une nouvelle utilisation de la plate-forme de posturologie
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INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE RENNES
Une nouvelle utilisation de la plate-forme de
posturologie dans le bilan de la lombalgique chronique.
Elise MITTERRAND
Année scolaire 2010/2011
Ministère de la santé et des sports
Région Bretagne
Institut de formation en Masso-Kinésithérapie de Rennes
Une nouvelle utilisation de la plate-forme de
posturologie dans le bilan de la lombalgie chronique.
Travail personnel présenté par :
Elise MITTERRAND
en vue de l’obtention du Diplôme d’État
de Masso-Kinésithérapeute
année scolaire 2010/2011
Ce mémoire a été réalisé au centre de Pérharidy à Roscoff dans le service de RTO
(rhumatologie, orthopédie et traumatologie). Il a été suivi par Mr Philippe MENAIS, masseur-
kinésithérapeute. Je tenais à remercier toutes les personnes (patients et soignants) qui ont bien
voulu se porter volontaire pour participer à cette pré-étude.
Table des matières Résumé et mots clés
Introduction ...................................................................................................................................... 1 Posture ................................................................................................................................................ 8 1. Rappel Anatomo‐physiologique ................................................................................................... 8
a. Le contrôle moteur ................................................................................................................................... 8 b. Les entrées sensorielles ......................................................................................................................... 9
2. La stabilométrie .............................................................................................................................. 12 a. La plate‐forme ......................................................................................................................................... 12 b. Les résultats de l’enregistrement ................................................................................................... 12 c. L’environnement .................................................................................................................................... 12
Méthode ........................................................................................................................................... 14 1. La population étudiée ................................................................................................................... 14
a. La population lombalgique ................................................................................................................ 14 b. La population témoin ........................................................................................................................... 15
2. Le matériel ........................................................................................................................................ 15 3. La méthode ....................................................................................................................................... 16 4. Le protocole ...................................................................................................................................... 18
Résultats .......................................................................................................................................... 19 1. Le traitement statistique ............................................................................................................. 19 2. Les résultats les yeux ouverts .................................................................................................... 19 3. Les résultats les yeux fermés ...................................................................................................... 20 4. Comparaison des résultats pour les témoins ........................................................................ 21 5. Comparaisons des résultats pour les lombalgiques ........................................................... 21
Discussion ....................................................................................................................................... 22 1. L’analyse des résultats confrontés à la littérature .............................................................. 22 2. Les critiques ..................................................................................................................................... 23
a. La méthode ............................................................................................................................................... 23 b. Les résultats ............................................................................................................................................. 24 c. L’analyse .................................................................................................................................................... 24
3. Les améliorations ........................................................................................................................... 25 4. L’intérêt de ce bilan ....................................................................................................................... 26
Conclusion ...................................................................................................................................... 27
Références bibliographiques Annexes 1. Les paramètres de la plate‐forme Satel® 2. Evaluation de l’équilibre en condition statique yeux ouverts 3. Evaluation de l’équilibre en condition statique yeux fermés
Résumé
Le sujet présenté dans ce travail porte sur la rééducation des personnes
lombalgiques chroniques. Il est actuellement reconnu dans la littérature,
que ces patients ont un déficit de proprioception. En pratique, aucun bilan
n’est réalisé pour évaluer ce manque. Ce travail a pour objectif d’analyser le
contrôle postural des patients lombalgiques chroniques par rapport à un
groupe témoin. Afin d’essayer d’apporter des réponses satisfaisantes, une
pré‐étude cas‐témoins a été mise en place, avec comme outil de bilan : la
plate‐forme de stabilométrie et un plan statique instable. Cette démarche a
permis de confirmer que les personnes lombalgiques ont un contrôle
postural déficitaire. Cette nouvelle utilisation de la plateforme pourrait être
également employée dans la rééducation de la proprioception. Il y aurait un
avantage pédagogique grâce au biofeedback.
Mots clés
• Lombalgie commune Low Back Spain
• Bilan Assessment
• Plateforme de force Force platform
• Rachis Rachis
• Contrôle postural Postural control
• Proprioception Proprioception
1
Introduction Le cadre général de ce travail porte sur la lombalgie commune. Cette pathologie est
actuellement, dans notre société, un problème de santé publique. Elle représente près de 6
millions de consultations chaque année et constitue la 3e cause d’invalidité en France. La
Haute Autorité de la Santé (HAS), lors de la conférence de consensus de 2005, la caractérise
par des douleurs lombaires de l’adulte qui apparaissent sans rapport avec une cause précise
(tumeur, infection, maladie inflammatoire, pathologie viscérale, tassement vertébral,
traumatisme). [17]
Ce mémoire traite plus particulièrement de la lombalgie chronique (LC). Elle se définit
par le caractère ancien des douleurs dans la région lombaire, d’une durée supérieure à trois
mois. Actuellement 10 % des personnes ayant une lombalgie aigue deviennent des personnes
aux douleurs chroniques.
Le rachis est un outil fragile qui supporte mal l’hypersollicitation : soit en répétition dans le
temps, soit en effort bref mais intense. L’influence du vieillissement est forte : après 35-40
ans, la personne qui était capable de rester des heures assises remarque une diminution de son
endurance.
lombalgie commune aigue =>chronique
expression non mécanique
Malformation congénitale
Maladie métabolique (Rhumatisme)
Tumorale Ostéoporose
expression mécanique
pathologie discale
discopathie (hernie, instabilité)
discarthrose
pathologie non discale
blocage facettaire
2
Les facteurs de risques de chronicité sont :
- Professionnels : le port de charges, les vibrations, les flexions ou torsions du tronc
fréquentes ou prolongées, les postures contraignantes ;
- Individuels : la condition physique, le morphotype, le tabagisme.
Les facteurs qui servent de pronostic :
- Positif : la condition physique, la volonté.
- Négatif : l’insatisfaction au travail, les bas revenus, les facteurs psychologiques.
La chronicité des douleurs engendre de lourdes conséquences sur l’individu. Tom Mayer
décrit une boucle du déconditionnement physique et psycho-social. [1]
Douleur
Catastrophisme
Peur de la douleur d'une nouvelle
blessure Evitement
Déconditionnement Incapacité
Perte d'emploi Dépression
Blessure
3
Ce syndrome de déconditionnement à l’effort apparaît après quatre à six mois d’inactivité, il
associe :
− une perte de mobilité rachidienne,
− une diminution des performances musculaires qui prédomine sur les extenseurs du
rachis,
− une diminution des capacités cardio-vasculaires à l’effort,
− une réduction des possibilités fonctionnelles,
− un retentissement psychosocial avec une augmentation de l’anxiété et de la dépression.
