en guise d'introduction a une semiotique architecturale

20
EN GUISE D'INTRODUCTION A UNE SEMIOTIQUE ARCHITECTURALE: LA PROBLEMATIQUE DE LA FONCTION-SIGNE par Daniel PERAYA Une théorie de la signification architecturale et ur- baine s'est fait jour à partir du développement de la sémiotique. Elle se constitue aujourd'hui encore à par- tir du concept-clef: la fonction-signe. A travers la déconstruction de' celui-ci, c'est sans doute la définition des limites de la sémiotique qui s'ébauche. 1. Linguistique, sémiologie et sciences sociales Depuis que Ferdinand de Saussure en a formulé le projet fondateur, la sémiologie n'a cessé d'être l'objet de sollicitations de la part des «sciences de l'homme ». Quoi de plus normal en définitive puisque, à travers le Cours, la sémiotique se voyait définie comme une science qui étudierait «la vie des signes au sein de la vie sociale; elle formerait une partie de la psychologie sociale et par conséquent de la psychologie générale ... » (de Saussure, 1969). Pour de Saussure déjà, il s'agit d'indiquer l'enracinement de la sémiologie dans l'en- semble des sciences humaines. Car le point de vue du psychologue est aussi un point de vue sémiotique: «Il (le psychologue) étudie les mécanismes du signe chez l'individu ; c'est la méthode la plus facile mais elle ne conduit pas au-delà de l'exécution individuelle et n'atteint pas le signe qui est social par nature» (de Saussure, 1969 : 34). C'est donc dire aussi que le domaine sêmiologique est le domaine du social par excellence : pour pouvoir l'explorer, la recherche sémiotique devra donc s'adjoindre à la recherche anthropologique, psychanaly- tique, historique, sociologique, etc. Pourtant, ce que sera la sémio- logie, personne n'en sait encore rien. F. de Saussure même ne peut que reconnaître son existence en tant qu'elle est une nécessité théo- rique: «Puisqu'elle n'existe pas encore, on ne peut dire ce qu'elle sera, mais elle a droit à l'existence, sa place est déterminée d'avance» (de Saussure, 1969 : 33). En réalité, de Saussure en sait bien plus long que ce qu'il veut bien en dire. Lors d'une première délimitation du champ sémiotique, la sémiologie apparaît comme la science générale des signes, dont la 149

Upload: others

Post on 28-Mar-2022

5 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

LA PROBLEMATIQUE DE LA FONCTION-SIGNE
par
Daniel PERAYA
Une théorie de la signification architecturale et ur- baine s'est fait jour à partir du développement de la sémiotique. Elle se constitue aujourd'hui encore à par- tir du concept-clef: la fonction-signe. A travers la déconstruction de' celui-ci, c'est sans doute la définition des limites de la sémiotique qui s'ébauche.
1. Linguistique, sémiologie et sciences sociales
Depuis que Ferdinand de Saussure en a formulé le projet fondateur, la sémiologie n'a cessé d'être l'objet de sollicitations de la part des «sciences de l'homme ». Quoi de plus normal en définitive puisque, à travers le Cours, la sémiotique se voyait définie comme une science qui étudierait «la vie des signes au sein de la vie sociale; elle formerait une partie de la psychologie sociale et par conséquent de la psychologie générale ... » (de Saussure, 1969). Pour de Saussure déjà, il s'agit d'indiquer l'enracinement de la sémiologie dans l'en- semble des sciences humaines. Car le point de vue du psychologue est aussi un point de vue sémiotique: «Il (le psychologue) étudie les mécanismes du signe chez l'individu ; c'est la méthode la plus facile mais elle ne conduit pas au-delà de l'exécution individuelle et n'atteint pas le signe qui est social par nature» (de Saussure, 1969 : 34). C'est donc dire aussi que le domaine sêmiologique est le domaine du social par excellence : pour pouvoir l'explorer, la recherche sémiotique devra donc s'adjoindre à la recherche anthropologique, psychanaly- tique, historique, sociologique, etc. Pourtant, ce que sera la sémio- logie, personne n'en sait encore rien. F. de Saussure même ne peut que reconnaître son existence en tant qu'elle est une nécessité théo- rique: «Puisqu'elle n'existe pas encore, on ne peut dire ce qu'elle sera, mais elle a droit à l'existence, sa place est déterminée d'avance» (de Saussure, 1969 : 33). En réalité, de Saussure en sait bien plus long que ce qu'il veut
bien en dire. Lors d'une première délimitation du champ sémiotique, la sémiologie apparaît comme la science générale des signes, dont la
149
linguistique ne serait qu'une discipline particulière : c Pour nous au contraire, le problème linguistique est avant tout sêmiologique, et tous nos développements empruntent leur signification à ce fait important. Si l'on veut découvrir la nature de la langue, il faut la prendre d'abord dans ce qu'elle a de commun avec tous les autres systèmes du même ordre s (de Saussure. 1969: 35). Le postulat saussurien s'énoncera alors contradictoirement à travers la subordi- nation théorique de la linguistique à la sémiologie tout en attribuant à la linguistique le statut de modèle instrumental: c Pourquoi la sémiologie n'est-elle pas reconnue comme science autonome, ayant comme toute autre son objet propre? C'est qu'on tourne dans un cercle : d'une part, rien n'est plus propre que la langue à faire com- prendre la nature du problème sémiologique; mais pour le poser convenablement, il faudrait étudier la langue elle-même) (de Saus- sure, 1969 : 33-34). L'intérêt se déplace donc rapidement de la sémio- logie vers la linguistique. F. de Saussure fracture le cercle sémio- logie-linguistique selon un profil tout différent de celui qui se dessi- nait au début du Cours. Dans un premier temps de la démarche saussurienne, il revient à la sémiologie d'établir les règles générales qui fondent l'analyse linguistique. Or, dans un second temps, c'est à la linguistique même qu'échoit ce même rôle. D'une part, «la langue est un système de signes exprimant des idées, et par là comparable à l'écriture, à l'alphabet des sourds-muets. aux rites symboliques, aux formules de politesse, aux signaux militaires, etc. Elle est seule- ment le plus important de ce système) (de Saussure, 1969: 101). D'autre part, «la langue, le plus complexe et le plus répandu des systèmes d'expression est aussi le plus caractéristique de tous ; en ce sens la linguistique peut devenir le patron général de toute sémio- logie, bien que la langue ne soit qu'un système particulier) (de Saussure, 1969 : 101). Ainsi, dès sa formulation initiale, la sémio- logie s'autorise de la linguistique et c'est sous cette double tutelle, théorique et méthodologique, qu'elle connaîtra ses premiers dévelop- pements. Pour ce faire, elle soumettra à son enquête de nombreuses activités humaines, s'essayant sur des objets non-linguistiques, jusqu'à tracer les limites de ce qui justement la fonde (1): le modèle phono- logique. Et tous les phénomènes, d'ordre socio-culturel, dont la sémio- tique entreprendra l'analyse, auront au moins un point commun: à un premier niveau déjà, strictement empirique, tous présenteront un investissement sémantique médiatisé par une structure formelle, par une série d'éléments discrets, i.e. par des signes.
