histoire des arts v à la documentation française

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V ient de paraître à La documentation Française Accueil commercial Téléphone 01 40 15 70 10 Ce dossier s’adresse à tous ceux que les arts et leur histoire passionnent. Il sera particulièrement utile aux enseignants d’histoire-géographie qui souhaitent mener à bien un projet d’histoire des arts en partenariat avec des enseignants d’autres Histoire des Arts Une méthode, des exemples Documentation photographique n° 8091 Réf. 3303331280910 64 pages 11 disciplines. Une méthode d’analyse des œuvres est donc proposée, ainsi que de nombreux exemples qui courent tout au long du programme d’histoire du collège, de l’Antiquité au XX e siècle. Histoire des Arts Une méthode, des exemples Isabelle Saint-Martin, Marianne Cojannot-Leblanc et Iveta Slavkova Marianne Cojannot-Leblanc est professeur d’Histoire de l’art à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense où elle dirige le département d’Histoire de l’art et d’Archéologie. Elle est également membre du comité de rédaction de la Revue de l’art. Isabelle Saint-Martin est directrice d’études à l’École pratique des hautes études (EPHE) et directrice de l’Institut européen en sciences des religions (IESR). Ses recherches portent notamment sur les relations entre le christianisme et les arts visuels à l’époque contemporaine. Iveta Slavkova est docteur en Histoire de l’art de l’université de Paris 1-Panthéon-Sorbonne. Membre correspondant du Centre de recherches sur le surréalisme de l’université de Paris 3-Sorbonne Nouvelle, elle enseigne l’histoire de l’art à L’École supérieure de la communication, de l’informatique, du web, du graphisme et de l’audiovisuel (Efficom Paris).

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Téléphone 01 40 15 70 10

Ce dossier s’adresse à tous ceux que les arts et leur histoire passionnent. Il sera particulièrement utile aux enseignants d’histoire-géographie qui souhaitent mener à bien un projet d’histoire des arts en partenariat avec des enseignants d’autres

Histoire des ArtsUne méthode, des exemplesDocumentation photographique n° 8091Réf. 3303331280910 64 pages 11 €

disciplines. Une méthode d’analyse des œuvres est donc proposée, ainsi que de nombreux exemples qui courent tout au long du programme d’histoire du collège, de l’Antiquité au XXe siècle.

Histoire des Arts Une méthode, des exemples

Isabelle Saint-Martin, Marianne Cojannot-Leblanc et Iveta Slavkova

Marianne Cojannot-Leblanc est professeur d’Histoire de l’art à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense où elle dirige le département d’Histoire de l’art et d’Archéologie. Elle est également membre du comité de rédaction de la Revue de l’art. Isabelle Saint-Martin est directrice d’études à l’École pratique des hautes études (EPHE) et directrice de l’Institut européen en sciences des religions (IESR). Ses recherches portent notamment sur les relations entre le christianisme et les arts visuels à l’époque contemporaine.Iveta Slavkova est docteur en Histoire de l’art de l’université de Paris 1-Panthéon-Sorbonne. Membre correspondant du Centre de recherches sur le surréalisme de l’université de Paris 3-Sorbonne Nouvelle, elle enseigne l’histoire de l’art à L’École supérieure de la communication, de l’informatique, du web, du graphisme et de l’audiovisuel (Efficom Paris).

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De l’Antiquité Au moyen âgeDP 8091 / histoire Des Arts histoire Des Arts / DP 8091

Un mythe grec : la mort d'Hector dans l'Iliade

La guerre de Troie a eu lieu au xiiie siècle avant J.-C. Elle est racontée par Homère dans l’Iliade qui date du viiie siècle avant J.-C. Mais il est difficile aujourd’hui encore de faire la part du mythe, de l’histoire et de la littérature autour de cet événement.

D’un point de vue historique, Grecs et Troyens s’affrontent pour des raisons inconnues et la guerre se termine par la victoire des premiers. Il s'agit d'une victoire stratégique, car, selon les fouilles archéologiques, Troie, située en Anatolie près du détroit des Dardanelles, fut une ville très importante, à la croisée de routes commerciales. En 1870, l’Alle-mand Heinrich Schliemann identifia le site, mais la chronologie exacte de son occupation demeure confuse.

Le récit homérique, quant à lui, présente la guerre de Troie comme un affrontement entre Dieux, qui a pour prétexte l’enlèvement d’Hélène – fille de Zeus transformé en cygne et de Léda – par le prince troyen Pâris. Celui-ci a choisi Aphrodite comme la plus belle des déesses (au détriment d’Héra et d’Athé-na) ; en récompense, elle lui a donné l’amour de cette femme, la plus belle des mortelles. L’Iliade est donc une épopée tissée de mythes où se rencontrent des dieux, des demi-dieux, des héros, des rois, des oracles, etc.

L’épisode représenté sur le vase du peintre de Diosphos raconte l'un des moments les plus dramatiques du livre : la colère d’Achille. Fils de la déesse Thétis et du roi mortel Pélée, qui ne possède qu'une faiblesse, son talon, Achille est le plus précieux combattant grec. Quand Hector, le vaillant prince troyen, tue son cher ami Patrocle, Achille ne se contente pas de le tuer. Comme le révèle

ce passage du chant XXII, sa douleur est si immense qu’il invente une vengeance humiliante  : traîner le corps de son adversaire, attaché à son char par les pieds transpercés, autour du tombeau de Patrocle.

Le vase représente Achille conduisant le char, comme le décrit la scène homé-rique. Mais le peintre a pris quelques libertés avec le texte : derrière Achille, selon une iconographie courante, le poussant à la vengeance, se tient l’esprit de Patrocle, armé et casqué. Or l’âme de l’ami mort n'apparaît que dans le chant XXIII, dans un rêve où Achille lui promet de le venger. Reflétant la fougue venge-resse du héros, la composition est dyna-mique. Elle repose sur des lignes obliques qui créent le mouvement : l’esprit volant de Patrocle en dessine plusieurs ; celles du torse d’Achille baissé vers l’avant et du corps d’Hector sont très nettes. Les figures rompent le cadre défini par les décorations géométriques : ce procédé projette le motif en avant, créant ainsi l'illusion d'une certaine profondeur de champ.

La technique utilisée pour décorer ce vase est dite “à figures noires”. Inventée à Corinthe, elle se propage entre 600 et 450 avant J.-C. Avant de cuire les vases, le potier réserve préalablement des zones, les figures en l’occurrence, qu’il recouvre d'un engobe (enduit provenant du lavage des argiles) noircissant à la cuisson. Le peintre rehausse ensuite ces zones réser-vées avec des vernis colorés ou pratique des incisions, comme ici, pour préciser les muscles ou d’autres détails.

Les mythes sont le sujet privilégié de l’art grec que nous connaissons essen-tiellement par les vases et les statues. Entre le xve et la fin du xixe siècles, en

Europe, l’intérêt pour ces thèmes, consi-dérés comme un très noble sujet, sera également très fort. L’épopée homérique continuera à inspirer des œuvres impor-tantes et reconnues (La Mort de Patrocle de David en 1778, par exemple).

