thérapies_troisième_vague_dionne&blais cas de pierre 2

76
En-tête : THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE Les Thérapies ES THÉRAPIES Comportementales et Cognitives COMPORTEMENTALES ET COGNITIVES de DE Troisième Vague : TROISIÈME VAGUE : CONCEPTUALIS Conceptualisation et ATION ET Illustration ILLUSTRATION à À Partir d’un Cas Clinique PARTIR D’UN CAS CLINIQUE Frédérick Dionne DIONNE et Marie-Claude Blais Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ-CHUL) Marie-Claude BLAIS Département de psychologie, Université du Québec à Trois- Rivières

Upload: caramel47

Post on 02-Dec-2015

55 views

Category:

Documents


2 download

TRANSCRIPT

Page 1: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

En-tête : THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Les ThérapiesES THÉRAPIES Comportementales et

CognitivesCOMPORTEMENTALES ET COGNITIVES deDE Troisième Vague :

TROISIÈME VAGUE : CONCEPTUALISConceptualisation et ATION ETIllustration

ILLUSTRATION àÀ Partir d’un Cas CliniquePARTIR D’UN CAS CLINIQUE

Frédérick DionneDIONNE et Marie-Claude Blais

Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ-CHUL)

Marie-Claude BLAIS

Département de psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières

Note de l’Auteur

Frédérick Dionne, Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ-CHUL);

Marie-Claude Blais, Département de psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières.

La correspondance concernant ce chapitre doit être adressée à Frédérick Dionne,

Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ-CHUL), 2705, boul. Laurier

Page 2: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Québec (Québec), G1V 4G2, Canada

Adresse courriel : [email protected]

Ph.D., psychologue (adresse de correspondance)

Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ-CHUL)

2705, boul. Laurier

Québec (Québec), G1V 4G2, Canada

Adresse courriel : [email protected]

Téléphone : 418-654-2707 poste 46866

Marie-Claude Blais, Ph.D.

Département de psychologie

Pavillon Michel-Sarrazin

Université du Québec à Trois-Rivières, C.P. 500

Trois-Rivières (Qc) Canada, G9A 5H7

Téléphone : (819) 376-5011 #4020

Adresse courriel : [email protected]

2

2

Page 3: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Les Thérapies Comportementales et Cognitives de Troisième Vague : Conceptualisation

et Illustration à Partir d’un Cas Clinique

LES THÉRAPIES COMPORTEMENTALES ET COGNITIVES DE TROISIÈME

VAGUE : CONCEPTUALISATION ET ILLUSTRATION À PARTIR D’UN CAS

CLINIQUE

INTRODUCTION

Au cours des dernières années, on a remarqué l’avènement d’un nombre important

de théories et méthodes dans la grande famille des thérapies comportementales et

cognitives (TCC). Ces théories et méthodes, quelles soient entièrement nouvelles ou le

fruit d’un renouvellement contemporain des interventions classiques, sont à ce point

différentes des pratiques traditionnelles que plusieurs croient en l’émergence d’une

troisième vague de TCC. Qu’entendons-nous par « vague »? En quoi les approches

récentes se distinguent-elles des modèles traditionnels? Ce chapitre vise d’une part à

définir et situer historiquement cette « troisième vague » et, d’autre part, à décrire ses

aspects conceptuels et pratiques à partir d’un cas clinique de dépression. Voici tout

d’abord quelques données cliniques illustrant l’histoire d’un client que nous suivrons tout

au long du chapitre.

Le cas de Pierre

Pierre a 52 ans. Il est divorcé et a deux enfants dans la vingtaine qui ne vivent plus

à la maison. Il est en arrêt de travail depuis trois semaines à la suite d’un diagnostic de

« dépression majeure » émis par son médecin de famille. Pierre rapporte une diminution

d’intérêt pour les activités quotidiennes qui lui plaisaient auparavant, une humeur

maussade, une baisse d’énergie et des difficultés d’attention et de concentration.

3

3

Page 4: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

L’apparition de ses symptômes dépressifs coïncide avec la survenue de deux événements

stressant dans sa vie. Il a perdu son emploi en raison de la fermeture de l’usine où il

travaillait. Aussi, il s’est récemment séparé de sa conjointe avec qui il partageait sa vie

depuis les cinq dernières années.

Actuellement, il se sent seul et regrette d’avoir perdu contact avec quelques amis

proches. Il ressent également de la culpabilité de ne pas visiter ses enfants plus

régulièrement. Au quotidien, sa routine est déréglée. Il a tendance à remettre les tâches au

lendemain, n’ayant pas envie et ne sachant pas par où débuter. Lorsqu’il fait face à une

tâche qui génère pour lui une trop grande anxiété (par ex., entretien ménager,

réparations), il a pris l’habitude d’aller faire une sieste. Lorsque Pierre se sent triste, il

passe beaucoup de temps à tenter de comprendre pourquoi il se sent ainsi. Il a

l’impression que comprendre les causes de sa dépression va l’aider à se sortir de cette

impasse. Il se dit que « ce n’est pas normal » et qu’il devrait être plus fort face à cette

situation. Lorsque des situations extérieures lui rappellent sa conjointe ou la perte de son

emploi, il se sent déprimé et entretient des pensées comme : « ma vie est un échec », « je

ne trouverai jamais une nouvelle conjointe », « je suis incompétent ».

Les Ttrois Vvagues dDE e TCC

Les TCC, par l’application d’une méthodologie rigoureuse, visent à comprendre et

modifier les comportements humains afin de traiter les troubles psychologiques

(Chaloult, Ngo, Goulet, & Cousineau, 2008). Elles sont validées empiriquement pour le

traitement de différents troubles anxieux, alimentaires et de l’humeur, telle la dépression

(Butler, Chapman, Forman, & Beck, 2006). Plusieurs auteurs distinguent trois grands

courants historiques ou « vagues » dans les TCC (p. ex., Cottraux, 2007; Dionne &

4

4

Page 5: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Neveu, 2010; Hayes, 2004). Une vague réfère à un regroupement de thérapies qui

partagent un ensemble de caractéristiques communes en ce qui a trait à leur philosophie,

à leur théorie ainsi qu’à leurs objectifs et méthodes (Hayes, 2004).

La Ppremière Vvague

La première génération de TCC est représentée par des thérapies

comportementales qui apparaissent autour des années 1950 en réaction aux approches

psychodynamiques et humanistes. Tirant leur origine du béhaviorisme, ces thérapies

portent leur attention sur les comportements observables, lesquels sont les seuls à pouvoir

être étudiés étant donné la capacité à les mesurer et à les quantifier. Il s’agit là d’une

distinction majeure par rapport aux méthodes introspectives qui s’intéressent aux causes

psychiques des phénomènes psychologiques, lesquels demeurent peu accessibles aux

scientifiques. La caractéristique principale des thérapies de cette génération est qu'elles

reposent sur les théories de l’apprentissage, de sorte que les comportements

pathologiques peuvent être appris et désappris. Les thérapies comportementales

s’appuient traditionnellement sur deux principaux modes d’apprentissage : le

conditionnement répondant et le conditionnement opérant.

Dans le conditionnement classique ou répondant, on souhaite modifier le

comportement en agissant sur les antécédents ou les stimuli qui précèdent le

comportement. Ivan Pavlov, John Watson, Joseph Wolpe ont été les plus importants

contributeurs dans ce domaine. Comme nous l’apprennent les recherches sur la fonction

digestive des chiens, dans le conditionnement classique de Pavlov (1927), il s’établit une

corrélation ou un couplage entre deux stimuli. Ainsi, lorsqu’un stimulus neutre est

associé à répétition à un autre stimulus, un conditionnement ou réflexe conditionnel se

5

5

Page 6: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

crée. C’est Watson (1924/1925), créateur du béhaviorisme, qui démontre avec

l’expérience bien connue du petit Albert, qu’une émotion phobique peut être

conditionnée de cette façon. Ce modèle fondé sur le conditionnement « stimulus-

réponse » a d’ailleurs inspiré Wolpe (1958) pour la mise au point d’un traitement des

phobies par la désensibilisation systématique. Cette méthode montre comment il est

possible d’amener un déconditionnement en exposant le client à la situation crainte tout

en évoquant une réponse contraire à l’anxiété, comme par exemple la relaxation.

L’immersion en imagination ou in vivo, l’exposition aux sensations physiques

anxiogènes, l’exposition graduée in vivo combinée à la prévention de la réponse, sont

d’autres techniques issues du conditionnement classique ou répondant (Chaloult et al.,

2008, p. 29-39). Ainsi, dans le cas de Pierre, le simple fait d’entrer dans le bureau du

psychologue évoque de façon quasi automatique (ou réflexe) une réaction de tristesse, car

il y a beaucoup pleuré.

Dans le conditionnement opérant, un comportement normal ou pathologique est

conditionné par ses conséquences. Thorndike (1927) et Skinner (1938) sont à l’origine de

cette découverte et des traitements qui en découlent. Le conditionnement opérant vise à

contrôler le comportement en établissant une contingence de causalité avec ce qui suit

immédiatement ce comportement dans le temps. Un renforcement positif (p. ex., l’ajout

d’une conséquence agréable comme une récompense) ou négatif (p. ex., le retrait d’une

conséquence désagréable ou d’un stimulus aversif), est un stimulus qui, lorsqu’il suit

immédiatement un comportement, augmente la probabilité de son apparition future.

Ainsi, un comportement apparaissant dans une situation donnée aura davantage tendance

à se reproduire dans cette même situation s’il est suivi d’une conséquence agréable.