S'ouvrant à l'analyse des pratiques socio-historiques, on devine les raisons qui poussèrent la sémiotique à se montrer attentive aux autres disciplines ayant le social pour objet. Mais cette attention ne pouvait être que réciproque. Dans le contexte où s'élabore la rela- tion linguistique/sémiologie, tel que nous venons de le redéfinir
(1) Sur ce point précis, cfr R. Barthes (1964); J. Kristeva (1969); J. Derrida (1967); E. Carontini et D. Peraya (1975: chap. 1).
150
brièvement, l'importance du geste sémiotique revient, en effet, à autoriser un discours cohérent. systématique dans le domaine de l'e:humain). Au même moment ce vaste domaine se voit enfin forma- lisable et peut devenir objet d'une investigation et d'une <connaissance scientifiques. C'en est assez pour que la tradition idéaliste des sciences humaines cède à l'illusion scientiste : la linguistique s'instaure candi- dement comme une science-pilote. Aveuglées par la caution scienti- fique qu'offre le modèle phonologique aux analyses socio-historiques, les sciences sociales vont opérer un glissement méthodologique d'im- portance qui ne pourra cependant que paraître suspect au regard de la critique épistémologique : le déplacement mécaniste des concepts opératoires et du e:modèle» proposés par la linguistique saussurienne, plus généralement par la linguistique structurale, produira comme effet immédiat l'amalgame de toute pratique sociale donnée et du système signifiant-type, le langage articulé. Bien sûr une telle assi- milation n'est possible qu'à la condition de refuser aux diverses pra- tiques sociales une spécificité en tant qu'activité sociale particulière, ayant donc un rôle et une efficacité sociale propre dans un mode de production donné mais aussi un lieu et/ou mode spécifiques d'articulation aux autres instances qui constituent la formation sociale. Etrange réduction de l'Histoire, de ses déterminations et de son moteur à un code rhétorique et purement formel: tel est le geste que suscite et qu'avalise un certain positivisme linguistique.
Il. Architecture: sociologie et théorie de la signification
C'est à partir de ce mouvement généralisé que s'est fait jour l'exigence d'une théorie de la signification dans le champ de l'archi- tecture et de l'urbain. Il serait donc intéressant d'éclaircir le champ problématique où, en réponse à Iii demande émanant à chaque fois d'une discipline particulière (ethnologie, sociologie, théorie de l'ur- banisme, etc.), une telle théorie tend aujourd'hui à se constituer sinon à s'explorer, répétant sans doute à un niveau spécifique (celui de l'analyse de l'espace) le geste idéologique qui préside à la trans- formation du discours des sciences humaines. Il ne s'agit pas de dresser ici un inventaire exhaustif (2) de toutes ces tentatives qui appartiennent à ce que nous pourrions appeler une pré-sémiotique architecturale. Une remarque cependant : si elles présentent pour le point de vue sémiotique un intérêt, c'est qu'elles mettent en place et font travailler sur un corpus limité un ensemble de propositions méthodologiques.
(2) Nous ne tiendrons pas compte ici des textes littéraires qui, les premiers peut-être, ont mis en évidence la fonction symbolique et poéti- que de l'architecture. Cfr. V. Hugo, in Fr. Choay (1965: 404-408); et ce qu'en dit R. Barthes (1967: 7-17). Pensons aussi à La Cathédrale de J. K. Huymans, cité par U. Eco (1972 : 277). Citons dans une perspective phénoménologique, P. Sausot (1971).
151
Lorsqu'il s'agit de démontrer que l'espace est saturé de sens et que s'y produit un réseau d'expression symbolique, quand donc il faut prouver empiriquement que l'espace est susceptible d'être appré- hendé par l'analyse sémiotique, il est souvent fait appel aux analyses que Cl. Lévi-Strauss consacre aux villages de certaines tribus a-histo- riques d'Amérique du Sud, particulièrement à celle du village Bororo (Lévi-Strauss, 1955 : 223-256 ; 1958 : ch. VII et VIII). C'est à cette dernière que l'on peut référer la démarche de quelques rares urba- nistes et théoriciens de l'Urbain (3). C'est en effet au départ de cette première analyse que l'on a commencé à considérer tout dispositif spatial comme un système non-verbtü d'éléments signifiants dont la structuration même doit être mise en corrélation avec d'autres plans de significations socio-culturelles (mythologies, système de représen- tations religieuses et idéologiques, conception du monde, etc.) et avec l'ensemble des institutions politiques et sociales qui définissent historiquement un groupe social comme tel. Il faut sans doute donner raison à M. Castells lorsqu'il souligne les dangers d'une analyse qui, mécaniquement, assimilerait l'espace au signifié/structure sociale. En effet, si la clé de l'organisation signifiante se situe bien dans le rapport au signifié social, on se trouve confronté à une symbolique propre au dispositif spatial en tant que forme. Tout se passe alors comme si l'organisation sociale était un code et la structure spatiale un ensemble de mythes, comme si la pratique sociale pouvait être ramenée à un langage et les rapports sociaux à une pratique commu- nicative (4). Ecueil que n'ont pu éviter de nombreux travaux socio- logiques.
Tel était déjà le cas pour Kevin Lynch (1960, Trad. franç. 1970), dont la démarche, quoique fort éloignée théoriquement du structura- lisme, apparaît en définitive assez proche de celle du .sémiologue. Sa préoccupation majeure consiste à penser l'espace urbain (les villes de Boston, de Jersey City et de Los Angeles) dans les termes mêmes de la conscience qui les perçoit: c'est dire qu'il s'agit d'étudier la lisibilité du paysage urbain, donc de reconnaître en celui-ci des éléments discontinus (nous dirions des «unités discrètes s ) et de les organiser en un schéma cohérent, structuré, en une image urbaine. Cette dernière n'est autre que la représentation de chacune de ces trois villes chez leurs habitants. Mais l'image urbaine se constitue
(3) Cfr. Architecture d'aujourd'hui (1968), numéro spécial consacré au thème de la ville particulièrement les textes de J. Castex et Ph. Panerai, de R. Berardi ainsi que « Remarques à propos de sémiologie urbaine». Cfr. aussi Fr. Choay (1965), R. Barthes (1967) et Le sens de la ville (1973). (4) M. Castells (1972a : 273-280; 1972b: 81-92). La critique que nous
reproduisons ici, lorsqu'elle porte spécifiquement sur les travaux de Lé- vi-Strauss, suppose que l'on puisse assimiler, dans un même espace théo- rique, le village Bororo et l'espace urbain dans une société capitaliste, qui fait l'objet des travaux de Castella. Cette ambiguïté n'est pas élu- cidée par Castells.
