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Supplément DH du 13 décembre 2014

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FABIOLA,REINEAU GRANDCŒUR

1928 - 2014

SUPPLÉ

MENTGRAT

UIT

ÀLA

DERNIÈREHEURE-L

ESPORTS

DU13

DÉCEMBRE20

14

par Christian Laporte et Eddy Przybylski

Page 2: Supdh 20141213 supdh1 full

2 ET 3Une vie en vingt dates

4 ET 5FUNÉRAILLES ­ Elle avait voulu préparer cette journée

6 ET 7FUNÉRAILLES ­ Elle repose dans la crypte royal de Laeken

8 ET 9FUNÉRAILLES ­ Un ciel de circonstance et le geste de Laurent

10 ET 11FUNÉRAILLES ­ Les plus belles photos

12 ET 1311 JUIN 1928 ­ Sa petite enfance à Madrid

14 ET 15L’EXIL ­ La guerre d’Espagne et la mélodie du malheur

16 ET 17SA JEUNESSE ­ Son premier job, artiste, et son frère turbulent

18 ET 19LA BELGIQUE LA DÉCOUVRE ­ Le roi triste s’est mis à sourire

20 ET 21SON FIANCÉ ­ Trois Ave Maria avant de dire oui

22 ET 23REINE ­ Pour le mariage, elle était épuisée

24 ET 25LE POSTER ­ Les larmes de la reine Mathilde

26 ET 27RÊVE BRISÉ ­ “Cinq fois, j’ai perdu un enfant”

28 ET 29TOUS LES ENFANTS ­ La guerre contre l’avortement

30 ET 31SON ŒUVRE ­ Ses principaux combats et sa nuit de Noël... en prison

32 ET 33SA FAÇON DE VIVRE ­ Une messe chaque jour

34 ET 35La mort du Roi et une reine blanche à ses funérailles

36 ET 37LA SUCCESSION DE BAUDOUIN ­ Elle a joué un rôle central

38 ET 39VEUVE ­ Ses années sans Baudouin

40 ET 41L’HÉRITAGE ­ Débat sur sa fortune et réforme des dotations

42 ET 43LA MALADIE ­ Un départ discret mais serein

44 ET 455 DÉCEMBRE 2014 ­ Une reine meurt. Confidences de son confident

46 ET 47ELLE NOUS A DIT ­ Des paroles de Fabiola en guise de testament moral

48Fabiola et son Roi

UNE VIEEN VINGT DATES

NUMÉRO GÉNÉRAL 02/744.44.55Administrateur délégué et éditeur responsable François le Hodey.Directeur général Denis Pierrard.Rédacteur en chef Ralph Vankrinkelveldt.Coordination rédactionnelle Christian Laporte et Eddy Przybylski avec la collaboration de Jean-Claude Matgen. Mise en pages IPM Press Print.Direction, administration, rédaction rue des Francs, 79 1040 Bruxelles.Fax > (02) 211.28.70. Publicité IPM Advertising > (02) 211.29.59.Abonnements > (02) 744.44.55.Crédits Une AFP Ne peut être vendu séparément.

11 JUIN 1928Naissance de dona Fabiola à Madrid

1936Guerre d’Espagne et premier exil de la famille

1953Fabiola est inscrite à la société des droits d’auteurs espagnole. Elle compose des valses et va écrire des contes

1957À Lausanne, première rencontre avec Baudouin

NOVEMBRE 1957Décès de don Gonzalo, son père. À 29 ans, Fabiola décide de devenir infirmière.

16 SEPTEMBRE 1960Annonce des fiançailles

15 DÉCEMBRE 1960Mariage

29 DÉCEMBRE 1960Retour précipité du voyage de noces et début des grandes grèves

17 MAI 1961Inauguration du Secrétariat social de la reine Fabiola

AOÛT 1968Nouvelle fausse couche : la cinquième. La dernière…

JUIN 1964Inauguration du Village n°1, à Ophain

23 NOVEMBRE 1965Décès de la reine Elisabeth. Fabiola devient présidente d’honneur du Concours musical international.

12 JUILLET 1966Troisième fausse couche.

31 MARS 1976Création de la Fondation internationale Roi Baudouin.

16 NOVEMBRE 1981Décès de Dona Blanca, sa mère

1986Inauguration de l’hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola, à Laeken.

4 AVRIL 1990Le roi des mis en impossibilité de régner et la loi sur l’interruption volontaire de grossesse est votée.

31 JUILLET 1993La reine est en blanc pour les funérailles du roi.

5 DÉCEMBRE 2014Décès de la reine Fabiola, à l’âge de 86 ans

SOMMAIRE FABIOLA

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UNE VIEEN VINGT DATES

11 JUIN 1928Naissance de dona Fabiola à Madrid

1936Guerre d’Espagne et premier exil de la famille

1953Fabiola est inscrite à la société des droits d’auteurs espagnole. Elle compose des valses et va écrire des contes

1957À Lausanne, première rencontre avec Baudouin

NOVEMBRE 1957Décès de don Gonzalo, son père. À 29 ans, Fabiola décide de devenir infirmière.

16 SEPTEMBRE 1960Annonce des fiançailles

15 DÉCEMBRE 1960Mariage

29 DÉCEMBRE 1960Retour précipité du voyage de noces et début des grandes grèves

17 MAI 1961Inauguration du Secrétariat social de la reine Fabiola

AOÛT 1968Nouvelle fausse couche : la cinquième. La dernière…

JUIN 1964Inauguration du Village n°1, à Ophain

23 NOVEMBRE 1965Décès de la reine Elisabeth. Fabiola devient présidente d’honneur du Concours musical international.

12 JUILLET 1966Troisième fausse couche.

31 MARS 1976Création de la Fondation internationale Roi Baudouin.

16 NOVEMBRE 1981Décès de Dona Blanca, sa mère

1986Inauguration de l’hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola, à Laeken.

4 AVRIL 1990Le roi des mis en impossibilité de régner et la loi sur l’interruption volontaire de grossesse est votée.

31 JUILLET 1993La reine est en blanc pour les funérailles du roi.

5 DÉCEMBRE 2014Décès de la reine Fabiola, à l’âge de 86 ans

FABIOLA

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FABIOLAEST“RENTRÉEÀLAMAISON”COMMEELLELE VOULAIT

Le cardinal Danneels a une fois encoremarqué les esprits par son homélie

B“Baudouinmourut inopinément. La foi de Fabiola con-tinua demûrir comme une grappe de raisins exposéeau soleil d’automne. Elle désirait rejoindre son bien-aimé et s’en aller vers Dieu. Pour elle, la distinction en-tre le monde visible et invisible devenait quasi inexis-tante. Elle vivait comme si elle avait déjà accès aumon-de de Dieu et des saints”.

Comme lors des funérailles du roi Baudouin le9 août 1993, celles de la reine Fabiola entreront dansl’Histoire de Belgique par leur beauté – voulue parFabiola et respectée à la lettre par Mathilde – maisaussi par l’homélie du cardinal Danneels qui prési-dait la cérémonie, entouré du primat de Belgique,Mgr André-Joseph Léonard, du nonce apostoliqueMgr Giacinto Berloco et de l’ensemble des évêquesbelges.

Une fois encore, l’ex-patron de l’Église de Belgi-que a parfaitement retracé le parcours et la vie ducouple royal aujourd’hui réuni dans un au-delà quine pouvait qu’être divin à leurs yeux. D’emblée,le cardinal a comparé la vie de Fabiola à un long pè-lerinage : “Son chemin vers Dieu, a duré quatre-vingt-six ans. Et pour revoir le Roi Baudouin, son époux, ellea dû patienter pendant vingt et un ans”.

Et de constater qu’ellle avait donné sa vie à sonépoux et finalement à tous les Belges : “Notre peupleest devenu son peuple. Elle était une des nôtres et noussommes devenus les siens. Elle n’avait pas d’enfantsmais elle en a accueilli beaucoup en nous accueillanttous. Son cœur battait au rythme de notre cœur; ce futun choc pour chacun lorsque son cœur s’arrêta”…

À propos de sa foi, le cardinal releva “Fabiola futune croyante, une compagne de route sur le chemin dela foi pour tant et tant de personnes, mais elle était aus-si pleine de respect pour ceux et celles qui ne la parta-geaient pas.”

En même temps, elle ne voulut pas imposerses vues si elles n’étaient pas partagées par l’ensem-ble de la population.

Notamment sur la décision du Roi de ne pouvoirsigner en conscience la loi sur l’avortement ?C’est ce qu’on peut lire entre les lignes du passagede l’homélie suivant : “Fabiola aima tendrementet épaulait son époux dans le respect de sa liberté.Baudouin a dû prendre de grandes décisions; décisionsprises en âme et conscience. Fabiola fut de tout cœurà ses côtés. Mis devant de sérieux défis, elle l’entourachaleureusement. Mais Baudouin prit seul sa décision.Elle fut l’ange, le compagnon de route, tel l’ange

qui chemina avec le jeune Tobie de la Bible”.Inspirée à la fois par les textes que la Reine avait

choisie et bien sûr par sa vie, Godfried Danneels ter-mina en évoquant l’amour indéfectible du coupleroyal.

“Quelle était donc la source de cet amour ? Ce ne futrien d’autre que leur vie de prière, pour ainsi dire jouret nuit. Le langage de ce couple fut le langage de la priè-re. On ne saura jamais combien ils ont prié pour tout etpour tous. La prière fut comme le battement de cœurde leur vie”…

Comme une invitation de la Reine par cardinalinteposé à prier pendant la suite de la messe…

Mission accomplie et comment puisque le re-cueillement domina toute la cérémonie. Avec desmoments plus émouvants encore comme la lecturedes intentions qui avait été confiée surtout aux pe-tits neveux et petites nièces de la défunte, à l’excep-tion de celle en espagnol lue par une cousine de Fa-biola.

Comme elle le fit lors de ses interventions précé-dentes à Gand puis sur l’Yser, la princesse Élisabeths’est parfaitement acquittée de l’exercice à l’instarde son frère Gabriel, de ses cousin(e) s, Guillaumede Luxembourg, Amedeo et Louise qui a, elle, pré-senté son intention d’hommage à “l’oncle Baudouinet la tante Fabiola” en anglais…

On lira par ailleurs que les accompagnementsmusicaux incitaient eux aussi à une prière ferventeou à un silence respectueux car dans la cathédralese côtoyèrent des chrétiens mais aussi des représen-tants d’autres cultes et des laïques qui avaient par-faitement compris le message de la vie de la Reine.

Officielles, les funérailles le furent par la présencede tant de têtes couronnées et de hautes personna-lités politiques mais la reine Fabiola avait aussi te-nu à ce que “le peuple de Dieu” l’accompagne danscette dernière célébration de ses valeurs. On a doncvu à côté des dignitaires nombre de simples ci-toyens dont le chemin a croisé celui de Fabiolamais à Bruxelles comme à la prière finale à Laeken,la veuve du roi Baudouin avait aussi tenu à la pré-sence de tous ceux qui l’ont servie ou plutôt aidé.Ses collaborateurs et secrétaires successifs en dé-couvrant son cercueil posé à même le sol, commeelle en avait exprimé le souhait, se sont certaine-ment rappelés tant de souvenirs communs d’unereine qui au fond était plus qu’une reine… Aussiune femme totalement dévouée à ses prochains… B

ELG

A

LA REINEAVAIT TOUT PRÉPARÉ

JUSQU’AU CHOIXDU CARDINAL

DANNEELSUne célébration joyeuse

mais profonde à l’image de Fabiola

Ces dernières années, la reine Fabiolaavait souvent pensé à ses propres funé-railles. Aussi avait-elle donné des instruc-tions très précises à ses proches.

Elles ont été appliquées à la lettre etleur préparation a été suivie de très prèspar la reine Mathilde en personne, entou-rée tout au long du processus d’autresmembres de la famille belge , luxembour-geoise et espagnole.

Les vœux de la reine défunte correspon-daient en fait totalement à sa foi : des con-victions fortes qui ne l’empêchaient ce-pendant pas d’être très ouverte à ceux quine les partageaient pas. D’où aussi la pré-sence de représentants d’autres cultes etbien entendu d’invités de marque de tousbords et de tous horizons.

Une foi très joyeuse aussi : si on n’a fi-nalement pas dansé dans la cathédrale,un des moments forts fut l’interprétationd’un chant espagnol traditionnel La salverociera interprété par El Coro Rociero, unechorale ibérique de Vilvorde que la défun-te connaissait pour l’avoir rencontrée. Unhommage à l’image de l’Espagne dans sadiversité puisqu’il fut aussi accompagnépar la marquise Blanca de Ahumada, unenièce de Fabiola, qui pour l’occasion ajoué des castagnettes. Un chant très con-nu aussi dans tous les milieux puisqu’ona surpris le roi Juan Carlos à le muser dis-crètement !

Mais ce ne fut là qu’une toute petite fa-cette de l’accompagnement musical quifit une large part à Jean-Sébastien Bach.Logique : c’était le compositeur favori dela Reine, d’autant plus lorsqu’il était in-terprété par José Van Dam. Ce fut une si-militude avec les funérailles du roi Bau-douin : la reine Fabiola souhaitait aussiBist du bei mir qui avait tellement ému en

août 1993. L’autre bis par rapport à 93 futHoop doet leven par Will Tura. Mais Fabiolaétait aussi une fan de Brel. Rien de teldonc que de faire encore appel à Van Dampour interpréter La quête de L’homme de laMancha.

C’est encore la reine défunte qui avaitabsolument tenu à ce qu’on chante le tou-jours émouvant Amazing Grace à côtéd’extraits aux accents plus de gloire etd’espérance que de deuil de Mozart…

On l’aura compris : Fabiola ne voulaitpas une célébration triste mais totale-ment centrée sur l’amour et l’espérance.C’est d’ailleurs la Reine qui avait choisi leslectures déclamées par Christine de Looz,la fille d’une nièce de Fabiola, mariée àun Belge, et par Wilfried Van Kerckhove,le Grand-Maréchal honoraire de la Mai-son de la Reine. Sans surprise on entenditun extrait du Cantique des cantiques surLa rencontre du bien-aimé puis de la Pre-mière Lettre de Paul aux Corinthiens quimontre qu’avant de ressusciter, il fautmener une vie exemplaire ici-bas.