6

6

Page 7: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Contrairement au renforcement, la punition diminue la probabilité qu’un comportement

soit émis de nouveau. Différents programmes de renforcement (à intervalles ou à

proportions fixes, variables) et d’autres principes comme l’extinction, le façonnement et

l’apprentissage vicariant figurent parmi les procédés utilisés pour parvenir à des

changements de comportements. La mise en place de procédures comme le contrôle

institutionnel, le contrôle de soi, l’aversion ou les punitions découle des principes du

conditionnement opérant (Chaloult et al., 2008, p. 45-50).

Selon la perspective du conditionnement opérant, la dépression s’explique par une

diminution de la fréquence de renforcement combinée à un niveau élevé de conséquences

aversives (Ferster, 1973a; Lewinsohn, 1974; Skinner, 1953). Dans notre illustration

clinique, Pierre a récemment vécu la perte de son emploi et le départ de sa conjointe. Cela

a eu un effet punitif chez lui. De surcroît, cette situation ne lui donne plus accès à des

sources de renforcement positif importantes comme de l’attention, du soutien et de la

valorisation. Certains comportements de Pierre ne se trouvant plus renforcés, ils ont

tendance à s’éteindre pour faire place graduellement à des comportements d’évitement et

de passivité. Puisqu’ils permettent de le soulager temporairement de ses émotions de

tristesse et d’anxiété, Pierre a tendance à répéter ces comportements d’inaction

(renforcement négatif). Malheureusement, ces comportements ne favorisent pas le

contact avec du renforcement positif, ce qui a pour effet d’alimenter la dépression.

Skinner a élaboré la philosophie du behaviorisme radical selon laquelle seul le

comportement observable doit être étudié, étant donné la capacité à le mesurer. Il admet

néanmoins l’existence de variables cognitives internes à l'individu qu’il a appelées les

comportements verbaux ou langagiers (Skinner, 1957). Ceux-ci peuvent être compris et

7

7

Page 8: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

étudiés au même titre que les comportements dits observables, mais sans statut causal

particulier. Cependant, le modèle de Skinner n’a pas donné naissance à une forme de

psychothérapie pouvant intégrer les comportements verbaux internes (comme penser). La

révolution cognitive (la deuxième vague) qui était alors en émergence a aussitôt attiré

toute l’attention.

La Ddeuxième Vvague

L’émergence des sciences cognitives à laquelle on assistait au début des années

1960 a permis d’étudier l’influence des processus cognitifs dans la souffrance

psychologique et l’apparition de comportements pathologiques. Il s’agit du modèle de

l’apprentissage fondé sur la métaphore du « traitement de l’information » ou l’approche

cognitive. La thérapie des construits personnels de Kelly (1955), la thérapie émotivo-

rationnelle de Ellis (1962) et la thérapie cognitive de Beck (1967) sont parmi les

approches les plus connues de ce courant. À l’heure actuelle, la plupart des thérapeutes

utilisent les thérapies comportementales et cognitives de façon combinée et des

théoriciens comme Hogdson et Rachman (1974), Bandura (1977) et Meichenbaum

(19771977) ont contribué à cette juxtaposition. Par exemple, dans leur traitement de la

dépression, Beck, Rush, Shaw et Emery (1979) emploient à la fois des techniques

cognitives, comme la restructuration cognitive, et comportementales, comme

l’augmentation des activités agréables avec le registre des activités quotidiennes. Il existe

aussi des modèles théoriques intégratifs (p. ex., la thérapie des schémas de Young,

Klosko, & Weishaars, 2003) et plus complexes pour expliquer les psychopathologies (p.

ex., Beck, 1996; Hofmann & Otto, 2008). Or, le modèle ABC illustrant la combinaison

8

8

Page 9: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

des variables cognitives et comportementales est certes le plus répandu dans la pratique

clinique et constitue le prototype des approches de la deuxième vague.

Le modèle ABC de la thérapie cognitive.

La grille d’analyse ABC de la thérapie cognitive est un outil fort utile. Ce modèle

met en évidence l’idée selon laquelle les individus ne réagissent pas aux événements en

tant que tels, mais à l’interprétation qu’ils en font. Dans la thérapie cognitive,

l’application de cette notion a donné lieu à une technique centrale via l’utilisation d’un

tableau d’enregistrement des pensées dysfonctionnelles, appelé aussi la technique des

cinq colonnes (Chaloult et al., 2008). Dans la façon de procéder d’Ellis (1999), qui

s’apparente à celle de Beck (pour des raisons pratiques, Beck et al., 1979 inversent le B et

le C), il est suggéré au client de suivre une séquence en cinq étapes qui sont représentées

par les lettres ABC et DE.

Tel qu’illustré au Tableau 1, la lettre A représente l’événement déclencheur

(activating event), telle une situation extérieure (p. ex., un conflit) ou intérieure (p. ex.,

une sensation physique) qui amène une réponse émotionnelle et comportementale,

représentée par la lettre C. Dans le cas de Pierre, lorsqu’il aperçoit un couple dans la rue

(A), il éprouve de la tristesse, baisse les yeux et évite de regarder (C). Entre la situation et

l’événement, Pierre se dit « ma vie est un échec », « je ne trouverai jamais une nouvelle

conjointe ». Ces réactions représentées dans le tableau par la lettre B sont appelées

« croyances irrationnelles » (Ellis) ou « pensées automatiques » provenant de schémas

cognitifs inadaptés (Beck). Dans le cas d’une dépression, c’est la triade cognitive qui est

ciblée, c’est-à-dire les croyances que l’individu entretient à propos de lui-même, du

monde et des autres (Beck et al., 1979).

9

9

Page 10: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

_________________________________________

Insérer le Tableau 1 ici

__________________________________________

Un objectif central de la thérapie cognitive est la modification du contenu des

pensées chez l’individu. La quatrième colonne (D) représente l’étape de la restructuration

cognitive. À cette étape, les interventions du thérapeute visent à ébranler les pensées

irrationnelles du client pour les remplacer par des pensées plus réalistes ou rationnelles

(Chaloult et al., 2008), amenant graduellement un changement au niveau des croyances

de l’individu. Le questionnement socratique est l’une des techniques qu’il emploie pour

amener le client à adopter une vision plus adaptée de la réalité. Le thérapeute

questionnerait par exemple la croyance « ma vie est un échec » de façon à amener Pierre

à adopter une vision plus juste des faits. Quelles sont les preuves (et les contre-preuves)

qui soutiennent la croyance selon laquelle votre vie est un échec? Cette pensée contient-

elle des distorsions cognitives? Est-elle basée sur des faits? Ainsi, une nouvelle croyance

plus réaliste pourrait être formulée comme « j’ai eu des difficultés dans ma vie, mais

globalement, j’ai réussi davantage que j’ai échoué ». Dans un modèle cognitif, en somme,

les interventions ont pour objectif de modifier les croyances dysfonctionnelles afin d’agir

ultimement sur la réponse comportementale et affective.

Les limites de la TCC traditionnelle.

Les théories et thérapies cognitives telles qu’elles ont été conçues et

traditionnellement employées ont soulevé diverses critiques récemment (Gaudiano, 2010;

pour une revue et discussion). Essentiellement, ces critiques concernent la philosophie

sous-jacente au traitement, le modèle du traitement de l’information sur lequel la théorie

10

10

Page 11: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

est fondée et ses appuis en recherche fondamentale, le rôle médiateur de la cognition et la

visée principale de la thérapie.

Une philosophie mécaniste des problèmes. La TCC traditionnelle privilégie une

conception « mécanique » des comportements humains. L’être humain y est comparé à

une machine dont les différentes composantes sont en interaction. On suppose donc qu’en

modifiant l’une de ses composantes qui ne fonctionne pas correctement (p. ex., une

croyance irrationnelle), on aura un impact sur le fonctionnement global de l’individu.

Cette conception permet de prédire les comportements dans le but de déterminer une

cause singulière au trouble psychologique sur laquelle diriger l’intervention

thérapeutique. Selon ce modèle mécanique, la dépression de Pierre s’expliquerait par un

dysfonctionnement à l’intérieur de lui, notamment en raison de schémas cognitifs

inadaptés. Dans l’approche cognitive, l’intervention consisterait alors en la modification

de ces pensées et schémas de façon à ce qu’ils soient plus adaptés à la réalité.

Aujourd’hui, certains praticiens remettent en question cette vision mécanique des

problèmes (p. ex., Ciarocchi & Bailey, 2008) et adoptent plutôt une conception du monde

fondée sur un contextualisme fonctionnel (Hayes, 1993), laquelle avait été initialement

proposée par Ferster (Ferster, 1973ba) et Lewinsohn (Lewinsohn, 1974; Lewinsohn &

Graf, 1973).

Le modèle du traitement de l’information. Le modèle du traitement de

l’information des sciences cognitives se fonde sur cette philosophie mécaniste des

problèmes. Il s’agit d’un modèle mentaliste, car les processus mentaux y sont vus comme

les causes du comportement (Dougher & Hayes, 2000). Mais avec l’adoption des

méthodes cognitives basées sur ce modèle, la tradition comportementale a perdu son

11

11

Page 12: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

essence. En effet, le leitmotiv de la TCC est l’application de principes rigoureux issus de

la recherche. Or, malgré la volonté d’arrimer les recherches découlant des sciences

cognitives à la pratique clinique, le lien entre la thérapie cognitive et les sciences

cognitives ou les neurosciences demeure relativement faible. La thérapie cognitive a

émergé de la pratique clinique, et non de la recherche fondamentale. Ce manque d’appuis

issus de la recherche fondamentale pose problème, ce qui pousse des auteurs comme

Jacobson (1997) à nous inciter à revenir aux racines de la thérapie comportementale,

c’est-à-dire à la pensée analytique et fonctionnelle et aux principes d’apprentissage

démontrés dans les recherches en laboratoire.