Parallèlement, les mythes sont large-ment illustrés dans des ouvrages popu-laires. Pierre Blanchard montre ainsi une interprétation très simplifiée et très effi-cace du chant XXII. La fougue d’Achille est rendue par un geste véhément : il brandit son glaive face au père d’Hector, le roi Priam. Depuis les remparts de Troie, celui-ci tente d'arrêter la course macabre d'Achille de son bras tendu. Le corps d’Hector est vu en plongée, son visage basculant dans l’espace du spectateur. La rhétorique de l’image est immédiate-ment lisible, même si le texte est ici aussi légèrement trahi : chez Homère, Achille ne traîne jamais le corps de son ennemi autour de Troie. Ainsi, si le vase met en scène le devoir de vengeance, un thème récurrent chez le Grecs, la lithographie codifie dans une forme simplifiée le mythe selon les exigences du public du xixe siècle, vénérant l’héroïsme exem-plaire des Anciens. à cette époque, le terme “Hector” entre dans le jargon des ateliers pour désigner la figure du sup-plicié traîné sur le sol.

à l’instar de l’Iliade, les mythes grecs ont été maintes fois représentés et leur interprétation a varié selon les époques, ce qui n'a cessé d'en renouvelé l'intérêt.

Iveta Slavkova

Dans le texte[Le] divin Achille aux pieds infatigables [...] se dresse au milieu des Argiens1 et il dit ces mots ailés :“Amis, guides et chefs des Argiens, main-tenant que les dieux nous ont donné de mettre à bas cet homme, qui nous a causé, à lui seul, plus de maux que tous les autres à la fois, allons ! faisons en armes tout le tour de la ville, pour tâter les Troyens et sa-voir leurs desseins, soit qu’ils abandonnent leur haute cité, aujourd’hui qu’Hector est tombé, ou qu’ils veuillent à tout prix tenir, même alors qu’il n’est plus là. Mais qu’a besoin mon cœur de disputer ainsi ? Près de nos nefs, Patrocle est étendu, sans que son cadavre ait été encore pleuré ni enseveli. Non, je ne saurai l’oublier, tant que je serai parmi les vivants et que se mouvront mes jarrets ; et, même au cas où dans l’Hadès2 on pourrait oublier ses morts, moi, du moins, même là, je me souviendrai de mon compagnon. Pour l’instant, fils des Achéens3, en chantant le péan4, retournons aux nefs creuses et emmenons cet homme. Nous avons conquis une grande gloire :

“achille vainqueur”, 1803 pierre blanchard, mythologie de la jeunesse, ouvrage élémentaire par demandes et par réponses, paris, Éditions le prieur © Leemage

le caDavre D'hector traîné Par achille Dans son charpeintre de diosphos, lÉcythe à figures noires sur fond blanc, cÉramique, h. 0,210 m, ÉrÉtrie, 500-480 av. J.-c., musÉe du louvre © RMN-Grand Palais (Musée du Louvre)/

Hervé Lewandowski

DisPonible sur transParent et en version numérique

nous avons abattu le divin Hector, à qui les Troyens dans leur ville adressaient des prières tout comme à un dieu”.Il dit, et au divin Hector il prépare un sort outrageux. à l’arrière des deux pieds, il lui perce les tendons entre cheville et talon ; il y passe des courroies, et il les attache à son char, en laissant la tête traîner. Puis il monte sur le char, emportant les armes illustres ; d’un coup de fouet, il enlève ses chevaux, et ceux-ci pleins d’ardeur s’envolent. Un nuage de poussière s’élève autour du corps ainsi traîné ; ses cheveux sombres se déploient ; sa tête gît dans la poussière – cette tête jadis charmante et que Zeus maintenant livre à ses ennemis, pour qu’ils l’outragent à leur gré sur la terre de sa patrie !

Homère, “Chant XXII”, Iliade, traduit du grec par Paul Mazon, Paris, Gallimard, collection Folio classique, 1975.

1. Peuple grec du Péloponnèse vivant en Argolide. 2. Les enfers. 3. Synonyme d'Argiens. 4. Chant dédié au dieu Apollon, en imploration ou en action de grâce.

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De l’Antiquité Au moyen âgeDP 8091 / histoire Des Arts histoire Des Arts / DP 8091

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Questions autour du portrait antique

Il est aujourd’hui admis que les Ro-mains de l’Antiquité sont les inventeurs du portrait, c’est-à-dire la représentation individualisée et reconnaissable d’une personne vivante. En effet, les effigies des notables et des empereurs romains frappent par leur réalisme. À l’instar des monnaies qui figurent systématiquement des portraits de dirigeants, ces bustes ont une fonction précise : permettre au peuple de reconnaître ceux qui le gouvernent. Les défauts personnalisés sont ainsi net-tement identifiables, écartant tout doute sur l’identité du modèle. Les rides et les visages creusés dénotent la maturité et la gravitas de ces personnages, qualités considérées comme indispensables à ceux qui exercent de hautes fonctions. Malgré leur réalisme parfois cruel, ces portraits ont aussi une dimension sacrée : ils sont des doubles symboliques des dirigeants divinisés et recueillent les hom-mages que doit leur rendre la population.

Le buste découvert en 2007 dans le Rhône est indubitablement l'un de ces portraits. Il est d’une qualité technique et stylistique remarquable, sa conservation est excellente. Selon son découvreur, l’ar-chéologue Luc Long, il représenterait Jules César et aurait été exécuté de son vivant. Il constituerait ainsi ce que les historiens de l'art appellent un unicum, soit un cas d’iconographie unique et sans répliques (du moins pour l’instant). Son excavation à Arles est logique, la colonie romaine d’Arelate ayant été fondée par César lui-même en 46 avant J.-C. En outre, le buste a été trouvé près d'un quartier antique pourvu de nombreux monuments, proche de l’actuel Trinquetaille, situé sur la rive droite du fleuve.

Stratège militaire talentueux, consul et dictateur de Rome, conquérant des

Gaules, César est le fondateur symbolique de la monarchie impériale à Rome. De 46 à son assassinat en 44 avant J.-C., il a une mainmise quasi totale sur le Sénat, les assemblées populaires, les magistratures. Il est divinisé en 42 avant J.-C. Son petit-neveu, l’empereur Auguste, se réclame de lui et diffuse son image en tant que fondateur dynastique.

En règle générale, pour identifier un personnage représenté en buste, les spé-cialistes du portrait romain use d'une mé-thode comparative à partir de monnaies ou de bustes précédemment découverts. Or, les premières représentations connues de César sont celles de monnaies frappées quelques mois avant sa mort. Sa calvitie est prononcée, son visage émacié. C’est ainsi qu’il apparaît dans le “César de Tus-culum”, l'un des portraits les plus anciens dont on a la certitude qu'il représente le dictateur. Traversé par deux rides naso-la-biales profondes, son visage se caractérise par des pommettes hautes et des joues creuses. Les yeux sont saillants, le cou long et ridé, la tête largement dégarnie. Un autre buste attribué à César avec certitude, conservé au musée Chiaramonti du Vati-can et datant de l’époque augustéenne, est plus idéalisé. Les défauts et les marques du vieillissement sont adoucis : la calvitie est absente et le cou lisse.

A priori, la thèse de l'unicum défendue par Luc Long ne permet pas d'utiliser une telle métode comparative. Pourtant, le découvreur a fait procéder à la numé-risation en 3D du buste de Turin et de celui d’Arles, puis à leur superposition. Celle-ci suggère une complémentarité entre les deux effigies. Toutefois, à l’œil nu – et ces portraits, rappelons-le, devaient être immédiatement reconnaissables – le visage rond, les joues aplaties, le nez large

et les yeux enfoncés du buste d’Arles sont assez différents de celui de Turin. On ne décèle pas non plus de ressemblance avec le buste du Vatican.