[12]
La perte de la mobilité rachidienne est due à une fragilisation des disques intervertébraux. Le
disque est quasiment avasculaire, seules les propriétés tixotropiques des gels qu’il contient
(propriété de certains corps à être en gel pâteux au repos et à se transformer en solution
lorsqu’ils sont remués) assurent sa nutrition. L’activité d’une personne provoque des
variations de pressions sur ses disques : compression-décompression, ce qui permet un
échange de nutriments et de déchets entre les plaques cartilagineuses et le disque. Ce
phénomène d’imbibition permet l’hydratation du nucléus pulposus. La bonne hydratation des
disques intervertébraux contribue à la souplesse du rachis. De ce fait, le sujet lombalgique qui
reste inactif, immobile, perd physiologiquement de sa souplesse. Les disques ne sont pas les
seuls vecteurs de la perte de mobilité du rachis. L’immobilité entraine une hypo-extensibilité
des tissus musculaires. La perte d’extensibilité des ischio-jambiers, des quadriceps, des
fessiers entrainent des compensations de toute la région lombaire. Ces adaptations posturales
provoquent à long terme des pertes de mobilité du complexe lombo-pelvi-fémoral et
engendrent des douleurs. Il y a un dispositif proprioceptif capsulo-ligamentaire et musculaire
qui est particulièrement riche au niveau lombaire. La diminution d’activité diminue le nombre
de stimulations des récepteurs proprioceptifs, ceux-ci deviennent alors moins sensibles. La
perte d’efficacité de ce système provoque des postures inadaptées du sujet qui peuvent se
traduire par des douleurs. De plus, si le sujet a subi des lésions ligamentaires, la cicatrisation
transforme les propriétés originelles du tissu. En l’absence d’activité ciblée, les structures
deviennent peu élastiques, peu résistantes, rétractiles et elles ne transmettent pas
d’informations sensitives. Le capital proprioceptif de l’individu est alors affaibli.
4
Les muscles ont un lien avec les douleurs lombaires, un rôle direct dans le cas de traumatisme
ou microtraumatisme et un rôle indirect dans le cas des douleurs projetées, d’une origine
psychogène. La région lombo-abdominale est enveloppée par un grand nombre de muscles :
- le grand droit de l’abdomen le transverse en avant ;
- les obliques internes et externes, le carré des lombes, le psoas en latéral ;
- les muscles spinaux de la profondeur à la superficie : les transverses épineux, les
longissimus, les multifidus, les interépineux, le dentelé postéro-inférieur et le grand
dorsal. [5]
A long terme, le sujet lombalgique se déconditionne, il a alors une diminution de ses capacités
musculaires, ce qui menace toute son architecture vertébrale. Il y a un déficit de force global,
et plus particulièrement un déficit des extenseurs par rapport aux fléchisseurs. Par la faiblesse
musculaire des spinaux, l’articulation intervertébrale ne dispose plus « normalement » de
l’effet stabilisateur de ces muscles. A partir de biopsies et d’imageries, il a été mis en
évidence des modifications anatomo-pathologiques importantes au niveau des muscles
extenseurs. Il y a une atrophie sélective des fibres de types II, par rapport aux fibres I, qui,
elles, sont conservées par la contraction réflexe liée à la souffrance lombaire. Ceci explique la
perte de force musculaire et plus particulièrement la chute des performances en endurance des
muscles spinaux. Il y a également une augmentation de la masse graisseuse. Par des
enregistrements électriques il a été montré que les personnes lombalgiques avaient une
difficulté à relâcher les muscles lombaires [6].
L’état de chronicité a des répercussions sur l’adaptation cardiaque aux efforts. Le manque
d’activité physique a un rôle néfaste sur la performance cardiaque.
La personne lombalgique a une réduction de ses possibilités fonctionnelles. Du fait de ses
troubles sensoriels, de la peur et d’une surprotection rachidienne instinctive, elle a un temps
de réaction augmenté et une gestualité inhibée. Les déficits fonctionnels sont principalement
dus à la faiblesse musculaire, à la désadaptation cardio-vasculaire et au comportement
d’évitement.
L’activité physique prolongée de type endurance est libératrice d’endorphines
(neurotransmetteurs situés au niveau du cerveau, de la moelle épinière). Ces molécules ont
des effets antalgiques, anxiolytiques, anti-dépresseurs, proche des effets de la morphine. Le
taux d’endorphines chez les personnes lombalgiques est significativement inférieur à celui de
5
personnes saines. En plus de l’arrêt de travail, les personnes interrompent leurs activités de
loisirs, elles ont une inadaptation aux stations prolongées et une fatigue générale pour les
tâches de plus en plus simples. Tout ceci les exclut peu à peu de leur vie socio-économique. Il
est important de les remotiver et de leur donner les moyens de retrouver un état physique
performant et sans douleurs.
La prise en charge de cette pathologie doit être globale, c’est-à-dire comprenant un versant
biologique, un versant psychologique et un versant social, cela de manière pluridisciplinaire
(kinésithérapeute, ergothérapeute, assistante sociale, EPA : Educateur Physique Adapté,
médecin).
Dans le domaine de la kinésithérapie est apparu il y a une vingtaine d’année le concept de
« programme RFR » (Restauration Fonctionnelle du rachis) qui a pour but de restaurer en
premier lieu la fonction. Les moyens d’évaluations de la lombalgie dans ce programme sont
extrêmement codifiés. Il comprend un bilan de la douleur (interrogatoire, Echelle Visuelle
Analogique, cartographie), une évaluation de la flexibilité (complexe lombo-pelvi-fémoral,
quadriceps, adducteurs, psoas, triceps), un bilan de la force musculaire (test Biering-
SØrensen, Test de Ito Shirado pour les extenseurs et les abdominaux, test à l’aide de matériel
d’isocinétisme). Il y a également une évaluation fonctionnelle avec un test de port de charge
(test PILE) et un questionnaire pour évaluer l’incapacité fonctionnelle et un dépistage des
tendances dépressives par un questionnaire HAD (Anxiété & Dépression).
Cependant il n’y a pas d’évaluation de la proprioception du sujet, pourtant de nombreuses
études ont démontré un déficit de proprioception chez les lombalgiques. La littérature est
pauvre en bilan proprioceptif fiable et simple à mettre en œuvre en centre ou en cabinet
libéral. Le lombalgique a une déficience de contrôle postural et pour lui proposer une
rééducation adaptée, personnalisée, il faut connaître précisément sa déficience. Sans bilan
fiable, on reste limité dans l’adaptation de la prise en charge. Je me suis alors intéressée à ce
manque.