Le rôle médiateur des pensées. Il n’est pas démontré qu’il est nécessaire de

modifier le contenu des pensées pour amener un changement sur le plan comportemental

ou émotif (Longmore & Worrell, 2007). Jacobson et ses collègues (Jacobson et al., 1996 ;

Gortner, Gollan, Dobson, & Jacobson, 1998) en sont venus à cette conclusion à la fois

excitante et controversée au cours de travaux visant à identifier les ingrédients actifs de la

thérapie cognitive de Beck pour la dépression (Beck et al., 1979). Ils ont montré que

l’activation comportementale, employée seule, comparativement à l’arsenal complet des

techniques cognitives et comportementales (activation comportementale, modification

des pensées automatiques et des schémas), suffisait pour améliorer l’humeur de façon

significative et durable.

La diminution des symptômes. Les approches de première et de deuxième vague

tentent de modifier la forme et la fréquence des pensées, émotions et comportements

problématiques. Au même titre que l’on tentait de diminuer l’anxiété par des techniques

telles que la désensibilisation systématique ou la relaxation (dans les approches de la

12

12

Page 13: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

première génération), la thérapie cognitive cherche également à réduire la fréquence et

l’intensité des pensées principalement grâce à la restructuration cognitive (émotions,

sensations). L’accent est donc mis sur le contrôle des symptômes. Ces changements sont

de premier ordre, car ils visent à agir directement sur les symptômes. Comme nous le

verrons plus loin, le point d’intérêt des thérapies de la troisième vague est différent.

La Ttroisième Vvague

Pendant que la thérapie cognitive est en plein essor, un autre courant de TCC se

dessine à partir du début des années 1980. Zettle et Hayes (1982) proposent une TCC qui

se distingue de celle de Beck, Ellis et Meichaubaum et qui se rapproche davantage du

béhaviorisme radical de Skinner dans la façon d’aborder les phénomènes cognitifs. Hayes

(1987) développe une thérapie nommée cComprehensive distancing qui deviendra la

tThérapie d’acceptation et d’engagement (Acceptance and Ccommitment T therapy ou

« ACT » à prononcer comme le mot « acte »; Hayes, Strosahl, & Wilson, 1999; voir la

Partie 2 dans cet ouvrage). Les découvertes de Hayes (et Zettle) sont la clef de voûte

permettant à Kohlenberg et Tsai (1991) d’appliquer les principes de Skinner aux

interactions entre thérapeute-client, donnant par le fait même naissance à la tThérapie

analytique fonctionnelle (fFunctional analytic psychotherapy, FAP; Kolhenberg et al.,

20042; voir Maurage et Schoendorf dans cet ouvrage). Deux autres approches sont nées

du behaviorisme radical, dont la thérapie de couple intégrative (Jacobson & Christensen,

1996; voir Allard dans cet ouvrage) et deux variantes de la thérapie d’activation

comportementale (Martell, Addis, & Jacobson, et al., 2001; voir également Addis &

Martell, 2009; Lejuez, Hopko, & Hopko, 2001). Une autre approche, celle-ci davantage

cognitive que comportementale, appelée la thérapie cognitive fondée sur la pleine

13

13

Page 14: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

conscience pour la dépression (Segal, Williams, & Teasdale, 2002; voir la partie 1 de cet

ouvrage) provient pour sa part d’une intégration de la thérapie cognitive de Beck et al.

(1979) et du programme de réduction du stress de Kabat-Zinn (1990), lui-même

fortement influencé par la tradition bouddhiste. C’est en 2004 que l’appellation

« troisième vague » fut employée pour la première fois dans un article publié par Hayes

(2004) et dans un ouvrage collectif (Hayes, Follette, & Linehan, 2004). Marsha Linehan,

qui figure parmi les éditeurs de cet ouvrage, y présente sa tThérapie cComportementale

dDialectique. Linehan (1993) a été l’une des premières à introduire la méditation Zen et

des techniques fondées sur l’acceptation au cœur d’une pratique clinique d’approche

comportementale et cognitive (voir le chapitre de D. Page dans cet ouvrage).

Les approches de cette troisième génération partagent un ensemble de caractéristiques

communes, dont la principale consiste en l’application rigoureuse de l’analyse clinique

du comportement (cClinical behavior analysis). Les termes « pPsychothérapie

comportementale » (Ramnerö & Törneke, 2008), « tThérapie comportementale

analytique » ou « aApproches fondées sur l’acceptation et la pleine conscience » sont

utilisés pour décrire l’application des hypothèses, principes et méthodes propres au

béhaviorisme radical de Skinner à des problèmes ou questions touchant des populations

cliniques ou impliquant la thérapie par la parole1 (Kolhenberg, Bolling, Kanter, & Parker,

2002). En outre, les approches de troisième vague se rapprochent davantage de la

première que de la deuxième génération au plan épistémologique (voir Dougher &

Hayes, 2000; Fontaine, Ylieff, & Fontaine, 2009), mais en y ajoutant des concepts

1 Il importe de mentionner que la thérapie cognitive fondée sur la pleine conscience (Segal et al., 2002), ne provient pas directement des principes énoncés par Skinner, mais partage plusieurs caractéristiques avec les approches de la troisième vague. Il en est de même avec la thérapie comportementale dialectique (bien qu’elle soit plus proche).

14

14

Page 15: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

nouveaux comme la conscience, l’acceptation, le moment présent, les valeurs, la

compassion, la relation thérapeutique, etc. Plusieurs de ces approches intègrent, à

différents niveaux, des principes qui sous-tendent certaines formes de méditation et autres

façons de faire traditionnellement vues comme appartenant à d’autres orientations

psychothérapeutiques.

L’adoption d’une vision du monde fondée sur le contextualisme fonctionnel, la

découverte de la tThéorie des cadres relationnels, le type de changements visés et l’ajout

de méthodes thérapeutiques expérientielles justifient ainsi la nomination de ce

« paradigme nouveau » que constituent les approches de la troisième vague.

Le contextualisme fonctionnel.

Par rapport à la philosophie mécaniste qui sous-tend les approches de la seconde

vague de TCC, l’adoption d’un contextualisme fonctionnel, ayant comme objectif de

prédire, mais aussi d’influencer les comportements humains, représente un tournant

majeur dans l’évolution des TCC. Il s’agit en fait d’un retour au béhaviorisme radical de

Skinner (Jacobson, 1997), mais dans une forme contemporaine. Selon une vision

contextuelle, les raisons qui expliquent la dépression de Pierre ne résident pas à

l’intérieur de lui (par ex., des distorsions cognitives ou un schéma inadapté que l’on doit

modifier; conceptualisation mécaniste), mais plutôt dans son contexte. Le contexte réfère

aux échanges (transactions) entre l’individu et l’environnement, lesquels sont continuels

et changeants (Martell et al., 2001). Comme l’illustre la Figure 2, les frontières entre

l’individu et le monde extérieur se recoupent. Dans le cas de Pierre, la rupture amoureuse

et la perte d’emploi, de même que la façon dont il transige avec ces événements

extérieurs forment un contexte qui lui est défavorable et qui a contribué à l’apparition et

15

15

Page 16: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

au maintien de la dépression. Selon cette conceptualisation, l’intervention sur l’une ou

l’autre des composantes du problème (comme les schémas ou encore les

neurotransmetteurs par de la médication) ne permettrait pas de résoudre entièrement la

dépression de Pierre, car le contexte au sein duquel les symptômes ont fait leur apparition

ne s’en trouverait que très peu modifié.

Un principe d’apprentissage nouveau.

Plus haut, nous avons abordé le constat selon lequel l’ajout de variables cognitives

au sein des thérapies de la seconde génération n’était pas entièrement cohérent avec les

données de la recherche fondamentale. À l’inverse, les approches de la troisième vague

se fondent généralement sur des phénomènes empiriquement démontrés en laboratoire.

C’est le cas notamment de la tThéorie des cadres relationnels (rRelational frame theory;

Hayes, Barnes-Holmes, & Roche, 2001) qui, en étudiant les phénomènes de la cognition

et les comportements verbaux à l’aide de recherches expérimentales génère des

fondements solides à l’ACT. La tThéorie des cadres relationnels rend compte de

phénomènes que les conditionnements opérant et répondant ne peuvent expliquer, car elle

concerne les processus cognitifs et les particularités du langage chez l’humain. Pour

certains, cette théorie fait la démonstration d’un principe d’apprentissage nouveau qui va

au-delà des travaux de Skinner (1957) sur les comportements verbaux (voir Gross & Fox,

2009).

En outre, la tThéorie des cadres relationnels explique les raisons pour lesquelles

suivre des règles mentales (p.ex., « la souffrance n’est pas normale et je dois par

conséquent l’éviter ») peut influencer nos comportements en dépit de l’inefficacité de ces

règles. De fait, elle montre comment l’être humain est constamment en train de relier des

16

16

Page 17: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

stimuli entre eux non seulement en fonction de leurs caractères physiques (« cet objet est

plus grand ou plus petit que »), mais en fonction de leurs caractéristiques arbitraires

établies par pure convention sociale (comme « ceci est meilleur que cela » ou « cela est

mauvais »). Ces associations et comparaisons entre les stimuli peuvent aller à l’infini.

