce qu’elle est venuechercher : des vues splendides sur les Calanche,dans une atmosphère de luxe et de confortraffinés, dont la salle de restaurant, conçue ladécennie suivante, est l’image.

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riches et facilement cultivables, paropposition aux coteaux qui nécessitent desaménagements en terrasse. Cette mise envaleur est aussi rendue nécessaire par lacroissance démographique qui impose uneaugmentation de la production. Des cultures anciennes, comme celle de lavigne, du châtaignier ou de l’olivier,connaissent un véritable essor. Lesnombreux séchoirs à châtaignes et vestigesde moulins à huile ou à farine qui subsistenten témoignent. Ainsi, alors qu’on recenseseulement quatre moulins, dont deuxtombant en ruine, sur la commune de Sarid’Orcino au moment de l’élaboration du planterrier, à la fin du XVIIIe siècle, on endénombre neuf en état de fonctionner unecinquantaine d’années plus tard. Desmoulins à eau sont modernisés pourfavoriser les activités de production defarine, donnant à celles-ci un caractèreproto-industriel. Au cours de cette période, on tenteégalement de développer de nouvellescultures, comme celles du tabac ou desagrumes, en grande partie destinées àl’exportation.Malheureusement, cette ère de dynamismene dure pas suffisamment pour êtrevéritablement source de prospérité. Lesvillages subissent les conséquences de laGrande Guerre, de la crise économique dudébut du XXe siècle et de l’exode rural quis’accentue entre les deux guerres.Confrontées à la concurrence difficile àsoutenir des autres pays méditerranéens, enraison de coûts de production plus élevés etd’une modernisation insuffisante, la plupartdes cultures, anciennes et nouvelles, sontprogressivement délaissées. Les derniersmoulins hydrauliques cessent ainsi leuractivité au lendemain de la seconde guerremondiale. L’état dans lequel se trouve cepatrimoine témoigne du déclin d’un secteurqui était autrefois la principale composantede l’économie du territoire, mais qui negénère plus aujourd’hui qu’une activitérésiduelle.

Moulins, pour céréales et châtaignes à Piana.

Moulin à Rezza.

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Une ébauche de patrimoine industriel

Au milieu du XIXe siècle, de nombreuxindices minéralisés ont été découverts dansle granite de la micro-région par des « chercheurs de mines », donnant lieu àdes tentatives d’exploitation ayant toutesfait long feu. Dans le secteur compris entre Cargèse etMarignana, alors que ces indices s’étalentsur une longueur de 20 km pour unelargeur de 2 à 3 km, seul le secteur deLivida Mala a pu faire l’objet d’unetentative sérieuse d’exploitation au débutdu XXe siècle. Plusieurs amorces de galerieet un puits y furent creusés. Laminéralisation s’y avéra complexe etoriginale avec plomb, zinc, cuivre,molybdène, tungstène, etc. Un projet defonderie fut même ébauché. Cependant, la difficulté de transport du minerai et la faible extension de laminéralisation conduisirent très rapidement à l’abandon de l’exploitation dite « de Prunelli ». De même, alors que le gisement d'Osani semblait prometteur, ne furent exploitées qu’un peu moins de 2000

tonnes d’anthracite au début du XXe siècle. Puits etgaleries ont été étagés du village jusqu’au rivage dela baie de Gradelle. Un téléphérique a été construit,pour transporter le charbon jusqu’au rivage etpouvoir l’embarquer directement. Il fut malheu-reusement détruit par une tempête avant d’avoirréellement fonctionné. Pendant toute la premièremoitié du XXe siècle, le gisement fit épisodiquementl’objet de projets d’exploitation plus ou moinsfantaisistes qui donnèrent lieu à la création deplusieurs sociétés qui émirent même des actions,sans qu’aucun de ces projets n’aboutisse.On peut également mentionner l’existence, dans lecourant du XIXe siècle, d’un four à tuiles assezimportant près de Campu, sur la commune d’Ota,qui cuisait des argiles tirées d’un dépôt quaternaireen fond de vallon, ou encore d’une expérience

métallurgique dans la basse vallée de Porto visant à tirer parti des résidus de bois liés à l’exploitation de laforêt d’Aïtone : celle-ci tournera court puisque le haut fourneau ne sera jamais mis en fonction. Plusieurs scieries hydrauliques d’ébauchons de pipes de bruyère pourraient venir compléter le tableau d’unsecteur d’activité resté, en dépit de ces multiples tentatives, définitivement marginal.