L’attribution de ce buste à César n’est donc pas certaine et, depuis 2007, le débat entre archéologues est passionné. Effectivement, il se pourrait aussi qu'on ait affaire ici à un notable local souhai-tant se faire représenter sous les traits de César. Dans tous les cas, il s’agit d’une découverte majeure, qui complète notre connaissance sur la diffusion rapide des canons du portrait dans la Rome antique, témoignant aussi de la romanisation pré-coce de la Gaule méridionale.

Le réalisme frappant de ces portraits n’est pas pour autant le fruit d’une objec-tivité parfaite. Au contraire, ces repré-sentations sont imprégnées d’intentions politiques et expriment le point de vue du pouvoir. Elles ne sont pas plus impartiales que le portrait de l’empereur Néron dressé par Jean Racine dans Britannicus (1670), une tragédie en cinq actes. En 54, à dix-sept ans, Néron fut acclamé empereur par l'armée grâce à sa mère Agrippine qui avait empoisonné l'empereur Claude et écarté son fils Britannicus du pouvoir. Puisant dans les Annales de Tacite, la pièce éclaire la complexité historique de la poli-tique romaine et les paradoxes qui sous-tendent la figure de l’empereur et la classe dirigeante en général. Analysant l’avène-ment d’un tyran narcissique, passionnel et injuste – Néron apparaît ainsi dans la bouche de sa propre mère Agrippine, elle-même fascinée par le pouvoir –, Racine questionne les notions de légitimité et de tyrannie, que l’on pourrait également poser à propos de César.

Iveta Slavkova ///

Je sens que je deviens importune à mon tour.ALBINE.[Quoy ? Vous à qui Néron doit le jour qu’il respire ?Qui l’avez appellé de si loin à l’Empire ?Vous qui déshéritant le fils de ClaudiusAvez nommé César l’heureux Domitius ?Tout lui parle, Madame, en faveur d’Agrippine.Il vous doit son amour.AGRIPPINEIl me le doit, Albine.Tout, s’il est généreux, lui prescrit cette loy,Mais tout, s’il est ingrat, luy parle contre moy.ALBINES’il est ingrat, Madame ! Ah ! toute sa conduiteMarque dans son devoir une âme trop instruite.Depuis trois ans entiers qu’a-t-il dit ? qu’a-t-il [fait,Qui ne promette à Rome un empereur parfait ?

un Portrait De néron signé racineALBINEQuoy ? Tandis que Néron s’abandonne au [sommeilFaut-il que vous veniez attendre son réveil ?Qu’errant dans le palais sans suite et sans [escorteLa mère de César veille seule à sa porte ?Madame, retournez dans vostre appartement.AGRIPPINEAlbine, il ne faut pas s’éloigner un moment.Je veux l’attendre icy. Les chagrins qu’il me [causeM’occuperont assez tout le temps qu’il repose.Tout ce que j’ay prédit n’est que trop assuréContre Britannicus Néron s’est déclaré.L’impatient Néron cesse de se contraindre,Las de se faire aimer il veut se faire craindre.Britannicus le gesne, Albine, et chaque jour

buste De césar (?)date ?, marbre de phrygie (turquie), dimensions ?, fouille du rhône, musÉe dÉpartemental de l'arles antique © Boris Horvat/AFP

Rome depuis trois ans par ses soins gouvernéeAu temps de ses Consuls croit être retournée,Il la gouverne en père. Enfin Néron naissantA toutes les vertus d’Auguste vieillissant.AGRIPPINENon non, mon intérêt ne me rend point injuste:Il commence, il est vray, par où finit Auguste.Mais crains que, l’avenir détruisant le passé,Il ne finisse ainsi qu’Auguste a commencé.Il se déguise en vain. Je lis sur son visageDes fiers Domitius l’humeur triste et sauvage.Il mêle avec l’orgueil qu’il a pris dans leur sangLa fierté des Nérons, qu’il puisa dans mon [flanc. [...]Ah ! Que de la patrie il soit s’il veut le père.Mais qu’il songe un peu plus qu’Agrippine est sa mère.

Racine, Britannicus, Paris, édition Claude Barbin, 1670.

buste De césar trouvé à tusculumturin, musÉe archÉologique ©

buste De césar trouvé à camPosantovatican, musÉe chiaramonti © Frassinetti/AGF/Leemage

De lA fin Du moyen âge à l'âge clAssiqueDP 8091 / histoire Des Arts

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Bayeux : image et narrationAu Moyen Âge, la fonction première

des images est de raconter une his-toire. Peintes ou sculptées, les œuvres racontent aux fidèles, presque tous anal-phabètes, les textes sacrés. Mais elles té-moignent aussi du raffinement plastique et de l’ingéniosité des artistes contem-porains. C’est le cas de la “Tapisserie de Bayeux” qui date de l’époque romane et illustre l’épopée de la succession au trône d’Angleterre à travers l’histoire des deux prétendants principaux : l’Anglais Harold, comte de Wessex, et Guillaume le Conquérant, duc de Normandie.

Cette “Tapisserie” est en fait un long panneau de lin brodé. Les différents types de points de broderie créent une surface variée et agréable au regard. Les couleurs intenses, basée sur trois pig-ments d’origine végétale (garance pour le rouge, pastel pour le bleu et gaude pour le jaune), sont d’une grande qualité. Longue de 68 m et large de 50 centimètres, la bro-derie comporte cinquante-huit scènes numérotées et annotées en latin. Elles se suivent tout au long d’un registre central de 33 cm, flanqué de deux bandes plus réduites peuplées essentiellement d’animaux fantastiques typiques de l’art roman.

L’histoire est chronologique. Le roi d’Angleterre Édouard le Confesseur, qui n’a pas d’héritier, désigne Guillaume comme son successeur et missionne le prétendant déçu, Harold, de porter le message à son rival. Les rebondisse-ments commencent alors  : le bateau d’Harold échoue et le prince devient le prisonnier du comte Guy de Ponthieu. Les soldats viennent le chercher (8) et il tend son épée et son baudrier en signe d’obéissance (9). Face à lui, le comte de Ponthieu lève son épée hors du fourreau

à la verticale pour marquer sa domina-tion. La scène illustre parfaitement la codification des images médiévales. Les index tendus, par exemple, que l’on voit un peu partout, signifient la conversation alors que les moustaches caractérisent les Anglais. Tous ces éléments assurent la clarté du récit.

Guillaume réussit à racheter Harold qui part avec lui combattre Conan II de Bretagne. La scène 21 montre Guillaume donnant les armes au prince anglais qui s’est battu vaillamment. Les deux combattants portent des armures alvéo-lées, minutieusement rendues par la broderie. La bannière que tient Harold marque subtilement la séparation avec l’épisode suivant, montrant Guillaume de retour à Bayeux. La ville réduite à une architecture est identifiable par l’inscription latine “Bagias” et par ses armoiries – l’aigle bicéphale. L’échelle n’est pas respectée, mais on comprend aisément, grâce au cheval qui s’engage littéralement dans la route pentue, que le duc entre dans sa ville.