Dans le cadre de mes stages, j’ai vu réaliser des bilans posturologiques pour les patients
lombalgiques. Cette épreuve est réalisée debout sur une plate-forme de stabilométrie, en début
et en fin de traitement. Je me suis demandé pourquoi on ne réalise pas également un bilan
assis, ce qui permet de shunter les membres inférieurs et ainsi d’analyser uniquement la
posture du tronc. De plus la position assise est un état indispensable du quotidien de l’Homme
6
du 21° siècle. Le siège est considéré comme un accessoire sans danger, et pourtant nombreux
lombalgiques tolèrent mal la position assise.
La position assise peut être tenue de différentes façons :
− L’attitude relâchée place le bassin en rétroversion, ce qui engendre une délordose. Et
provoque une diminution de l’espace antérieur inter-vertébrale. L’activité musculaire
des muscles superficiels et profonds s’arrête. Cet état est très économique sur le plan
énergétique, il y a d’une part une diminution globale de la pression sur les disques
intervertébraux, mais d’autre part le rachis est abandonné à sa stabilité ligamentaire
sans protection par la tension musculaire. Il y a un étirement des plans postérieurs
(ligament commun longitudinal postérieur, ligament jaune, ligament inter-épineux et
le ligament sur-épineux et fibres postérieures de l’annulus fibrosus).
− L’attitude redressée met en éveil les muscles paravertébraux, qui offrent une résistance
à la flexion. Ils ont une activité antigravifique automatisée. Ils jouent un rôle de
protection contre les contraintes excessives, par contre la contraction de ces muscles
entraine une compression accrue sur des disques intervertébraux. [7]
Figure 1 : L’adaptation du complexe lombo-pelvi-fémoral dans la posit ion assise.
7
Les douleurs qui résultent d’activités sportives ou professionnelles en position debout auront
pour conséquence l’apparition de douleur en position assise. La cause est ailleurs mais la
souffrance se manifeste en voiture ou au bureau.
De ce fait ma problématique est la suivante : La lombalgie influence-t-elle la stabilité
assise ?
8
Posture La posture correspond au maintien du corps dans une position déterminée. La posture est
possible grâce à des messages afférents qui informent l’individu de son état, ils viennent des
entrées sensorielles et des messages efférents qui vont permettre de réguler les déséquilibres
par l’intermédiaire de l’activité musculaire. Pour pouvoir coordonner toutes ces informations,
il faut un centre intégrateur. Nous allons voir comment s’organise la posture et par quel
moyen il est possible de l’évaluer.
1. Rappel Anatomo‐physiologique
a. Le contrôle moteur Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut faire la distinction entre stabilité et équilibre. La
stabilité est la propriété d’un corps, qui est dérangé de son équilibre, à revenir à son état.
Alors que l’équilibre est un état limite idéal vers lequel tend, plus ou moins habituellement,
l’homme debout. [2] Les principales structures mises en jeu dans le contrôle postural, sont le tronc cérébral, le
cervelet, les ganglions de la base et les hémisphères cérébraux au niveau des aires motrices.
Les ganglions de la base et du tronc cérébral sont les centres régulateurs des ajustements
posturaux. Ils agissent en anticipation (feed forward) et en boucle de rétroaction (feed back).
[14]
Chaque fois que le centre de gravité s’écarte de sa position moyenne, il est ramené vers elle
par ces mécanismes performants qui l’empêchent de sortir des limites de cette zone
d’attraction. L’activité musculaire phasique est le système de contrôle de la posture
orthostatique qui permet de maintenir les minimes mouvements du corps à l’intérieur du
polygone de sustentation. Par contre, c’est la contraction musculaire tonique qui détermine la
position moyenne du corps dans l’espace. Ces deux activités musculaires sont très liées dans
les efférences du système postural fin. [2]
9
b. Les entrées sensorielles Le système postural fin est multimodal, il a besoin d’intégrer toutes les afférences
sensorielles. Les exo-entrées, c’est-à-dire l’œil, le vestibule et la sole plantaire, fournissent
des informations sur le monde extérieur. Et les endo-entrées, l’oculomotricité et la
proprioception de l’axe corporel apportent les informations du monde intérieur. Toutes ces
informations sont utilisées conjointement, même si elles n’ont pas le même poids, ni chez tous
les sujets, ni à tout moment.
La vision
La vision est le sens le plus développé chez l’être humain : environ 70 % des récepteurs
sensoriels de l’organisme sont situés dans l’œil. Ces récepteurs sont appelés photorécepteurs,
ils sont des neurones modifiés qu’on apparente à de grandes cellules épithéliales dont
l’extrémité est enfouie dans la partie pigmentée de la rétine. Les cellules ganglionnaires
quittent l’arrière du bulbe de l’œil et forment le nerf optique. Il envoie l’information
Commande du mouvement
Exécution du mouvement
Ajustement anticipateur
Contrôle de la posture
Perturbation de la posture Feedback postural
10
rétinienne à l’aire visuelle du cortex. C’est là que se produit la perception consciente des
stimuli visuels : la vision. [4]
Le vestibule
Le système vestibulaire est le système de l’équilibre. Il comporte des récepteurs, un nerf, des
noyaux et des connections nerveuses. Les récepteurs sont situés dans l’oreille interne et sont
constitués par les canaux semi-circulaires, l’utricule et le saccule. L’ensemble forme le
labyrinthe membraneux, dans lequel circule la périlymphe. Ce labyrinthe est contenu dans un
labyrinthe osseux. Le nerf de ce système est le nerf VIII vestibulaire et possède un ganglion
situé dans le conduit auditif interne. Le système vestibulaire constitue un réseau qui partage
les informations de l’appareil vestibulaire avec les systèmes cérébelleux, spinaux et visuels.
Les fonctions du système vestibulaire sont :
− Maintien de l’équilibre.
− Rétablissement de l’équilibre pour toute variation de la position de référence.
− Repérage de la position de la tête dans l’espace.
− Orientation des yeux en fonction de la position.
Il existe un seuil de sensibilité des canaux semi-circulaires au-dessous duquel ils ne donnent
pas d’informations. Cependant ce seuil a une valeur qui varie en fonction des auteurs de
0,05°/s2 à 0,65°/s2. [2]
La proprioception de l’axe corporel
La proprioception, du latin « proprius » : propre et « recipere » : recevoir, se définit par la
capacité à connaître la position de notre corps dans l’espace ou de chacun de nos membres les
uns par rapport aux autres. La proprioception rassemble trois propriétés :
- La sensibilité à la position : statésthésie, qui nous informe continuellement des angles
formés par chaque articulation.
- La sensibilité au mouvement : kinesthésie, correspond à une sensation de vitesse,
d’amplitude et de direction.
- La sensibilité à la force.