Mine de Marignana.

Gisement carbonifère à Osani.

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Abside : pièce saillante du corps dubâtiment auquel elle se rattache, etqui présente son propre volume. EnCorse, les absides romanes sontgénéralement voûtées en cul de four(en forme de quart de sphère).

Arc de décharge : i l permetl’allégement de la pression imposéeau linteau, en la répartissant sur unarc, souvent formé de claveaux, quila repousse sur les côtés.

Arcature : suite de petites baies librescouvertes d’un arc. Lorsque celles-cisont adossées à un mur plein, commedans les édifices romans de Corse,on parle « d’arcature aveugle ».

Archère : meurtrière, ou baie ouvertedans un mur pour le tir à couvert,dont les fentes s’évasent souvent auxextrémités.

Appareil : type de taille et d’agen-cement de pierres ou de briques dansla construction d’un mur ou d’unélément de mur.

Bastion : dans les fortifications del’époque moderne, ouvrage bas etpentagonal faisant avant-corps sur uneenceinte.

Benemeriti : désigne les notablescorses qui ont soutenu les intérêts deGênes dans l’île, le plus souvent parleur aide militaire. En échange decette fidélité, Gênes leur accorde labenemeranza, qui se concrétise parde nombreux avantages comme leport d’arme, le droit de fortifier sa

maison, des exemptions d’impôt et labienveillance de la justice.

Bretèche : logette rectangulaire ensurplomb, souvent au-dessus d’uneouverture, et abritant un mâchicoulispour permettre le tir.

Casteddu ou castellu : terme géné-rique désignant en Corse unefortification depuis la préhistoirejusqu’au Moyen Âge.

Chaînage d’angle : système d’appa-reillage des pierres à l’angle d’un murpour éviter sa dislocation.

Claveau : pierre taillée en forme decoin, dont l'assemblage permet laconstitution d'un arc ou d'une voûte.

Cordon : moulure ou corps demoulures horizontal, sans autrefonction que décorative. Il peutmarquer, par exemple, la délimitationentre les deux niveaux d’une tourgénoise.

Créneau : entaille rectangulaire dansun parapet.

Cupule : terme utilisé en archéologiepour désigner un creux circulaire faitpar l'homme à la surface d'une dalleou d'un rocher.

Echauguette : ouvrage en surplombcontenant une pièce pour le guet.

Encorbellement : surplomb allongéporté par une suite de supports(corbeaux, consoles, etc.).

Linteau : bloc de pierre, pièce debois ou de métal, couvrant une baieet recevant la charge des partiessituées au-dessus pour la reporter surles deux points d’appui.

Mâchicoulis : élément de défense enencorbellement et présentant uneouverture pour faire tomber desprojectiles sur les assaillants à la basedu mur.

Modillon : petit support, parfois,placé sous une corniche, ou à laretombée d’une arcature, à vocationdécorative.

Oculus : ouverture circulaire ou ovaledans un mur.

Parapet : mur plein formant garde-corps ayant, dans l’architecturemilitaire, fonction de protection.

Piève : circonscription administrativeet religieuse, instaurée avec ladomination pisane, qui subdivise undiocèse. Sur le plan religieux, elle estremplacée par la paroisse ; sur leplan administratif, elle l’est par lecanton, en 1790. Par extension,désigne l’église principale duterritoire, qui possède l’exclusivité dela fonction baptismale.

Pilastre : membre vertical formé parune faible saillie rectangulaire d’unmur et ayant les caractéristiques d’unsupport (pilier ou colonne). Il estgénéralement muni d’une base et d’unchapiteau.