Si l’amour et l’espérance dominaientles premiers textes, il était logique deprendre l’évangile des Béatitudes, fameuxprogramme pour les chrétiens (et mêmepour les autres) qui mêle la joie et l’atten-tion à ceux qui souffrent…

Le choix des enfants pour la lecture desintentions était encore un choix de Fabio-la. Et, enfin, last but not least, c’est elle quiavait vivement insisté pour que le princi-pal célébrant soit le cardinal GodfriedDanneels qu’elle appréciait particulière-ment depuis de longues années !

À la sortie de la cathédrale, les réac-tions des personnes présentes allaienttoutes dans le même sens : “La Reine a re-joint Baudouin dans la joie et l’espérance”…

LES FUNÉRAILLES FABIOLA

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BEL

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LA REINEAVAIT TOUT PRÉPARÉ

JUSQU’AU CHOIXDU CARDINAL

DANNEELSUne célébration joyeuse

mais profonde à l’image de Fabiola

Ces dernières années, la reine Fabiolaavait souvent pensé à ses propres funé-railles. Aussi avait-elle donné des instruc-tions très précises à ses proches.

Elles ont été appliquées à la lettre etleur préparation a été suivie de très prèspar la reine Mathilde en personne, entou-rée tout au long du processus d’autresmembres de la famille belge , luxembour-geoise et espagnole.

Les vœux de la reine défunte correspon-daient en fait totalement à sa foi : des con-victions fortes qui ne l’empêchaient ce-pendant pas d’être très ouverte à ceux quine les partageaient pas. D’où aussi la pré-sence de représentants d’autres cultes etbien entendu d’invités de marque de tousbords et de tous horizons.

Une foi très joyeuse aussi : si on n’a fi-nalement pas dansé dans la cathédrale,un des moments forts fut l’interprétationd’un chant espagnol traditionnel La salverociera interprété par El Coro Rociero, unechorale ibérique de Vilvorde que la défun-te connaissait pour l’avoir rencontrée. Unhommage à l’image de l’Espagne dans sadiversité puisqu’il fut aussi accompagnépar la marquise Blanca de Ahumada, unenièce de Fabiola, qui pour l’occasion ajoué des castagnettes. Un chant très con-nu aussi dans tous les milieux puisqu’ona surpris le roi Juan Carlos à le muser dis-crètement !

Mais ce ne fut là qu’une toute petite fa-cette de l’accompagnement musical quifit une large part à Jean-Sébastien Bach.Logique : c’était le compositeur favori dela Reine, d’autant plus lorsqu’il était in-terprété par José Van Dam. Ce fut une si-militude avec les funérailles du roi Bau-douin : la reine Fabiola souhaitait aussiBist du bei mir qui avait tellement ému en

août 1993. L’autre bis par rapport à 93 futHoop doet leven par Will Tura. Mais Fabiolaétait aussi une fan de Brel. Rien de teldonc que de faire encore appel à Van Dampour interpréter La quête de L’homme de laMancha.

C’est encore la reine défunte qui avaitabsolument tenu à ce qu’on chante le tou-jours émouvant Amazing Grace à côtéd’extraits aux accents plus de gloire etd’espérance que de deuil de Mozart…

On l’aura compris : Fabiola ne voulaitpas une célébration triste mais totale-ment centrée sur l’amour et l’espérance.C’est d’ailleurs la Reine qui avait choisi leslectures déclamées par Christine de Looz,la fille d’une nièce de Fabiola, mariée àun Belge, et par Wilfried Van Kerckhove,le Grand-Maréchal honoraire de la Mai-son de la Reine. Sans surprise on entenditun extrait du Cantique des cantiques surLa rencontre du bien-aimé puis de la Pre-mière Lettre de Paul aux Corinthiens quimontre qu’avant de ressusciter, il fautmener une vie exemplaire ici-bas.

Si l’amour et l’espérance dominaientles premiers textes, il était logique deprendre l’évangile des Béatitudes, fameuxprogramme pour les chrétiens (et mêmepour les autres) qui mêle la joie et l’atten-tion à ceux qui souffrent…

Le choix des enfants pour la lecture desintentions était encore un choix de Fabio-la. Et, enfin, last but not least, c’est elle quiavait vivement insisté pour que le princi-pal célébrant soit le cardinal GodfriedDanneels qu’elle appréciait particulière-ment depuis de longues années !

À la sortie de la cathédrale, les réac-tions des personnes présentes allaienttoutes dans le même sens : “La Reine a re-joint Baudouin dans la joie et l’espérance”…

FABIOLA

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ULTIME ADIEUAU SEUILDELACRYPTE ROYALE

C’est l’évêque de Bruxelles qui a présidé les dernières prières.

AAprès la superbe messe d’action de grâces à lacathédrale des saints Michel et Gudule – enco-re plus belle et plus rayonnante par la présen-ce des éclairages des télés mais aussi parl’agrément de superbes décorations floralescomme la reine les aurait certainementaimées – Fabiola a – enfin – rejoint l’église No-tre-Dame de Laeken et son cher roi Baudouindans la crypte royale.

Après une cérémonie en présence des plushautes personnalités du pays et de nombreuxreprésentants d’États amis de la Belgique oude la monarchie, l’heure de la séparationse voulait à la fois plus intime et encore plusproche, toujours selon les vœux de Fabiola.

Pour les dernières prières qui précèdentl’installation du cercueil dans le caveau qui luiétait réservé près de son époux, Fabiola avaitvoulu privilégier ce qui était au fond sa parois-se, à côté de sa famille proche.

Les fidèles de Notre-Dame furent donc invi-tés à y participer. Cette fois, ce n’était plus lecardinal qui présidait mais l’évêque de Bruxel-les, Mgr Jean Kockerols avec à ses côtés le nou-veau curé de Laeken, l’abbé Jean-Jacques San-za, mais aussi des prêtres qui à un titre ouun autre ont rencontré la défunte au coursde ces vingt dernières années ou même parle passé lorsque le roi Baudouin vivait encore.

Mais la reine Fabiola qui avait un énormerespect pour son personnel avait tenu à ce quece dernier puisse aussi s’associer à l’homma-ge : deux rangs de chaises lui avaient été réser-vés.

Deux membres de ce personnel, IsabelleCollin et Jan Goossens, ont rendu hommage àl’ancienne souveraine.

“Nous nous sentions comme frères et sœursgrâce à vous”, a ainsi témoigné la première.“Humble et aimante, vous nous remerciiez sou-vent pour la moindre chose que nous faisionsalors que c’était simplement notre travail”, a-t-el-le poursuivi. Le second s’est amusé de l’expres-sion “mais c’est phénoménal” régulièrementutilisée par la Reine, “même si on venait de luiprésenter un cure-dent”. “Mais pour nous, vousavez été, vous, phénoménale” a conclu M.Goos-sens. La brève cérémonie devait se terminerpar une bénédiction. Ici encore Fabiola a im-posé ses (bonnes) idées en demandant une bé-nédiction pascale, signe d’espérance et decroyance en la résurrection.

Pas de doute, comme l’a dit le cardinal Dan-neels, “Fabiola est arrivée à bon port, auprès deDieu et auprès de son époux”… B

ELG

A

LES “ROYALS” BRITANNIQUESABSENTS

Une question de protocole fait que seul l’ambassadeur en poste à Bruxellesreprésentait la Grande­Bretagne.

Dans la cathédrale comme à l’extérieur, dureste, tous les regards étaient tournés davan-tage vers les représentants officiels étrangersplutôt que sur les dignitaires belges. Pourtantnos différents niveaux de pouvoir étaientbien présents – les ministres fédéraux enétaient quasi tous sauf le N-VA Van Overtveldtet les autres instances fédérées étaient aussibien représentées.

En fait, le vrai sujet de discussion portasur une incroyable absence. Il n’y avait en ef-fet aucun représentant de la famille royalebritannique aux funérailles de la reine Fabio-la ! en la cathédrale des Saints-Michel-et-Gu-dule. Le Royaume-Uni ne fut donc représentéque par son seul ambassadeur en poste àBruxelles là, où la France, par exemple, en-voyait son ministre de la Ville Pascal Kanner.

Les Anglais n’ont pas manqué de manifes-ter leur désapprobation vendredi sur les ré-seaux sociaux.

“La Thaïlande, la Japon, le Koweit et le Maroc,des pays bien plus lointains, ont envoyé des re-présentants de leur famille royale. C’est une hon-

te que la famille royale britannique n’y soit pas”,écrit Patricia sur le site du quotidien DailyMail. Pour Justin, c’est même “une insulte aupeuple belge”.

Les Britanniques ne semblent pas com-prendre le pourquoi de cette absence. Lesmots “honte” ou encore “inélégance” revien-nent régulièrement sur les réseaux sociauxOutre-manche. Les articles à propos des funé-railles de la Reine y étaient massivement par-tagés sur Twitter.

En fait, l’absence de tout royal britanniquene signifie pas qu’il y aurait des problèmesentre les deux familles royales.

Il n’y en a pas, à vrai dire, et tant le roi Phi-lippe et la reine Mathilde sont allés saluerla reine Elizabeth à Londres au début de leurrègne alors que William et Kate sont venusaux commémorations de 14-18 et en ont mê-me organisé une dès le 4 août au cimetière deSaint-Symphorien près de Mons.

Alors ? Il s’agit en fait d’une question deprotocole ! En effet, la famille royale britanni-que se déplace uniquement dans deux cas

précis lors d’un décès : d’une part, s’il s’agitd’un souverain en exercice ou de son époux;d’autre part, si le défunt a des liens familiauxétroits avec la famille royale britannique.

Aucune de ces conditions n’était remplieen l’espèce.

LES FUNÉRAILLES FABIOLA

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LES “ROYALS” BRITANNIQUESABSENTS

Une question de protocole fait que seul l’ambassadeur en poste à Bruxellesreprésentait la Grande­Bretagne.

Dans la cathédrale comme à l’extérieur, dureste, tous les regards étaient tournés davan-tage vers les représentants officiels étrangersplutôt que sur les dignitaires belges. Pourtantnos différents niveaux de pouvoir étaientbien présents – les ministres fédéraux enétaient quasi tous sauf le N-VA Van Overtveldtet les autres instances fédérées étaient aussibien représentées.

En fait, le vrai sujet de discussion portasur une incroyable absence. Il n’y avait en ef-fet aucun représentant de la famille royalebritannique aux funérailles de la reine Fabio-la ! en la cathédrale des Saints-Michel-et-Gu-dule. Le Royaume-Uni ne fut donc représentéque par son seul ambassadeur en poste àBruxelles là, où la France, par exemple, en-voyait son ministre de la Ville Pascal Kanner.

Les Anglais n’ont pas manqué de manifes-ter leur désapprobation vendredi sur les ré-seaux sociaux.

“La Thaïlande, la Japon, le Koweit et le Maroc,des pays bien plus lointains, ont envoyé des re-présentants de leur famille royale. C’est une hon-

te que la famille royale britannique n’y soit pas”,écrit Patricia sur le site du quotidien DailyMail. Pour Justin, c’est même “une insulte aupeuple belge”.

Les Britanniques ne semblent pas com-prendre le pourquoi de cette absence. Lesmots “honte” ou encore “inélégance” revien-nent régulièrement sur les réseaux sociauxOutre-manche. Les articles à propos des funé-railles de la Reine y étaient massivement par-tagés sur Twitter.

En fait, l’absence de tout royal britanniquene signifie pas qu’il y aurait des problèmesentre les deux familles royales.

Il n’y en a pas, à vrai dire, et tant le roi Phi-lippe et la reine Mathilde sont allés saluerla reine Elizabeth à Londres au début de leurrègne alors que William et Kate sont venusaux commémorations de 14-18 et en ont mê-me organisé une dès le 4 août au cimetière deSaint-Symphorien près de Mons.

Alors ? Il s’agit en fait d’une question deprotocole ! En effet, la famille royale britanni-que se déplace uniquement dans deux cas

précis lors d’un décès : d’une part, s’il s’agitd’un souverain en exercice ou de son époux;d’autre part, si le défunt a des liens familiauxétroits avec la famille royale britannique.

Aucune de ces conditions n’était remplieen l’espèce.

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U

UNCIELDE CIRCONSTANCELes premiers sont arrivés vers 7 heures et, jusqu’à midi, ils ont bravé le vent,

des rafales de pluie et un froid parfois très vif

PPluie fine et froide. Vent. Température glacia-le. Un temps de funérailles.

Vers 8 heures 30, le jour n’était pas encorevraiment levé et, à l’approche de la cérémo-nie, dans cette nuit finissante, les portes de lacathédrale étaient grandes ouvertes, le tapisrouge déjà déplié et une lumière intérieureilluminait saints et statues dans le porche.Vue ainsi, Saints-Michel-et-Gudule offrait unspectacle rare, d’une beauté saisissante.

En face, au-delà des barrières Nadar, lesgens déjà présents ne s’en souciaient pas trop.Les premiers sont arrivés vers 7 heures. Troisheures avant l’arrivée du cercueil. Eux, ce sontles aficionados, ceux qui tenaient absolumentà trouver une place juste en face des marches.Anne Bruyère, Bruxelloise de 40 ans, avait prissa place au premier rang un peu plus tard, à7 h 30. “Il n’y avait que dix personnes quand jesuis arrivée. Franchement, j’aurais pu dormir uneheure de plus et me trouver quandmême ici.”

Anne n’est pas venue pour Fabiola : “Fran-chement, ce serait hypocrite de prétendre ça.Je suis ici pour voir les têtes couronnées. Maissurtout, pour Albert et Paola. Eux, je les aimevraiment.”

À ses côtés, Vincent Boone, 55 ans, est venuen train de Genval. “Je suis né royaliste dansune famille royaliste. J’ai un souvenir très précisdes funérailles de la reine Élisabeth, en 1965, quenous avions suivies à la télévision.”

Lui, il était allé saluer le corps de la reine Fa-

biola, au Palais, jeudi après-midi, et il auraitaimé se trouver à l’intérieur de la cathédrale.“Il y avait mille places pour le public. Mais je m’ysuis pris trop tard.”