La proprioception est pour une partie inconsciente et pour une autre consciente. La
proprioception inconsciente intervient dans le maintien de la station debout et dans les
11
ajustements posturaux. Elle repose sur la mise en jeu des voies réflexes médullaires
permettant le réajustement rapide. La proprioception consciente comprend la statésthésie et la
kinesthésie, repose sur le traitement cortical des informations proprioceptives. La capture de
l’information se fait par les fuseaux neuro-musculaires, les organes tendineux de Golgi et les
récepteurs articulaires.
Les fuseaux neuro-musculaires sont des récepteurs sensoriels localisés dans la partie charnue
de tous les muscles striés. Chaque fuseau reçoit une innervation sensitive véhiculée par les
fibres afférentes Ia et II et une innervation motrice assurée par les motoneurones γ qui
permettent leur contraction. Les terminaisons des fibres Ia et II du fuseau neuro-musculaire
sont sensibles à l’étirement musculaire. Le fuseau neuromusculaire constitue le récepteur du
réflexe monosynaptique ou réflexe d’étirement.
Les organes tendineux de Golgi sont localisés au niveau des jonctions musculo-tendineuses et
musculo-aponévrotiques. Ces organes sont innervés par des fibres Ib et sont des indicateurs de
la tension exercée sur le muscle, que celle-ci soit un allongement ou une contraction du
muscle.
Les récepteurs articulaires sont situés dans les capsules articulaires et les ligaments. Ils
comprennent des corpuscules de Ruffini, des organes tendineux de Golgi, les corpuscules de
Pacini et des terminaisons libres. [9]
L’oculomotricité
L’oculomotricité repose sur des bases anatomo-physiologiques complexes. En pratique,
l’oculomotricité permet la vision binoculaire, qui est une fonction sensorielle particulièrement
développée chez l’homme. La vision binoculaire peut être définie par l’utilisation conjuguée
des deux yeux, permettant la formation simultanée de l’image d’un même objet sur la rétine.
L’oculomotricité intrinsèque permet l’accommodation à la distance (adaptation
cristallinienne) et aux différences de luminosité (adaptation pupillaire). L’oculomotricité
extrinsèque permet des mouvements synergiques des globes oculaires, mouvements
physiologiques que l’on peut appeler : mouvements conjugués. Il y a une connexion
vision/oculomotricité par l’existence de certaines fibres qui gagnent directement des centres
oculomoteurs sans rejoindre le cortex (voie rétino-tectale). [8]
12
2. La stabilométrie La posturographie vise à apprécier la qualité du système de régulation posturale d’un
sujet. La posturologie est strictement incapable de conduire à un diagnostic classique. La
posturologie ne remplace rien, elle n’a d’intérêt qu’au delà des bilans traditionnels [2]. La
stabilométrie a des limites. Il faut garder à l’esprit qu’elle réduit le patient en un point, son
centre de pression.
a. La plate‐forme La plate-forme repose sur
trois jauges de contraintes, g1,
g2, g3, situées au sommet
d’un triangle équilatéral de 40
cm. Selon le fabriquant et le
modèle de la plate-forme, le
nombre de jauges varient. Ces jauges mesurent le
déplacement du centre de
pression, ce signal est
amplifié, filtré et envoyé en
numérique à l’ordinateur.
b. Les résultats de l’enregistrement Les résultats de l’enregistrement posturologique sont transmis sur l’ordinateur. Ils
comprennent de nombreux paramètres (stabilogramme, surface de déplacement...),
certains ayant une valeur qualitative et d’autres quantitative. (cf. annexe)
c. L’environnement
La plate-forme de stabilométrie mesure comment un sujet se stabilise dans son
environnement. Pour que les résultats soient comparables, il faut donc que la plate-forme et
Figure 2 : schéma de la plate‐forme de stabilométrie
13
l’environnement, particulièrement visuel, soient normalisés. D’après une conférence de
consensus de l’AFP (Association Française de Posturologie), la cible visuelle doit être située à
90 cm de la plate-forme, avec un éclairage de 2 000 lux. Il n’y a pas de publication sur les
conditions de l’environnement auditif, par contre on sait parfaitement qu’il ne doit pas
détourner l’attention du sujet en examen, car le niveau de vigilance joue considérablement sur
les performances posturales.
14
Méthode
Il s’agit d’une pré-étude « cas-témoins », qui s’est déroulée entre janvier et février 2011, au
service RTO (rhumato-traumato-orthopédie) du centre de Pérharidy à Roscoff.
Ce travail a pour objectif d’évaluer la stabilité des personnes lombalgiques en station assise
sur un plan instable. Pour pouvoir analyser les valeurs stabilométriques en termes de bilan, il
faut comparer les résultats du sujet lombalgique aux valeurs de la norme, la norme étant une
grande population de personnes saines. Ces valeurs existent pour la posturologie en situation
debout, mais pas en position assise, c’est pourquoi il a fallu former deux groupes : un premier
groupe constitué de patients lombalgiques et un second de sujets sains. Cette pré-étude
compte 33 sujets.
1. La population étudiée
a. La population lombalgique La population est issue du centre de Perharidy. Le service de RTO comprend en moyenne,
tout au long de l’année, une dizaine de personnes lombalgiques chroniques. Elles viennent en
majorité pour une durée de 4 semaines suivre un programme de reconditionnement à l’effort
type RFR (Restauration Fonctionnelle du Rachis).
Les critères d’inclusion :
• Lombalgie chronique (plus de 3 mois) ;
Les critères d’exclusions :
• Trouble neurologique dégénératif,
• Opération chirurgicale du rachis,
• Trouble cognitif,
• Radiculalgie aigue,
• Troubles vestibulaires,
• Troubles visuels non corrigés.
15
Ces 15 patients se répartissent en 8 femmes et 7 hommes, d’âge moyen 43 ans ± 10,1. Ils
souffrent de lombalgies depuis quatre ans et demi en moyenne ± 8,72 ans.
b. La population témoin Les sujets témoins sont des personnes volontaires du personnel du centre de Perharidy.
Les critères d’inclusion :
• Absence de douleurs lombaires 3 jours consécutifs dans l’année passée ;
Les critères d’exclusion :
• Troubles vestibulaires,
• Troubles visuels non corrigés,
• Atteintes des membres inférieurs dans l’année passée.
Ce groupe compte18 témoins, ils se répartissent en 15 femmes et 3 hommes, d’âge moyen 26
ans ± 12,6.
2. Le matériel
Figure 3 : la plate-forme et le plan
instable.
L’ensemble est situé dans une cabine d’analyse fermée par des draps, ce qui permet de
supprimer tous repères visuels horizontaux et verticaux et ainsi de normaliser l’impact de
L’analyse posturologique de l’équilibre statique sur
le plan instable (hémisphère) a été réalisée par la
plate‐forme Satel®. La plate‐forme est placée sur une table suffisamment haute pour que les sujets
n’aient pas les pieds qui touchent le sol. Sur la
plate‐forme est placé un plan instable, en plastique.