GLOSSAIRE

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CESARI (J.), Corse des origines, Éditions du patrimoine, 1999.COLLECTIF, La Corse et le tourisme, Albiana/Musée de la Corse, 2006.COLOMBANI (PH.), Héros corses du Moyen Âge, Albiana, 2010.DOAZAN (L.), « U Castellu di e Rocche di Sia », Etudes corses, 24, 1985, p. 49-130.DOAZAN (L.), Le couvent Saint-François de Vico, Alain Piazzola, 2001.FRANZINI (A.), La Corse du XVe siècle, Politique et société, 1433-1483, Alain Piazzola, Ajaccio, 2005. GAUTHIER (A.), Des roches, des paysages et des hommes, Albiana, 2006.GIOVANNANGELI (G.), « Recherches sur les castelli Cinarchesi à la fin du Moyen Âge (1340-1505), Bulletin de la société des sciences historiqueset naturelles de la Corse, 659, 1991, p. 99-123. GIOVANNI DELLA GROSSA, Chronique médiévale corse, trad. M. Giacomo-Marcellesi et A. Casanova, La Marge, 1998.GRAZIANI (A.M.), Les tours littorales, Alain Piazzola, 1992.GRAZIANI (A.M.), « Etude des inventaires de châteaux de Cinarca, 1450-1500 : une aide à l’archéologie », Patrimoine d’une île, 1, Service ré-gional de l’archéologie, Ajaccio, 1995, p. 97-103. GRAZIANI (A.M.), La Corse génoise, économie, société, culture, 1453-1768, Alain Piazzola, 1997.ICHER (F.), Regards sur le patrimoine, CRDP académie de Montpellier, 2008.ISTRIA (D.), Pouvoirs et fortifications dans le nord de la Corse, XIe-XIVe siècles, Alain Piazzola, 2005.LEANDRI (F.), CHABOT (L.), Monuments de Corse, Edisud, 2003.MATTIOLI (M.), Canton Les Deux Sevi, « Images du Patrimoine », Inventaire général/Alain Piazzola, 1999.MORACCHINI-MAZEL (G.), Les églises romanes de Corse, vol. I, II, Klincksieck, Paris, 1967.RAULIN (H.), RAVIS-GIORDANI (G.), L'architecture rurale française, Corse, Berger-Levrault, 1978.STEPHANOPOLI (P.), Histoire des Grecs en Corse, Lacour éditions, 1999.

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Avec la classeASTOUL (G.), 50 activités pour découvrir le patrimoine à l’école et au collège, CRDP Midi-Pyrénées, 2003.GIORGETTI (G.), 50 documents pour une histoire de la Corse, CRDP de Corse, 2006.

ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQIES

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUESJ.-F. Paccosi/CRDP de Corse - A. Gauthier, p. 7, 16, 36 - D. Istria / INRAP, p. 10 - M. Harnéquaux, p. 20 - L. Chabot, p. 22, 23.

ADRESSES UTILESArchives départementales de la Corse-du-Sud, rue François Pietri, 20090, Ajaccio.CAUE 2A (Conseil d’architecture d’urbanisme et d’environnement de la Corse-du-Sud) 30 cours Napoléon, 20000 Ajaccio.Tél. : 04 95 21 19 48.

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Chef de projet : Mathieu HarnéquauxConception réalisation

maquette : Évelyne LecaPhotographe : Jean-François PaccosiCartes et illustrations : Jean Delmotte

Imprimé en France© CNDP-CRDP de Corse - 2010

Dépôt légal : juillet 2010Éditeur nº 86 620

Directeur de la publication : JEAN-FRANÇOIS CUBELLS

Nº ISBN : 978 2 86 620 251 4Achevé d’imprimer sur les presses de

l’imprimerie Louis Jean - 05000 - GAP

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Le patrimoine bâti des cantons des DEUX SEVI, des DEUX SORRU et du CRUZZINI-CINARCA offre de multiplesfacettes, ici présentées en quatre circuits. En s’appuyant sur ce patrimoine, chaque circuit tente de faire ressortirun trait dominant d’une grande séquence historique : la localisation de l’habitat sur le littoral durant laPréhistoire et l’Antiquité ; l’église et le château au cœur de la structure médiévale ; les tours du littoral commesymbole de la présence génoise à l’époque moderne ; l’apogée de la société agro-pastorale au XIXe siècle. Sansprétendre à l’exhaustivité, l’ouvrage tente ainsi de fournir des entrées pour une meilleure compréhension dupatrimoine de l’ensemble de ce territoire.

Réf. : 200 B 9988

www.crdp-corse.fr