L’architecture marque ici la limite avec la scène 23, illustrant le serment de fidé-lité que prête Harold devant Guillaume. Malgré l’économie des moyens, la gravité de l’événement est sensible  : tous les participants sont en habit d’apparat, les gestes son amples. Assis sur son trône, Guillaume est entouré de témoins qui, comme l’indique leur petite taille, ont un rang moins important. Ce procédé, appelé “perspective symbolique”, est très utilisé au Moyen Âge. La broderie nous renseigne en effet sur la vie de la cour et sa hiérarchie, sur les codes de la chevalerie fondés sur l’honneur. Elle permet de compléter les informations fournies par les œuvres littéraires de

l’époque. L’extrait du Roman de Merlin, qui fait partie de la légende du roi Arthur, souligne notamment l’importance du serment. Proféré et confirmé autour de la Table ronde, à laquelle Arthur invite les chevaliers, ce serment engage le roi et ses nobles à veiller sur le bonheur et la prospérité du monde. Harold, lui, ne se montre pas digne de la confiance de Guillaume. Après la mort d’Édouard, il devient roi d’Angleterre en dépit de son serment. La scène 30, délimitée par un cadre architectural, le montre couronné. à droite, la foule a le regard fixé sur lui. Suivant le mouvement rotatoire des personnages vers la droite, l’œil glisse progressivement vers l’épisode 32 où une foule semblable montre quelque chose dans le ciel. Dans la prolongation des bras tendus, on remarque une étoile dans la bande supérieure. Il s’agit d’un phénomène réel : la Comète de Halley fut effectivement visible du 24 avril au 1er mai 1066. Cette apparition constitue un mauvais présage pour Harold  : le punissant pour sa trahison, Guillaume le tue lors de la bataille d'Hastings, épisode final de la “Tapisserie de Bayeux”.

Même si tout est mis au service de la narration, on ne saurait négliger l’ingé-niosité et le raffinement formels de cette œuvre. Ancrée dans les codes de son époque, elle séduit par l’originalité des trouvailles iconographiques, possibles seulement dans un système de repré-sentation symbolique qui ne cherche pas à imiter la réalité. De même, au-delà de l’intrigue bien ficelée, l’éclat des couleurs et les qualités tactiles de la surface bro-dée éveillent les sens du spectateur, lui procurant un plaisir immédiat.

Iveta Slavkova ///

roi ait jamais donnée en quelque royaume que ce soit. Et j’ordonne à chacun de vous de venir avec sa femme car j’entends donner tout son éclat à la Table ronde, celle que Merlin institua sous le règne d’Uterpendragon mon père, et installer alors les douze pairs de ma cour dans les douze sièges. D’autre part, tous ceux qui assisteront à la fête et qui voudront demeurer avec moi feront à tout jamais partie de cette Table et seront accueillis avec hon-neur partout où ils iront car chacun recevra un pennon ou les armoiries de la Table ronde.Ces mots furent salués par de grandes accla-mations. Tous les barons de la cour étaient très contents, eux qui désiraient ardemment

la table ronDe ou l’iDéal chevaleresqueBien d’autres chevaliers les suivirent, et en si grand nombre que je ne peux tous les citer ; mais je peux bien vous affirmer qu’il y avait alors à la cour du puissant roi Arthur tant de chevaliers de mérite que, dans le monde entier, on ne parlait que de cette chevalerie et de la Table ronde d’Arthur. Tant et si bien que le roi se souvint des paroles de Merlin et s’adressa en ces termes à ses barons et à ses chevaliers :– Seigneurs, sachez-le, vous devrez tous revenir à ma cour à la Pentecôte car je veux, ce jour-là, y donner la plus grande fête qu’un

avoir la réputation d’appartenir à la Table ronde. Puis ils se séparèrent et chacun retourna dans son pays. Arthur resta à Logres, cherchant comment il pourrait donner un plus grand lustre à la Table ronde.

Roman de Merlin attribué à Robert de Boron, traduit de l’ancien français par Emmanuèle Bau-mgartner in La Légende arthurienne, Paris, Robert Laffont, collection "Bouquins", 1989.

scènes 27 à 33le roi edouard d'angleterre meurt, harold se fait couronner roi mais le passage d'une comète est de mauvais prÉsage

scènes 20 à 23guillaume donne les armes à harold avant qu'ils partent combattre ensemble conan ii duc de bretagne puis harold prête serment de fidÉlitÉ à guillaume sur les reliques de la cathÉdrale de bayeux

scènes 8 et 9en se rendant en normandie, le comte de wessex, harold godwinson, est kidnappÉ par le comte guy de ponthieu : il lui tend son baudrier et son ÉpÉe en signe de soumission

trois dÉtails de la broderie confectionnÉe entre 1077 et 1082, fils de laine brodÉs sur toile de lin, musee de la tapisserie, bayeux, france © The Bridgeman Art Library

DisPonibles sur transParent et en version numérique

De lA fin Du moyen âge à l'âge clAssiqueDP 8091 / histoire Des Arts

32 documentation photographique

histoire Des Arts / DP 8091

documentation photographique 33

Renaissance : une géographie européenne

On imagine parfois que le nom de Renaissance renvoie à une période historique, l’aube du xve siècle, où les artistes auraient rompu avec les codes de représentation du Moyen Âge. La réalité est plus complexe et le terme de Renais-sance doit être entendu comme un mou-vement artistique, qui se développa sui-vant des chronologies différenciées selon les arts et les territoires. Ce mouvement ne marque pas une rupture radicale avec le Moyen Âge, la redécouverte de l’Anti-quité, par exemple, n’étant pas l’apa-nage des temps modernes. À l’inverse, l’importance nouvellement accordée par certains artistes à la construction géométrique de l’espace, à la représen-tation cohérente d’une histoire ou à la référence au modèle antique, ne fut pas le lot de tous. Elle cohabita assez longuement avec le “gothique interna-tional”, mouvement artistique orné, très attaché à une iconographie courtoise et à la préciosité des matériaux utilisés (ors et lapis).

C'est à Florence qu'a lieu un renou-veau des trois arts du dessin entre 1400 et 1430, incarné notamment par le sculp-teur Donatello, l’architecte Brunelleschi et le peintre Masaccio. Développer ici sur l'exemple du David de Donatello. Et c’est au fil du xve siècle que l’art “moderne” s’impose progressivement jusqu’à triom-pher, en essaimant de Florence aux principales cours ou cités de la pénin-sule (Urbino, Mantoue, Ferrare, Venise, Milan, Rome), qui deviennent autant de foyers de la Renaissance, où s’affirment des attentes nouvelles à l’égard des pro-ductions artistiques  : développement des collections d’œuvres d’art, consom-mation de formes de luxe variées, épa-nouissement d’un art profane, là où l’art

sacré dominait jusqu’alors la commande artistique.

Les Flandres voient leurs arts connaître au xve siècle un renouveau singulier, sans pour autant rejoindre les mutations artistiques de la péninsule Italienne. Ainsi, les tableaux de Jan Van Eyck témoignent d’un intérêt nouveau pour la nature et pour la construction de l’espace, mais d’une approche encore empirique de cette dernière. Développer ici sur la Vierge au chancelier Rolin.