Anne, non. “À l’intérieur de l’église, on ne peutpas prendre de photos !”

À 9 heures précises, les cloches de la cathé-drale ont sonné en volée. Au même moment,les élèves de l’École royale militaire, en granduniforme, avec plume blanche au képi, sontarrivés sur un pas militaire étrange, qui res-semblait presque à de la danse. Ils ont prisplace pour former la haie d’honneur dans l’es-calier. Dès cet instant, qu’il vente, qu’il pleuveou qu’il grêle, plus un mouvement.

Commence bientôt le défilé des limousineset l’arrivée des premières personnalités. Deuxautocars gris se mêlent aux autos. Quelqu’un,dans ce public de spécilistes : “Ce sont tous lesparents espagnols de Fabiola.” On lui demandecomment elle le sait. La réponse est un peudécevante : “C’est écrit sur les cars…”

L’heure approche et un groupe de jeunesarrive avec trois énormes drapeaux belges.Parmi eux, Quentin Daems, 20 ans, sort dutrain de Hannut : “Nous sommesmembresd’une association patriotique, Pro Belgica, qui cé-lébrera ses 40 ans en 2015. Nous sommes là systé-matiquement les 21 juillet, aux Fêtes du Roi du15 novembre et aussi, en septembre, nous commé-morons la Révolution de 1830. Bien sûr, nous som-mes présents à des événements comme celui-ci.”

La présidente, le porte-drapeau et un admi-nistrateur sont invités à l’intérieur de l’église.Les jeunes, eux, savent qu’ils ne verront pasgrand-chose : “Avec les drapeaux, on se tient unpeu en retrait pour ne pas gêner les gens qui veu-lent faire des photos et aussi pour ne pas effrayerles chevaux. Un drapeau, ça claque parfois…”

Ces chevaux arrivent à 9 heures 55. Manifes-tement, certains sont nerveux sur la chausséemouillée. Devant la cathédrale, il n’y a pasfoule. Quelques centaines de personnes,quand même.

Les cloches entament le glas. Les trompet-tes militaires jouent la Sonnerie aux Champs.Puis, c’est la Brabançonne. La montée des mar-ches et les portes de la cathédrale qui se fer-ment...

Dès l’arrivée du cortège, les majordomess’étaient précipités vers les voitures avec desparapluies noirs. Si bien que le public n’a pasvu grand-chose, sinon une forêt de para-pluies. Un homme : “En plus, ils étaient de dos.À la sortie, on les verramieux. Ils seront de face.”Sa voisine connaît les habitudes : “Oui, maisil n’y aura plus que les proches parents de la dé-funte : les familles belges et luxembourgeoises.Les autres têtes couronnées sortiront par les por-tes latérales.”

Il en fut ainsi. À une exception. L’impératri-ce du Japon, amie de Fabiola, a accompagnéla famille. Et, cette fois, pour la sortie de la ca-thédrale, à midi, il y avait foule.

x Il serait excessifde parler de succès defoule à l’occasiondes funéraillesde la reine FabiolaLe temps éloignait lesBelges de sa génération.Mais il y avait plusieurscentaines de personnes à l asortie de la cathédrale etune vraie ferveurpatriotique. (BELGA)

ELLE A QUITTÉLE PALAIS PRESQUE

SANS TÉMOINSUne sonnerie de trompettes face au cercueil

déposé devant la porte principale

Un photographe avait pris la précaution d’ame-ner une échelle, si souvent utile, lorsqu’il y afoule. Mais ce vendredi, il la déposa tout simple-ment par terre. Au moment du départ du corps,il n’y avait pas cinquante personnes sur l’im-mense place, en face du Palais de Bruxelles. Ycompris les touristes et les curieux qui ont étéattirés par les 130 chevaux de l’Escorte royale,montés par des cavaliers aux uniformes specta-culaires complétée par le haut bonnet à fourru-re.

Parmi ces rares spectateurs, il y avait un cou-ple espagnol de Séville. “Nous ne sommes certai-nement pas venus pour ça. C’est un coïncidence.Mais oui, nous connaissions Fabiola et nous sa-vions que l’ancienne reine des Belges était de cheznous. Lorsque nous avons appris que la cérémonie

avait lieu aujourd’hui, nous avons voulu être là.”Amené par huit grenadiers du Bataillon Cara-

biniers Prince Baudouin, uniformes kaki foncé,le cercueil a été posé devant la porte d’entrée duPalais, le temps d’un ultime hommage : unesonnerie de trompettes réellement émouvante.Puis, de façon très cérémonielle, les soldats ontglissé le cercueil dans le corbillard gris et le cor-tège a pris la direction de la cathédrale.

Venu assister à ce départ, Michel Aerts est mi-litaire : “J’étais là par respect. Lors des funéraillesdu roi Baudouin, j’avais suivi les événements deplus près, puisque, ce jour-là, j’étais de garde au Pa-lais. J’ai l’habitude de dire : “J’avais la chance d’êtrede garde au Palais.” Avoir la chance n’est certaine-ment pas l’expression qui convient, mais le fait estque c’est une expérience qui compte dans une vie.”

PHO

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NEW

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LES FUNÉRAILLES FABIOLA

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ONNEPARLAITQUEDELAURENT

D’abord,il se tenait à l’écart,

puis il y eut ce geste…

On n’a pas eu l’idée de placer desécrans géants dans le voisinagede la cathédrale. Si bien queles gens qui étaient là n’avaientqu’une chose à faire : commenterce qu’ils avaient vu.On parlait surtout de Laurent etde Claire. “Tout le monde s’abri-tait sous des parapluies, sauf eux.En plus, pendant la sonnerie detrompette, ils se tenaient un peuà l’écart…”Quelqu’un fit remarquer qu’aucours de cette semaine, la prin-cesse Claire fut singulièrementabsente. “Elle n’a été là pouraucun des deux transferts ducorps. C’est bizarre.”Pendant la cérémonie, ce sont lesphotographes qui ont été ahurisen surprenant, dans l’église,le prince Laurent qui faisait un si-gne vers quelqu’un, en levant lepouce, et tout sourires. Ce futun des clichés de la journée…

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ELLE A QUITTÉLE PALAIS PRESQUE

SANS TÉMOINSUne sonnerie de trompettes face au cercueil

déposé devant la porte principale

Un photographe avait pris la précaution d’ame-ner une échelle, si souvent utile, lorsqu’il y afoule. Mais ce vendredi, il la déposa tout simple-ment par terre. Au moment du départ du corps,il n’y avait pas cinquante personnes sur l’im-mense place, en face du Palais de Bruxelles. Ycompris les touristes et les curieux qui ont étéattirés par les 130 chevaux de l’Escorte royale,montés par des cavaliers aux uniformes specta-culaires complétée par le haut bonnet à fourru-re.

Parmi ces rares spectateurs, il y avait un cou-ple espagnol de Séville. “Nous ne sommes certai-nement pas venus pour ça. C’est un coïncidence.Mais oui, nous connaissions Fabiola et nous sa-vions que l’ancienne reine des Belges était de cheznous. Lorsque nous avons appris que la cérémonie

avait lieu aujourd’hui, nous avons voulu être là.”Amené par huit grenadiers du Bataillon Cara-

biniers Prince Baudouin, uniformes kaki foncé,le cercueil a été posé devant la porte d’entrée duPalais, le temps d’un ultime hommage : unesonnerie de trompettes réellement émouvante.Puis, de façon très cérémonielle, les soldats ontglissé le cercueil dans le corbillard gris et le cor-tège a pris la direction de la cathédrale.

Venu assister à ce départ, Michel Aerts est mi-litaire : “J’étais là par respect. Lors des funéraillesdu roi Baudouin, j’avais suivi les événements deplus près, puisque, ce jour-là, j’étais de garde au Pa-lais. J’ai l’habitude de dire : “J’avais la chance d’êtrede garde au Palais.” Avoir la chance n’est certaine-ment pas l’expression qui convient, mais le fait estque c’est une expérience qui compte dans une vie.”

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FABIOLA

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ONNEPARLAITQUEDELAURENT

D’abord,il se tenait à l’écart,

puis il y eut ce geste…

On n’a pas eu l’idée de placer desécrans géants dans le voisinagede la cathédrale. Si bien queles gens qui étaient là n’avaientqu’une chose à faire : commenterce qu’ils avaient vu.On parlait surtout de Laurent etde Claire. “Tout le monde s’abri-tait sous des parapluies, sauf eux.En plus, pendant la sonnerie detrompette, ils se tenaient un peuà l’écart…”Quelqu’un fit remarquer qu’aucours de cette semaine, la prin-cesse Claire fut singulièrementabsente. “Elle n’a été là pouraucun des deux transferts ducorps. C’est bizarre.”Pendant la cérémonie, ce sont lesphotographes qui ont été ahurisen surprenant, dans l’église,le prince Laurent qui faisait un si-gne vers quelqu’un, en levant lepouce, et tout sourires. Ce futun des clichés de la journée…

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ADIEU, MADAMEAlbert II effondré, Mathilde en larmes, Élisabeth aussi…

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LES FUNÉRAILLES FABIOLA

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11 JUIN 1928LAREINED’ESPAGNE

POUR MARRAINEUne famille de haute noblesse, certes. Mais d’une noblesse récente

DDona Fabiola Fernanda Maria-de-las-VictoriasAntonia Adelaida Mora y Aragon est née àMadrid, le 11 juin 1928, sixième d’une fa-mille de sept enfants. En ce temps-là,l’Espagne vivait encore sous le règned’un roi, Alphonse XIII, et l’épouse decelui-ci, la reine Victoria-Eugénie, ar-rière-grand-mère de l’actuel roi Feli-pe, acceptait d’être la marraine del’enfant.

Pourtant, si la famille était cer-tes de haute noblesse, elle étaitd’une noblesse récente. Moinsd’un siècle ! C’est en 1834 qu’unancêtre, Don Felipe Riera y RosésMora y Diaz de Pedragal, député etchevalier pensionné du Roi, étaitélevé au rang de marquis de CasaRiera et recevait une concession quilui était offerte par la reine en per-sonne. Le titre de marquis est, dans lahiérarchie de la noblesse, le deuxièmetitre le plus important, juste en dessousde celui de prince.

En 1894, un titre pontifical, accordé parle pape Léon XIII, à une veuve Mora, DonaConcepcion Fernandez y del Olmo, faisait deshéritiers de la famille des Comtes Mora.

Si Fabiola fut portée sur les fonts baptismaux parune reine, c’est surtout parce que ses parents, Don Gon-zalo Mora y Fernandez, le père, et Dona Blanca de Aragon y Ca-rillo de Albomoz, la mère, étaient de fervents défenseurs de la monar-chie, dans cette époque troublée où, d’une part, le socialisme grandis-sant réclamait la fin de la royauté et l’instauration d’une Républiqueespagnole et où, en réponse, l’armée et plus particulièrement le géné-

D. R

.

SESSIXFRÈRESETSŒURS

Pour situer le contexte de cette vie familiale, ilfaut se souvenir que la reine Fabiola est née le11 juin 1928, que ses fiançailles avec le roi Bau-douin ont été annoncées le 16 septembre 1960et que le mariage fut célébré le 15 décembre1960. Fabiola était la sixième d’une famille desept enfants.

Le père, Don Gonzalo, est décédé en no-vembre 1957.

La mère, Dona Blanca, est morte le 16 no-vembre 1981.

LES SEPT ENFANTSNEVA Comme sa sœur Fabiola, l’aînée de lafamille s’est mariée assez tardivement, à 27ans. Mais Neva est née en 1917, onze ans avantla reine. Elle s’est donc mariée en 1944, seize

ans avant Fabiola. Elle est devenue marquised’Aguilar et comtesse de Sastago. Elle a eu dixenfants et est décédée en 1985.GONZALO (DIT AUSSI GONZALITO) L’aîné desgarçons, héritier du titre de marquis, est néen 1919. Il est mort le 6 octobre 2006 à 87 ans.Il a, lui-même, eu quatorze enfants.ALEJANDRO Né en 1923, il se maria en 1953, àLa Havane. Il y épousait la fille d’un richeplanteur cubain, Ana Maria Guasch y Pascuas.Six années de bonheur total jusqu’au coupd’État mené par Fidel Castro et son ami, CheGuevara. En 1959, les grandes propriétés agri-coles sont nationalisées et la famille revientsans rien à Madrid. Alejandro réussira néan-moins une remarquable reconversion dansl’industrie. Il est mort le 26 juillet 2004.

JAIME Né en 1925, enfant terrible de la fa-mille, s’est mariée trois fois (mais deux foisavec la même femme). Il est décédé le26 juillet 1995, à 70 ans.ANNAMARIA (DITE ANNIE) Née en 1926,elle épousa, en 1945, le comte de Salinas etduc de Lecera. Le couple eut huit enfants dontune fille qui porte le prénom de Fabiola.La duchesse de Lecera est décédée le 11 février2006.FABIOLA Née en 1928. Devenue reine des Bel-ges.MARIA LUIZ En 1946, elle épousait le duc deMedina de la Torres. Ils ont eu deux fils, DonJosé né en 1957 et don Jaime né en 1960. Elleétait l’amie et la confidente et aussi la derniè-re sœur vivante de Fabiola.

ON L’APPELAITLA BOULE

De son arrivée dans notre pays, en 1960, àaujourd’hui, les Belges ont toujours eu, deleur reine Fabiola, l’image d’une femmed’une minceur absolue. Il n’en a pas toujoursété ainsi et lorsqu’elle avait 11 ans,sa gouvernante, Violetta, la surnommaitla Boule (la Bola) parce que l’enfant étaittrès gourmande : elle vidait d’un trait lesassiettes de beignets et adorait, par-dessustout, les bananes baignées de sucre.Par la suite, elle s’est davantage souciée desa ligne et, lorsqu’elle était à Paris, elle adoraitsuivre sa mère, Dona Blanca, et sa sœur,Maria-Luiz, dans les boutiques et même lesdéfilés, à l’affût des modèles de Robert Piguet.C’était le temps de l’insouciance, celui desbains de mer à Zarauz et aussi à Biarritz oùla famille descendait à l’hôtel du Palais,ancienne résidence de l’impératrice Eugénie.À Biarritz, la jeune femme est allée applaudirMistinguett. C’était avant la guerre…

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ral Miguel Primo de Rivera menaient la lut-te contre les républicains tout en limi-

tant les pouvoirs du roi et des Cortes, lefameux parlement de Madrid.