Dans le cas de Pierre, même si son ancienne conjointe n’est pas présente, il a la capacité,

à tout moment, de l’évoquer mentalement. Alors qu’il se sent pourtant bien, il peut se

rappeler à un certain moment que « sa vie ne va pas comme il le faut », en vertu d’un

« cadre d’opposition »2, générant ainsi une émotion désagréable.

Des changements de deuxième ordre.

Selon Hayes (2004), ce qui caractérise essentiellement le nouveau paradigme des

TCC est la nature des changements thérapeutiques. Alors que les approches de deuxième

génération visaient des changements dits de premier ordre, celles de la troisième vague

favorisent des changements de deuxième ordre. Ainsi, plutôt que de cibler directement les

symptômes du client (changement de premier ordre), elles cherchent davantage à agir sur

la relation de l’individu à ses symptômes. Dans notre illustration clinique, le problème ne

serait pas les sentiments dépressifs de Pierre en eux-mêmes, mais ses réactions ou ses

réponses à ces sentiments dépressifs, en l’occurrence sa difficulté à être en contact avec

cet état douloureux et ses comportements d’évitement. L’acceptation, l’engagement

envers les valeurs, la distanciation (ou défusion cognitive) sont parmi les moyens qui

2 « Cadrer relationnellement » est un verbe ou un comportement qui consiste à associer des stimuli entre

eux, non seulement à partir des relations d’équivalence sur la base d’un apprentissage direct (« ceci est

pareil à cela »), mais à travers une vaste variété de types de relation (d’opposition, de distinction, de

comparaison, de hiérarchie, d’analogie, de temporalité ou encore de perspective; Villatte & Monestès,

2010).

17

17

Page 18: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

permettent ce changement de relation aux pensées, sensations et émotions douloureuses.

Les approches thérapeutiques récentes visent la construction de répertoires

comportementaux flexibles et efficaces de même que l’atteinte d’objectifs de vie (Hayes,

2004; Martell & Kanter, sous presse). L’amélioration du bien-être de l’individu passe par

ces changements de deuxième ordre, plutôt que via la réduction des symptômes ou des

émotions douloureuses.

Des méthodes expérientielles.

Pour parvenir à agir sur la relation de l’individu à ses symptômes, des méthodes

expérientielles comme l’utilisation de métaphores et la pratique de la pleine conscience

ont été développées. Elles s'ajoutent aux techniques bien connues de la seconde

génération de TCC qui sont davantage didactiques ou verbales, comme la

psychoéducation et la restructuration cognitive. Par un apprentissage fondé sur

l’expérience, on cherche à éloigner le client d’un apprentissage qui repose sur des règles

verbales qui auraient l’inconvénient de rigidifier le comportement et nuire à la

généralisation des apprentissages. Certains pourront s’étonner du fait que, de par leur

caractère expérientiel, certaines techniques employées dans les approches de la troisième

vague s’apparentent parfois bien plus à d’autres formes de thérapie qu’à la TCC

classique. En fait, dans une approche comme l’ACT, ce sont les processus ciblés par les

interventions qui importent, bien plus que la forme de ces méthodes. C’est la théorie qui

prime et les techniques sont éclectiques (Hayes et al., 1999). Les interventions provenant

des autres orientations théoriques, comme la technique de la chaise vide issue de la

Gestalt, l’utilisation de paradoxes dans l’approche systémique, peuvent donc être utilisées

sans contradiction. Afin de démontrer une pratique fondée sur la troisième vague, voyons

18

18

Page 19: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

comment comprendre et aider Pierre tout en contrastant cette façon d’intervenir avec des

pratiques comportementales et cognitives traditionnelles.

UneUNE PratiqueRATIQUE FondéeONDÉE surSUR laLA TtroisièmeROISIÈME

VagueAGUE

Le Ddéroulement ddes Sséances dde Tthérapie

De façon générale, le déroulement et la structure des séances de thérapie

s’apparentent à ceux auxquels on assiste dans les thérapies de deuxième vague. En début

de traitement, Pierre raconte l’histoire de sa dépression et fait mention des symptômes qui

l’assaillent. Le thérapeute procède à l’évaluation diagnostique et dès les premiers

instants, veille à l’établissement d’une alliance thérapeutique efficace. À partir de

l’analyse fonctionnelle, il émet des hypothèses sur les facteurs précipitants et de maintien

de la dépression en identifiant de façon détaillée les contextes d’apparition des

symptômes dépressifs. En outre, il analyse de façon précise les comportements

d’évitement, de dérèglement de la routine, d’inactivité, la présence de ruminations

mentales, le degré de recul du client face à ses pensées, ses objectifs de vie et valeurs

personnelles, etc. Des questionnaires auto-rapportés sont généralement utilisés pour

objectiver les symptômes et comportements du client en début de traitement.

Suite à l’évaluation des difficultés de Pierre, le thérapeute lui explique la

dépression (psychoéducation) selon une conceptualisation contextuelle qui a l’avantage

de lui apporter une vision normalisante de son problème. Les traitements disponibles sont

abordés et l’approche utilisée lui est décrite. Pierre consent librement et de façon éclairée

à y participer. Par ailleurs, le thérapeute qui utilise une approche issue de la troisième

génération est actif et directif. Les séances sont structurées, le thérapeute propose bien

19

19

Page 20: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

souvent un agenda pour la rencontre avec un ordre prédéterminé (évaluation de la

situation, retour sur la dernière semaine, thèmes à l’horaire, etc.). Ces thérapies sont

relativement brèves et visent l’obtention d’un changement rapide et durable. Tout au long

du suivi, le thérapeute évalue l’efficacité du traitement à l’aide de différents instruments

et mesures.

L’Aanalyse Ffonctionnelle ABC au Ccœur des Tthérapies de Ttroisième Vvague

Il y a différentes façons de conduire une analyse fonctionnelle au sein des

thérapies de troisième vague. Certaines proposent une analyse plus complexe comme

l’analyse comportementale en chaîne (chain behavior analysis) de la Thérapie

comportementale dialectique (Linehan, 1993) alors que d’autres proposent une analyse

plus simple utilisant les lettres ABC (Kanter, Weeks et al., 2009; Martell et al., 2001;

Ramnerö & Törneke, 2008). Cette analyse fonctionnelle est en quelque sorte un retour à

celle pratiquée dans la tradition comportementale (de première vague), à la différence

qu’elle se fait aujourd’hui dans des contextes cliniques, plutôt qu’en milieu institutionnel

ou psychiatrique, avec les adaptations que cela implique. Dans le modèle comportemental

de la troisième vague, le « B » représente un comportement (un comportement que l’on

peut observer de l’extérieur ou encore, un comportement interne comme le fait de

ruminer). Pour identifier cette composante, on peut se demander : qu’est-ce que la

personne fait? L’antécédent (A) est la composante qui précède, c’est-à-dire l’événement

déclencheur ou le stimulus discriminatif à l’origine du comportement. Il peut s’agir de

stimuli internes ou externes. Une émotion ou une sensation, qui sont des variables

internes, pourraient tout aussi bien agir à titre d’antécédents (en A). Comme l’illustre le

20

20

Page 21: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Tableau 2, lorsque Pierre doit entreprendre des tâches ménagères, il se sent anxieux

(antécédents A) et il a alors l’habitude d’aller faire la sieste (comportement B).

Qu’arrive-t-il immédiatement après? La réponse à cette question est représentée

par la lettre C, soit la conséquence. Elle réfère au type de renforcement en jeu. Est-ce que

le comportement amène un renforcement positif ou négatif? Comprendre les

comportements en termes de conséquence équivaut à en saisir leur fonction. Il s’agit

d’une autre façon de se poser la question : À quoi sert ce comportement? Dans le cas de

Pierre, faire la sieste a pour fonction l’évitement émotionnel et ce comportement est

renforcé négativement (c.-à-d. que quelque chose d’aversif est retiré). Comprendre les

comportements en relation avec leurs antécédents et leurs conséquences est une façon de

comprendre leur contexte (Ramnerö & Törneke, 2008).

Outre l’antécédent qui est conceptualisé d’une façon semblable à celle préconisée

par la grille d’analyse de la thérapie cognitive classique, les deux modèles ABC se

distinguent sur plusieurs aspects. Dans le modèle cognitif, le « B » représente la croyance

sous-jacente aux pensées automatiques et détient un rôle causal dans l’apparition des

émotions négatives. Par conséquent, l’essentiel des interventions porte sur le contenu des

pensées. Dans le modèle comportemental de troisième vague, ce sont plutôt les

comportements ouverts (ou publics) que l’on souhaite modifier (B). Somme toute, les

approches récentes misent sur la modification des comportements publics plutôt que

privés.

Les conséquences (C) sont aussi abordées quelque peu différemment dans les

deux modèles. La théorie cognitive fait référence aux conséquences émotionnelles et

comportementales reliées à l’interprétation du stimulus déclencheur. Dans les approches

21

21

Page 22: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

de la troisième vague, la conséquence équivaut à la fonction des comportements qui

contribue à maintenir le problème. Ainsi, ce n’est pas la forme des comportements qui

importe, mais bien leur fonction, leur utilité. Prenons par exemple le comportement de

penser, lequel est considéré au même titre que n’importe lequel autre comportement. Ce

n’est pas tant la forme des pensées ou leur contenu qui importe, mais bien la fonction de

ce comportement, c’est-à-dire penser, à un moment donné. Par exemple, les pensées de

Pierre à ce moment-ci ont-elles pour fonction de ressasser les raisons qui ont mené à sa

séparation ou encore, ont-elles pour fonction subtile d’éviter de se mettre en action pour

trouver un nouvel emploi? La thérapie cognitive avait beaucoup moins explicité et fait

appel à ces principes de renforcement. Alors que le modèle cognitif cible principalement

la croyance afin de modifier les conséquences émotionnelles et comportementales, ce

type d’analyse fonctionnelle cherche potentiellement à agir sur les trois variables ABC.