Ce n’est en fait qu’à partir du xvie

siècle que l’histoire des arts s’écrit véritablement à l’échelle europénne. Du Fontainebleau des Valois au Prague de Rodolphe II en passant par l’Espagne de Charles Quint et Philippe II ou les Pays-Bas, on assiste à une diffusion sans précédent des formes artistiques nouvelles, encouragée tout à la fois par la circulation des estampes (ainsi les Chambres de Raphaël au Vatican gravées par Raimondi ou les tableaux de Titien gravés par Cornelis Cort à Anvers), les voyages d’artistes (le voyage en Italie modifie par exemple en profondeur la conception de l’architecture du Français Philibert de l’Orme), les copies ou les moulages d’antiques, les dons et circu-lations d’œuvres d’art (ainsi les petites bronzes de Giambologna offerts par les Médicis en cadeaux diplomatiques à toutes les cours d’Europe), voire les évé-nements, le sac de Rome en 1527 ayant par exemple contribué à la dispersion des élèves de l’atelier de Raphaël, au profit de nouveaux centres.

La diffusion des formes artistiques à l’échelle europénne au xvie siècle est si nette qu’elle a pu être analysée en termes stylistiques sous le nom de “maniérisme”, pour désigner des formes

d’art moins proches de la nature et revendiquant le caractère artificiel des représentations, avec des figures aux proportions anormalement allongées et des poses complexes, comme dans les tableaux florentins de Bronzino ou les stucs de la chambre de la duchesse d’Étampes à Fontainebleau.

Si la diffusion des expériences ita-liennes a pu être regardée sous l’angle d’une certaine unité stylistique, il ne faut pas sous-estimer l’importance et la spécificité des réélaborations nationales, ni le relais assez rapide que des artistes locaux purent prendre. La Renaissance française, par exemple, se développe dans le creuset de Fontainebleau sous la conduite de deux artistes italiens appelés en France, Primatice et Rosso, qui dif-fusent des formes et des structures déco-ratives nouvelles (alliance de fresques et de stucs) remplacer l'aile de la belle cheminée par un décor alliant fresques et stuc (cf propositions envoyées) et trans-mettent l’organisation du travail dans le cadre d’ateliers, telle que mise au point par Raphaël à la cour de Jules II et de Léon X. Mais si la rénovation de Fontai-nebleau sous François Ier est supervisée par des artistes italiens, c’est à une jeune génération d’artistes français, Pierre Les-cot et Jean Goujon, que la reconstruction du vieux Louvre est confiée, à la veille du changement de règne.

Marianne Cojannot- Leblanc ///

Jan van eyck (vers 1390-1441), la vierge du chancelier rolin, xve siècle, huile sur bois, h. 0,660 m, l. 0,620 m, provient de la collÉgiale notre-dame d'autun, musÉe du louvre© RMN (musée du Louvre)/Hervé Lewandowski

primatice (dit), francesco primaticcio (1504-1570), aile de la belle cheminÉe, façade sur la cour de la fontaine, fontainebleau, 1565-1570© RMN (Château de Fontainebleau)/Jean-Pierre Lagiewski

donatello, david©XViiie et XiXe siècles

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L’affirmation des nationalismes

Le concept de “nationalisme” se pro-page en Europe au xixe siècle. Il désigne à la fois une forme outrancière de patrio-tisme, la profession de foi de certains groupes politiques qui considèrent les valeurs nationales comme la priorité de l’ordre politique, une aspiration à l’indépendance des peuples assujettis. Depuis le xixe siècle, on retrouve ces trois aspects dans des expressions artistiques qui contribuent à donner une forme per-cutante aux revendications politiques. La peinture (bientôt la photographie), la musique, le théâtre, la poésie deviennent un moyen d’agir sur l’imaginaire des gens et de mobiliser. Parfois, les artistes s’engagent consciemment au nom d’une idée politique, mais ils peuvent aussi être instrumentalisés par le pouvoir. Certains trouvent dans les luttes des peuples un sujet passionnant, sans être véritablement préoccupés par les enjeux politiques qu'elles sous-tendent.

Si, de prime abord, le peintre roman-tique Eugène Delacroix (1798-1863) semble s’engager pour la cause des Grecs oppri-més par l’Empire ottoman (il peint les Mas-sacres de Scio en 1824), une étude attentive nuance cette affirmation. Il est vrai que la violence avec laquelle sont écrasées les révoltes grecques suscite l’empathie des Occidentaux qui ont à l'esprit l’importance de ce pays pour la civilisation européenne. En 1826, après un siège de plusieurs années, Missolonghi, située sur la rive nord du golfe de Patras, est prise par les Ottomans. Le poète Byron avait rendu cette ville célèbre en s’y installant en 1824 pour soutenir la résistance qu’il finançait grâce à sa fortune personnelle. Sa mort in situ, au milieu des insurgés grecs, avait largement contribué à la cause philhellène.

L’année même de la défaite, Delacroix peint La Grèce sur les ruines de Missolonghi.

Le tableau n’illustre pas un moment précis de la guerre d’Indépendance. C’est une allégorie évoquant la portée univer-selle d'un drame opposant ceux qui sont réduits à l’esclavage – la Grèce figurée en femme implorante, prenant appui sur des ruines où gît un cadavre – aux vain-queurs triomphants – un Turc richement vêtu brandit fièrement le drapeau de la victoire. Le fort contraste entre la figure pâle vêtue de blanc en pleine lumière au premier plan et la silhouette sombre à l'arrière-plan renforce l’effet drama-tique. Delacroix donne également une dimension érotique au sujet, dénudant de manière suggestive la poitrine de son personnage principal. Ainsi, le combat des Grecs se dissout dans le pathos uni-versel des conflits éternels : masculin et féminin, ombre et lumière, Bien et Mal…

Plutôt qu’un engagement pour la cause grecque – malgré sa sympathie, Delacroix ne se mobilise pas vraiment  –, ce tableau illustre la volonté du peintre de représen-ter un sujet moderne et puissant qui lui permette d’émouvoir ses contemporains et d’accéder aux honneurs du Salon. à cette époque, celui-ci est pratiquement le seul endroit, le plus prestigieux en tout cas, pour exposer. Le jury y privilégie le “Grand Genre” c'est-à-dire la “peinture d’histoire” (événements historiques importants, scènes bibliques ou mytho-logiques). Par ailleurs, le sujet rejoint la mode de l’orientalisme, visible ici à travers le réalisme des costumes exotiques.

Au même moment, les Italiens rêvent aussi d’une nation glorieuse et unifiée. L’Italie est alors morcelée en plusieurs principautés, certaines dominées par la France ou l’Autriche-Hongrie. Le compo-siteur Giuseppe Verdi (1813-1901) est l'une des grandes figures de l’éveil national, le Risorgimento (résurrection). En 1842, il

présente Nabucco à la Scala de Milan : c'est son premier triomphe. Épousant la vogue orientaliste (il n'est qu'à voir les costumes de Nabuchodonosor et de sa fille présu-mée Abigaïlle sur la couverture du livret de 1842), l’histoire se déroule à Babylone où les Hébreux, avec lesquels s’identi-fient les Milanais sous le joug autrichien, sont en captivité. L’hymne solennel et passionné du troisième acte, Va, pensiero, qui fait l’éloge de la patrie, devient un symbole fort du désir d’unification. Investi par ailleurs de mandats politiques, Verdi assume parfaitement son rôle de héros national et d'artiste à la fois.