Acheté en 1921, le palais des com-tes de Mora où grandirent Fabiola,

ses frères et ses sœurs, se situait au5 et 7 de la calle Zurbano, près ducœur historique de la capitale es-pagnole. Façade de marbre et destuc, lourde porte de bronzenoir, avec à l’intérieur un patioaux graviers blancs, des jardins,des fontaines…. Le palais pro-prement dit comportant qua-rante-cinq pièces et des lustresde cristal de Bohème. Les dix-

sept domestiques devaient restercélibataires et le marquis exigeait

qu’ils vivent sous leur toit. Le soir,la famille et le personnel étaient

réunis pour la prière et le rosaire.Cela n’étonnera personne : Fabiola,

qu’on appelait alors la senorita, reçutune éducation totalement portée sur les

principes religieux.Le roi d’Espagne était donc un ami

de la famille et il lui arrivait régulièrementde venir dans le palais des Comte Mora pour

des soirées de bridge. Les enfants ne pouvaient pas êtreprésents mais avaient le droit de regarder le roi, cachés

derrière des paravents.L’amour de Dieu, le respect du Roi, les deux lignes maîtresses qui

allaient conduire Fabiola vers son destin étaient tracées dès sa petiteenfance.

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PSES SIX FRÈRESET SŒURS

Pour situer le contexte de cette vie familiale, ilfaut se souvenir que la reine Fabiola est née le11 juin 1928, que ses fiançailles avec le roi Bau-douin ont été annoncées le 16 septembre 1960et que le mariage fut célébré le 15 décembre1960. Fabiola était la sixième d’une famille desept enfants.

Le père, Don Gonzalo, est décédé en no-vembre 1957.

La mère, Dona Blanca, est morte le 16 no-vembre 1981.

LES SEPT ENFANTSNEVA Comme sa sœur Fabiola, l’aînée de lafamille s’est mariée assez tardivement, à 27ans. Mais Neva est née en 1917, onze ans avantla reine. Elle s’est donc mariée en 1944, seize

ans avant Fabiola. Elle est devenue marquised’Aguilar et comtesse de Sastago. Elle a eu dixenfants et est décédée en 1985.GONZALO (DIT AUSSI GONZALITO) L’aîné desgarçons, héritier du titre de marquis, est néen 1919. Il est mort le 6 octobre 2006 à 87 ans.Il a, lui-même, eu quatorze enfants.ALEJANDRO Né en 1923, il se maria en 1953, àLa Havane. Il y épousait la fille d’un richeplanteur cubain, Ana Maria Guasch y Pascuas.Six années de bonheur total jusqu’au coupd’État mené par Fidel Castro et son ami, CheGuevara. En 1959, les grandes propriétés agri-coles sont nationalisées et la famille revientsans rien à Madrid. Alejandro réussira néan-moins une remarquable reconversion dansl’industrie. Il est mort le 26 juillet 2004.

JAIME Né en 1925, enfant terrible de la fa-mille, s’est mariée trois fois (mais deux foisavec la même femme). Il est décédé le26 juillet 1995, à 70 ans.ANNAMARIA (DITE ANNIE) Née en 1926,elle épousa, en 1945, le comte de Salinas etduc de Lecera. Le couple eut huit enfants dontune fille qui porte le prénom de Fabiola.La duchesse de Lecera est décédée le 11 février2006.FABIOLA Née en 1928. Devenue reine des Bel-ges.MARIA LUIZ En 1946, elle épousait le duc deMedina de la Torres. Ils ont eu deux fils, DonJosé né en 1957 et don Jaime né en 1960. Elleétait l’amie et la confidente et aussi la derniè-re sœur vivante de Fabiola.

ON L’APPELAITLA BOULE

De son arrivée dans notre pays, en 1960, àaujourd’hui, les Belges ont toujours eu, deleur reine Fabiola, l’image d’une femmed’une minceur absolue. Il n’en a pas toujoursété ainsi et lorsqu’elle avait 11 ans,sa gouvernante, Violetta, la surnommaitla Boule (la Bola) parce que l’enfant étaittrès gourmande : elle vidait d’un trait lesassiettes de beignets et adorait, par-dessustout, les bananes baignées de sucre.Par la suite, elle s’est davantage souciée desa ligne et, lorsqu’elle était à Paris, elle adoraitsuivre sa mère, Dona Blanca, et sa sœur,Maria-Luiz, dans les boutiques et même lesdéfilés, à l’affût des modèles de Robert Piguet.C’était le temps de l’insouciance, celui desbains de mer à Zarauz et aussi à Biarritz oùla famille descendait à l’hôtel du Palais,ancienne résidence de l’impératrice Eugénie.À Biarritz, la jeune femme est allée applaudirMistinguett. C’était avant la guerre…

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DAVOIR 8ANS EN 1936

Enfant, elle a connu deux fois la route de l’exil

EEn cette fin des années vingt, les idées socialis-tes gagnent du terrain en Europe et, ici, à Ma-drid, elles engendrent des désirs de républi-que qui auront, pour première conséquence,le renforcement du pouvoir de l’armée et, parcorollaire, l’effritement de celui du Roi. Que lagauche ou la droite triomphe, l’ancien systè-me, celui dont Alphonse XIII avait hérité deCharles-Quint et des rois Habsbourg, serale perdant de la confrontation.

À gauche, les cris de Viva la Republi-ca ou Muera el rey ! (Mort au roi !) sontaccompagnés par les notes de L’Inter-nationale.

À droite, le général Primo de Rive-ra, le général Berenguer, l’amiralJuan Bautisto Aznar sont autant depersonnages que ces querelles entrel’armée et les forces de gauche vontamener sur le devant de la scène.

Pour situer la reine Fabiola parmitous les événements qui vont surve-nir, il faut se souvenir qu’elle est néeen juin 1928. Elle n’a donc pas encoretrois ans lorsque, le 12 avril 1931, desélections municipales saluent le suc-cès massif des républicains. Deuxjours plus tard, le roi se retire. Un ca-binet républicain provisoire est for-mé par Alcala Zamora. Celui-ci exigeque les honneurs militaires soientrendus au roi Alphonse XIII au mo-ment où il quitte le pays et s’embar-que pour Marseille avec l’intentiond’aller à Paris attendre des tempsmeilleurs.

Pendant un premier temps, la fa-mille Mora y Aragon l’accompagne,ainsi qu’un certain nombre de fidè-les, mais, pour ce premier exil, la fa-mille de Fabiola s’installera surtoutà Biarritz où le comte Mora possèdeune résidence secondaire.

Régulièrement, la famille revientà Paris prendre des nouvelles du Roiqui a véritablement installé sa courà l’hôtel Meurice où il reçoit les mê-mes égards qu’hier, dans son palaisde Madrid. Bientôt, il déménageraà l’hôtel Savoy de Fontainebleau.

À Paris, la famille Mora y Aragonpossède aussi un appartement, au29, rue d’Artois. Le père de Fabiola ira, de temps à autre, chasser avecson roi dans les forêts dépendant du château La Boissière. AlphonseXIII va beaucoup voyager : l’Inde, l’Égypte, l’Écosse…

Son épouse préférera Londres et Lausanne où elle finira par s’ins-taller. Un choix qui, on le verra, aura une grande importance dansl’histoire… de notre pays.

L’Espagne a viré à gauche mais le peuplen’est pas satisfait pour autant. L’année 1932 estmarquée par de grandes grèves. En novem-bre 1933, la droite triomphe aux élections légis-latives, mais personne n’évoque un retourdu roi. Il faut dire que le prince héritier vientd’abandonner ses droits à la succession enépousant une roturière, et son frère, l’infantJaime, nouvel héritier, est sourd et muet. Il re-nonce aussi. En outre, le quatrième fils du Roi

vient de mourir dans un accidentde voiture. Alphonse XIII comprendqu’il ne reviendra jamais dans sa ca-pitale. Ses proches aussi.

Le comte Mora met fin à cet exil.Il rentre à Madrid en 1933. Sa fille Fa-biola a 5 ans.

En Espagne, personne, non plus,ne semble capable de ramener l’or-dre dans le pays. C’est le chaos. La Ca-talogne est gagnée par une véritablefièvre indépendantiste. À Madrid secréent les Phalanges, un mouvementd’extrême-droite inspiré par le fascis-me italien. Un nouveau parti de gau-che, le Front Populaire, émerge sou-dainement.

En octobre 1934, dans les Asturies,l’armée réprime le soulèvement desmineurs en grève. La troupe est com-mandée par un jeune général : Fran-cisco Franco.

En 1936, le succès électoral duFront Populaire est suivi d’une gravecrise politique et d’une flambée deviolence. On assiste à des scènes in-croyables. En pleine séance du parle-ment, un élu de ce Front Populairemenace de tuer un autre député. Le-quel est retrouvé assassiné le13 juillet 1936. Cinq jours plus tard,c’est le coup d’État nationaliste etle début de cette épouvantable guer-re civile dont Franco sortira, enmars 1939, avec les pouvoirs absoluset le peuple espagnol, sous le jougd’un régime dictatorial.

Alphonse XIII vivra ces événe-ments de l’extérieur. Il finirapar mourir en exil, à Rome, le 28février 1941.

Fabiola et sa famille dans tout ce-la ? Très tôt, le frère aîné de Fabiola, Gonzalo, jusque-là interne chezles jésuites de… Bruxelles, va s’engager, à 17 ans, au sein des troupesnationalistes. Son objectif personnel : rétablir la monarchie !

Les autres reprendront la route de l’exil, à Paris, jusqu’à la victoirede Franco. Ils rentreront alors à Madrid où ils retrouveront leur beaupalais… saccagé.

LA MÉLODIE DU MALHEURPour échapper à la violence, les enfants ont dû s’enfuir comme des voleurs

Don Gonzalo et Dona Blanca se trouvaient àParis au moment où on annonça l’assassinatd’un député espagnol de droite. La guerre civi-le apparaissait quasiment inévitable.

En réalité, le comte Mora et son épouseauraient dû être déjà rentrés à Madrid. Maisleur jeune fils, Jaime, qui les accompagnait,était tombé malade et les parents de Fabiolaavaient décidé de rester à son chevet et, dèslors, de prolonger leur séjour. Une autre sœurde Fabiola, Maria-Luiz, se trouvait égalementavec eux dans la capitale française.

Les autres enfants du comte étaient en va-cances à la mer, à la villa Carmen, propriétédu duc de Lecera, dans le petit port de Zarauz,à côté de la ville de San Sebastian. Ils passaientleurs journées à pratiquer le golf, le tennis oules bains de mer, sous la surveillance de leurgouvernante allemande, frau Joséphine Tra-

gesser Kempf. Les communications téléphoni-ques entre Paris et Zarauz prirent soudaine-ment des tons catastrophés. D’abord parceque le fils aîné, Gonzalo, 17 ans, décidait des’engager au sein des troupes nationalistes etqu’en l’absence de ses parents, personne neparvenait à l’en empêcher. Ensuite, parce queles parents avaient compris que l’atmosphèreen Espagne devenait de plus en plus irrespira-ble pour les personnes dont le nom était rem-pli de particules.

Frau Joséphine se retrouve donc avec quatreenfants. Un garçon de 13 ans, Alejandro. Troisfilles : Annie, Néva et Fabiola.

Le problème était, pour une simple gouver-nante allemande, d’arriver à passer la frontièreavec quatre enfants espagnols et nobles de sur-croît. Des amis du consulat britannique leurtrouvent cinq places sur un bateau au départ

de San Sebastian. Mais, peu avant le départ,un employé espagnol du même consulat re-connaît les enfants qui sont débarqués sansménagement et qui passeront la nuit vérita-blement cloîtrés dans une chambre en ville.

Finalement, frau Joséphine, décidémenttrès énergique, trouve un autre bateau, alle-mand, qui accepte d’embarquer la famille.

Les enfants retrouveront leurs parents dansla propriété familiale de Biarritz. De là, ils re-monteront tous vers l’appartement de la rued’Artois, à Paris. Finalement, c’est en l’hôtelRoyal de Lausanne, non loin de leur reineen exil, que les Mora y Aragon passeront les an-nées de guerre d’Espagne. Fabiola, 8 ans, serainscrite à l’école des Sœurs de l’Assomption,à Lausanne. Une messe chaque matin. Confes-sion obligatoire chaque semaine. Elle y passe-ra trois années.

L’EXIL FABIOLA

14 15

x Dans les jardinsdu palais

de la Calle Zurbano,Fabiola poseavec sa sœur

et quelques­unsde ses nombreuxneveux et nièces.

Elle a toujours étéune femme

très attachéeà sa famille.

(D.R.)

x Alphonse XIII et Victoire­Eugénie, marraine de Fabiola. Les royalistes espagnols comptaientsur Franco (en médaillon) pour ramener le roi. Ce fut la guerre civile puis la dictature... (D.R.)

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DLA MÉLODIE DU MALHEUR

Pour échapper à la violence, les enfants ont dû s’enfuir comme des voleurs

Don Gonzalo et Dona Blanca se trouvaient àParis au moment où on annonça l’assassinatd’un député espagnol de droite. La guerre civi-le apparaissait quasiment inévitable.

En réalité, le comte Mora et son épouseauraient dû être déjà rentrés à Madrid. Maisleur jeune fils, Jaime, qui les accompagnait,était tombé malade et les parents de Fabiolaavaient décidé de rester à son chevet et, dèslors, de prolonger leur séjour. Une autre sœurde Fabiola, Maria-Luiz, se trouvait égalementavec eux dans la capitale française.