Ce plateau est constitué par un dessous concave et
un dessus antidérapant. Il a un diamètre de 40 cm
et une hauteur de 8 cm.
16
l’entrée visuelle. Une cible visuelle amovible est placée sur le mur de face, soit à 90 cm de la
plate-forme, dans l’axe horizontal du regard du sujet. Cet espace mesure 2 mètres en
profondeur, 1,50 mètre en largeur et 2,4 mètres en hauteur. La fréquence d’enregistrement de
la plate-forme est réglée à 5 Hz. Le choix de ces paramètres a été pris en fonction des normes
85 de l’AFP (Association Française de Posturologie). La cabine est située au cœur du service
et non dans un environnement insonorisé, ce qui pourrait avoir une influence sur les résultats.
A l’extérieur de la cabine, juste à côté, est placé l’ordinateur qui reçoit les données.
Figure 4 : installation expérimentale
3. La méthode Un interrogatoire est réalisé, le sujet précise son âge, son sexe, la durée d’évolution de la
lombalgie, l’intensité de la douleur lombaire par l’EVA (Echelle Visuelle Analogique).
La position assise a été choisie parce qu’elle présente certains avantages. Le premier concerne
l’absence totale de compensation avec les membres inférieurs, ainsi l’équilibre de l’individu
ne dépend que de l’activité des muscles du tronc. Le second concerne l’activité des muscles
en tant que telle, la position assise redressée demande un effort volontaire contrôlé des
muscles. Cette position est plus contraignante que la station debout pour les spinaux du fait de
la modification des courbures de la colonne vertébrale.
17
Pour permettre une position assise standardisée, je mesure la taille du fémur, du grand
trochanter au condyle fémoral latéral. Les personnes vont être placées de sorte à ce que les
trois quarts de leur fémur soient sur le plan instable. Il y a également une vérification de la
symétrie de l’assise en latérale.
Les consignes des tests sont les suivantes :
⇒ Se tenir assis en position redressée
La position assise redressée oblige le sujet à faire un effort volontaire contrôlé. Il met en éveil
ses structures actives : muscles antigravifiques. Il y a une Co-contraction des spinaux et des
abdominaux.
⇒ Les bras croisés sur la poitrine
Les membres supérieurs sont neutralisés, ils ne vont pas pouvoir participer aux réactions
d’équilibration du sujet.
⇒ Les jambes pendantes et non croisées, avec les pieds sans appui au sol
De la même façon que les membres supérieurs, cette consigne neutralise les membres
inférieurs.
⇒ Le regard à l’horizontal, qui observe le point placé sur le drap en face
Le point est replacé pour chaque patient, de sorte qu’il soit dans l’axe horizontal de ses yeux.
Ainsi le regard place le rachis cervical en position neutre, position utilisée dans la vie
quotidienne lors de la conduite.
⇒ Avoir une respiration fluide
⇒ Ne pas serrer les dents
⇒ Ne pas parler
L’objectif est de maintenir la plateforme le plus horizontal possible.
18
Figure 5 et 6 : Evaluation posturale statique sur plan instable (hémisphère)
4. Le protocole Pour chaque sujet, il y a trois essais les yeux ouverts et trois les yeux fermés. Chaque
enregistrement dure 51,2 s. Les deux premiers sont des exercices, pour permettre au sujet de
se familiariser avec le matériel. Il est décrit dans des études similaires un phase d’habituation
du sujet à l’exercice. Cela permet également de vérifier si les consignes sont bien comprises et
respectées.
19
Résultats
1. Le traitement statistique Les résultats ont été analysés par traitement statistique grâce au test W de Wilcoxon afin de
comparer les valeurs entre les sujets lombalgiques et les sujets témoins. Le choix de ce test
vient de la petite taille de l’échantillon (< 60 sujets). Une valeur de p (p-value) inférieure à
0,05 a été prise comme limite significative pour ces tests.
Soit p < 0,05 : P* , Non Significatif : NS
Certains paramètres n’ont pas été pris en compte :
- X-moyen et Y-moyen, ces paramètres dépendent de l’installation du patient, celle-ci a
était la plus normée possible, mais reste peu fiable.
- VFY, ce paramètre met en évidence la relation qui existe entre la force de gravité et la
force produite par les muscles de la loge postérieure des jambes. Ces valeurs ne
peuvent être analysées dans le cas où le sujet est assis.
- Le statokinésigramme et le stabilogramme sont des tracés, ils n’ont qu’une valeur
qualitative.
- LFS correspond au chemin parcouru par le centre de pression au cours de
l’enregistrement, c’est-à-dire à la « longueur du statokinésigramme ».
2. Les résultats les yeux ouverts
Témoin Lombalgique Test W
Longueur X (mm) 22,00 ± 7,57 30,00 ± 9,73 P = 0,23 : NS
Longueur Y (mm) 32,50 ± 6,66 38,00 ± 33,20 P = 0,05 : P*
Amplitude X (mm) 3,50 ± 1,52 3,40 ± 1,40 P = 0,73 : NS
Amplitude Y (mm) 4,95 ± 2,43 5,90 ± 2,44 P = 0,30 : NS
Surface (mm2) 50,00 ± 27,34 55,00 ± 28,44 P = 0,87 : NS
Vitesse moyenne (mm/s)
0,90 ± 0,18 1,00 ± 0,63 P = 0,15 : NS
Tableau 1 : Comparaison entre les deux groupes avec les yeux ouverts, à partir des valeurs
des médianes de différents paramètres.
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L’analyse statistique des données montre :
− une longueur de déplacement selon l’axe antéro-postérieur des personnes
lombalgiques significativement supérieure à celle des sujets contrôle dans la situation
avec les yeux ouverts.
− Il n’y a pas de différence significative pour tous les autres paramètres.
3. Les résultats les yeux fermés
Témoin Lombalgique Test W
Longueur X (mm) 23,50 ± 7,38 30,00 ± 14,72 P = 0,14 : NS
Longueur Y (mm) 31,50 ± 7,87 37,00 ± 48,01 P = 0,13 : NS
Amplitude X (mm) 3,15 ± 1,41 4,30 ± 1,69 P = 0,04 : P*
Amplitude Y (mm) 5,10 ± 2,32 4,30 ± 4,36 P = 0,62 : NS
Surface (mm2) 45,00 ± 18,64 63,00 ± 38,53 P = 0,05 : P*
Vitesse moyenne (mm/s)
0,90 ± 0,25 1,10 ± 0,63 P = 0,07 : NS
Coefficient de
Romberg 0,72 ± 0,39 0,98 ± 0,81 P = 0,23 : NS
Tableau 2 : Comparaison entre les deux groupes avec les yeux fermés, à partir des valeurs
médianes de différents paramètres.