Il en est de même en France pour Victor Hugo (1802-1885), défenseur de la Répu-blique, auteur de l’épopée nationale des Misérables, avocat des peuples opprimés et des pauvres. Lors de ses funérailles nationales, deux millions de personnes acclament leur héros à Paris, entre l'arc de Triomphe et le Panthéon. Précédé d’un escadron de la garde à cheval et suivi d’un régiment de cuirassiers, le gouverneur militaire de Paris défile accompagné de son état-major en grande tenue. Onze chars à quatre ou six chevaux suivent (on les voit ici), sur lesquels s’entassent les couronnes et les fleurs. Le cortège se poursuit longtemps encore, jusqu'au corbillard des pauvres qui transporte le corps de l'écrivain, selon ses souhaits. Les clichés de cet événement sont parmi les premiers instantanés. Grâce à la pers-pective oblique, on perçoit la densité de la foule. Ces images inaugurent une longue collaboration entre la photographie, prisée pour son impact immédiat et son réalisme, et le pouvoir.

Iveta Slavkova /

eugène Delacroix, la grèce sur les ruines de missolonghi, 1826huile sur toile, h. 2,130 m, l. 1,420 m, bordeaux, musÉe des beaux-arts © RMN-Grand Palais/A. Danvers

DisPonible sur transParent et en version numérique

livret Du nabucco De giusePPe verDiopÉra en 4 actes, livret de temistocle solera, première au thÉâtre de la scala, milan, le 9 mars 1842 © AKG Images/De Agostini Pict. Lib.

funérailles nationales De victor hugo le 1er juin 1885photographie ?? © AKG-ImagesXViiie et XiXe siècles

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Art et industrieLa première industrialisation s'af-

firme en Angleterre à la fin du xviiie siècle avec, notamment, la systémati-sation de la machine à vapeur inventée par James Watt. Au début du xixe siècle, l’Europe entière adopte les nouveaux modes de production, qui suscitent par ailleurs des utopies sociales. Architectes, ingénieurs, artistes et penseurs de tous bords croient à un ordre économique nouveau fondé sur la circulation de plus en plus aisée des marchandises industrielles. Parmi les théoriciens les plus influents, le Français Saint-Simon exprime sa conviction qu’une industrie bien gérée par une élite éclairée garan-tira l’abondance pour tous.

Or, l'économie anglaise prend son essor grâce à l’industrie du textile, dont la capitale hexagonale est Roubaix. Située au croisement de lignes de chemin de fer et de canaux, la ville devient au xixe

l'un des centres urbains les plus dyna-miques, spécialisé dans la fabrication et le commerce de la laine. à sa prospérité contribuent des entrepreneurs novateurs comme Louis Motte qui, après avoir visité les fabriques de Manchester et de Bradford (et s'être marié à Adèle Bossut, fille du maire de Roubaix), fait ériger en 1843 une filature équipée des machines les plus modernes venant d'Angleterre. Après un grand incendie en 1867, une nouvelle usine est édifiée, toujours près d'un canal, afin d'assurer l'approvi-sionnement en eau et le transport des marchandises produites. Reconverti aujourd’hui en Centre des archives du travail et classé monument historique, ce bâtiment, long de 10 m et haut de 25 m, conserve sa façade d’origine.

Sa structure porteuse, des poutres de fer soutenues par des colonnes en fonte,

est typique de l’architecture industrielle de l’époque. Grâce aux progrès dans le domaine de la métallurgie et à la baisse des prix des matières premières, le métal devient un matériau accessible et très utilisé, notamment pour les usines et les infrastructures. C’est une des nouveautés majeures de l’architecture du xixe siècle. Le métal est un matériau fonctionnel, malléable et résistant au feu. Dans le cas de la filature Motte-Bossut, c’est un avantage capital : les machines à vapeur peuvent facilement provoquer des explo-sions et l'incendie qui a détruit la pré-cédente usine familiale est encore dans toutes les mémoires. En outre, grâce à la fonte, qui résiste à la compression, et au fer, qui résiste à la tension, les planchers sont capables de supporter le poids des machines sur cinq étages.

Les murs de la filature sont en brique car, au nord de la France, la pierre est rare. à l’instar du fer, ce matériau est significativement amélioré au xixe siècle. Moulée par des machines et cuite dans des fours à haute température, la brique industrielle est plus résistante, plus solide, plus légère que sa consœur arti-sanale. Sa bonne isolation thermique est particulièrement prisée. Dans la nouvelle usine Motte-Bossut, de petits voûtains de briques se substituent aux planchers en bois, diminuant encore les risques d’incendie. Ainsi, le feu qui éclate au cinquième étage en 1874 ne se propage pas dans le reste de la filature.

Quant au style néo-gothique de l’usine, il a plutôt une valeur symbolique, en accord avec les idées de Saint-Simon, qui voit dans l’ère industrielle un Nou-veau christianisme (titre de son dernier ouvrage publié en 1825) et dans le travail un renouvellement de la spiritualité et

de la morale. Le Christ qui surplombe l’entrée principale de la filature confirme le lien fort entre travail et catholicisme. Des tours crénelées s’élèvent en façade et encastrent la haute cheminée. Des fer-ronneries aux initiales des Motte-Bossut ornent le bâtiment. Dans son ensemble, l'usine témoigne de la richesse ainsi que de la puissance sociale et politique de la dynastie Motte-Bossut, typique d'un capitalisme familial très impliqué dans la gouvernance de sa ville et dans les actions de bienfaisance.

Or, selon Saint-Simon, à côté des industriels éclairés, les artistes ont un rôle majeur à jouer dans la construction de la société de l’abondance. Et même si certains artistes rejettent les modes de production industriels, à la fin du xixe et au début du xxe siècle, ceux qui collaborent avec les industriels sont de plus en plus nombreux. à partir de 1908, le bijoutier-joaillier René Lalique devient un maître du verre industriel, concevant notamment des prototypes pour des flacons de parfum. Tout en conservant une esthétique Art nouveau, il tire avan-tage de la production en série : sur cette page tiré d'un carnet de croquis, l’anno-tation renvoie ainsi à la réutilisation d'un modèle précédent.

La conception de prototypes de qua-lité pour l’industrie est également au cœur du programme de l’association des artisans allemands Deutscher Werbund. Les mots “art”, “industrie”, “architecture” et “artisanat” se côtoient sur cette affiche annonçant une exposition des produc-tions de la Werbund à Cologne en 1914. L’école du Bauhaus, fondée à Weimar en 1919, poursuivra ce combat ?, préfigurant le développement du design moderne.

Iveta Slavkova /

l'ancienne filature motte-bossut en 1984, roubaix, norD-Pas-De-calais construite à partir de 1843, agrandie Jusqu'en 1920, dÉsaffectÉe en 1981, devenue centre des archives du

monde du travail en 1993 © AKG-Images

affiche signée Peter behrens, 1914lithographie en couleurs, h. 0,90 m, l. 0,63 m© AKG-Images

croquis De flacon “masque” tiré D'un carnet De rené-jules lalique (1860-1945)Annotation : “reprendre le noyau du moule chrysanthème”

paris, musÉe d'orsay, fonds lalique © RMN (Musée d'Orsay)/Hervé Lewandowski © ADAGP, Paris 2013

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Première guerre mondiale : une “guerre d'images”

La guerre de 1914-1918 est un conflit d’un type nouveau : au milieu de tran-chées interminables, des millions de sol-dats sont jetés dans des assauts mortels pour gagner quelques mètres de terrain. Ils meurent en masse (plus de 9 millions de victimes), tués à la mitraillette, au gaz ou sous les bombardements aériens  ; d’autres rentreront du front gravement mutilés ou ravagés psychologiquement par les horreurs vécues et les conditions de vie insupportables. Pour promouvoir auprès de l’opinion publique cette guerre déclenchée pour des raisons complexes, les gouvernements recourent à la propa-gande. Les médias sont en plein essor et les états-majors comprennent vite l’intérêt des images. La photographie et le cinéma sont pour la première fois utilisés à une aussi grande échelle et deviennent les vedettes de la “guerre des images” que se livrent les pays belligérants.