152
de réalités physiques precises qui contribuent à la formation de chaque image particulière de manière à la faire apparaître en tant qu'identité, pourvue d'un sens qui correspond à la relation pratique et/ou émotive de l'objet avec l'observateur. Ces divers éléments sont les chemins, les clôtures, les quartiers, les zones, les nœuds, etc. qui pourraient facilement se muer en catégories sémiotiques. La démarche de Lynch est cependant ambiguë. Si elle se soutient d'un vocabulaire de la signification et affiche un sens réel de l'unité, donc un décou- page (opération fondamentale du point de vue sémiotique), elle demeure - R. Barthes le souligne (1967 : 7-17) - plus gestaltiste que structurale. Barthes ne tire cependant pas les conséquences de cette critique fondamentalement juste. En fait, en séparant l'image urbaine (la ville/objet) et l'observateur (l'habitant comme sujet), il devient possible d'analyser dans une perspective mentaliste l'image de la ville en tant que configuration formelle et autonome. Dès lors, c'est bien l'introduction de la signification urbaine qui fera problème. En effet, cette dernière met en évidence le processus de production des formes mêmes de l'urbain en tant que structures dont le sens doit être référé à un contenu sémantique socialement déterminé. Car il n'y a pas de signification dans une ville en soi, séparée de la pratique et de l'usage social qu'en ont les individus dans un mode de production donné et dans les rapports sociaux de production qui caractérisent celui-ci. Or chez Lynch, la contradiction se situe à ce niveau précis où forme urbaine et sémantique sociale n'entrent jamais en rapport si ce n'est sous une forme mécaniste: ambiguïté bien plus grande encore et qui ne relève pas du seul gestaltisme. La tentative de Lynch n'est pas restée sans échos. Reprise à son compte par Raymond Ledrut (5) et cette fois sur la base de la pratique sociale, elle débouche sur l'étude de la représentation de l'urbain en tant qu'idéologie de l'urbain, sans plus prendre dès lors en consi- dération l'efficacité sociale spécifique des formes et des structures spatiales. C'est dans cette perspective encore que se situent divers textes qui tentent de mettre en relation un certain type d'habitat et certains modes spécifiques de comportement: thème privilégié par la sociologie universitaire (6). N'arrive-t-on pas de cette façon à établir la connexion entre des modèles culturels (structures spatiales, séquences d'attitudes et de comportements, représentations idéolo- giques) et leurs déterminations par la pratique sociale dans le cadre du mode de production capitaliste. Ces recherches, en tant que propositions méthodologiques, présentent de nombreuses indications
(5) R. Ledrut (1970 et 1973). Pour la critique du premier de ces deux textes, M. Castells (1972a). (6) N. Haumont (1968: 180-190) ; M.-G. Raymond (1968: 191-210) ;
J. Ion (1970). Ce dernier texte nous paraissant important dans la me- sure où il tente de découvrir la relation entre l'architecture réelle (con- struite) et l'architecture représentée (discours publicitaire des promo- teurs, etc.) en termes d'un rapport de reproduction de l'idéologie domi- nante, déjà inscrite dans le modèle-type de l'habitat.
153
qui laissent entrevoir le déplacement interne au champ sociologique d'une problématique entièrement soumise à l'idéalisme et à une méta- physique de l'homme. Mais elles n'en restent pas moins limitées par leurs présupposés empiristes: une théorie des modèles n'est, en défi- nitive, jamais qu'une idéologie de la connaissance.
III. Au point de départ: de Saussure
Devant une telle diversité de discours ayant pour fond le problème de la signification architecturale ou urbaine, tout se passe comme si la sémiotique se trouvait inapte à cerner l'objet-architecture à son niveau spécifique, ou encore comme si l'architecture et l'urbain n'avaient, pour le point de vue sémiotique, aucune réalité sauf peut- être celle «d'un amas confus de choses hétéroclites sans liens entre elles », selon les termes mêmes dont de Saussure, au début de son Cours, désignait le langage (de Saussure, 1969 : 24). Or la sémio- tique n'est qu'un point de vue: elle repère à travers la pratique sociale diverses pratiques signifiantes, c'est-à-dire des formes spéci- fiques, celles des activités étudiées et envisagées à ce niveau seule- ment comme un langage, où s'inscrit et se produit un tissu de signi- fications (toujours contradictoires), lequel s'alimente au système général des idéologies d'une formation sociale déterminée. Il convien- drait donc de situer les niveaux précis où l'architecture et l'urbain peuvent être analysés en tant que lieu d'une production signifiœnte d'une part, de produire la théorie des mécanismes de cette production d'autre part. C'est à cette seule condition qu'une expression telle que «le langage de la ville» cessera d'appartenir à l'ordre de la métaphore pour désigner, en tant que connaissance, la réalité d'un procès sémiotique particulier.
Nous ne formulerons pas ici cette théorie sémiotique dont l'exi- gence, nous croyons l'avoir montré, se fait aujourd'hui insistante. Notre propos, plus limité, s'inscrit en effet dans le cadre d'une enquête méthodologique préalable. On se souviendra du contexte méthodologique et théorique dans lequel le COUTSde linguistique géné- rale se formule, contexte qu'au même moment le Cours déplace:
1° l'historicisme linguistique qui se consacre tout entier dans la découverte de filiation entre les morphèmes de diverses langues dont on supposait la parenté. Quant à l'ordre entre ces éléments, au sein d'une même langue, on lui attribue un statut secondaire, celui d'un épiphénomène; on considère donc celui-là comme la survivance accidentelle d'une organisation primitive disparue ;
2° la tradition idéaliste de la. philosophie du langage qui, depuis les grammairiens de Port-Royal, proclame l'existence d'une structure nécessaire de l'Idée qui constituerait la forme organisationnelle de tout énoncé ;
154
3° l'ancienne problématique philosophique de l'origine du langage qui se soutient d'une interrogation des rapports langue/réalité (7).
Le texte saussurien, quand bien même il ne satisfait pas encore en tous points aux exigences d'une théorie, s'il contient donc toujours certains manques qui le font paraître ambigu ou contradictoire (8), nous intéresse en ceci qu'il propose une reformulation radicale de la problématique et de l'investigation linguistiques (9); mais il nous intéresse aussi en ce qu'il ne peut se produire comme tel qu'à partir d'un mouvement de déconstruction et de déplacement des théories qui soit l'ont précédé, soit lui coexistent. Mimer ce geste inaugural de F. de Saussure, tel sera notre objectif.
IV. L'ouverture d'une problématique théorique
Déjà par son titre, La fonction et le signe (1968 ; trad. française à laquelle nous nous référons dans ce texte: 1972), le texte qu'U. Eco consacre à la sémiotique architecturale s'inscrit dans la perspective d'une élaboration théorique. Explicitement, on se trouve renvoyé au point de théorie que R. Barthes tentait de circonscrire à propos de la nature du signe sémiologique (1964 : 107 et suiv., 141 et sui v.; 1969 : 266-270). Dans les Eléments, il expose la conception saussu- rienne du signe linguistique, puis celle de Hjelmslev dont est issue la distinction entre forme et substance qui semble particulièrement séduisante, «utile:. et e facile s à manier pour discerner les signes linguistique et sémiologique. Cette différenciation apparaît impé- rative lorsque les signifiés d'un système sont nécessairement relayés, « parlés s par une métalangue dont la substance (10) est de nature
(7) Nous avons tenté de montrer lors de séminaires orgamses dans le cadre de l'Institut Supérieur d'Etude pour le Langage Plastique (oc- tobre 73-janvier 74) en quoi ces trois questions émergent du même hori- zon théologique.