L’analyse statistique des données conduit aux observations suivantes :
− La surface de déplacement du centre de pression des personnes lombalgiques est
significativement supérieure à celle des sujets témoins les yeux fermés.
− L’amplitude latérale du centre de pression est significativement supérieure à celle des
sujets contrôle lors de l’occlusion des yeux.
− Il n’y a cependant pas de différence significative pour la longueur du déplacement du
centre de pression selon les deux axes, pour l’amplitude antéro-postérieur, ainsi que
pour la vitesse moyenne et le coefficient de Romberg.
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4. Comparaison des résultats pour les témoins
Yeux ouverts Yeux fermés Test W Longueur X (mm) 22,00 ± 7.57 23,50 ± 7,38 P = 0,65 : NS
Longueur Y (mm) 32,50 ± 6,66 31,50 ± 7,87 P = 0,89 : NS
Amplitude X (mm) 3,50 ± 1,52 3,15 ± 1,41 P = 0,53 : NS
Amplitude Y (mm) 4,95 ± 2,43 5,10 ± 2,32 P = 0,81 : NS
Surface (mm2) 50,00 ± 27,34 45,00 ± 18,64 P = 0,22 : NS
Vitesse moyenne (mm/s)
0,90 ± 0,18 0,90 ± 0,25 P = 0,91 : NS
Tableau 3 : Comparaison des résultats des sujets témoins les yeux ouverts et les yeux fermés. L’analyse statistique des données conduit aux observations suivantes :
− Il n’y a pas de différences significatives entre la situation les yeux ouverts et les
yeux fermés pour tous les paramètres étudiés.
5. Comparaisons des résultats pour les lombalgiques
Yeux ouverts Yeux fermés Test W Longueur X (mm) 30,00 ± 9,73 30,00 ± 14,72 P = 0,72 : NS
Longueur Y (mm) 38,00 ± 33,20 37,00 ± 48,01 P = 0,49 : NS
Amplitude X (mm) 3,40 ± 1,4 4,30 ± 1,69 P = 0,37 : NS
Amplitude Y (mm) 5,90 ± 2,44 4,30 ± 4,36 P = 0,57 : NS
Surface (mm2) 55,00 ± 2,44 63,00 ± 38,53 P = 0,68 : NS
Vitesse moyenne (mm/s)
1,00 ± 0,63 1,10 ± 0,63 P = 0,71 : NS
Tableau 4 : Comparaison des résultats des sujets lombalgiques les yeux ouverts et fermés.
L’analyse statistique des données conduit aux observations suivantes :
− De façon identique aux résultats des sujets témoins, il n’y a pas de différences
significatives entre les valeurs trouvées lorsque les sujets lombalgiques ont les
yeux ouverts et fermés.
22
Discussion
1. L’analyse des résultats confrontés à la littérature On remarque qu’il y a plus de paramètres qui sont significativement différents entre les deux
groupes dans la situation : yeux fermés que dans celle : yeux ouverts. Ceci est en accord avec
les résultats de Radebold et al. Cette différence pourrait être due à une visio-dépendance plus
importante pour les personnes lombalgiques, conséquence de leur déficit proprioceptif. [13]
Lorsque les sujets ont les yeux ouverts, les lombalgiques ont une longueur de déplacement
dans l’axe antéro-postérieur significativement supérieure aux sujets sains. Ces résultats sont
en accord avec ceux de Van Deale. L’équilibre entre la chaine musculaire antérieure et la
postérieure est perturbé. Il n’y a plus de synergie entre les groupes musculaires antagonistes,
de ce fait il se produit une sur-activité et donc il y a un déplacement plus ample [15] (cf.
tableau 1).
La surface de déplacement du centre de pression est significativement plus grande pour les
personnes lombalgiques que pour les sujets témoins, lorsqu’ils ont les yeux fermés. Van
Daele et al. ainsi que Radebold et al. ont constaté que les patients lombalgiques ont un
mouvement postural plus grand. Ils expliquent ces résultats par l’existence d’une « zone
morte », c’est-à-dire un secteur angulaire dans lequel les lombalgiques n’ont pas
d’informations sensorielles. Il s’agirait d’une augmentation du seuil de sensibilité des
récepteurs proprioceptifs, ce qui serait une conséquence des blessures antérieures. Les
patients produisent de plus grands mouvements de leur centre de pression dans des intervalles
à court terme pour surmonter les zones mortes. Le mouvement de grande amplitude pourrait
alors mener à un retour d’information et par conséquence à améliorer le contrôle postural de
la région lombaire. L’augmentation des oscillations est également due à la rigidité active des
muscles du tronc, analyse qui a été objectivée par des EMG (Electro-Myo-Gramme). [13]
[15] La plupart des posturologues s’accordent pour reconnaître que le paramètre : surface est
un des plus pertinents, pour quantifier la capacité d’un individu à s’adapter dans des
conditions statiques. (cf. tableau 2)
23
L’amplitude latérale du centre de pression des lombalgiques est significativement supérieure à
celle des sujets contrôle lors de l’occlusion des yeux. Ce résultat est en accord avec ceux de
Van Daele et al. [15] (cf. tableau 2)
La vitesse de déplacement du centre de pression est plus importante pour les personnes
lombalgiques que pour les sujets contrôle lors de l’occlusion des yeux. Selon Mathias et al.
une vitesse plus importante pour les personnes lombalgiques reflèterait une augmentation de
l’activité musculaire et par la suite une plus importante dépense énergétique. Ici, cette
différence n’est cependant pas significative. [11](cf. tableau 2)
Lors de la comparaison des résultats yeux ouverts et yeux fermés par groupe, il n’y a pas de
différence significative pour les paramètres étudiés, aussi bien pour les sujets témoins que
pour les lombalgiques. (cf. tableau 3 et 4). Ces résultats ne sont pas en accord avec Radebold
et al. Tous les paramètres sont significativement supérieurs lorsque les individus ont les yeux
fermés par rapport à la situation les yeux ouverts, cependant l’augmentation est plus marquée
dans le groupe lombalgique. [13]
La comparaison des résultats des études réalisées assis avec celle réalisées debout dans les
mêmes conditions ne montre pas de différence. Le contrôle postural est moins efficient pour
les personnes lombalgiques, il y a une augmentation significative de tous les paramètres. [11],
[13], [15], [16].