__________________________________________

Insérer Tableau 2 ici

__________________________________________

L’Eefficacité des Ccomportements

Contrairement à l’approche cognitive traditionnelle, le contextualisme fonctionnel

ne cherche pas à identifier ou à adopter une vérité objective, mais s’intéresse plutôt aux

actions efficaces. Est-ce efficace pour Pierre de penser incessamment que sa vie est un

échec? Est-ce utile pour lui d’aller faire la sieste? En fait, il n’y a pas de « comportements

vrais » (ou de pensée rationnelle), mais seulement des « comportements efficaces ». Un

comportement est jugé efficace s’il fait en sorte de rapprocher l’individu de ses objectifs

de vie ou de ses valeurs personnelles (Hayes et al., 1999) ou amène un effet positif sur

22

22

Page 23: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

l’humeur (Martell et al., 2001). Cette conceptualisation suggère donc une vision

pragmatique des problèmes.

Concevoir les Ccomportements Pproblématiques Ccomme une Sstratégie

d’Éévitement

Comprendre les comportements problématiques sous l’angle de leur fonction est

fort aidant pour le thérapeute et son client. Mais il est encore plus facilitant de concevoir

qu’une majorité de comportements problématiques ont comme fonction l’évitement, sous

toutes ses formes. Le rôle de l’évitement est au centre de la plupart des modèles

thérapeutiques provenant de la troisième vague de TCC. Pour Hayes, Wilson, Gifford, &

Follette et al., & Strosahl (1996), la grande majorité des psychopathologies comme les

troubles anxieux, l’abus de substance, la douleur chronique, se développent et se

maintiennent en raison d’une stratégie mentale et comportementale qui vise à modifier la

forme et la fréquence des expériences internes (pensées, émotions, souvenirs, sensations

physiques) désagréables. Il nomme cette stratégie « l’évitement expérientiel ». Dans le

cas d’une dépression, il est approprié de parler de « fuite expérientielle » (Zettle, 2007).

L’évitement fonctionne comme un renforçateur négatif. À court terme, il procure

un soulagement par le retrait d’une conséquence aversive (comme l’anxiété ou la

déprime). Or, à long terme, il a l’inconvénient de restreindre le répertoire

comportemental de l’individu et diminue sa capacité à entrer en contact avec des sources

de renforcement positif. Après maintes observations chez Pierre, on constate que

plusieurs de ses comportements comme faire la sieste, ruminer, consommer de l’alcool,

s’inquiéter et regarder la télévision sont différents dans leurs formes, mais ils ont une

fonction commune, l’évitement des émotions désagréables.

23

23

Page 24: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Promouvoir l’Aacceptation

Certaines approches fondées sur l’acceptation et la pleine conscience nous mettent

en garde contre les efforts pour contrôler (ou chercher à diminuer ou modifier) les

symptômes. Pour l’ACT, le contrôle est le problème et non la solution (Hayes et al.,

1999). Les interventions fondées sur l’acceptation agissent en réalité sur les émotions

secondaires, c’est-à-dire la réaction (cognitive, émotionnelle ou comportementale) de

l’individu face à ses symptômes initiaux ou primaires associés à un déclencheur. Par

exemple, lorsque Pierre se sent triste, il se dit « ce n’est pas normal », qu’il « devrait être

plus fort » à l’égard de la situation actuelle. Le problème n’est pas la tristesse en soi,

mais la réaction de Pierre face à cette émotion et ses efforts perpétuels pour ne pas la

ressentir ou être en contact avec celle-ci. Le travail thérapeutique visera donc à modifier

l’attitude de Pierre par rapport à certaines pensées et émotions, peut-être en augmentant

son ouverture et son niveau d’accueil à l’égard de ces phénomènes internes, sans

nécessairement tenter d’en modifier leur forme (ou contenu) et leur fréquence.

Une approche comme l’ACT vise l’amélioration de la qualité de vie de l’individu

en favorisant les actions en direction de ses valeurs personnelles. À la limite, il se

pourrait qu’à la fin de la thérapie, Pierre ne soit pas entièrement guéri de sa dépression,

mais il pourra, malgré la présence de sentiments dépressifs résiduels, parvenir à bien

vivre sa vie, une vie cohérente avec ses valeurs personnelles. Ces deux visées ne sont pas

incompatibles et peuvent aller de pair (la diminution des symptômes favorise la mise en

action dirigée vers les valeurs et vice versa; Arch & Craske, 2008).

Les approches fondées sur la pleine conscience, comme celles de Segal et al.

(2002) et Kabat-Zinn (1990) enseignent que la meilleure façon d’arriver à un changement

24

24

Page 25: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

dans le domaine émotionnel est de ne pas se mettre en attente d’un changement, de ne pas

chercher à atteindre un état particulier ou une performance particulière. Cela irait à

l’encontre d’une attitude d’acceptation, de non-jugement et de présence au moment

présent (Philippot, 2007). Dans la tThérapie d’activation comportementale pour la

dépression, on invite les clients à « s’activer pour s’activer », sans s’attendre à un résultat

spécifique comme la diminution des symptômes dépressifs, mais pour l’activité en soi

(Martell et al., 2001). Cette perspective diffère des objectifs d’une TCC traditionnelle qui

met l’accent sur l’atteinte d’objectifs et de résultats.

L’Aaction de Ppenser Vvue Ccomme un Pprocessus

Au sein des thérapies de troisième génération, entretenir des pensées est perçu

comme une activité ou un comportement au même titre que les autres. C’est donc le

processus de penser, plus que la nature ou le contenu des pensées, qui importe. Ruminer,

c’est-à-dire ressasser des pensées à propos des symptômes de la dépression et des causes

possibles et conséquences de celle-ci (Nolen-Hoeksema, 1991), est une habitude qui

contribue au développement et au maintien de la dépression. Quand Pierre est

nostalgique, il cherche à comprendre pourquoi il se sent ainsi et il a l’impression que de

mieux comprendre les causes de sa dépression va l’aider à en sortir.

Alors qu’une approche cognitive tenterait de changer le contenu des pensées de la

rumination (p. ex., « ma vie est un échec »), une approche contemporaine situe ce

comportement dans la section B (voir Tableau 2) et tente d’en identifier la fonction.

L’intervention thérapeutique visera alors à amener le client à prendre conscience qu’il

rumine, à déterminer s’il s’agit d’une action qui a pour fonction « l’évitement »

(renforcement négatif) et enfin, à s’engager dans un comportement (public) alternatif

25

25

Page 26: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

(Martell et al., 2001). Dans une approche comme la thérapie métacognitive (Fisher &

Wells, 2009), il s’agit plutôt de questionner les croyances qui maintiennent le processus

de ruminer (croyances métacognitives), par exemple, les avantages que l’individu y

trouve (« ruminer m’aide à sortir de ma dépression »).

La Pprise de Ddistance Fface aaux Ppensées (distanciation)

La thérapie cognitive aborde le concept de distanciation par rapport aux pensées,

dans l’optique de favoriser la modification de leur contenu (p. ex., Beck & Emery, 1985).

Les thérapies de troisième vague visent la distanciation en elle-même. Différents termes

sont utilisés pour favoriser ce changement de perspective par rapport aux pensées,

comme la « décentration » (Segal et al., 2002), la distanciation et la défusion (Harris,

2009; Hayes et al., 1999). Pour que Pierre puisse adopter un comportement alternatif, il

doit d’abord reconnaître qu’il s’engage dans la rumination. Pour se faire, il peut

développer une meilleure conscience métacognitive, c’est-à-dire la capacité à se

décentrer de ses pensées et à en faire l’expérience à partir d’une perspective

d’observateur. Cette conscience métacognitive se développe notamment avec la pratique

de la méditation en pleine conscience (Kabat-Zinn, 1990; Segal et al., 2002). Ce concept

est semblable à la notion du « Moi Observateur » dans l’ACT (Harris, 2009; Hayes et al.,

1999) par lequel, en outre, le processus de défusion s’opère. Encore une fois, la forme des

pensées est peu utile et il est plus important de voir celles-ci comme étant simplement des

pensées (ou des mots) et non des faits, tout en reconnaissant leur caractère transitoire.

La distanciation est un outil qui apparaît d’autant plus pertinent quand l’on

considère certains inconvénients reliés à la pratique de la restructuration cognitive. D’une

part, la restructuration cognitive est par définition un exercice fort complexe si l’on se fie

26

26

Page 27: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

aux données de la recherche fondamentale. De fait, selon la tThéorie des cadres

relationnels, l’être humain apprend par addition et non par soustraction (Hayes et al.,

2001). On ne peut effacer complètement un « contenu » de pensée. C’est le propre du

langage et de l’activité cognitive que de créer de nouvelles associations entre les stimuli.

D’autre part, la restructuration cognitive peut parfois même augmenter l’importance

accordée aux pensées non aidantes, en renforçant l’idée que celles-ci doivent être prises

au sérieux (Ciarrochi & Bailey, 2008). Cette technique peut également mener à

l’évitement ou au contrôle des pensées, car celles-ci acquièrent une valeur

négative (Hayes et al., 1999). Dans le même ordre d’idées, en cohérence avec la

philosophie de la troisième vague, il est préférable d’abandonner des termes comme

« distorsions » et « croyances dysfonctionnelles » au profit de désignations plus neutres

comme « pensées non utiles » ou « non-aidantes ».