(8) Il est vrai que dans l'histoire des formations théoriques, on ne pas- se pas d'une théorie à une autre, de « l'idéologie» à la « science» par coupure, par une mutation franche. L'article de Cl. Normand, (1973: 109-126) nous semble reposer cette question fondamentale de l'épistémo- logie : qu'est-ce que le statut de coupure épistémologique, qu'est-ce donc que la science, plus particulièrement dans le champ des sciences sociales? (9) C'est sans aucun doute pour cette raison que F. de Saussure redé-
finit avec tant de précision et de précautions et l'objet de la lingui8tique en tant que science et la tâche du linguiste. L'explicitation de cette der- nière sous-tend toute la démonstration saussurienne lorsqu'il s'agira d'abord d'attaquer la notion d'élément linguistique, d'aborder ensuite le problème de la délimitation des unités. On connaît l'hypothèse de F. de Saussure: retrouver et délimiter l'unité linguistique, c'est retrouver le principe et l'organisation de la langue comme système; dans l'élément il faut supposer le système, dans le particulier le général. (10) On peut craindre dans les Elëment« une lecture imprécise des textes
de Hjelmslev. Il semblerait que Barthes e manque s la distinction que
155
différente (c'est en effet le cas de la mode écrite) ou encore lorsque l'on a affaire à un «système d'objets» dont la substance n'est pas «immédiatement et fonctionnellement signifiante» (Barthes, 1964 : 113) (11). Ce sont donc le plus souvent des objets d'origine utilitaire que la société dérive à des fins de signification, car il n'existe aucun objet «qui soit entièrement épuisé par une praxis pure» (Barthes, 1969 : 266). Si le vêtement, si la nourriture signifient, ils n'en ont pas moins une fonction : l'un sert à protéger, le second assouvit un besoin physiologique. Contrairement au signe linguistique, la fonction- signe appartient à un système dérivé dont «l'être» de la substance d'expression n'est pas la signification; en conséquence, telle que l'on peut la décrire empiriquement à travers notre expérience vécue, elle apparaît comme le nœud d'un compromis entre ustensilité et sens. Reste à savoir comment procède alors ce mouvement de dérivation sémantique qui transforme l'ustensile en un objet (12). «Dès qu'il y a société, tout usage est converti en signe de cet usage» (Barthes, 1964 : 113), c'est-à-dire que toute fonction se voit aussitôt prise en charge et intégrée à un système social de significations synchroniques dans lequel la fonction serait perdue pour le signe. Ainsi la veste- sport n'existe déjà plus qu'en tant que signe de la «sportivité» dans la mesure où précisément elle entre en concurrence et s'oppose au signe de «l'habillé» (13). De même le bois-élément se détache du bois-matière : par exemple, le chêne massif se distingue du teck non plus en tant que matière brute ou en tant que substance naturelle, mais bien en ce qu'il est signe d'une certaine chaleur, d'une valeur d'ambiance dans le système d'ameublement contemporain (Sur ce point précis, cfr. J. Baudrillard, 1970 : 54-57 «La logique de l'am- biance »). Cependant il faut constater l'existence d'une fonctionna- lisation récurrente de l'objet, d'un second investissement sémantique d'ordre connotatif qui vise, quant à lui, à transformer un ordre de signes en un ordre de raisons. Si l'objet répond encore à la satis- faction d'un besoin anthropologique, ce n'est plus alors qu'à l'inté- rieur d'un système rhétorique sans rapport avec la pratique et l'usage réels auxquels se prête l'objet. Plus la description de la fonction à accréditer est précise, fouillée et détaillée, plus la fonction s'irréalise
trace Hjelmslev entre matière et substance d'expression. Sur ce point précis que l'on se réfère à E. Carontini et D. Peraya (1975).
(11) Notons que cette bipartition ne semble pas nécessairement aussi nette. Dans Système de la, mode, c'est le vêtement, même écrit, qui sert d'exemple au développement de la fonction-signe.
(12) Nous reprenons cette catégorisation à J. BaudriIlard (1969 et 1972 : 59-94) .
(13) L'objet devient signe, en définitive, s'il correspond au modèle (la langue) dont il serait une parole, s'il est donc standardisé; ce que tous sont aujourd'hui. La référence au modèle comme schéma culturel se double ici d'une tentative, à peine effleurée, d'asseoir le processus de sémanti- sation sur la base réelle d'un mode de production économique, spécifique cette fois à la production industrielle.
156
et s'enferme dans une rhétorique; tel est le cas de la mode écrite. Parce qu'elle est rhétorique, la re-fonctionnalisation apparaît comme une rationalisation, comme un alibi. Selon un processus analogue à celui du mythe, cette rationalisation opère la réinscription du signe dans la réalité sur le mode de la déculpabilisation (elle fonde le signe en nature), mais elle masque en même temps la logique de diffé- renciation sociale (14) de laquelle participe la pratique des objets.
On peut regretter que l'analyse de Barthes ne soit pas développée plus longuement; elle aurait mérité à être approfondie pour être entièrement satisfaisante car, telle quelle, elle procède d'une hypo- thèse contradictoire. Elle débute en effet par une proposition théo- rique correcte qui consiste à reléguer hors du champ sémiotique toute considération sur l'objet réel envisagé comme ustensile et à intégrer l'objet-signe dans un système différentiel de valeurs à travers le double registre sémantique que nous avons rappelé. Cependant la fonction-signe possède une valeur anthropologique et se présente sans doute «comme l'unité où se nouent les rapports du technique et du signifiant» (Barthes, 1964 : 114) dans la mesure où toute la démon- stration se soutient encore de l'évidence empirique qui attribue à chaque objet un statut fonctionnel premier, surdéterminé par un investissement sémantique, par une valeur d'ordre connotatif que confère à l'objet, l'usage social. Et c'est bien ce que laisse entrevoir l'analyse barthésienne ; le procès de production d'un objet-signe au départ d'un ustensile ne sera jamais complètement élucidé : un objet est à la fois usage et signe de cet usage. La sémantisation se trouve ramenée, dans cette perspective, à une simple surcharge sémantique de nature lexicale, analysable en termes de dénotation et de conno- tation. En dernière analyse, il faudra sans doute considérer la fonc- tion-signe, en tant que catégorie sémiotique, comme un concept hybride et contradictoire, produit de deux points de vue difficilement conciliables: une hypothèse empiriste d'ordre sociologique (l'objet d'usage médiatise un besoin anthropologique) et l'exigence d'une théorie de la signification.
C'est dans cet espace contradictoire que s'installera définitivement le texte de U. Eco. .
v. Fonctionnalisme et dénotation architecturale
Une première approche des mondes des objets et du construit pose à la sémiotique le problème de leur essence, tel que R. Barthes déjà le posait: objets et architecture ne sont pas conçus à des fins de signification ou de communication; ils ne communiquent donc rien
(14) Ce n'est que dans le sens précis d'une différenciation de classes que l'on peut parler de sociologie et de socio-logique, Barthes lui-même avance que toute sémiologie ne peut être qu'une sémiaclastie.
157
puisqu'ils sont destinés à assumer une fonction d'usage. Ce qui londe la réalité de l'objet c'est, en définitive, son statut premier de valeur d'usage que lui attribue l'hypothèse empirique : «Personne ne peut mettre en doute qu'un toit sert, fondamentalement, à couvrir ou qu'un verre à recueillir un liquide, de sorte qu'on puisse, après, le boire aisément» (Eco, 1972 : 262). Il reste alors à démontrer que, malgré le statut non communicatif des objets, le point de vue sémiotique est capable d'appréhender ceux-ci, d'en «fournir des clés explicatives. dira Eco, en termes de communication. Il est facile de décomposer cette démonstration en ces diverses articulations pour faire apparaitre son caractère tautologique, si ce n'est sophistique. En effet, la démonstration s'énonce déjà implicitement à travers l'hypothèse et la thèse.