2. Les critiques
a. La méthode La méthode comporte quelques biais. Les deux groupes de sujets ont un âge médian
significativement différent, p = 0,009. Le groupe de lombalgiques est plus âgé. Le
vieillissement favorise la fragilisation discale et la raideur rachidienne, par des facteurs
mécaniques, génétiques et physiologiques. Ce n’est pas une étude spécifique des effets de la
lombalgie sur la stabilité posturale. [6]
Les sujets ne réalisaient pas leurs enregistrements aux mêmes moments de la journée. Ils
n’avaient donc pas le même niveau de fatigue musculaire et le même état d’échauffement.
24
Leur niveau de vigilance au moment du test n’était alors pas le même, et ce facteur peut avoir
influencé les résultats.
L’absence de support vidéo ou de capteurs de position peut avoir faussé la pré-étude. Il n’y
avait pas de retour d’information sur la position que prenait le sujet, ainsi s’il se plaçait au
cours de l’exercice dans une attitude antalgique, il n’était alors plus dans la consigne
« position assise redressée de référence ». Il n’y avait pas de moyen de le corriger ou d’en
tenir compte dans l’analyse des résultats.
Les tests ont été réalisés avec une plate-forme de force réglée à une fréquence
d’enregistrement de 5 Hz (5 repérages par seconde du déplacement du centre de pression), en
référence aux normes 85 (AFP : Associations Françaises de Posturologie). Dans les études
actuelles les enregistrements sont faits à des fréquences beaucoup plus élevées (de 40 Hz à
100 Hz). Plus la fréquence est élevée, plus les capteurs sont sensibles au nombre de
mouvements du centre de pression par seconde. En choisissant une valeur plus élevée les
résultats auraient peut être été différents.
b. Les résultats
L’absence de différence significative entre les valeurs obtenues yeux ouverts et yeux fermés
par groupe n’est pas en accord avec la littérature. Il y a tout de même un écart entre ce deux
situation. Ce désaccord est certainement due aux nombreux biais énoncé ci-dessus.
c. L’analyse Quel est l’intérêt de réaliser des tests les yeux fermés, car lorsqu’on réalise les activités de la
vie quotidienne, nos yeux sont ouverts ? Ce test n’est donc pas représentatif de la vie réelle.
Réaliser les tests avec les yeux fermés permet d’analyser la visio-dépendance des sujets. Le
sujet a sur-développé un sens pour pallier la diminution d’un autre. Les lombalgiques ont une
moins bonne proprioception que les sujets sains à cause des lésions discales, facettaires,
tissulaires au niveau lombaires, à cause de la douleur, qui utilise les voies afférentes, elle
perturbe les informations somesthésiques. Le patient a trouvé une compensation, quel est
l’intérêt de changer cela ! Cependant la région lombaire est une partie de notre corps qu’on ne
25
voit pas, si l’on n’est pas sensibilisé à y faire attention et à être à son écoute, il est facile de
l’oublier…
L’utilisation d’une plate-forme de force pour évaluer la stabilité des patients lombalgiques
présente des limites. L’analyse de la posture est globale, certes la station assise avec les bras
croisés permet de shunter les membres, mais cela reste une analyse globale de l’ensemble du
rachis et non spécifique de la région lombaire. De plus la posturologie n’est qu’un outil, seul
il a peu de valeur.
3. Les améliorations Cette pré-étude pourrait être améliorée en augmentant la taille de l’échantillon. Plus les
groupes sont importants et plus les résultats fournissent des valeurs fiables.
Il serait intéressant de réaliser le test avec les plate-formes de posturographie dynamique, qui
sont actuellement utilisées pour les bilans des troubles de l’équilibre, avec atteinte ORL. Par
exemple « le Multitest-Equilibre® », c’est une plate-forme statique et dynamique, motorisée,
libre dans les 3 plans de l’espace, à angulation variable et enregistrable. Cet appareil permet
de quantifier les capacités de chaque entrée sensorielle et de comprendre la stratégie adoptée
par le sujet à un instant donné pour s’équilibrer. Bien sûr, ce matériel est bien plus onéreux et
se trouve beaucoup moins communément dans les centres de rééducations que les plate-
formes de force type Satel®.
Pour compléter cette pré-étude, il serait intéressant d’ajouter une analyse vidéo lors des tests.
Une analyse vidéo seule n’a qu’une valeur qualitative, par contre accompagnée de capteurs
placés sur des repères osseux du sujet, cela permet de décrire numériquement le déplacement
des différentes structures les unes par rapport aux autres dans l’espace. Et ainsi, il serait
possible d’objectiver et d’analyser les compensations et les stratégies posturales de l’individu.
Utiliser la posturologie couplée à des enregistrements EMG (Electro-Myo-Graphique), cela
rendrait possible l’analyse du temps de réaction des différents groupes musculaires. Ceci
donnerait l ‘occasion de connaître quel muscle a le temps de latence le plus important, donc le
moins de réactivité ; ce qui permettrait de stimuler en rééducation, ce muscle tout
particulièrement.
26
Pour aller plus loin et évaluer spécifiquement la proprioception, il faudrait placer le sujet
dans une cabine avec une lampe optocinétique. Ce matériel perturbe l’entrée visuelle,
l’individu ne peut plus l’utiliser pour contrôler sa posture. S’il est placé sur un plan stable, son
vestibule n’est pas stimulé. Dans ces conditions il n’y a que l’entrée proprioceptive qui entre
en jeu dans le contrôle postural.
4. L’intérêt de ce bilan
Pour pouvoir utiliser concrètement ce test, il faudrait établir une échelle de lecture simple des
résultats, par exemple à partir de la surface de déplacement avec des fourchettes qui
définiraient un bon niveau de stabilité, un niveau moyen et un niveau insuffisant.
Ce bilan pourrait être réalisé avant et après un programme de rééducation proprioceptive, pour
évaluer la rééducation. La plate-forme Satel® contient déjà des programmes de rééducations
proprioceptives, c’est un outil intéressant car il permet un biofeedback avec l’écran
d’ordinateur. Le patient pourrait être placé en station assise dans la même situation que pour
les tests. Et ainsi la plate-forme serait un outil complémentaire du ballon Klein, si souvent
utilisé dés qu’il s’agit de rééducation proprioceptive de la région lombaire, mais avec le
ballon, il est plus difficile d’évaluer la progression du contrôle postural du sujet.
27
Conclusion
Ce mémoire m’a permis de me familiariser avec l’utilisation de la plate-forme Satel®. La
conception de cette pré-étude m’a fait prendre conscience de la difficulté de réaliser un travail
de recherche et de la mise en place d’un protocole. Cela prend énormément de temps, et
nécessite une bonne organisation pour pouvoir faire participer le plus de monde possible aux
tests. Grâce au soutien de toute l’équipe du service de RTO du centre de Pérharidy, j’ai pu
aménager la cabine de posturologie. Du fait de ce mémoire j’ai également utilisé l’outil
statistique, et lu de nombreuses études. Je suis maintenant plus à même d’avoir un œil critique
sur les études que je lirai à l’avenir.