L’Aactivation Ccomportementale Ppour Ffaire Ééchec à l’Éévitement

Il y a un intérêt pour l’activation comportementale depuis près de 50 ans (Skinner,

1953). Cet intérêt s’est récemment renouvelé avec l’émergence de nouveaux modèles

thérapeutiques fondés sur cette stratégie de traitement. L’activation comportementale est

une intervention qui vise à augmenter les comportements (publics ou observables)

susceptibles d’amener le client à obtenir de façon naturelle du renforcement positif dans

l’environnement, dans le but d’améliorer son humeur et sa qualité de vie (Lejuez et al.,

2001). Une technique toute simple de cette approche et qui bénéficie d’un appui

empirique important (Kanter et al., 2010) consiste à planifier la réalisation de tâches et

d’activités en dehors des séances de thérapie.

27

27

Page 28: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Comme nous l’avons mentionné plus haut, la thérapie comportementale

traditionnelle explique la dépression par une diminution des renforcements positifs dans

l’environnement. En conséquence, le psychologue américain Peter Lewinsohn (1974) a

développé un traitement (de première vague) qui visait l’augmentation des activités

plaisantes et l’apprentissage d’habiletés sociales afin de permettre à l’individu d’entrer en

contact avec des sources de renforcement positif. Pour Pierre, il s’agirait de déterminer

des activités qui lui procurent du plaisir et de planifier la réalisation de ces activités au

quotidien, telles pratiquer une activité sportive, faire une promenade avec son chien. La

thérapie cognitive de Beck et al. (1979) emprunte également cette stratégie

comportementale et en fait la composante initiale du traitement de la dépression. Dans ce

modèle, la prescription d’activités agréables a pour optique d’agir sur les croyances de

l’individu. Réaliser des activités aurait alors comme conséquence, chez Pierre, de

modifier les pensées selon lesquelles il n’est pas compétent, qu’il est « sans énergie ». La

mise en action est également une intervention centrale préconisée par les approches

comportementales contemporaines. En contrepartie, l’action ici ne vise pas ultimement la

modification des cognitions et on parlera davantage d’activités « renforçantes » plutôt

que considérées comme « plaisantes » à priori.

Des Aactivités Rrenforçantes ou Pplaisantes?

Une activité renforçante n’est pas nécessairement plaisante ou agréable. Ce qui

détermine le caractère renforçant d’une activité ou d’une action, c’est sa capacité à

rapprocher l’individu de ses objectifs à long terme (Martell et al., 2001) ou d’actualiser

ses valeurs personnelles (Hayes et al., 1999; Lejuez et al., 2001). Renouer avec le marché

du travail et développer un réseau social, familial et amoureux suppose de poser des

28

28

Page 29: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

actions qui seront tantôt plaisantes, mais aussi souvent exigeantes. Dans la mesure où ces

objectifs de vie sont importants pour Pierre, les actions qu’il posera et qui le

rapprocheront de ses objectifs devraient avoir un effet renforçant. Le thérapeute aidera

Pierre à planifier et réaliser des actions qui tendent à le rapprocher de ses objectifs de vie,

qu’elles soient plaisantes ou non. Plus que des activités plaisantes, ces actions favorisent

la construction d’un répertoire comportemental solide en lien avec la personnalité du

client. Elles font échec aux comportements d’évitement et peuvent maintenir la stabilité

des comportements au long cours devant les obstacles et émotions désagréables.

Vision Iidiosyncrasique Vversus Nnomothétique 

Les approches TCC comme celles de Beck et al., (1979) et de Lewinsohn (1973)

sont nomothétiques, c’est-à-dire que l’on tente de dégager des lois globales s’appliquant à

toute la population, comme le caractère plaisant de certaines activités et l’augmentation

de ces dernières (Dougher & Hayes, 2000). L’assignation de ces activités est une

stratégie générale de traitement qui ne tient pas nécessairement compte de la fonction de

l’activité, c’est-à-dire de son caractère renforçant chez un individu dans un contexte

donné. De plus, les interventions comportementales et cognitives traditionnelles

proposent généralement des traitements par syndrome. Il existe un traitement pour la

dépression, un traitement pour l’anxiété généralisée, un traitement pour le trouble

panique, etc. Les approches de la troisième vague tendent vers une vision idiographique

(Dougher & Hayes, 2000; Jacobson, 1997). En effet, il n’y pas d’a priori quant au

caractère renforçant d’une activité, c’est-à-dire que l’efficacité d’une intervention est

jugée à partir de sa capacité à améliorer l’humeur et à augmenter la fréquence du

comportement cible de l’individu dans un contexte spécifique. Ce constat nous ramène à

29

29

Page 30: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

l’importance de conduire une analyse fonctionnelle qui tient compte de l’histoire

personnelle du client et de son contexte.

Passer à l’Aaction en Ddépit de la Pprésence d’Eexpériences Ddouloureuses

L’engagement (commitment) que nécessitent les changements comportementaux

est un principe au cœur des approches d’ACT. « S’engager » implique d’entrer en contact

avec des barrières psychologiques comme des pensées, sensations et émotions

douloureuses afin de poser des actions importantes pour l’individu, c’est-à-dire dirigées

vers la poursuite de ses valeurs personnelles (Hayes et al., 1999). L’engagement est une

forme d’« acceptation en action ». Amener les clients à passer à l’action est en soi une

méthode d’acceptation, mais effectuée d’une façon plus implicite. S’engager dans

l’action implique nécessairement que l’individu puisse faire une place à des événements

internes désagréables (Kanter, Baruch, & Gaynor, 2006; Martell & Kanter, sous presse).

La modification de l’humeur se fait indirectement; on agit de « l’extérieur vers

l’intérieur » (Blais & Boisvert, 2010; Martell et al., 2001), en posant des actions en

fonction d’un objectif préétabli plutôt qu’en réaction à des émotions. Le client est ainsi

encouragé à poser des actions en dépit de l’absence de motivation ou de la présence

d’émotions et sensations désagréables. Même si Pierre vit des émotions déplaisantes

associées à la recherche d’emploi et se sent peu motivé à réaliser des tâches à la maison,

il est encouragé par son thérapeute à agir en accueillant les états aversifs qui créent

obstacle, en gardant à l’esprit ses objectifs de vie personnels qui agissent comme moteur

à l’action.

L’Aactivation « Mmindful » ou en Ppleine Cconscience

30

30

Page 31: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

S’activer en cohérence avec leurs valeurs s’avère parfois insuffisant pour les

clients afin d’améliorer leur bien-être. La présence de pensées et d’émotions

« négatives », par exemple, peut empêcher l’individu de bénéficier pleinement de la

source de renforcement présente dans l’environnement. Lorsque l’activation simple ne

fonctionne pas, il est alors approprié d’apprendre au client à porter délibérément son

attention sur le moment présent (avec ses cinq sens) et sans porter de jugement (Kabat-

Zinn, 1990). Cette participation active à l’instant présent a été soulignée par pratiquement

tous les modèles thérapeutiques faisant partie de la troisième vague de TCC (p. ex.,

Hayes et al., 1999; Linehan, 1993; Martell et al., 2001; Segal et al., 2002). Dans l’ACT,

Harris (2009) nomme cette stratégie la « connexion ». Lorsque Pierre lave la vaisselle, il

est porté à entretenir des pensées ruminatives et anxiogènes. Avec son thérapeute, il a

appris, en portant attention au moment présent, à identifier ces pensées comme étant

simplement des pensées (« ce sont des pensées non aidantes »), sans leur porter de

jugement, et ensuite, à rediriger son attention à la tâche, en l’occurrence, sur les

sensations qu’il ressent en lavant la vaisselle (p. ex., les bruits, ses mains dans l’eau, les

odeurs).

Les Iinterventions Iin Vvivo : Llorsque le Pproblème Ssurvient Ddans la Rrencontre

La compréhension des interactions entre le psychothérapeute et le client est au centre des

approches humanistes et psychodynamiques, mais a été généralement reléguée au second

plan dans les approches comportementales et cognitives traditionnelles (voir notamment

la recherche de Kanter, Rusch et al., 2009). Les TCC de troisième vague accordent une

plus grande importance aux processus impliqués dans la relation thérapeutique. Il s’agit

d’ailleurs d’une continuité logique dans la thérapie comportementale, car la relation met

31

31

Page 32: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

en jeu des processus d’apprentissage fondamentaux comme le renforcement, l’extinction

et le façonnement (Lejuez, Hopko, Levine, Gholkar, & Collins, et al., 2006).

Un grand nombre de comportements que le client présente à l’intérieur de la

séance thérapeutique sont semblables (en termes fonctionnels) à ceux qui lui créent des

problèmes dans sa vie de tous les jours. Intervenir à leur propos constitue une riche

opportunité d’apprentissage pour le client. Les interventions in vivo amènent le client à

porter attention à ce qu’il pense, ressent et fait au moment présent et au sujet de la

thérapie, du thérapeute ou de la relation thérapeutique (Kohlenberg et al., 2004). Dans le

cas de la dépression, des problèmes avec l’intimité, un dérèglement dans la routine (p.

ex., oublier les rendez-vous, ne pas compléter les devoirs), les comportements

d’évitement (p. ex., arriver en retard, éviter des sujets difficiles) ou de passivité (p. ex., se

montrer d’accord avec le thérapeute tout en demeurant inactif), ruminer et le manque

d’affirmation de soi font souvent surface dans le contexte de la thérapie (Kanter, Manos,

Busch, & Rusch, 2008). Ce type de comportement devrait être observé attentivement par

le thérapeute de Pierre, afin de les amener à la conscience dès que possible et les modifier

au besoin. La majorité des approches de troisième génération recourent de façon

importante aux interventions in vivo, mais notons qu’elles constituent la pierre angulaire

de la tThérapie analytique fonctionnelle (Kohlenberg et Tsai, 1991).