Hypothèses: - la sémiotique a pour objet tous les phénomènes de culture ; - la culture est essentiellement communication (15) ;
car en réalité tous les phénomènes de culture sont des systèmes de signes
- implicitement donc, tout système de signes est érigé en tant que système de communication; nous reviendrons sur ce préalable qui fonde tout l'idéalisme linguistique.
Thèse: - l'architecture se prête à l'analyse et à la méthode sémiotiques;
elle est donc un système de signes et/ou un système de commu- nication.
Démonstration: - l'architecture est un phénomène de culture; elle est communication
puisqu'elle communique la fonction à accomplir ; elle est en con- séquence un système de signes. Mais alors comment caractériser le signe architectural? En toute
logique, au niveau dénoté, les catégories saussuriennes du signifiant et du signifié formaliseront mécaniquement l'hypothèse fonctionna- liste qui, issue depuis plus de quarante ans de la théorie et de la pratique architecturales, les dominent encore toutes deux aujourd'hui.
(15) Comparons cette formulation à celle-ci, p. 26: « Mais dire que la culture « doit être étudiée comme» n'implique pas que la culture « est». communication.Ce n'est pas pareil, en effet, de dire qu'un objet est e8.~ tialiter quelque chose ou qu'il peut être vu 8ub ratione de ce quelque chose» et p. 28: « Mais réduire toute la culture à la communicationne Signifie pas réduire toute la vie matérielle à « l'esprit» ou, en tous cas, à de purs faits mentaux.» Réfutation purement rhétorique de l'idéalis- me et de la confusion hégélienne qui identifient objet réel et objet de con- naissance: illusion qui caractérise toute problématique empiriste et qui fait du réel le résultat (essentialiter) de la pensée (sub ratione) ... L'en- semble des définitions que nous explicitons ici se trouve p. 261-262.
158
C'est par ailleurs Ce préalable fonctionnallste qui règle toute la démarche de Eco. Il écrit en effet: «Précisons, qu'à partir d'ici, nous nous servirons de l'expression «architecture» pour indiquer les phénomènes architecturaux proprement dits, ainsi que ceux du design, ceux de l'urbanisme» (1971 : 139-147). Telle était déjà l'atti- tude théorique et méthodologique des C.I.A.M. ou d'un Le Corbusier. Qu'il suffise de rappeler ce court texte : «Pas une seconde, l'archi- tecture ne l'a quitté (l'homme): meubles, chambre, lumière solaire ou artificielle, respiration et température, disposition et services de son logis, la maison ; la rue ; le site urbain ; la ville ; la palpitation de la ville ; la campagne, ses chemins, ses ponts, ses maisons, verdure et cie, nature. ... Architecture en tout: sa chaise et sa table, ses murs et ses chambres, son escalier ou son ascenseur, sa rue, sa ville» (Eco, 1971: 139-147). Tout le credo fonctionnaliste se trouve ici résumé. Méthodologiquement,il devient alors possible d'analyser trois réalités, trois pratiques sociales distinctes ayant chacune leurs propres caractéristiques comme si elles ne faisaient qu'une. Le déno- minateur commun qu'est la fonction occulte, en conséquence, la spéci- ficité historique de chacune de ces pratiques. Dans ces conditions, et dans ces conditions seulement, il faudra donner raison à J. Bau- drillard : l'analyse sémiotique fait bel et bien œuvre de «réduction sémioloçique » en ce qu'elle méconnaît et refoule le sol réel où sont produites historiquement ces pratiques. Les grands absents de cette sémiotique positiviste sont, faut-il le dire, le matérialisme historique et le matérialisme dialectique. Il faut dès lors poser dans un seulet même geste :
objet d'usage - Forme
Fonction
En effet: «Notre orientation sémiotique reconnaît ainsi dans le signe architectural la présence d'un signifiant dont le signifié est la fonction que celui-ci rend possible» (Eco, 1972: 269) et, d'autre part: c L'objet d'usage, sous l'angle de la communication, est le signt"fiant de ce signifié e'xactement et conventionnellement dénoté qui est sa fonction» (Eco, 1972 : 271). Notons au passage la répé- tition du geste que, déjà, nous avons signalé: la confusion entre l'objet réel (l'objet d'usage) et l'objet de connaissance (le signe archi- tectural) que rend possible la définition du signifiant architectural. En effet, la nature de celui-ci est délimitée par des caractéristiques formelles déterminées qui ne sont autres que celles de la structure formelle de l'objet réel, décrites à travers le relais métalinguistique du langage verbal. Ainsi de l'escalier qui, en tant que structure archi- tecturale,mais donc aussi en tant que Sa architectural, se définit comme «des parallélipipèdes superposés de manière que leurs bases
159
ne coïncident pas, mais dont le glissement progressif et de direction constante, configure des surfaces praticables de niveaux successive- ment et progressivement toujours plus élevés par rapport au plan de départ» (Eco, 1972: 269). Et pourtant Eco, pour fonder son projet de sémiotique architecturale, prétend éviter cette assimilation qui, du point de vue strictement linguistique, se traduit par la superposition pure et simple du signifiant au référent, et donc par un aplatissement du triangle sémantique d'Ogden et Richards (Eco, 1972 : 261). Il n'est donc nullement question de préciser le niveau où objets
et architecture relèvent de la démarche sémiotique, tout au con- traire; il s'agit d'imposer à l'objet réel, en tant qu'il est précisément destiné à un usage particulier, une configuration structurelle déjà signifiante. En réalité, la dénotation architecturale ainsi définie attribue à la forme de l'objet réel, i.e. à sa structure formelle, un sens immanent, i.e. sa fonction. Elle identifie cette dernière grâce au schéma fonctionnaliste et la reconnaît, par le biais du formalisme linguistique, comme l'aspect sémantique ou tout au moins commu- nicatif de l'objet, Il va de soi que, dans une telle perspective, le découpage et l'identification des unités sémiotiques reproduira néces- sairement l'ordre et la structuration apparente de la réalité archi- tecturale : pourra être considéré comme signe tout objet réel, tout segment de construit, tout espace enfin qui soit réductible à une fonction particulière déterminée par une axiologie anthropologique. On en arrive facilement à considérer le syntagme architectural comme la juxtaposition des composantes techniques du bâtiment ou encore comme la concrétisation, dans le bâti, d'un programme.