Les autres enfants du comte étaient en va-cances à la mer, à la villa Carmen, propriétédu duc de Lecera, dans le petit port de Zarauz,à côté de la ville de San Sebastian. Ils passaientleurs journées à pratiquer le golf, le tennis oules bains de mer, sous la surveillance de leurgouvernante allemande, frau Joséphine Tra-

gesser Kempf. Les communications téléphoni-ques entre Paris et Zarauz prirent soudaine-ment des tons catastrophés. D’abord parceque le fils aîné, Gonzalo, 17 ans, décidait des’engager au sein des troupes nationalistes etqu’en l’absence de ses parents, personne neparvenait à l’en empêcher. Ensuite, parce queles parents avaient compris que l’atmosphèreen Espagne devenait de plus en plus irrespira-ble pour les personnes dont le nom était rem-pli de particules.

Frau Joséphine se retrouve donc avec quatreenfants. Un garçon de 13 ans, Alejandro. Troisfilles : Annie, Néva et Fabiola.

Le problème était, pour une simple gouver-nante allemande, d’arriver à passer la frontièreavec quatre enfants espagnols et nobles de sur-croît. Des amis du consulat britannique leurtrouvent cinq places sur un bateau au départ

de San Sebastian. Mais, peu avant le départ,un employé espagnol du même consulat re-connaît les enfants qui sont débarqués sansménagement et qui passeront la nuit vérita-blement cloîtrés dans une chambre en ville.

Finalement, frau Joséphine, décidémenttrès énergique, trouve un autre bateau, alle-mand, qui accepte d’embarquer la famille.

Les enfants retrouveront leurs parents dansla propriété familiale de Biarritz. De là, ils re-monteront tous vers l’appartement de la rued’Artois, à Paris. Finalement, c’est en l’hôtelRoyal de Lausanne, non loin de leur reineen exil, que les Mora y Aragon passeront les an-nées de guerre d’Espagne. Fabiola, 8 ans, serainscrite à l’école des Sœurs de l’Assomption,à Lausanne. Une messe chaque matin. Confes-sion obligatoire chaque semaine. Elle y passe-ra trois années.

FABIOLA

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x Dans les jardinsdu palais

de la Calle Zurbano,Fabiola poseavec sa sœur

et quelques­unsde ses nombreuxneveux et nièces.

Elle a toujours étéune femme

très attachéeà sa famille.

(D.R.)

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TSONPREMIERJOB:ARTISTE

Elle a composé des chansons et, surtout, écrit douze contes pour enfants

ÀÀ l’époque où son idylle se noue avec notre roi Baudouin, Fabiola étaitinfirmière. Cette vocation, à la vérité, fut tardive et date de 1957, l’annéeoù notre future reine perdit son père.

En 1957, elle avait 29 ans. Qu’avait-elle fait auparavant ? Ses états fami-liaux lui permettaient de vivre sans travail précis. Elle s’était tout demême engagée dans le bénévolat, notamment dans des centres d’ac-cueil pour pauvres. Mais, à 24 ans, elle fut prise d’une tentation artisti-que. Le 16 juin 1952, Fabiola Mora y Aragon était inscrite à la Sociétédes Auteurs. Pas sous son nom, mais sous un pseudonyme on ne peutplus royal : Cléopâtre !

Ce choix ne relevait pas de la plus haute des ambitions.Simplement, cette année-là, Fabiola venait de subir une opérationesthétique : on lui avait refait le nez. Cléopâtre, c’était une forme d’hu-mour…

La première œuvre déposée fut une valse triste : Le pont des soupirs.Ses frères et ses sœurs sont mariés et ont des enfants. Au total, elle

aura, en Espagne, 37 neveux et nièces. Pour eux, elle se met à écriredes contes. Los Doce Cuentos maravillossos (Les douze contes merveilleux)sort de presse en 1960 aux éditions Sinople, alors que Fabiola sait déjà

que son destin l’appelle à devenir reine. Elle épousera le roi Baudouin àla fin de cette année 1960.Dès que Fabiola fut reine, en Belgique, les édi-teurs eurent pour souci de faire traduire les contes en français et ennéerlandais. C’est l’éditeur Desclée de Brouwer qui obtint le marché.La version francophone fut commercialisée le 4 décembre 1961.

C’est un recueil de contes pour enfants et la loi du genre veut que,le plus souvent, ce type de livres accueille dans ses pages des rois,des princesses et des princes charmants. Celui-ci ne fait pas exception.On constate néanmoins que les reines n’y sont pas forcément gentilles.Les rois, oui.

Il s’y trouve même un roi qui était bon, mais qui a pris de l’âge sansavoir d’enfant. Prémonition ?

Souvent, les paysages que Fabiola décrit sont ceux de son Espagne,avec des moulins, des forêts, la nature… L’ouvrage est devenu rare,mais ses prix sur le marché de l’occasion restent raisonnables (moinsde 20 euros). Par ailleurs, un des douze contes de Fabiola, Les nénupharsdes Indes, a inspiré une des attractions du bois des contes de fées, dansle parc d’attraction hollandais d’Efteling, à 140 kilomètres de Bruxelleset à 20 kilomètres de notre frontière.

JAIME,LEFRÈRETURBULENTL’enfant terrible de la famille a fait du cinéma avec Yves Montand et Louis de Funès

Tout le monde ne le sait plus, mais la reine Fa-biola avait un frère que l’on a vu, aux côtés deLouis de Funès et Yves Montand, dans le filmLa folie des grandeurs. Il y jouait un grand d’Es-pagne contraint de tirer un âne. Une manièrede traiter par l’autodérision ses originesdans la haute aristocratie.

C’est que ce frère, Jaime, fut un sacré per-sonnage. Don Jaime de Mora y Aragon avaittrois ans de plus que Fabiola. Il est né le19 juillet 1925. Dès sa prime jeunesse, le gar-çon faisait tout pour se singulariser. Il consi-dérait déjà sa vie comme un authentiquespectacle. Son plus grand plaisir : étonnerles autres.

Longtemps, il se heurta à l’autorité du père.Longtemps aussi, il faut le dire, il bénéficia dela tolérance, voire de la complicité, de sa mè-re. C’est que le garçon avait du charme et en-tretenait le chic pour se faire tout pardonner.

On le décrit comme un adolescent tour-menté. Il a une peur bleue de la solitude. C’estpeut-être pourquoi il se met, très tôt, à fré-quenter la Puerta de Hierro que l’on a décritcomme le Racing de Madrid. Il y entre revêtud’une cape parfumée à la violette et il y béné-ficie, dit-on, d’un solide succès parmi les jeu-nes filles de bonne famille.

Il a appris l’art d’ouvrir les grilles de la pro-

priété familiale sans les faire grincer, à l’heuremême où sa sœur Fabiola se prépare pourla première messe du matin, et celui de mon-ter, sans bruit, les deux étages d’escaliers quimènent à sa chambre.

Jaime et Fabiola sont diamétralement diffé-rents et, pourtant, à cette époque, en tout cas,Fabiola avoue une énorme tendresse à l’égardde ce mauvais garçon de frère.

À l’entrée des années 50, il s’installe dansune garçonnière, un six pièces au cœur dela Casa del Campo, à Madrid. Il fréquenteles endroits à la mode, fume des cigares dontla bague porte son nom et son prénom, et faitdes dettes par-ci par-là, laissant des gages pré-cieux comme, par exemple, des montresen or. Jaime se fait appeler Jimmy, entretientquelques chiens et, s’il s’est mis à étudierle français, c’est parce que – raconte-t-il – cettelangue séduit les femmes.

En 1953, une femme va le séduire plus queles autres. Non pas une noble, comme il sieddans la famille, mais une actrice de cinémavénézuélienne de 20 ans, Rosita Arenas, quisortait tout juste d’un film réalisé par Luis Bu-nuel, L’enjôleuse.

Une saltimbanque dans la famille ! Cettefois, même le soutien de sa mère – soutiende plus en plus timide – n’eut aucun effet sur

la colère du père. À la vérité, Jaime lui-mêmeest saltimbanque dans l’âme. Il joue de la gui-tare et du piano et chante, paraît-il, remar-quablement.

Le mariage ne dure guère. Mais pas ques-tion pour Jaime de revenir dans le palais fami-lial. En 1957, il règne sous le nom de Duc d’Im-perio au sein de la jet-set de Marbella. Il voya-ge aussi et ses périples l’entraînent dansdes démêlés avec la justice. Aux États-Unis,on lui reproche de s’être comporté en escrocafin de subtiliser par la ruse une voiture àun vendeur. Mais cela n’est pas grand-chose.En Italie, il fait l’objet d’un mandat d’amenerà la suite d’une fraude portant sur quelquesmillions de lires.

À l’inverse, cet homme que certains n’hési-tent pas à qualifier d’escroc, peut consacrerson temps à visiter des vieilles femmes en malde conversation ou à promener un hommeen chaise roulante. Il comble son entouragede cadeaux extravagants.

Se trouvant assez fauché, il revient à Mar-bella et, cette fois, il lui faut gagner sa vie.Avec ses relations et son talent, il se produitdans les night-clubs de la ville. Il composeaussi. Notamment, pour le mariage desa sœur, il sort une FabiolaWaltz.

Un peu plus tard, en 1963, il rebondit surl’affaire qui vient d’Angleterre et qui a faitun scandale : la liaison de John Profumo, mi-nistre de la Guerre, et d’une call-girl, ChristineKeeler. Jaime compose une chanson qu’il inti-tule Christine, qui sera interprétée par une cer-taine Miss X et qui est entrée dans l’histoirenon pas pour ses ventes mais pour la contro-verse qu’elle a suscitée : la plupart des radiosdécidèrent de la censurer.

Pour arrondir ses fins de mois, il fit, à partirde 1961, un peu de cinéma. Son titre de gloire,dans ce domaine, restera à jamais sa partici-pation dans La folie des grandeurs. Il apparaîtaussi dans Les Charlots font l’Espagne.

Ses rapports avec Fabiola ont cessé en 1962,lorsque Jaime se remaria et choisit, cette fois,un mannequin suédois, Margrit Ohlson.Ce qui choquait notre reine, c’est que le mariéétait âgé de 37 ans et la mariée de seulement21 ans. Ce sera un mariage tumultueux et à ré-pétitions. Jaime et Margrit divorcèrent en1965 pour… se remarier en 1966.

Jaime est resté établi à Marbella où la villele nomma responsable des relations publi-ques. Il y est mort à 70 ans, victime d’une atta-que cardiaque, le 26 juillet 1995. Fabiola avaitrenoué avec le plus turbulent de ses frèresdès 1978, lorsqu’elle avait appris que Jaimeavait fait un premier infarctus. Ils ne s’étaientplus rencontrés alors depuis dix-huit ans.

x Jaime, le frère artisteet excentrique de notre reine,avait choqué Fabiolaen épousantun mannequin suédoisbeaucoup plus jeune que lui.Après dix­huit annéesde brouille, ils se sont réconciliés.(REPORTERS / RUE DES ARCHIVES)

ILÉTAITDOUZEFOISSon recueil de contes

était plein de rois et de princesses

Le livre de Fabiola commence par le tradition-nel Il était une fois et comprend, comme son ti-tre l’indique, douze récits. Ce qui démontre quela reine des Belges avait une sacrée imagina-tion.La première histoire est celle de Kiyi et Tyogo,escargots du temps où ces bêtes ne portaientpas encore de coquilles. Yogo souffrait du froidet était toujours malade. Kiyi parvint à convain-cre la tortue de lui faire un habit comparable ausien. Kiyi est resté l’ancêtre des limaces tandisque Tyogo est celui des escargots à coquilles.Flip est un petit chien, “une boule de laineblanche”. Sa vie a changé depuis qu’une cigo-gne a amené un nouveau-né dans la maison.Désormais, les caresses sont pour le bébé.Amer, Flip s’enfuit et rencontra trois tournesolsqui avaient passé leur vie à aimer sans espoirde retour (le premier l’arc-en-ciel, l’autre la ro-sée et enfin, le troisième le soleil). Flip rentraà la maison après avoir compris que le bonheur,c’est aimer et qu’aimer, c’est tout donner sansrien exiger.Le méchant petit nain barbu n’avait qu’un rê-ve : abattre tous les arbres de la forêt. Il com-mença par trancher le cou du redoutable géantpour lui voler sa hache magique et se mit alorsà tout détruire. Pour constater que le seul àen profiter était le rusé renard qui se régalaitdes oiseaux sans nid.Wynn était le fils d’un boulanger qui s’étaitenrichi en travaillant beaucoup. Mais Wynnétait plus ambitieux. Il voulait devenir quel-qu’un d’important. Or la fille du roi allaitse choisir un fiancé. Wynn dépensa tout l’ar-gent de son père pour s’acheter les plus beaux

habits, ce qui ne servit à rien puisque la prin-cesse était aveugle. Wynn pria pour demanderpardon à Dieu et entreprit de donner, désor-mais, aux autres leur pain quotidien.Les nénuphars des Indes sont bleus. À l’origi-ne, il s’agissait de belles nymphes qui furenttransformées en plantes par une sorcière jalou-se. La reine des nymphes ne put les sauver,mais elle parvint à leur donner la belle couleurde l’azur.La fillette aux moufles rouges avait toujoursfroid. “Tout comme les petits lézards, elle ne sor-tait pour se promener que si le soleil était trèschaud.” Elle rencontra un autre enfant qui souf-frait autant qu’elle du froid mais qui, en plus,avait faim. Émue, la fillette s’occupa de lui,oublia son propre mal et c’est la bonté quila guérit.Le prince de la Montagne blanche gagna untournoi et, par là, le droit d’épouser la filledu roi qu’il rendit très heureuse. Mais le princeavait un secret et la princesse avait juré dene jamais l’interroger à ce sujet. Jusqu’à cequ’une vilaine curiosité s’en mêle….L’histoire des Trois filles du forgeron com-

mence dans le palais d’un vieux roi qui n’a paspu avoir d’enfant et dont le neveu était capri-cieux et frivole. Il l’envoya découvrir le mondeet les hommes. C’est un modeste forgeron quilui montra le chemin du bonheur : le travail,la santé et la résignation.Menacé par les requins, un pêcheur promit,pour avoir la vie sauve, d’offrir au Roi des Eaux,les enfants que sa femme lui donnerait. Il eutquatre filles et s’enfuit pour ne pas avoir à lessacrifier. Les eaux se liguèrent contre lui, cap-turèrent les enfants mais aussi la mère. Le pê-cheur supplia alors le Roi des Eaux de prendresa propre vie mais d’épargner les siens.Cet élan de générosité les sauva tous.La reine Myrta aimait par-dessus tout lesfleurs et les plantes et elle transformaiten cailloux les enfants qui, en jouant, les abî-maient. Une nuit, la reine s’égara dans son do-maine. Elle appela au secours. Les enfants,transformés en cailloux, ne pouvaient l’aider.Et les ronces, elles, rendaient à la reine beau-coup de mal en échange de tout le bien qu’el-les en avaient reçu.Le savon bleu avait été caché par Pipo qui es-pérait ainsi éviter le bain du soir. Mais le savonse vengea. Une grosse bulle captura l’enfant et,après un voyage effrayant, l’emmena au para-dis. Le petit Jésus lui pardonna parce que Pipoavait eu tellement peur. La punition était suffi-sante.La petite missionnaire est une petite fille quisouffrait d’angines très douloureuses. Mais elleoffrait sa douleur au Bon Dieu afin que d’autresenfants souffrent moins.C’était signé Fabiola.