Appliquer les Mméthodes à Ssoi Ccomme Tthérapeute

Dans l’approche psychanalytique, le thérapeute était traditionnellement

encouragé, voire même contraint, à réaliser lui-même une analyse afin de conscientiser

ses propres réactions contre-transférentielles susceptibles de colorer la relation

thérapeutique. Or, les approches récentes en TCC soutiennent une position similaire en

32

32

Page 33: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

soulevant des questions qui intéressent autant les thérapeutes que les clients (Hayes,

2004). Dans la Thérapie comportementale dialectique (Linehan, 1993), le thérapeute est

encouragé à faire appel à une supervision personnelle afin de prévenir des comportements

iatrogènes envers les clients. Dans l’ACT, la relation thérapeutique est vue comme

fondamentalement égalitaire, car il est possible que le thérapeute soit lui-même aux prises

avec des problèmes, puisque les principes du langage et de la cognition se situent à la

genèse de la souffrance psychologique. Ainsi, les cibles de traitement de l’ACT comme

l’acceptation, la distanciation et le contact avec l’instant présent peuvent se retrouver

dans l'attitude du thérapeute face à ses propres réactions psychologiques, notamment

celles qui se présentent au sein de la relation thérapeutique (Pierson & Hayes, 2007). À

l’intérieur des approches qui se fondent plus formellement sur la méditation en pleine

conscience (comme Segal et al., 2002 et Kabat-Zinn, 1990), le professeur (ou facilitateur)

se doit d’incarner les ingrédients thérapeutiques et philosophiques de l’approche, ce qui

implique d’avoir sa propre pratique de méditation en pleine conscience (Crane, Kuyken,

Hastings, Rothwell, & Williams, 2010). Enfin, dans une approche hautement

interpersonnelle comme la tThérapie analytique fonctionnelle, le thérapeute se doit de

« gérerrégler » ses propres enjeux relationnels dans l’optique de créer une vie plus

profonde chez son client sur le plan affectif (Kohlenberg & Tsai, 1991; Tsai et al., 2009).

En somme, ce qui est bon pour les clients l’est tout autant les thérapeutes.

CONCLUSION

Les avancées de la troisième vague que nous avons décrites tout au long de ce chapitre

représentent une évolution dans le domaine de la TCC et seul le temps et l’histoire nous

diront s’il s’agit d’une véritable révolution. Ces thérapies ont beaucoup à offrir et elles

33

33

Page 34: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

ont certainement le pouvoir d’optimiser les interventions comportementales et cognitives

actuelles (Dionne, Blais, Boisvert, Beaudry, & Cousineau, 2010). À ce jour, les études

expérimentales, de processus et cliniques sont encourageantes et il y a une véritable

éclosion de ces modèles sur le plan international. Le foisonnement de ces idées auquel on

assiste actuellement doit mener à l’identification rigoureuse des principes actifs de ces

nouvelles formes de thérapies, dans le but ultime de rendre disponible aux clients comme

Pierre un éventail d’interventions diverses et appuyées empiriquement leur permettant

d’améliorer leur qualité de vie.

34

34

Page 35: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

RÉFÉRENCES

Arch, J. J., & Craske, M. G. (2008). Acceptance and commitment therapy and cognitive

behavioral therapy for anxiety disorders: Different treatments, similar mechanisms?

Clinical Psychology: Science & Practice, 5, 263-279.

Addis, M. E., & Martell, C. R. (2009). Vaincre la dépression une étape à la fois.

Traduction et adaptation de Overcoming depression one step at a time (J.-M

Boisvert & M.-C. Blais). Montréal, Canada : Les Éditions de l’Homme.

Bandura, A. (1977). Social Learning Theory. Englewood Cliffs, NJ: Prentice Hall.

Beck, A. T. (1967). Depression: Causes and treatment. Philadelphia: University of

Pennsylvania Press.

Beck, A. T. (1996). Beyond belief: : A theory of modes, personality and

psychopathology. Dans P. M. Salkovaskis (Éd.), Frontiers of cognitive therapy (pp.

1-25). New-York, NY: : Guilford.

Beck, A. T., & Emery, G. (1985). Anxiety disorders and phobias: A cognitive

perspective. New- York, NY: Basic Books.

Beck, A. T., Rush, A. J., Shaw, B. F., & Emery, G. (1979). Cognitive therapy of

depression. New- York, NY: : Guilford.

Blais, M-C, & Boisvert, J.-M., (2010). La thérapie d’activation comportementale : une

avancée importante dans le traitement de la dépression. Revue Q québécoise de

Ppsychologie, 31(3), 127-144.

35

35

Page 36: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Butler, A. C., Chapman, J. E., Forman, E. M., & Beck, A. T. (2006). The empirical status

of cognitive behavioral therapy: A review of meta-analyses. Clinical Psychology

Review, 26, 17-31.

Chaloult, L., Ngo, T., Goulet, J. & Cousineau, P. (2008). La thérapie cognitivo-

comportementale : Théorie et pratique. Montréal, Canada: : Gaëtan Morin.

Ciarrochi, J., & Bailey, A. (2008). A CBT-Practitioner's guide to ACT:: How to bridge

the gap between cognitive behavioral therapy and Acceptance and Commitment

Therapy. Oakland, CA: New Harbinger Publications.

Cottraux, J. (Éd.). (2007). Thérapie cognitive et émotions : :L la troisième vague. Paris,

France: : Masson.

Crane, R. S., Kuyken, W., Hastings, R. P., Rothwell, N., Williams, M., F. (2010).

Training teachers to deliver mindfulness-based interventions: : Learning from the

UK experience, Mindfulness, 1, 74-86.

Dionne, F., Blais, M.-C., Boisvert, J.-M., Beaudry, M., & Cousineau, P. (2010).

Optimiser la thérapie comportementale et cognitive avec les innovations de la

troisième vague. Revue Francophone de Clinique Comportementale et Cognitive,

Vol. XV (1), 1-15.

Dionne, F., & Neveu, C. (2010). Introduction à la troisième génération de thérapie

comportementale et cognitive. Revue Qquébécoise de Ppsychologie, 31(3), 15-36.

Dougher, M. J., & Hayes, S. C. (2000). Clinical behavior analysis. DansIn M. J. Dougher

(Éd.), Clinical Behavior Analysis (pp. 11-26). Reno, NV: Context Press.

Ellis, A. (1962). Reason and emotion in psychotherapy. New -York, NY: Stuart.

36

36

Page 37: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Ellis, A. (1999). Dominer votre anxiété avant qu’elle ne vous domine. Montréal, Canada :

Les Éditions de l’Homme.

Ferster, C. B. (1973a). A functional analysis of depression. American Psychologist, 28,

857-870.

Ferster, C. B. (1973b). A functional analysis of behavior therapy. DansIn L. P. Rehm

(Éd.), Behavior therapy for depression: Present status and future directions (pp.

181-196). New York, NY: Academic Press.

Fisher, P., & Wells, A. (2009). Metacognitive therapy. London : Distinctive Features

Series. Routledge.Fisher, P. & Wells, A. (2009). Metacognitive therapy.

[Distinctive Features Series]. New York, NY : Routledge.

Fontaine, O., Ylieff, M., & Fontaine, P. (2009). 3ème vague des TCC ou 1ère vague

revisitée? ?: Partiem I: Commentaires théoriques. Revue Ffrancophone de Cclinique

Ccomportementale et Ccognitive, 14(2), 3-12.

Gaudiano, B. (2010). Evaluating acceptance and commitment therapy: An analysis of a

recent critique. International Journal of Behavioral Consultation and Therapy, 5(3-

4), 311-329.

Gortner, E. T., Gollan, J. K., Dobson, K. S., & Jacobson, N. S. (1998). Cognitive-

behavioral treatment for depression: Relapse prevention. Journal of Consulting and

Clinical Psychology, 66, 377-384.

Gross, A. C., & Fox, E. J. (2009). Relational frame theory: An overview of the

controversy. The Analysis of Verbal Behavior, 25, 87-98.

Harris, R. (2009). Le piège du bonheur. Montréal, Canada : Les Éditions de l’Homme

(document original, 2007).

37

37

Page 38: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Hayes, S. C. (1987). A contextual approach to therapeutic change. DansIn N. Jacobson

(Ed.), Psychotherapists in clinical practice: Cognitive and behavioral perspectives

(pp. 327-387). New York, NY: Guilford.

Hayes, S. C. (1993). Analytic goals and the varieties of scientific contextualism. DansIn

S. C. Hayes, L. J. Hayes, H. W. Reese, & T. R. Sarbin (Éds), Varieties of scientific

contextualism (pp. 11-27). Reno, NV: Context Press.

Hayes, S. C. (2004). Acceptance and commitment therapy, relational frame theory, and

the third wave of behavioral and cognitive therapies. Behavior Therapy, 35, 639-

665.

Hayes, S., Barnes-Holmes, D., & Roche, B. (Éds). (2001). Relational frame theory: A

post-skinnerian account of human language and cognition. New York, NY: Plenum

Press.

Hayes, S. C., Follette, V. M., & Linehan, M. M. (Éds). (2004). Mindfulness and

acceptance: Expanding the cognitive behavioral tradition. New- York, NY:

Guilford Press.