Ainsi , des mil l ions de cartes postales, basées le plus souvent sur des reproductions photographiques, sont éditées dans tous les pays. Elles sont contrôlées par la censure et leurs sujets oscillent entre l’exaltation des soldats nationaux et le dénigrement des ennemis. La carte postale française “En avant” fait partie de la première catégorie. Solide et droit, appuyé sur son fusil, le poilu occupe le premier plan et domine la composition. D’un geste sûr, il désigne quelque chose hors champ à gauche. Sa position, contraire au sens de lecture qui va de gauche à droite, suggère qu’il se tourne vers l’arrière avant de continuer sa route. Le petit “poème” au-dessous fait écho à l’image : le soldat n’est pas loin de la population qui “entend ses pas”, mais il ne recule pas pour autant. Tel un mur, son corps parfaitement vertical protège

les paysages idylliques de son pays (village à l’arrière-plan) des attaques de l’ennemi.

Il est difficile de dire si les gens croyaient vraiment à ces images primaires. Des textes qui ont échappé à la censure montrent que tous n’étaient pas dupes face à ce qu’ils appelaient le “bourrage de crâne”. Toujours est-il qu’un grand nombre de créateurs d’avant-garde était persuadé des vertus de cette guerre censée revigorer l’esprit et les muscles atrophiés des jeunes Européens. C’est le cas du poète Guillaume Apollinaire qui, engagé volontaire, est affecté au 38e régiment d’artillerie. Ses textes témoignent d’un véritable enthousiasme patriotique alors que, d’origine polonaise, il n’obtient la nationalité française qu’en mars 1916. Dans Bleuet, Apollinaire s’adresse aux hommes de vingt ans, en appelle à l’intrépidité de leur “âme rouge de joie” qui se jette dans l’aventure exaltante sans craindre la mort. Même s’il contient le même message que la carte postale, l’originalité de la versification et de la ponctuation d’Apollinaire contraste avec la banalité convenue de l’image.

Plus rares sont les artistes modernes qui rejettent la guerre. Les plus acerbes se retrouvent à Zurich dès 1916 et forment le mouvement international Dada. En 1918, de retour dans leurs pays d’origine, ils continuent de travailler contre le discours officiel qui tend à idéaliser le conflit. C’est à ce moment que Georg Grosz rejoint Dada à Berlin. Volontaire en 1914, choqué par la violence de la guerre, il est interné dans un hôpital psychiatrique. Le message de Souviens-toi de l’oncle Auguste est donc à l’opposé de la carte postale “En avant”. Au lieu d’un homme solide et propre, Grosz représente un hybride monstrueux aux

yeux déphasés. Il utilise une technique nouvelle, le photocollage, dont il est l'un des inventeurs. Celui-ci souligne la disharmonie du visage à travers l’hétérogénéité des éléments rapprochés. Grosz parodie les progrès scientifiques faits “grâce” à la guerre (l’hélice d’avion à gauche, le pneu à droite), tout en faisant allusion aux “gueules cassées” – dont les visages ont subi de graves mutilations.

Ce photocollage est montré à la Foire Dada en juillet 1920. Chevauchant un tableau d’Otto Dix, figurant aussi des mutilés de guerre, l’œuvre de Grosz fait face à l’officier prussien à tête de porc accroché au plafond, une satire du militarisme. Quelques artistes sont présents : Grosz se tient à droite à côté de son ami Heartfield, photomonteur comme lui ; à gauche, Raoul Hausmann, Johannes Baader et Hannah Höch (assise) pratiquent également cette nouvelle technique. Sur les murs, des slogans jouant de la typographie dans une mise en page originale ainsi que des œuvres hétérogènes et très politisées invitent à une réflexion de fond sur la civilisation qui a engendré le conflit dévastateur. Comme le remarque déjà en 1920 le critique Ernst Cohn-Wiener, la Foire Dada est à l’opposé de la mièvrerie des cartes postales de propagande, coupant court (le couteau apparaît deux fois dans l’œuvre de Grosz) aux illusions de toute une époque.

Iveta Slavkova /

georg grosz (1893-1959), souviens-toi de l'oncle auguste, l'inventeur malheureux, 1919 prÉsentÉe pour la 1ère fois en 1920 à berlin sous le titre ein opfer der gesellschaft (“une victime de la sociÉtÉ”) huile, crayon, papiers et cinq boutons collÉs sur toile, h. 0,49 m, l. 0,395 m, paris, musÉe national d'art moderne/centre georges pompidou © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist.

RMN © ADAGP, Paris 2013

carte Postale, 1915tirÉe d'une photographie originale colorÉe à la main, france, 1915 © Bilderwelt/Roger-Viollet

ouverture De la “Première foire internationale DaDa”, 5 juillet 1920berlin, galerie otto burchard, photographiedebout de gauche à droite : raoul hausmann, otto burchard, baader, wieland et margarete herzfelde, georg grosz et John heartfield, assis : hannah höch et otto schmalhausen © AKG-Images

guillaume aPollinaire, bleuet, Publié en juin-juillet 1917Jeune hommeDe vingt ansQui as vu des choses si affreusesQue penses-tu des hommes de ton enfance

Tuconnais

la bravoure et la ruseTu as vu la mort en face plus de cent fois tu ne sais pas ce que c'est que la vieTransmets ton intrépiditéA ceux qui viendontAprès toiJeune hommeTu es joyeux ta mémoire est ensanglantéeTon âme est rouge aussiDe joieTu as absorbé la vie de ceux qui sont morts près de toiTu as de la décisionIl est 17 heures et tu sauraisMourirSinon mieux que tes aînésDu moins plus pieusementCar tu connais mieux la mort que la vieO douceur d'autrefoisLenteur immémoriale.

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Seconde guerre mondiale : témoigner de l'indicible

En 1945, après la seconde guerre mondiale, l’Europe se réveille ruinée, économiquement comme moralement : non seulement le désastre s’est produit deux fois en vingt ans, orchestré par des pays dits “civilisés”, mais la révélation des camps d’extermination nazis met les hommes face à une horreur indicible. Les destructions apocalyptiques de la bombe atomique lancée les 6 et 9 août sur Hiroshima et Nagasaki au Japon ajoutent aux interrogations quant à l’avenir d’une humanité toujours aux prises avec la violence et la barbarie, malgré les siècles de culture humaniste qui ont précédé.