Les impasses théoriques et méthodologiques que l'on rencontre ici apparaissent déterminées par la problématique téléologique sur laquelle s'érigent et le «communicationisme» linguistique et le fonc- tionnalisme architectural : le langage sert à penser et il exprime la pensée; la forme sert la fonction et elle l'exprime. Dans les deux cas, il existe un présupposé d'antériorité logique, transcendantal en son principe, entre la fonction et la forme (16), entre le signifié
(16) Il n'y a qu'une contradiction apparente entre ce que nous affirmons ici et « l'éternité de la forme pure» telle que H. Van de Velde pouvait la définir: « La forme pure se range d'emblée dans la catégorie des formes éternelles. Le besoin qui a provoqué sa naissance peut être particulier à notre époque, mais s'il est le résultat précie et spontané d'une stricte con- ception rationnelle de l'objet, de l'adoption la plus logique à ce qu'il doit être pour répondre à l'usage le plus pratique que l'on attend de lui, il s'en suivra que cette forme annexe d'emblée les traits les plus frappants de la grande famille qui se perpétue depuis l'aurore de l'humanité jusqu'à nos jours, celles des formes pures et radicales. Le temps ne compte pour rien» (in Le style moderne, contribution de la France, 1925, cité par Fr. Choay 1965: 77). Ce rejet hors du temps, donc hors de l'Histoire, dont la forme est l'objet pour des raisons d'ordre esthétique, n'est en réalité que la conséquence d'une juste évolution du rapport forme/fonction. Mais la fonction n'en détermine pas moins tout le processus. C'est ce même
160
et le signifiant. Sur le plan strictement linguistique, on aura recours au rapport statique de signification que de Saussure localise, à l'inté- rieur du signe isolé, entre ses deux e faces s constitutives, c dans les limites du mot considéré comme un domaine fermé, existant pour lui-même s (de Saussure, 1969 : 159). Or l'on sait que l'on ne peut fonder un tel rapport que sur l'existence de signifiés translinguisti- ques stables. On découvre ici l'une des contradictions majeures du texte saussurien: ce rapport statique, s'il justifie l'irréductibilité de la signification à la valeur et au sens, contredit radicalement cette même théore linguistique de la valeur (17). Dans l'analyse de la fonction-signe, le rapport fonC'tionf'forme et Sé-Sa sera toujours défini comme ce rapport interne de signification. Mais cela veut dire, en même temps, que l'on considère l'objet d'usage et la fonction- signe comme des entités positives, auto-suffisantes et autonomes par rapport aux deux systèmes spécifiques dans lesquels ils s'inscrivent. En conséquence, il ne sera jamais Question dans «La fonction et signe s ni d'analyser concrètement, sur la base d'un corpus limité, un système synchronique de valeurs différentielles et oppositionnelles, ni de produire une théorie sémiotique du sens architectural en terme de valeur. Nous risquerions volontiers une comparaison bien qu'elle puisse paraître manquer de nuances: la démarche de Eco ne serait en rien différente de celle qui domina la linguistique pré-saussurienne, comparatiste et historiciste. On se souvient en effet qu'à l'encontre des intentions dont elle procédait, elle n'a jamais amené qu'à la dis- location et à la négation des systèmes linguistiques (Ducrot, 1968 : 14-96).
On le voit, le critère de pertinence sémiotique choisi par Eco sera celui du «discours naturel », fonctionnel 'du donné/vécu architectural empirique : à cette unique condition, l'architecture pourra être envi- sagée en tant que fait de communication. Car, lorsque l'on parle de fonction-signe, la fonction communicative de l'objet et sa fonction d'usage ne sont pas seulement solidaires : elles se définissent tauto- logiquement l'une par l'autre et se redoublent. Ge faisant, Eco institue sous la forme d'une e pseudo-thêorfe s (nous dirons d'une idéologie théorique) le geste typique de l'idéologie bourgeoise par lequel la bourgeoisie transforme la réalité du monde en une image, et l'Histoire en Nature (Barthes, 1957).
postulat que l'on retrouve chez U. Eco, lorsqu'il dira que dans certains cas de « codificatilYn8 etables», le signifiant architectural peut conserver la même configuration structurelle durant des « millénaires d'histoires» (Eco, 1972 : 269).
(17) La valeur provient « de la situation réciproque des pièces de la langue» (de Saussure, 1969: 15'9) et ne résulte donc que « de la pré- sence simultanée des autres (termes) » (Godel, 1969: 69). On dira donc que « la valeur est un élément du sens mais qu'il importe de ne pas prendre le sens (au sens large) autrement que comme une valeur» (Godel, 1'969 : 90).
2 161
,VI. Un idéalisme fondateur: le geste de La Structure absente
On.ne peut lire « L~ fonction et le signe ), on ne peut donc analyser les contradictions qui traversent ce texte, qu'en rapportant ce dernier au projet général, fondateur de La Structure absente. Il s'agira de définir. les limites de la sémiotique pour mieux en préciser. la nature spécifique. La reformulation du projet sémiotique fera apparaître un élargissement considérable de son objet: tout ce qu'une phéno- ménologie intuitive désigne comme «fait de culture» (objets, com- portements, rapports sociaux, arts, etc.) pourra faire l'objet d'une 'étude sémiotique. Celle-ci prend en charge tout le champ tradition- nellement imparti à l'anthropologie culturelle à laquelle elle est destinée' à se substituer (Eco, 1972: 21-35). La sémiotique ainsi redéfinie se place d'emblée dans le même espace que celui des sciences sociales traditionnelles dont elle se distinguerait par son formalisme méthodologique hérite de la linguistique. En d'autres termes, il sera implicitement. question, dans La Structure absente, d'introduire à une.réflexion critique ayant pour objet la détermination de conditions épistémologiques générales. Poser en effet à une science et, à fortiori à une science en formation, la question «qui êtes-vousj s, c'est en même temps voir dans quelle mesure une pratique théorique peut licitement prétendre au rang de science (Herbert, 1969 : 137-165).
Mais à cette question, il n'est répondu traditionnellement que par une critique techniciste des instruments scientifiques propres il un champ scientifique donné. On s'abstient en effet, pour que se survive comme telle la pratique scientifique (18), d'interroger le pourquoi.iles raisons et l'efficacité différentielle d'un champ scien- tifique particulier, c'est-à-dire le rapport de cette science aux autres qui l'environnent. C'est dans ce mouvement qu'apparaissent de nom- breuses combinaisons idéologiques, des formations atypiques (Her- bert, 1968 : 74-92) qui, en dernière analyse, se présentent comme des variations d'une formation idéologique dominante, dont elles dérivent. Le plus souvent, elles sont produites pour répondre à la demande sociale qui émane toujours de la bourgeoisie. Elles sont nécessaire- ment récupérables par le processus idéologique dominant, puisque, le plus souvent, elles sont produites à cet effet: faut-il rappeler les sollicitations technicistes dont est l'objet un courant sémiologique entièrement soumis au positivisme dans quelques grandes agences de publicité, belges ou françaises ... En réalité, les sciences sociales ne se présentent jamais comme une simple technique opératoire ou comme une pure idéologie : elles seraient plutôt comme toute idéologie théorique «le produit de l'interdétermination d'une technique (impor- tée des techniques de transformation de la matière, tout au moins
(18) Par exemple, dans les conditions actuelles de la division du tra- vail, Ill, science et le Savoir reproduisent, dans leur pratique, cette di- vision.
162
au départ), et d'une idéologie concernant les rappOrts sociaux (l'objet de la pratique politique) (Herbert, 1969 : 154).