Hayes, S. C., Strosahl, K. D., & Wilson, K. G. (1999). Acceptance and commitment

therapy: An experiential approach to behavior change. New- York, NY: Guilford

Press.

Hayes, S. C., Wilson, K. G., Gifford, E. V., Follette, V. M., & Strosahl, K. (1996).

Experiential avoidance and behavioral disorders: : A functional dimensional

approach to diagnosis and treatment. Journal of Consulting and Clinical

Psychology, 64, 1152−1168.

38

38

Page 39: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Hofmann, S. G., & Otto, M. W. (2008). Cognitive bBehavioral tTherapy of sSocial

aAnxiety dDisorder. Evidence-based and disorder specific treatment techniques.

New York, NY: Routledge/Taylor & Francis.

Hodgson, R., & Rachman, S. (1974). Desynchrony in measures of fear. Behaviour

Research and Therapy, 12, 319-326.

Jacobson, N. S. (1997). Can contextualism help? Behavior Therapy, 28, 235-243.

Jacobson, N. S., & Christensen, A. (1996). Integrative couple therapy: Promoting

acceptance and change. New -York, NY: : Norton.

Jacobson, N. S., Dobson, K. S., Truax, P. A. et al. (1996). A component analysis of

cognitive-behavioral treatment for depression. Journal of Consulting and Clinical

Psychology, 64, 295-304.

Kabat-Zinn, J. (1990). Full catastrophe living: Using the wisdom of your body and mind

to face stress, pain and illness. New -York, NY: Delacorte.

Kanter, J. W., Baruch, D. E., & Gaynor, S. T. (2006). Acceptance and Commitment

Therapy and bBehavioral aActivation for the treatment of depression: Description

and comparison. The Behavior Analyst, 9, 161-185.

Kanter, J. W., Manos, R. C., Bowe, W. M., Baruch, D. E., Busch, A. M., & Rusch, L. C.

(2010). What is behavioral activation? A review of the empirical literature.  Clinical

Psychology Review, 30, 608-620.

Kanter, J. W., Manos, R. C., Busch, A. M., & Rusch, L. C. (2008). Making behavioral

activation more behavioral. Behavioral Modification, 32, 780-803.

Kanter, J. W., Rusch, L. C., Landes, S. L., Holman, G. I., Whiteside, U., & Sedivy, S. K.

(2009). The use and nature of present-focused interventions in cognitive and

39

39

Page 40: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

behavioral therapies for depression. Psychotherapy: Research, Theory, Practice,

Training, 46, 220-232.

Kanter, J. W., Weeks, C. R., Bonow, J. T., Landes, S. J., Callaghan, G. M., & Follette,

W. C. (2009). Assessment and case conceptualization. Dans M. Tsai et al., (Éds.), A

guide to functional analytic psychotherapy: Awareness, courage, love and

behaviorism (pp. 37-59). New -York, NY: . Springer.

Kelly, G. (1955). The psychology of personal constructs. New York, NY: Norton (2 vol.).

Kolhenberg, R. J., Bolling, M. Y., Kanter, J. W., & Parker, R. (2002). Clinical behavior

analysis: Where it went wrong, how it was made good again, and why its future is

so bright. The Behavior Analyst Today, 3(3), 248-253.

Kolhenberg, R. J., Kanter, J. W., Bolling, M. Y., Wexner, R., Parker, R., & Tsai, M.

(2004). Functional analytic psychotherapy, cognitive therapy, and acceptance.

DansIn S. C. Hayes, M. Follette, & M. M. Linehan (Éds). Mindfulness and

acceptance: Expanding the cognitive-behavioral tradition (pp. 96-119). New- York,

NY: Guilford Press.

Kolhenberg, R. J., & Tsai, M. (1991). Functional analytic psychotherapy: Creating

intense and curative therapeutic relationships. New- York, NY: Plenum Publishers.

Lejuez, C. W., Hopko, D. R., & Hopko, S. D. (2001). A brief behavioral activation

treatment for depression: Treatment manual. Behavior Modification, 25, 255−286.

Lejuez, C. W., Hopko, D. R., Levine, S., Gholkar, R., & Collins, L. M. (2006). The

therapeutic alliance in behavior therapy. Psychotherapy: Theory, Research,

Practice, Training, 42(4), 456-468.

40

40

Page 41: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Lewinsohn, P. M., & Graf, M. (1973). Pleasant activities and depression. Journal of

Consulting and Clinical Psychology, 41, 261-268.

Lewinsohn, P. M. (1974). A behavioral approach to depression. DansIn R. J. Friedman &

Katz, M. (Eds.), The psychology of depression: Contemporary theory and research

(pp. 157-178). Oxford, England: Wiley.

Linehan, M. M. (1993). Cognitive-behavioral treatment of borderline personality

disorder. New -York, NY: Guilford Press. [Traduction francophone, 2000, Genève,

Suisse : Médecine et Hygiène]..

Longmore, R. J., & Worrell, M. (2007). Do we need to challenge thought in cognitive

behavior therapy? Clinical Psychology Review, 27, 173-187.

Martell, C. R., Addis, M. E., & Jacobson, N. S. (2001). Depression in context: Strategies

for guided action. New York, NY: Norton.

Martell, C. R., & Kanter, J. W. (sous presse). Behavioral activation in the context of the

third wave therapies. DansIn J. D. Herbert & E. Forman (Eds.), Acceptance and

mMindfulness in cCognitive bBehavior tTherapy.

Meichenbaum, D. (1977). Cognitive-behavior modification: An integrative approach.

New- York, NY: Plenum.

Nolen-Hoeksema, S. (1991). Responses to depression and their effects on the duration

of depressive episodes. Journal of Abnormal Psychology, 100, 569-582.

Pavlov, I. P. (1927). Conditioned reflexes. Londonres, England: , Oxford University

Press.

41

41

Page 42: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Philippot, P. (2007). Thérapie basée sur la pleine conscience : Mmindfulness, cognition et

émotion. Dans J. Cottraux (Éd.), Thérapie cognitive et émotions : La troisième

vague (pp 67-82). Paris, France: : Masson

Pierson, H. & Hayes, S. C. (2007). Using Acceptance and Commitment Therapy to

empower the therapeutic relationship. Dans P. Gilbert & R. Leahy (Eds.), The

tTherapeutic rRelationship in cCognitive bBehavior tTherapy (pp. 205-228).

London, England: : Routledge.

Ramnerö, J., & Törneke, N. (2008). ABCs of human behavior: Behavioral principles for

the practicing clinician. Oakland, CA: New Harbinger & Reno, NV: : Context

Press.

Segal, Z. V., Williams, J. M. G., & Teasdale, J. D. (2002). Mindfulness-bBased

cCognitive tTherapy for dDepression: : A new approach to preventing relapse.

New- York, NY: Guilford Press. [Traduction francophone, 2006, Louvain-la-

Neuve, Belgique : De Boeck].

Skinner, B. F. (1957). Verbal behaviour. New-York: Free Press.

Skinner, B. F. (1953). Science and human behavior. Oxford, England: Macmillan.

Skinner, B. F. (1938). The behaviour of organism. New- York, NY: Appleton.

Skinner, B. F. (1953). Science and human behavior. Oxford, England: Macmillan.

Skinner, B. F. (1957). Verbal behaviour. New- York, NY: Free Press.

Thorndike, E. L. (1927). The law of effect. American Journal of Psychology, 29, 212-

222.

42

42

Page 43: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Tsai, M., Kohlenberg, R. J., Kanter, J. W., Kohlenberg, B., Follette, W. C., & Callaghan,

G. M. (Eds.). (2009). A guide to fFunctional aAnalytic pPsychotherapy: Using

awareness, courage, love and behaviorism. New York, NY: Springer.

Villatte, M. & Monestès, J.-L., (2010). La théorie des cadres relationnels : Lla place du

langage dans la thérapie d’acceptation et d’engagement. Revue Qquébécoise de

Ppsychologie, 31 (3), 85-104.

Young, J. E., Klosko, J. S., & Weishaar, M. (2003). Schema Therapy: A Practitioner’s

Guide. New York, NY: : Guilford Pressublications.

Watson, J.B. (1924/1925). Behaviorism. New York, NY: People's Institute Publishing

Company.

Wolpe, J. (1958). Psychotherapy by reciprocal inhibition. Stanford, CA: Stanford

University Press.

Zettle, R. D. (2007). ACT for depression: A clinician's guide to using Acceptance and

Commitment Therapy in treating depression. New York, NY: New Harbinger

Publications.

Zettle, R. D., & Hayes, S. C. (1982). Rule governed behavior: A potential theoretical

framework for cognitive behavior therapy. DansIn P. C. Kendall (Éd.), Advances in

cognitive behavioral research and therapy (pp. 73-118). New -York, NY:

Academic.

43

43

Page 44: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Tableau 1 : Le modèle ABC de la seconde vague

A

Activating event

(événement

déclencheur)

B

Beliefs (croyances)

C

Consequences (conséquences

émotionnelles et

comportementales)

Pierre aperçoit des

couples dans la rue

« Ma vie est un échec », 

« Je ne trouverai jamais une

nouvelle conjointe »

Tristesse 

Baisse les yeux et évite de

regarder

44

44

Page 45: Thérapies_troisième_vague_Dionne&Blais cas de pierre 2

THERAPIES DE TROISIÈME VAGUE

Tableau 2 : Le modèle ABC des thérapies de troisième vague

A

Antecedent

(Antécédent)

B

Behavior

(Comportement)

C

Consequence

(Conséquence)

Tâches ménagères

Anxiété

Sieste Amène une diminution de

l’anxiété (renforcement

négatif)

45

45