Il ne faut pas perdre de vue que le sujet est avant tout son propre thérapeute. On ne sait pas
encore à l’heure actuelle si c’est le manque de proprioception qui favorise la lombalgie ou
bien si la lombalgie crée la perte de proprioception. En tout état de cause mieux on se connaît,
et mieux on se prend en charge. Le kinésithérapeute aura dans les années qui viennent un rôle
de plus en plus préventif, mais concrètement que peut-il faire ?
Références bibliographiques
Livres
[1] COUDEYRE E, POIRAUDEAU S., HÉRISSON C. Information du patient et lombalgie
commune. Paris : Masson, 2003. 96p.
[2] GAGEY P-M, WEBER B. Posturologie : Régulation et dérèglements de la station debout.
Paris : Masson, 1999. 165p.
[3] KAPANDJI A.I. Anatomie fonctionnelle : tête et rachis. 6e éd. Paris : Maloine, 2007.
329p.
[4] MARIEB E. Anatomie et physiologie humaines. 6e éd. Canada : Pearson Education, 2004,
1288p.
[5] TROISIER O. Les lombalgies du symptôme au diagnostic. Paris : Flammarion, 2001.
337p.
[6] VANVELCENAHER J. Restauration Fonctionnelle du Rachis dans les lombalgies
chroniques. Paris : Frison-Roche, 2003. 203p.
[7] VIEL E, ESNAULT M. Lombalgies et cervicalgies de la position assise : conseils et
exercices. Paris : Masson, 1999. 158p.
Articles périodiques
[8] AVISSE C., LABROUSSE M., OUEDRAOGA T. Les bases anatomiques de
l’oculomotricité. Journal français d’ophtalmologie, 2004, 27(8), p. 953-957.
[9] LAMY J-C. Bases neurophysiologiques de la proprioception. Kiné Scientifique, 2006,
475, p. 15-23.
[10] LUOTO S., TAIMELA S., HURRI H., et al. Psychomotor speed and postural control in
chronic low back pain patients : a controlled follow-up study. Spine, 1996, 21(22), p. 2621-
2627.
[11] MATHIAS M., ROUGIER P.R. In healthy subjects, the sitting position can be used to
validate the postural effects induced by wearing a lumbar lordosis brace. Annals of Physical
and Rehabilitation Medecine, 2010, 53, p. 511-519.
29
[12] POIRAUDEAU S., RANNOU F., REVEL M. Intérêts du réentrainements à l’effort dans
la lombalgie : le concept de restauration fonctionnelle. Annales de réadaptation et de
médecine physique, 2007, 50(6), p.419-424.
[13] RADEBOLD A., CHOLEWICKI J., GERT PD. et al. Impaired postural control of the
lumbar spine is associated with delayed muscle response times in patients with chronic
idiopathic low back pain. Spine, 2001, 26(7), p. 724-730.
[14] THOUMIE P. Posture, équilibres et chutes. Bases Théoriques de la prise en charge en
rééducation. Encyclopédie Médico-Chirurgicale, 1999, 26-452-A-10, 11p.
[15] VAN DAELE U., HAGMAN F., TRUIJEN S., et al. Differences in balance strategies
between nonspecific chronic low back pain patients and healthy control subjects during
unstable sitting. Spine, 2009, 34(11), p. 1233-1238.
[16] YAHIA A., JRIBI S., GHROUBI S., et al. Evaluation posturale et des forces musculaires
du tronc et des membres inférieurs chez le lombalgique chronique. Revue du rhumatisme,
2011, 78(2), p.166-172.
Actes de congrès
[17] Prise en charge masso-kinesithérapique dans la lombalgie commune : modalités de
prescription (mai 2005). Haute Autorité de Santé, 2005. 61p.
Annexes
1. Les paramètres de la plate‐forme Satel® Les paramètres sont classés par ordre d’apparition sur la feuille d’évaluation.
X-moyen (mm) : la moyenne des valeurs des abscisses du centre de pression sur le
référentiel du statokinésigramme.
Y-moyen (mm) : la moyenne des valeurs des ordonnées du centre de pression sur le
référentiel du statokinésigramme.
Longueur X (mm) : la distance totale parcourue par le centre de pression dans l’axe latéral.
Longueur Y (mm) : la distance totale parcourue par le centre de pression dans l’axe antéro-
postérieur.
Amplitude X (mm) : la distance qui sépare le point du centre de pression le plus à droite et
le point le plus à gauche.
Amplitude Y (mm) : la distance qui sépare le point le plus antérieur du plus postérieur du
centre de pression du sujet durant l’enregistrement.
Surface (mm2) : la surface de l’ellipse de confiance qui contient 90 % des positions
échantillonnées du centre de pression.
Vitesse moyenne (mm/s) : la distance parcourue par le centre de pression par unité de
temps : la seconde.
VFY : ce paramètre mesure la distance du point représentatif du sujet à la courbe V=f(Y).
V= variance pondérée de la vitesse des déplacements du centre de pression et Y = la position
du centre de pression selon l’axe des Y. Ce paramètre met en évidence la relation qui existe
entre la verticale de gravité, qui tombe en avant de l’axe tibio-tarsien et la force produite par
les muscles de la loge postérieure des jambes de sens contraire, qui empêche la chute.
LFS : le chemin parcouru par le centre de pression au cours de l’enregistrement correspond à
la « longueur du statokinésigramme ». Par extension, il permet d’évaluer l’énergie dépensée
par le sujet pour contrôler sa posture orthostatique. LFS est sans unité.
31
Coefficient de Romberg : mesure dans quelle proportion le sujet utilise sa vision dans le
contrôle de sa posture orthostatique, simplement en comparant les performances de la surface
les yeux ouverts et fermés. QR = S(YF)/S(YO)x100.
Statokinésigramme : c’est l’inscription des positions successives échantillonnées du centre
de pression par rapport à un référentiel dont l’origine est située au barycentre du polygone de
sustentation. Stabilogramme : c’est l’inscription selon le temps, en abscisse et les coordonnées des
positions successives du centre de pression, en ordonnée. Il y a donc deux graphiques, un pour
les X : mouvements droite-gauche et un pour les Y : mouvements avant-arrière.
FFT : Transformées rapide de Fourier. L’enregistrement est fractionné en différentes bandes
de fréquence d’oscillations sachant que chacune de ces bandes implique l’utilisation d’une
boucle de régulation sensori-motrice donnée.
2. Evaluation de l’équilibre en condition statique yeux ouverts
3. Evaluation de l’équilibre en condition statique yeux fermés