Dans ce contexte, les artistes recon-sidèrent le sens et les modalités de la création. L'œuvre de Jean Fautrier (1898-1964), artiste solitaire et a priori apoli-tique, illustre parfaitement les tendances qui dominent l’art après la guerre : une abstraction ou semi-figuration centrée sur la matière. Il s’agit d’une peinture à l’empâtement épais (avec des touches en relief), qui forme des granulations et des accidents, reflétant la subjectivité de l’artiste à travers des gestes dont la trace reste visible. Ces caractéristiques se retrouvent dans la série des Otages, exposée en 1945 à la galerie Drouin à Paris. Pour obtenir ces surfaces, Fautrier pose un enduit épais et colle des papiers froissés sur la toile. La “croûte” ainsi for-mée ne couvre pas la totalité du support, mais détermine une surface de couleur plus claire, visible sur les deux œuvres ci-contre. Fautrier retravaille ces surfaces en appliquant plusieurs couches de pigment en poudre. Le résultat obtenu rappelle la chair ; cette sensation est renforcée par la palette rose-orangée dont use le peintre : l'ensemble invite au toucher.

Malgré leur sensualité picturale, les Otages sont nés de la tragédie de la guerre. Arrêté par la Gestapo en 1943 car il fréquente des intellectuels liés à la résistance, puis relâché, Fautrier trouve asile à sa libération dans une clinique à Châtenay-Malabry. Dans le parc de la résidence, les Allemands exécutent des prisonniers, exécutions que l’artiste entend quotidiennement. Ainsi, le spec-tateur peut percevoir la souffrance dans cette matière malmenée par les pétris-sages successifs. Les formes rappellent des têtes déformées : dans la peinture de gauche, le creux de la demi-lune, doublé d’un trait noir, évoque un cri sortant d’une bouche grande ouverte ; à droite, on imagine un crâne avec deux orbites oculaires inachevées et des tempes protubérantes.

Cette transformation sensuelle de “l’horreur en beauté”, selon l’expres-sion de Francis Ponge, gênait déjà les commentateurs contemporains. En 1945, le romancier Marcel Arland écrit : “Je n’y sens pas la grandeur farouche ou macabre que laissait attendre leur sujet”. Fautrier lui-même a contribué à l’ambigüité des interprétations. Pour lui, plutôt que témoignage historique ou condamnation morale d’un acte de barbarie, les Otages expriment l’émo-tion pure liée à l’expérience du réel qui s’incorpore dans la matière. N’étant pas, au sens propre, une œuvre engagée, la série exprime néanmoins le désarroi humain et l’impossibilité de représenter le désastre.

Également témoin de l’horreur, les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki cette fois, le réalisateur japo-nais Akira Kurosawa (1910-1998) analyse avec une lucidité historique revendi-

quée le monde apocalyptique après la guerre. Dès les années 1950, les films Rashōmon (1950) et Vivre dans la peur (1955) traitent de la dévastation engendrée par l’explosion nucléaire. Le sujet continue de hanter Kurosawa dans Rêves (1990), film constitué de huit courts-métrages basés sur les songes du réalisateur. “Les démons gémissants” est un cauchemar se déroulant dans un paysage ravagé, ponctué de fleurs géantes du fait de la radioactivité. Les hommes irradiés (les démons gémissants du titre) sont devenus des Oni, les esprits maléfiques de la tradition folklorique japonaise. Ainsi, quelques survivants errent dans ce décor apocalyptique, cherchant une issue.

Car, malgré l’horreur, l’homme envi-sage toujours une issue, comme le suggère l'un des livres les plus emblé-matiques sur l’expérience des camps  : Si  c’est un homme (1947) de Primo Lévi (1919-1987), survivant d’Auschwitz. Son analyse presque scientifique des conditions de vie des camps, rendue de manière simple et sans pathos, et même non dépourvue d’humour, questionne les réflexes de survie, l’arbitraire, l’animalité humaine, l’espoir déraisonnable. L’ami-tié, celle qui unit le narrateur à Pikolo, un étudiant alsacien, reste le gage d’un lien humain rassurant qui se noue, follement, malgré tout.

Toutes ces œuvres expriment, de manière différente, l’inévitable joie que procure la sensation de vivre et de pou-voir affirmer la vie à travers l’art.

Iveta Slavkova /

Des mots Pour fuir les camPs J’y suis, attention Pikolo, ouvre grands tes oreilles et ton esprit, j’ai besoin que tu comprennes :“Considerate la vostra semenzaFatti non foste a viver come brutiMa per seguir virtute e conoscenza1”

Et c’est comme si moi aussi j’entendais ces paroles pour la première fois : comme une sonnerie de trompettes, comme la voix de Dieu. L’espace d’un instant, j’ai oublié qui je suis et où je suis.Pikolo me prie de répéter. Il est bon, Pikolo, il s’est rendu compte qu’il est en train de me faire du bien. Á moins que, peut-être, il n’y ait autre chose : peut-être que, mal-gré la traduction plate et le commentaire

sommaire et hâtif, il a reçu le message, il a senti que ces paroles le concernent, qu’elles concernent tous les hommes qui souffrent, et nous en particulier ; qu’elles nous concernent nous deux, qui osons nous arrêter à ces choses-là avec les bâtons de la corvée de soupe sur les épaules. [...]Il est tard, il est tard, nous voilà aux cui-sines, il faut conclure :“Tre volte il fe’ girar con tutte l’acque,Alla quarta levar la poppa in susoE la prora ire in giú, come altrui piacque2…”Je retiens Pikolo  : il est absolument nécessaire et urgent qu’il écoute, qu’il comprenne ce “come altrui piacque” avant qu’il ne soit trop tard ; demain lui ou moi nous pouvons être morts, ou ne plus jamais

nous revoir ; il faut que je lui dise, que je lui parle du Moyen Âge, de cet anachro-nisme si humain, si nécessaire et pourtant si inattendu, et d’autre chose encore, de quelque chose de gigantesque que je viens d’entrevoir à l’instant seulement, en une fulgurante intuition, et qui contient peut-être l’explication de notre destin, de notre présence ici aujourd’hui…

Primo Levi, si c'est un homme, Paris, julliard, 1987, traduit de l'italien par Martine Schruoffeneger. 1. “considérez quelle est votre origine : vous n’avez pas été faits pour vivre comme brutes, Mais pour ensuivre et science et vertu.” 2. “par trois fois dans sa masse elle l'a fit tourner : Mais à la quarte fois, la poupe se dressa et l'avant s'abîma, comme il plut à Quelqu'un...”

jean fautrier (1898-1964), otagesmusÉe de sceaux © Selva/Leemage © adagp, paris, 2013DisPonibles sur transParent et en version numérique

akira kurosawa (1910-1998), rêves, “les Démons gémissants”, 1990© The Kobal collection

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Sommaire

Le point sur- Histoire et histoire de l’art : deux disciplines- Grandes approches historiographiques des œuvres d’art- Commenter une œuvre d’art

Thèmes et documents

■ De l’Antiquité au Moyen Âge- Un mythe grec : la mort d’Hector dans l’Iliade - Le génie civil romain : le théâtre d’Orange - Questions autour du portrait antique- Regard sur l’art gupta

■ De la fin du Moyen Âge à l’âge classique- Représenter le Christ- Bayeux : image et narration- De l’artisan à l’artiste - La Renaissance : une géographie européenne- Perspectives- Le roi mécène

■ XVIIIe et XIXe siècles- Esclavage et commerce- L’art au prisme des Lumières- Le Salon ou l’invention du public - David et Ingres, de la Révolution à l’Empire- L’affirmation des nationalismes- La vie moderne - Art et industrie

■ XXe siècle- Première Guerre mondiale : une “guerre d’images”- L’art et la Révolution russe- Femmes dans les avant-gardes- Art et totalitarismes- Seconde Guerre mondiale : témoigner de l’indicible- Corps en mouvement, corps contraints

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