On ne sera donc pas étonné si le projet de sémiotique architecturale élaboré par Eco débouche sur la définition normative du rôle de l'architecte et de l'architecture dans un processus, à long terme, de transformation du monde et des rapports sociaux de e notre s société (19). II s'agit explicitement de préciser l'efficacité politique « novatrice s à laquelle doit prétendre l'architecte puisque sa pratique, à son niveau spécifique, est une pratique éminemment politique. Nous trouvons l'exposé systématique de ces considérations dans les chapi- tres 3 et 5 (Eco, 1972 : 276-287 : «La communication architecturale et l'histoire s ; 295-300: «L'architecture comme communication de masse? »); Eco y précise en effet l'insertion de l'architecture dans le social. Nous citerons aussi les chapitres 4 et 5 de la section A qui ont pour objet, quant à eux, la définition sémiotique des idéolo- gies, c'est-à-dire l'explicitation de ces dernières en termes de rhéto- rique (Eco, 1972 : 144-166).
VII. Une sémiologie, à droite
Nous ne formulerons ici que quelques remarques; elles suffisent, croyons-nous, à préciser le projet politique de Eco qui sous-tend et détermine son projet sémiotique jusque dans les moindres détails et confère à ce dernier le statut d'une idéologie théorique : une con- ception individualiste du monde redoublée par un idéalisme historique sans borne. On sait que, dans la conception hégélienne, chaque période tirait son unité d'une catégorie, d'un principe spirituel dont le droit, la religion, la politique n'étaient que la manifestation phénoménale:
. aujourd'hui la connaissance philologique et le savoir universitaire prennent la relève. De plus, c'est le geste même de la philosophie que l'on trouve développé ici : une radicale séparation de l'Histoire et de l'économie politique, cette dernière étant par ailleurs complètement refoulée même sous ses formes idéalistes et non-marxistes. Car, en définitive, c'est l'Homme qui fait l'Histoire et non les conflits entre classes et intérêts de classes antagonistes. Dès que l'on occulte la lutte des classes et son rôle de moteur de l'histoire, on demeure en effet dans la problématique qu'ouvre la question du sujet de L'his- toire: «qui est-ce qui fait l'histoire? ». Dans cet espace, l'histoire est pensée comme le résultat du faire, de l'action, d'un sujet: il est évident que l'on ne peut alors que retomber dans l'exaltation de l'individu, de l'architecture, et de ses capacités créatrices. Ce mythe
(19) Celle-ci, hors du matérialisme historique, n'à pas de nom puis- qu'elle n'est pas caractérisée par un mode de production et par des rap- ports sociaux de production déterminés. Seul l'idéalisme peut parler de u notre» société, celle de la bourgeoisie dominante. La classe bourgeoise vit, en effet, de l'illusion de son éternité et de son universalité, de son a-historicité.
163
développé par l'idéologie bourgeoise recueille, aujourd'hui plus que jamais, l'adhésion de la petite bourgeoisie intellectuelle et artistique dans la mesure où précisément il légitime et rassure les positions de classes et le statut social que l'un et l'autre occupent dans les rapports sociaux de production d'une formation sociale capitaliste.
Corrélativement, c'est une conception strictement formelle et rhéto- rique de l'idéologie qui sera développée. Certes, Eco fait allusion à Marx et au matérialisme historique lorsqu'il définit l'idéologie comme une vision «partielle/partiale» du monde, comme «fausse cons- cience» et comme «camouflage théorique de rapports sociaux con- crets et de conditions de vie données» (Eco, 1972 : 145). Marx se trouve ici convoqué pour sanctionnerI'Idéologie dominante: suprême ironie; celle-ci tente d'envelopper le matérialisme historique de son geste récupérateur et c'est à ce geste-là que Marx lui-même devrait servir de caution théorique! Tout devient permis dès lors que le non-dit de cette référence est précisément le caractère d'exploitation des rapports de production capitalistes; dès lors que l'on occulte ce qui distingue radicalement le matérialisme historique de toutes les idéologies théoriques produites par la bourgeoisie: le caractère de classe prolétarien de l'économie politique marxiste. Pour la sémiologie, l'idéologie aurait alors un statut privilégié: autonomisée par rapport à la réalité sociale d'où elle procède, elle se présenterait comme un discours constitué par des: « messages », par des «contenus séman- tiques» qui se succèdent ou parfois même peuvent coexister. Les idéologies se reflètent donc dans les aspects préétablis du langage : en conséquence, «un bouleversement réel des attentes idéologiques n'est effectif que dans la mesure où il est réalisé par des messages qui bouleversent aussi les systèmes d'attentes rhétoriques. Et tout bouleversement profond des attentes rhétoriques est aussi un redi- meneionmement des attentes idéologiques» (Eco, 1972: 164). C'est évidemment «oublier» quelque peu rapidement qu'à l'ensemble des rapports de production qui constitue la structure économique de la société, qu'à sa superstructure juridique et politique correspondent des formes de conscience sociale déterminées, qu'il n'existe donc d'idéologies que d'idéologies de classes. C'est «oublier» encore que seule une transformation radicale de cette «base concrète» de la société peut offrir les conditions objectivement nécessaires pour que soit destituée, de sa position de dominante, l'idéologie bourgeoise (20). C'est oublier enfin que la véritable scène de l'histoire réside dans les formes d'organisation du travail, dans l'évolution de la contra- diction entre forces productives et rapports de production et non dans une pratique langagière et/ou discursive, quelles qu'en soient la souplesse et la mouvance. On assiste alors à un changement de référence pour le moins symptomatique. Il ne fallait certes pas s'at-
(20) Ce qui ne peut se produire que progressivement, par une lutte idéologique continue contre les résidus de l'idéologie bourgeoise, durant une longue période historique.
164
tendre à voir explicités les mécanismes idéologiques sur la base du matérialisme historique et du matérialisme dialectique. L'analyse de ceux-là aura donc pour fond les théories de l'avant-garde artistique formaliste italienne (Eco, 1972 : 164). Peu s'en faut que celle-ci ne soit érigée en avant-garde politique: on le sait, le formalisme « révo- lutionnaire» a toujours été un terrain d'action privilégié par la bourgeoisie.
Mais une telle opération n'est possible que si la sémiotique est rendue volontairement aveugle: «La sémiotique n'a pas à savoir comment naît ce message (l'idéologie) ni pour quelles raisons poli- tiques et économiques ... » (Eco, 1972 : 145). Quant à nous, ouvrons les yeux et voyons rapidement quels peuvent être les effets de tels présupposés au niveau particulier d'une analyse ayant pour objet la pratique architecturale:
10 Eco oppose deux types d'architecture : celle qu'il considère comme un discours persuasif et rassurant, comme un fait de communi- cation de masse et l'œuvre «vraie» d'architecture qui est plus que cette triviale communication de masse puisqu'elle comporte un aspect inventif et créateur. On peut dès maintenant affirmer que cette distinction recouvre, dans le réel, l'opposition entre le champ de la grande production de masse et celui de la production savante : cette dernière étant spécifiquement dévolue aux couches intellectuelles de la classe dominante, et caractérisée par une logique de distinction sociale, dans une société de classes. Cette catégorisation aura pour effet implicite de légitimer la position de classe et le statut social de l'architecte, comme agent social inséré dans le champ d'une production savante.