SA JEUNESSE FABIOLA

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TJAIME, LE FRÈRE TURBULENT

L’enfant terrible de la famille a fait du cinéma avec Yves Montand et Louis de Funès

Tout le monde ne le sait plus, mais la reine Fa-biola avait un frère que l’on a vu, aux côtés deLouis de Funès et Yves Montand, dans le filmLa folie des grandeurs. Il y jouait un grand d’Es-pagne contraint de tirer un âne. Une manièrede traiter par l’autodérision ses originesdans la haute aristocratie.

C’est que ce frère, Jaime, fut un sacré per-sonnage. Don Jaime de Mora y Aragon avaittrois ans de plus que Fabiola. Il est né le19 juillet 1925. Dès sa prime jeunesse, le gar-çon faisait tout pour se singulariser. Il consi-dérait déjà sa vie comme un authentiquespectacle. Son plus grand plaisir : étonnerles autres.

Longtemps, il se heurta à l’autorité du père.Longtemps aussi, il faut le dire, il bénéficia dela tolérance, voire de la complicité, de sa mè-re. C’est que le garçon avait du charme et en-tretenait le chic pour se faire tout pardonner.

On le décrit comme un adolescent tour-menté. Il a une peur bleue de la solitude. C’estpeut-être pourquoi il se met, très tôt, à fré-quenter la Puerta de Hierro que l’on a décritcomme le Racing de Madrid. Il y entre revêtud’une cape parfumée à la violette et il y béné-ficie, dit-on, d’un solide succès parmi les jeu-nes filles de bonne famille.

Il a appris l’art d’ouvrir les grilles de la pro-

priété familiale sans les faire grincer, à l’heuremême où sa sœur Fabiola se prépare pourla première messe du matin, et celui de mon-ter, sans bruit, les deux étages d’escaliers quimènent à sa chambre.

Jaime et Fabiola sont diamétralement diffé-rents et, pourtant, à cette époque, en tout cas,Fabiola avoue une énorme tendresse à l’égardde ce mauvais garçon de frère.

À l’entrée des années 50, il s’installe dansune garçonnière, un six pièces au cœur dela Casa del Campo, à Madrid. Il fréquenteles endroits à la mode, fume des cigares dontla bague porte son nom et son prénom, et faitdes dettes par-ci par-là, laissant des gages pré-cieux comme, par exemple, des montresen or. Jaime se fait appeler Jimmy, entretientquelques chiens et, s’il s’est mis à étudierle français, c’est parce que – raconte-t-il – cettelangue séduit les femmes.

En 1953, une femme va le séduire plus queles autres. Non pas une noble, comme il sieddans la famille, mais une actrice de cinémavénézuélienne de 20 ans, Rosita Arenas, quisortait tout juste d’un film réalisé par Luis Bu-nuel, L’enjôleuse.

Une saltimbanque dans la famille ! Cettefois, même le soutien de sa mère – soutiende plus en plus timide – n’eut aucun effet sur

la colère du père. À la vérité, Jaime lui-mêmeest saltimbanque dans l’âme. Il joue de la gui-tare et du piano et chante, paraît-il, remar-quablement.

Le mariage ne dure guère. Mais pas ques-tion pour Jaime de revenir dans le palais fami-lial. En 1957, il règne sous le nom de Duc d’Im-perio au sein de la jet-set de Marbella. Il voya-ge aussi et ses périples l’entraînent dansdes démêlés avec la justice. Aux États-Unis,on lui reproche de s’être comporté en escrocafin de subtiliser par la ruse une voiture àun vendeur. Mais cela n’est pas grand-chose.En Italie, il fait l’objet d’un mandat d’amenerà la suite d’une fraude portant sur quelquesmillions de lires.

À l’inverse, cet homme que certains n’hési-tent pas à qualifier d’escroc, peut consacrerson temps à visiter des vieilles femmes en malde conversation ou à promener un hommeen chaise roulante. Il comble son entouragede cadeaux extravagants.

Se trouvant assez fauché, il revient à Mar-bella et, cette fois, il lui faut gagner sa vie.Avec ses relations et son talent, il se produitdans les night-clubs de la ville. Il composeaussi. Notamment, pour le mariage desa sœur, il sort une FabiolaWaltz.

Un peu plus tard, en 1963, il rebondit surl’affaire qui vient d’Angleterre et qui a faitun scandale : la liaison de John Profumo, mi-nistre de la Guerre, et d’une call-girl, ChristineKeeler. Jaime compose une chanson qu’il inti-tule Christine, qui sera interprétée par une cer-taine Miss X et qui est entrée dans l’histoirenon pas pour ses ventes mais pour la contro-verse qu’elle a suscitée : la plupart des radiosdécidèrent de la censurer.

Pour arrondir ses fins de mois, il fit, à partirde 1961, un peu de cinéma. Son titre de gloire,dans ce domaine, restera à jamais sa partici-pation dans La folie des grandeurs. Il apparaîtaussi dans Les Charlots font l’Espagne.

Ses rapports avec Fabiola ont cessé en 1962,lorsque Jaime se remaria et choisit, cette fois,un mannequin suédois, Margrit Ohlson.Ce qui choquait notre reine, c’est que le mariéétait âgé de 37 ans et la mariée de seulement21 ans. Ce sera un mariage tumultueux et à ré-pétitions. Jaime et Margrit divorcèrent en1965 pour… se remarier en 1966.

Jaime est resté établi à Marbella où la villele nomma responsable des relations publi-ques. Il y est mort à 70 ans, victime d’une atta-que cardiaque, le 26 juillet 1995. Fabiola avaitrenoué avec le plus turbulent de ses frèresdès 1978, lorsqu’elle avait appris que Jaimeavait fait un premier infarctus. Ils ne s’étaientplus rencontrés alors depuis dix-huit ans.

x Jaime, le frère artisteet excentrique de notre reine,avait choqué Fabiolaen épousantun mannequin suédoisbeaucoup plus jeune que lui.Après dix­huit annéesde brouille, ils se sont réconciliés.(REPORTERS / RUE DES ARCHIVES)

FABIOLA

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LE ROITRISTES’ESTMIS À SOURIRE

L’annonce des fiançailles a surpris tout le monde

BBaudouin avait 5 ans lorsqu’il perdit sa ma-man, la reine Astrid. Il avait 10 ans lorsquela guerre éclata. Il avait 14 ans lorsqueles soubresauts du conflit mondial le con-damnèrent à l’exil auprès de son père.Il avait 19 ans lorsque la violence déchiraà nouveau la Belgique et la famille de Léo-pold III, avec cet épisode que, depuis lors,on a appelé la Question Royale.

À 21 ans, il était sur le trône, certainementpas heureux d’être roi, mais meurtri parles circonstances qui ont poussé son pèreà abdiquer en sa faveur.

Voilà pourquoi, à l’aube de sa carrière,le roi Baudouin ne souriait jamais. C’est aucours d’un séjour au Congo alors belge,ébloui par la ferveur des Africains qu’onle vit sourire pour la première fois en 1955.

Mais ce même Congo n’allait pas tarderà devenir le premier souci pour les gouver-nants belges et, partant, pour le Roi.

Écrase par une actualité inquiétante, Bau-douin approchait de son 30e anniversaire eton ne lui connaissait réellement aucuneliaison féminine. Le peuple espérait une rei-ne et, surtout, une descendance.

Alors oui, une presse déjà avide de sensa-tions avait tenté de le fiancer à quelques re-prises. On avait cité des noms : Margueritede Savoie Aoste, Alexandra de Kent, Cécilede Bourbon Parme, même Margaret d’Angle-terre, la sœur de la jeune reine. Chacune deces rumeurs se démonta aussitôt et certainsen vinrent alors à supposer que le roi envisa-geait sérieusement de devenir… moine etd’entrer à la Trappe.

En 1958, l’Exposition universelle de Bruxel-les était inaugurée et un grand bal était or-ganisé à cette occasion. Certains voulurentrefaire le coup de Cendrillon : seize princes-ses célibataires étaient conviées à cette soi-rée de prestige. Aucune n’eut l’heur de plai-re à Baudouin alors qu’à l’époque, s’il avaitdéjà rencontré une fois Fabiola – en 1957à Lausanne -, il ne l’avait pas revue.

Ils ne se retrouvèrent qu’en 1959 et, à par-tir de là, les choses sont allées relativementvite, mais avec une extraordinaire discré-tion.

Le 16 septembre 1960, un vendredi plu-vieux, les radios interrompent subitementleurs programmes. Le Premier ministre, Gas-ton Eyskens, prend la parole et, d’un ton so-lennel, annonce les fiançailles du roi et dedona Fabiola.

Pendant ce temps, la future reine des Bel-ges est sur la route, entre l’Espagne etBruxelles, accompagnée par son frère aîné,Gonzalito, devenu, à la mort de son père,le nouveau marquis de Casa Riera.

En chemin, ils s’arrêtent à Paris où ils dor-ment à l’hôtel Crillon. Ils sont reçus au châ-teau de Ciergnon par Baudouin, son père,le roi Léopold III, et l’épouse de celui-ci,la princesse Lilian. Aussi incroyable que celapuisse paraître, les parents de Baudouin ap-prirent ses fiançailles en même temps quele peuple belge !

Le 17 septembre, à Ciergnon, 300 journa-listes et photographes découvrent la futurereine, vêtue d’un cardigan bleu On remar-que surtout, à son doigt, une bague ayantappartenu à la reine Astrid.

Tous les écoliers de Ciergnon sont égale-ment présents et, en leur nom, un enfant of-fre, à Fabiola, un bouquet de fleurs. Elle ré-pond : “Je me sens déjà des vôtres.”

Le 24 septembre, c’est la Joyeuse Entréedu couple à Bruxelles. Baudouin porteun costume gris et Fabiola une robe verte.Pour l’anecdote, leur voiture tombene panne. Une voiture de réserve est tou-jours prête dans ce genre de circonstances.La foule est nombreuse pour acclamerle couple au balcon de l’Hôtel de Ville.Cette fois, le roi triste s’est vraiment misà sourire.

Le 30 novembre, Fabiola – seule – est à Ma-drid où les autorités de la ville en font leurcitoyenne d’honneur. On remarque son sacà main en or massif, incrusté de diamants.

Elle reçoit la bénédiction du primat d’Es-pagne qui lui souhaite d’avoir beaucoupd’enfants. Fabiola répond : “Que Dieu vousentende !”

Et puis, elle est reçue aussi par l’épousedu dictateur. Mme Franco lui offre une cou-ronne d’or sertie de pierres précieuses. Cet-te rencontre-ci ne fera pas plaisir à tout lemonde…

Le 1er décembre, Fabiola a journée libre.Elle en profite pour revoir ses amis de l’hospi-ce où elle travaillait comme infirmière. Pourelle, le personnel a appris La Brabançonne etla lui chante au son des castagnettes.

Le 2 décembre, Fabiola est de retour àBruxelles. Trois mille personnes l’acclamentà Zaventem. Désormais, elle ne quittera plusle pays. L’heure est aux préparatifs du ma-riage annoncé pour le 15 décembre 1960.R

EPO

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LE TREIZIÈMECONTE

Fabiola voulait le réserverpour ses propres enfants

Lorsqu’en 1960, la Belgique découvrit sa future reine,Fabiola avait déjà 32 ans, elle était infirmière et avaitsigné un livre comprenant douze contes merveilleuxpour enfants. De sa romance avec le roi Baudouin, ellen’avait parlé à personne, sauf à sa sœur la plus proche,Maria-Luiz, et à sa meilleure amie, Pilar Sastago. Enleur faisant jurer de garder le secret. Elles le gardèrent.

Si bien que la maman de Fabiola, elle-même, igno-rait tout de l’affaire. Et un jour, à la hâte, Fabiola réunittoute la famille : elle avait convoqué un photographe.Elle était plus nerveuse que jamais. Au moment où lephotographe était enfin installé, elle annonça à tous :“Ce serama dernière photo de vieille fille !”

Il faut imaginer la stupéfaction des autres et de donaBlanca, sa mère, en particulier. Après tout, nous étionsen haute aristocratie et il est, ici, des usages à respec-ter. “Comment se fait-il que ce garçon ne soit pas venumedemander tamain, comme il convient ?” Et c’est ainsi,à la limite d’une colère qui allait s’apaiser tout d’uncoup, terrassée par la surprise qu’on suppose, que do-na Blanca apprit que son futur gendre n’était autreque le roi des Belges en personne. Lequel téléphona lesoir même et dona Blanca, royaliste parmi les royalis-tes, était on ne peut plus confuse à l’appareil, donnantdu SaMajesté et ne sachant comment s’adresser àun futur parent d’un aussi haut rang.

Aussitôt tout le monde se mit à interroger Fabiola :“Mais où l’as-tu rencontré ? Comment cet amour est-il né ?”La future reine des Belges refusa de répondre : “Je le ra-conterai plus tard àmes enfants. Notre histoire, ce seramon treizième conte !”

Que le destin ne lui a jamais permis de raconter àsa descendance. Si bien que les circonstances de cetterencontre, de la naissance d’un immense amour, sontrestées secrètes pendant de nombreuses années.

DRÔLEDE

PRÉNOMUne saintesulfureuse

En se levant, ce 16 septem-bre 1960, les Belges ne s’at-tendaient certainement pasà apprendre, dans la jour-née, que leur roi était fiancé.Il leur a fallu aussi composeravec ce prénom inusité : Fa-biola. Tellement inouï – ausens littéral du mot – qu’ungrand journal de la capitale –et ce n’est pas le nôtre ! –se trompa, le lendemain ettitra en grand et en premièrepage : Faviola !Pour leurs garçons, les pa-rents de notre reine avaientopté pour les prénoms espa-gnols traditionnels : Gonzali-to, Alejandro et Jaime. Pourdeux filles, on avait fait dansle commun : Annie et Maria-Luiz. Les deux autres avaientdes prénoms plus inhabi-tuels : Neva et Fabiola.Celui de notre reine n’estmême pas espagnol maisitalien.Don Gonzalo et dona Blancaavaient fait, en Italie, unvoyage qu’ils avaient trouvétellement beau qu’ils enavaient ramené ce prénompour leur fille.Ce prénom se rattacheà d’autres, beaucoup plusconnus : Fabien et Fabienne,dérivés eux-mêmes de Fa-bius, nom d’une grande fa-mille romaine. Le mot, pro-prement dit, viendrait de fa-ber qui signifie artisan.Sainte Fabiola, célébrée le27 décembre, fut une aristo-crate romaine qui scandalisala communauté chrétienneen abandonnant son marilégitime pour en prendre unautre. Les deux moururentassez rapidement. Alors, Fa-biola fit publiquement péni-tence et elle dépensa sonimmense fortune pour fon-der, à Rome, le premier hôpi-tal d’Occident (en l’an 399)ainsi qu’un accueil pour lespèlerins. Saint Jérôme, quifut très impressionné parsa forte personnalité,en écrivit la biographie.

LA BELGIQUE LA DÉCOUVRE LE SECRET

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Pendant ce temps, la future reine des Bel-ges est sur la route, entre l’Espagne etBruxelles, accompagnée par son frère aîné,Gonzalito, devenu, à la mort de son père,le nouveau marquis de Casa Riera.

En chemin, ils s’arrêtent à Paris où ils dor-ment à l’hôtel Crillon. Ils sont reçus au châ-teau de Ciergnon par Baudouin, son père,le roi Léopold III, et l’épouse de celui-ci,la princesse Lilian. Aussi incroyable que celapuisse paraître, les parents de Baudouin ap-prirent ses fiançailles en même temps quele peuple belge !

Le 17 septembre, à Ciergnon, 300 journa-listes et photographes découvrent la futurereine, vêtue d’un cardigan bleu On remar-que surtout, à son doigt, une bague ayantappartenu à la reine Astrid.

Tous les écoliers de Ciergnon sont égale-ment présents et, en leur nom, un enfant of-fre, à Fabiola, un bouquet de fleurs. Elle ré-pond : “Je me sens déjà des vôtres.”

Le 24 septembre, c’est la Joyeuse Entréedu couple à Bruxelles. Baudouin porteun costume gris et Fabiola une robe verte.Pour l’anecdote, leur voiture tombene panne. Une voiture de réserve est tou-jours prête dans ce genre de circonstances.La foule est nombreuse pour acclamerle couple au balcon de l’Hôtel de Ville.Cette fois, le roi triste s’est vraiment misà sourire.

Le 30 novembre, Fabiola – seule – est à Ma-drid où les autorités de la ville en font leurcitoyenne d’honneur. On remarque son sacà main en or massif, incrusté de diamants.

Elle reçoit la bénédiction du primat d’Es-pagne qui lui souhaite d’avoir beaucoupd’enfants. Fabiola répond : “Que Dieu vousentende !”

Et puis, elle est reçue aussi par l’épousedu dictateur. Mme Franco lui offre une cou-ronne d’or sertie de pierres précieuses. Cet-te rencontre-ci ne fera pas plaisir à tout lemonde…

Le 1er décembre, Fabiola a journée libre.Elle en profite pour revoir ses amis de l’hospi-ce où elle travaillait comme infirmière. Pourelle, le personnel a appris La Brabançonne etla lui chante au son des castagnettes.

Le 2 décembre, Fabiola est de retour àBruxelles. Trois mille personnes l’acclamentà Zaventem. Désormais, elle ne quittera plusle pays. L’heure est aux préparatifs du ma-riage annoncé pour le 15 décembre 1960.

LE TREIZIÈMECONTE

Fabiola voulait le réserverpour ses propres enfants

Lorsqu’en 1960, la Belgique découvrit sa future reine,Fabiola avait déjà 32 ans, elle était infirmière et avaitsigné un livre comprenant douze contes merveilleuxpour enfants. De sa romance avec le roi Baudouin, ellen’avait parlé à personne, sauf à sa sœur la plus proche,Maria-Luiz, et à sa meilleure amie, Pilar Sastago. Enleur faisant jurer de garder le secret. Elles le gardèrent.

Si bien que la maman de Fabiola, elle-même, igno-rait tout de l’affaire. Et un jour, à la hâte, Fabiola réunittoute la famille : elle avait convoqué un photographe.Elle était plus nerveuse que jamais. Au moment où lephotographe était enfin installé, elle annonça à tous :“Ce serama dernière photo de vieille fille !”

Il faut imaginer la stupéfaction des autres et de donaBlanca, sa mère, en particulier. Après tout, nous étionsen haute aristocratie et il est, ici, des usages à respec-ter. “Comment se fait-il que ce garçon ne soit pas venumedemander tamain, comme il convient ?” Et c’est ainsi,à la limite d’une colère qui allait s’apaiser tout d’uncoup, terrassée par la surprise qu’on suppose, que do-na Blanca apprit que son futur gendre n’était autreque le roi des Belges en personne. Lequel téléphona lesoir même et dona Blanca, royaliste parmi les royalis-tes, était on ne peut plus confuse à l’appareil, donnantdu SaMajesté et ne sachant comment s’adresser àun futur parent d’un aussi haut rang.

Aussitôt tout le monde se mit à interroger Fabiola :“Mais où l’as-tu rencontré ? Comment cet amour est-il né ?”La future reine des Belges refusa de répondre : “Je le ra-conterai plus tard àmes enfants. Notre histoire, ce seramon treizième conte !”

Que le destin ne lui a jamais permis de raconter àsa descendance. Si bien que les circonstances de cetterencontre, de la naissance d’un immense amour, sontrestées secrètes pendant de nombreuses années.

DRÔLEDE

PRÉNOMUne saintesulfureuse

En se levant, ce 16 septem-bre 1960, les Belges ne s’at-tendaient certainement pasà apprendre, dans la jour-née, que leur roi était fiancé.Il leur a fallu aussi composeravec ce prénom inusité : Fa-biola. Tellement inouï – ausens littéral du mot – qu’ungrand journal de la capitale –et ce n’est pas le nôtre ! –se trompa, le lendemain ettitra en grand et en premièrepage : Faviola !Pour leurs garçons, les pa-rents de notre reine avaientopté pour les prénoms espa-gnols traditionnels : Gonzali-to, Alejandro et Jaime. Pourdeux filles, on avait fait dansle commun : Annie et Maria-Luiz. Les deux autres avaientdes prénoms plus inhabi-tuels : Neva et Fabiola.Celui de notre reine n’estmême pas espagnol maisitalien.Don Gonzalo et dona Blancaavaient fait, en Italie, unvoyage qu’ils avaient trouvétellement beau qu’ils enavaient ramené ce prénompour leur fille.Ce prénom se rattacheà d’autres, beaucoup plusconnus : Fabien et Fabienne,dérivés eux-mêmes de Fa-bius, nom d’une grande fa-mille romaine. Le mot, pro-prement dit, viendrait de fa-ber qui signifie artisan.Sainte Fabiola, célébrée le27 décembre, fut une aristo-crate romaine qui scandalisala communauté chrétienneen abandonnant son marilégitime pour en prendre unautre. Les deux moururentassez rapidement. Alors, Fa-biola fit publiquement péni-tence et elle dépensa sonimmense fortune pour fon-der, à Rome, le premier hôpi-tal d’Occident (en l’an 399)ainsi qu’un accueil pour lespèlerins. Saint Jérôme, quifut très impressionné parsa forte personnalité,en écrivit la biographie.

LE SECRET

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amoureuse. Elle en parla à son confesseur quilui conseilla de faire un voyage à Bruxelles etde demander une audience au roi.

Elle profita de l’Exposition universelle de1958 pour venir chez nous en avril, lors d’unvoyage organisé par un groupe d’action ca-tholique. Elle serait même venue regarder lePalais royal avec l’espoir… Mais elle n’eut pasle cran de solliciter une audience.

Le confesseur de Fabiola parvint à entreren contact avec le père Braun, dominicain etaumônier de la Cour, en Belgique. La machineétait en place.

Probablement, Mgr Suenens et la religieuseirlandaise entrèrent-ils dans l’histoire à ce sta-de du scénario. En 1959, deux ans après la ren-contre de Lausanne, Fabiola recevait une let-tre de Joséphine-Charlotte, la sœur de notreroi et l’épouse du prince héritier du Luxem-bourg. Elle était invitée dans ce petit pays oùla princesse de Réthy et notre reine Elisabethfurent charmées. Après, Fabiola fut régulière-ment l’invitée de Joséphine-Charlotte. Pourles vacances du mois d’août, à l’Espandidou,près de Cannes. En mars 1960, pour les vacan-ces d’hiver, à Courchevel.

Le 6 juillet 1960, à Lourdes, Baudouin de-manda à Fabiola de l’épouser. Avant de répon-dre, notre future reine prit le temps de récitertrois AveMaria.

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TROISAVE MARIAAVANTDE DIREOUI

Ils se sont mariés en décembre 1960 mais la première rencontre daterait de 1957

AAu moment du mariage, le 15 décembre 1960,les journalistes belges et espagnols ne dispo-saient d’aucun élément sur les circonstancesde la rencontre entre les deux héros de lajournée. Le sujet semblait réellement tabou.

En 1993, à la mort du roi Baudouin, person-ne n’en savait davantage. Deux ans plus tard,sortait un livre du cardinal Léon-Joseph Sue-nens, celui-là même qui les avait mariés en1960 alors qu’il était encore primat de Belgi-que : Le roi Baudouin, une vie qui nous parle.

Un an avant sa mort, le cardinal évoquaitcette rencontre par des circonstances quasi-ment miraculeuses. Le roi lui aurait dit unjour qu’il aurait aimé épouser une Espagnole.Le cardinal confia alors à une religieuse irlan-daise de Lourdes, Véronica O’Brian, membredes Légionnaires deMarie, la mission de trou-ver l’épouse idéale. Après quelques visiteschez des jeunes Madrilènes, elle aurait, en rê-ve, vu une mère avec un enfant dans ses bras.Le lendemain, elle rendait visite à Fabiola,dont lui avait parlé une amie. Dans l’apparte-ment de la jeune femme, un tableau accrochéau mur représentait… la mère et l’enfant durêve de la nuit précédente. Sœur Véronica enétait convaincue : la future reine de Belgiquese trouvait devant elle. Au début, Fabiola refu-sa de l’entendre, puis se laissa convaincre etaccepta un premier rendez-vous, dans l’ap-

partement de la religieuse, rue de Suisse,à Bruxelles.

En 1995, après la sortie du livre du cardinalSuenens, une biographie de Fabiola, signéepar deux journalistes, Philippe Séguy et Antoi-ne Michelland (Fabiola, la reine blanche auxéditions Bayard) donnait, à propos de la ren-contre entre notre roi et notre reine, une ver-sion complètement différente et, à vrai dire,beaucoup plus crédible.

L’initiatrice en serait la reine d’Espagneen exil, Victoria-Eugénie, qui… ne l’aurait pasfait exprès !

La souveraine rêvait d’un parti royal poursa petite-fille, Anne, qu’elle souhaitait dès lorsprésenter à Baudouin. C’est pour que cesdeux-là se rencontrent que la reine d’Espagneorganisa une petite sauterie, à Lausanne, danssa demeure de la Vieille Fontaine, 24, avenuede l’Elysée, et elle y invita quelques jeunesaristocrates dont Fabiola, une amie d’Anne.

Baudouin vit à peine la petite-fille de la rei-ne mais il parla longuement avec Fabiola, no-tamment de la petite ville basque de Zarauzoù il avait passé des vacances à l’âge de 10 anset où la famille de Fabiola se rendait réguliè-rement.

Cette première rencontre daterait de 1957et n’eut pas de suite immédiate. Il sembleraitque Fabiola, surtout, en soit sortie troublée et

BEL

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“IL EST SI BEAUQUAND IL PRIE”

Les derniers jours avant le mariage

Fabiola n’a pas dû attendre longtempsavant de se heurter aux réalités de la vieà la belge. Le 2 décembre 1960, elle atterris-sait à Bruxelles en vue des derniers prépa-ratifs de son mariage, annoncé pourle 15 décembre.

On lui présenta le baron Guillaume,chargé officiellement de l’organisation.Qui dut bientôt démissionner, non pasqu’il fut incompétent, mais il se trouveque le pauvre homme parlait mal le néer-landais.

Le 10 décembre, cinq jours avant la datephare, 4200 personnalités étaient invitéesà une grande réception en l’honneur desfuturs mariés, au Palais royal de Bruxelles.C’est à cette occasion que Fabiola s’expri-ma pour la première fois à propos de sonroyal fiancé : “Si vous saviez ce qu’il est beauquand il prie !” dit-elle notamment.

Fabiola parlait déjà très correctementle français. En fait, elle connaissait quatrelangues : l’espagnol, le français, l’italienet aussi l’allemand que lui avait enseigné,lorsqu’elle était enfant, sa gouvernantefrau Joséphine Tragesser Kempf. “À lamai-son, nos parents nous avaient habitués

à nous exprimer chaque soir dans une languedifférente.” confia-t-elle par la suite. Arrivéechez nous, elle entreprit aussitôt d’étudierle néerlandais. “Qu’elle parlait correctement,mais à samanière, avec un rythme espagnol.”estima Herman De Croo.