20 Eco fonde cependant l'apport novateur de cette architecture savante dans une critique de la société et plus précisément dans une critique des idéologies de l'habitat. Il indique en effet que l'architecture connote toujours une idéologie de l'habitat, que l'architecte doit donc porter la critique à ces idéologies et leur en substituer de nouvelles. Car bien sûr l'architecture est déterminée par des codes culturels. Mais quand il s'agit de réintégrer l'histoire dans son schéma sémiotique, ce sera dans les termes d'un relativisme cultu- raliste, d'un historicisme élémentaire. Mais alors, quelle peut bien être la nature de la charge idéologique contestataire que Eco attri- bue à l'architecture? Et, puisque la société est conçue comme un bloc homogène et non-contradictoire, dont la division en classes antagonistes échappe totalement à Eco, la critique dont est capable l'architecture ne porte sûrement pas sur les rapports sociaux de production.
30 Reste à définir la fonction sociale de l'architectu e dans la perspec- tive d'une transformation de la société. Celui- à aura à refuser deux attitudes :
165
- soit apporter la réponse exacte à la demande sociale architec- turale en respectant tous les codes culturels ; ce faisant il ne viserait à aucune transformation, il obéirait aux décisions sociologiques et politiques du pouvoir;
- soit rechercher un bouleversement total et immédiat des codes existants sans tenir compte de la réalité de ceux-ci; cette attitude, qui fait de l'architecture le démiurge de l'histoire, serait refusée d'emblée par les utilisateurs de l'architecture eux-mêmes.
Il faudra donc que l'architecte «tienne compte du code de base et en étudie les articulations inusitées qui soient toutefois consenties par le système d'articulation s ou encore qu'Il « projette des fonctions premières variables s (qui relèvent de la dénotation fonctionnaliste) et « des fonctions secondes ouvertes s (qui relèvent, quant à elles, du niveau symbolique, i.e. de l'ordre de la connotation) (Eco, 1972: 299 et 285 ; repris p. 314). L'architecte exercerait sa pratique comme une activité ludique qui, à force d'adresse, de prudence et d'invention, finirait par transformer et par restructurer l'appareil idéologique, sur la base d'un changement de l'appareil rhétorique (Eco, 1972 : 285). Il semble cependant assez évident que ces «exécutions inusi- têes s ne sauraient en aucun cas mettre en péril l'essentiel du système social, à savoir le mode de production, les rapports sociaux de produc- tion qui en découlent et, en définitive, la domination de la classe bourgeoise. Un tel pouvoir appartient à la lutte dans le champ prin- cipal qu'est celui de la pratique politique. Bien sûr, c l'acte de com- muniquer avec l'architecture contribue sans doute à changer les circonstances mais il ne constitue pas l'unique forme de praxis:. (Eco, 1972 : 317). Mais de quelle pratique s'agit-il, et surtout com- ment l'envisager à partir des présupposés individualistes et élitistes qui fondent la démarche de Eco?
Il faut se rendre à l'évidence: l'architecture risque fort de n'être jamais productrice de transformations sociales. Citons Engels : c ce n'est pas la solution de la question du logement qui résout du même coup la question sociale, mais bien la solution de la question sociale, c'est-à-dire l'abolition du mode de production capitaliste, qui rendra possible celle de la question du Iogement s (Engels, 1969: 64). L'architecture, aussi e progressistes soit-elle (il s'agit bien ici de l'architecture c aoeiale s, de l'architecture de masse à laquelle faisait allusion Eco), ne pourra, tant que durera ce mode de production, que c pallier au plus pressé s. Reste l'architecture savante: elle pro- duit certes des e innovations », mais elles les destine exclusivement aux classes dominantes. Et lorsqu'enfin, les classes non-privilégiées se les approprient (selon une logique d'identification et d'ascension sociale), les classes dominantes, elles, se sont déjà donné de nouvelles formes de distinction sociale. Quant à spéculer abstraitement sur la manière dont une société socialiste peut régler la répartition et l'usage social de l'espace construit, il n'en est pas question: ce serait
166
aboutir directement à l'utopie alors que seule l'analyse concrète d'expériences historiques précises, la Chine par exemple, permettrait d'ébaucher une réponse à cette question (Buchanan, 1973).
Références bibliographiques
Architeotu7"ed'aujourd'hui, 1968 numéro spécial consacré au thème de la ville.
BARTHES R., 1957 1964
1967
1969
Mythologies, Seuil, Paris. « Eléments de sêmiologie », Communications, nv 4, Seuil, Paris. « Sémiologia et urbanistica», nv 10, Edizioni Il Centro, Na- poli: 7-17. Le Système de la Mode, Seuil, Paris.
BAUD~ILLAR.D J., 1969 « La genèse idéologique des besoins», Cahiers Interna-
tionaux de Soeioloçie, repris in Pour une critique de l'économie politique du. signe, 1972, Gallimard, Paris: 59-94.
1970 Le système des objets, Gallimard, Paris.
BUCHANAN K., 1973 L'eepaoe chinois, Armand Colin, Paris.
CAR.ONTINI E. et PERAYA D., 1975 Le projet sémiotiqufP,Editions Universitaires, Paris, sous
presse.
CHOAY Fr., 1965
DEIUUDA J., 1967
DUCROT O., 1968
Eco U., 1971
ENGELS Fr., 1969
La, question urbwine, Maspéro, Paris. « Symbolique urbaine et mouvements sociaux», Versus, nO 3.
L'urbanisme, utopies et réalités, une anthologie, Seuil.. Paris.
De lagrammatologie, Minuit, Paris.
« Le structuralisme en linguistique», Qu'est-ce que le structuralisme? Seuil, Paris: 14-96.
« Construire des logis», entretien avec les étudiants des écoles d'architecture, Le Corbusier, précédé de la Charté d'Athènes. La structure absente, Mercure de France, Paris, traduc- tion française de La struttura assente, 1968, Bompiani, Milano.
La question du logement, Ed. sociales.
167
ION J., 1970
KRISTEVA J., 1969
Le. sources manuscrites du Cours de linguistique générale de F. tÙJ Saussure, Droz, Genève.
« Habitat et modèle culturel », Revue française de lJociolo- gie, nO IX : 180-190.
« Pour une théorie générale des idéologies», Cahiers pour l'analyse, nO9, Seuil, Paris: 74-92. . « Réflexions sur la situation théorique des sciences sociales et, spécialement, de la psychologie sociale», Cahiers pour l'analyse, nO1/2, 3ème édition, Seuil, Paris: 137-165.
(c La promotion immobilière: du logement à l'habitat», Revue de sociologie du travail, nO7.
Semeioiiké, Seuil, Paris. LEDRUT R.,
1970 « L'image de la ville», Espaces et sociétés, nO1. 1973 Les images de la ville, Anthropos.
LEVI-STRAUSS Cl., 1955 Tristes tropiques, Plon, Paris: 223-256. 1958 Anthropologie structurale, Plon, Paris: ch. VII et VIII.
LYNCH K., 1960
NORMAND Cl., 1973
The image of the city, The M.loT. Press; traduction fran- çaise, 1970, Dunod, Paris.
« L'arbitraire du signe comme phénomène de déplacement l), Dialectique nO1/2 109-126.
RAYMOND M.-G., 1968 «Idéologies du logement et opposition ville-campagne ~,
Revue fra:nçaise de sociologie, nOIX : 191-210. SAUSOT P.,
1971 SAUSSU'RE, F. de,
Poétique de la ville, Klincksieck.
168