Le 13 décembre 1960, pour préparerle dîner de gala, au Palais royal, quinze cui-siniers ont travaillé pendant deux jours.Les invités étaient reçus par le père du ma-rié, le roi Léopold III, entouré de son épou-se, la princesse Lilian de Réthy et aussi desa mère, la reine Elisabeth Ier, veuve du roiAlbert Ier.

Fabiola portait, ce soir-là, un long four-reau de faille, rose pâle, et un boléro de ve-lours noir.

Les convives passèrent à table aprèsavoir entendu un petit mot de Léopold III :“Comme je suis heureux, mon fils, que tu aiesenfin découvert cette immense joie del’amour.”

Au menu du dîner : homard aux aroma-tes et selle de marcassin, accompagnés –les connaisseurs apprécieront – par unChâteau d’Yquem 1949 et un Dom Peri-gnon 1952. Un bal achevait la journée.

REP

OR

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BAUDOUINÉTAITSON

PARACHUTISTEIls employaient

des noms de code

Fabiola avait rencontré Baudouin, qui étaitdéjà roi des Belges, ils se voyaient, s’écri-vaient, se téléphonaient, mais, même àsa mère, à ses frères et à ses sœurs, la jeu-ne femme n’en avait rien dit. Ni à son pèrequi n’a pas connu notre roi. Le marquis estmort en novembre 1957, quelques semai-nes après la première rencontre du couple,à Lausanne.Don Gonzalo se rendait, en tenue d’appa-rat, à une grand-messe organisée parles chevaliers de l’ordre du Saint-Sépulcrelorsqu’il heurta une marche, dans une gale-rie sombre, chuta et se fractura le col dufémur. Il mourut pendant une opérationqui, a priori, ne comportait pas de risquemajeur. Selon la tradition, son fils aîné,également Don Gonzalo, héritait de ses ti-tres, comte Mora y Aragon, marquis de Ca-sa Riera.C’est à ce moment que Fabiola, 29 ans, dé-cida de devenir infirmière. Peu aprèsla mort de son père, elle acheta un appar-tement rue Barbara-de-Bragança. C’étaità un kilomètre du palais familial où elle ve-nait dîner, presque tous les soirs, avec samère. Fabiola, à l’époque, se déplaçait auvolant d’une modeste Seat 600 bleu ciel.En 1960, au moment où elle quitta l’Espa-gne, elle possédait une Aronde verte.Elle utilisait l’auto pour aller travailler maisaussi pour se rendre dans différents hôpi-taux et différents centres d’accueil de pau-vres dont elle s’occupait bénévolement.Ses proches considéraient aussi Fabiolacomme un rat de bibliothèques.Elle avait la passion des langues et, avecun accent égal, elle parlait l’anglais, l’italienet, déjà, le français, lorsqu’elle rencontraBaudouin.Elle se mit alors à étudier les bases du néer-landais et aussi, elle qui était si peu sporti-ve, à s’initier au golf.Malgré tout cela, toute la famille ignoraitdonc sa romance avec un roi étranger.Sauf sa sœur la plus proche, Maria-Luiz,que Fabiola avait mis dans la confidence etqui garda le secret.Et lorsqu’elle attendait un appel de sonamoureux, que le téléphone sonnait et quetoute la famille pouvait l’entendre, Fabiolaavait un nom de code pour désigner le roiBaudouin à sa sœur : “C’est le parachutis-te !” disait-elle.Plus tard, lorsque le Cardinal Suenens con-fia à une religieuse irlandaise installée àBruxelles, Veronica O’Brian, la mission deveiller sur ces deux-là, la religieuse et lecardinal utilisèrent d’autres noms de codepour désigner le roi et sa bien-aimée. Dansleur courrier, ils parlaient de Luigi et Avila.

SON FIANCÉ FABIOLA

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“IL EST SI BEAUQUAND IL PRIE”

Les derniers jours avant le mariage

Fabiola n’a pas dû attendre longtempsavant de se heurter aux réalités de la vieà la belge. Le 2 décembre 1960, elle atterris-sait à Bruxelles en vue des derniers prépa-ratifs de son mariage, annoncé pourle 15 décembre.

On lui présenta le baron Guillaume,chargé officiellement de l’organisation.Qui dut bientôt démissionner, non pasqu’il fut incompétent, mais il se trouveque le pauvre homme parlait mal le néer-landais.

Le 10 décembre, cinq jours avant la datephare, 4200 personnalités étaient invitéesà une grande réception en l’honneur desfuturs mariés, au Palais royal de Bruxelles.C’est à cette occasion que Fabiola s’expri-ma pour la première fois à propos de sonroyal fiancé : “Si vous saviez ce qu’il est beauquand il prie !” dit-elle notamment.

Fabiola parlait déjà très correctementle français. En fait, elle connaissait quatrelangues : l’espagnol, le français, l’italienet aussi l’allemand que lui avait enseigné,lorsqu’elle était enfant, sa gouvernantefrau Joséphine Tragesser Kempf. “À lamai-son, nos parents nous avaient habitués

à nous exprimer chaque soir dans une languedifférente.” confia-t-elle par la suite. Arrivéechez nous, elle entreprit aussitôt d’étudierle néerlandais. “Qu’elle parlait correctement,mais à samanière, avec un rythme espagnol.”estima Herman De Croo.

Le 13 décembre 1960, pour préparerle dîner de gala, au Palais royal, quinze cui-siniers ont travaillé pendant deux jours.Les invités étaient reçus par le père du ma-rié, le roi Léopold III, entouré de son épou-se, la princesse Lilian de Réthy et aussi desa mère, la reine Elisabeth Ier, veuve du roiAlbert Ier.

Fabiola portait, ce soir-là, un long four-reau de faille, rose pâle, et un boléro de ve-lours noir.

Les convives passèrent à table aprèsavoir entendu un petit mot de Léopold III :“Comme je suis heureux, mon fils, que tu aiesenfin découvert cette immense joie del’amour.”

Au menu du dîner : homard aux aroma-tes et selle de marcassin, accompagnés –les connaisseurs apprécieront – par unChâteau d’Yquem 1949 et un Dom Peri-gnon 1952. Un bal achevait la journée.

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BAUDOUINÉTAITSON

PARACHUTISTEIls employaient

des noms de code

Fabiola avait rencontré Baudouin, qui étaitdéjà roi des Belges, ils se voyaient, s’écri-vaient, se téléphonaient, mais, même àsa mère, à ses frères et à ses sœurs, la jeu-ne femme n’en avait rien dit. Ni à son pèrequi n’a pas connu notre roi. Le marquis estmort en novembre 1957, quelques semai-nes après la première rencontre du couple,à Lausanne.Don Gonzalo se rendait, en tenue d’appa-rat, à une grand-messe organisée parles chevaliers de l’ordre du Saint-Sépulcrelorsqu’il heurta une marche, dans une gale-rie sombre, chuta et se fractura le col dufémur. Il mourut pendant une opérationqui, a priori, ne comportait pas de risquemajeur. Selon la tradition, son fils aîné,également Don Gonzalo, héritait de ses ti-tres, comte Mora y Aragon, marquis de Ca-sa Riera.C’est à ce moment que Fabiola, 29 ans, dé-cida de devenir infirmière. Peu aprèsla mort de son père, elle acheta un appar-tement rue Barbara-de-Bragança. C’étaità un kilomètre du palais familial où elle ve-nait dîner, presque tous les soirs, avec samère. Fabiola, à l’époque, se déplaçait auvolant d’une modeste Seat 600 bleu ciel.En 1960, au moment où elle quitta l’Espa-gne, elle possédait une Aronde verte.Elle utilisait l’auto pour aller travailler maisaussi pour se rendre dans différents hôpi-taux et différents centres d’accueil de pau-vres dont elle s’occupait bénévolement.Ses proches considéraient aussi Fabiolacomme un rat de bibliothèques.Elle avait la passion des langues et, avecun accent égal, elle parlait l’anglais, l’italienet, déjà, le français, lorsqu’elle rencontraBaudouin.Elle se mit alors à étudier les bases du néer-landais et aussi, elle qui était si peu sporti-ve, à s’initier au golf.Malgré tout cela, toute la famille ignoraitdonc sa romance avec un roi étranger.Sauf sa sœur la plus proche, Maria-Luiz,que Fabiola avait mis dans la confidence etqui garda le secret.Et lorsqu’elle attendait un appel de sonamoureux, que le téléphone sonnait et quetoute la famille pouvait l’entendre, Fabiolaavait un nom de code pour désigner le roiBaudouin à sa sœur : “C’est le parachutis-te !” disait-elle.Plus tard, lorsque le Cardinal Suenens con-fia à une religieuse irlandaise installée àBruxelles, Veronica O’Brian, la mission deveiller sur ces deux-là, la religieuse et lecardinal utilisèrent d’autres noms de codepour désigner le roi et sa bien-aimée. Dansleur courrier, ils parlaient de Luigi et Avila.

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POURLEMARIAGE,ELLEÉTAITÉPUISÉE

Fabiola avait passé une partie de la nuit à prier

LLe zéro degré de ce 15 dé-cembre 1960 n’a refroidini la foule ni son ardeur.Bruxelles était toute à la fê-te pour le mariage du roides Belges. La cérémonie ci-vile était prévue à 10 heures30 au Palais de Bruxelles etle mariage religieux, en lacathédrale Saints-Michel-et-Gudule, à 12 heures 30.

Dona Fabiola, la très ca-tholique noble d’Espagne,avait décidé de tout fairepour consacrer à Dieule plus beau jour de sa vie.D’une part, elle a peu dormicar elle a voulu passer unegrande partie de la nuiten prières. D’autre part, el-le tenait à rester à jeun pourmieux recevoir l’hostie, àla communion au terme dela grand-messe, vers…14 heures 30.

À vrai dire, cette doublepreuve de piété inquiétaiténormément les organisa-teurs du mariage qui crai-gnaient que la fatigue, lafaim, la soif et l’émotionaidant, la jeune mariée, suivie en direct parles télévisions du monde entier, ne soit victi-me d’un malaise pendant la journée.

Par précaution, on demanda à Baudouinde camoufler un flacon de sels dans ses ha-bits, au cas où…

Le roi avait revêtu son grand uniforme delieutenant-général de l’armée.

La robe de la mariée, elle, avait été confiéeà un créateur espagnol dont la famille marieles Mora depuis plusieurs générations : Balen-ciaga. Une longue robe qui couvre l’extrémitédes épaules, avec ceinture d’hermine et ausside l’hermine au cou. La traîne, longue decinq mètres, est portée par dix enfants d’hon-neur et, parmi ces pages, le petit Henri deLuxembourg, qui est aujourd’hui le grand-duc régnant.

Sa mère, Joséphine-Charlotte, a rejointson père, le roi Léopold III, son frère, notre ex-

Roi Albert II, l’ex-reine Paola, mais aussi Ma-rie-José d’Italie et, bien sûr, l’épouse de Léo-pold III, la princesse de Réthy et la reine Elisa-beth. Toute la famille était réunie. Parmi lesinvités, il y a la reine Juliana des Pays-Bas,le prince Axel du Danemark, la princesse Mar-garet d’Angleterre, le roi Umberto d’Italie,le prince Beril de Suède, le roi Olav de Norvè-ge et le comte de Barcelone ainsi que son fils,le prince Juan Carlos, futur roi d’Espagne.

Le bourgmestre de Bruxelles, Lucien Coore-mans, avec à ses côtés l’échevine de l’Etat-civil,Mérinette Van den Heuvel, insiste sur le faitque c’est la première fois dans l’histoire dela Belgique qu’un roi en exercice se mariesur le territoire national. On remarquaqu’avant de prononcer le oui traditionnel,Baudouin, s’est tourné vers son père.

Le couple était tellement ému qu’il enoublia de se rasseoir. Le chef de protocole dut

intervenir avec discrétion.À 12 heures 15, 101 coups

de canons et La Brabançon-ne accompagnaient le dé-part du cortège de 150 voi-tures qui quittait le PalaisRoyal en direction de la ca-thédrale.

Le roi et son épousese trouvaient à bord d’uneCadillac noire à toit de ver-re, avec des dizaines de ro-ses blanches, recouvrantla plage arrière.

Il y avait aussi des rosesblanches (et égalementdes plantes vertes) sur lesquarante marches menantà l’entrée de la cathédraleet qui étaient recouvertesd’un dais de velourspourpre.

Mgr Léon-Joseph Sue-nens, futut primat de Belgi-que, n’était pas encore car-dinal, mais évêque coadju-teur de Malines.L’archevêque était le vieuxMgr Joseph-Ernest Van Roey,qui avait déjà procédé, tren-te-trois ans plus tôt, au ma-

riage du futur Léopold III et de la future reineAstrid. Ils concélébrèrent l’office en mêmetemps que le doyen de la cathédrale.

Le nonce apostolique, Mgr Efrem Forni avaitreçu pour mission de transmettre un messa-ge de félicitations du pape Jean XXIII.

Pendant que le cardinal Van Roey évoquaitsa personnalité, Fabiola sortit un petit mou-choir caché dans sa ceinture d’hermine. El-le avait une larme à l’œil.

Avant l’échange des alliances, le momentoù elle retira ses gants parut interminable.Tant les gants étaient longs. Puis il y eutles paroles sacramentelles. Le roi devait répé-ter le texte que lui soufflait le primat de Belgi-que. Spontanément, Baudouin remplaçale vous par le tu : “Je te prends pour épouse légiti-me.” Fabiola fit de même.

La fugue en ré mineur de Jean-SébastienBach accompagnait la sortie de l’église.

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SLES CATASTROPHES DE 1961

Ses débuts dans le métier de reine : dans les pires conditions qui soient

Le 15 décembre 1960, la Belgique est à la joie et à la fête pour le mariagede son roi. Moins d’un mois plus tard, le slogan Vive la république esttracé au charbon sur des murs, à Liège. Le 14 janvier 1961, le vice-prési-dent de la Chambre, Joseph Martel, et un ministre d’État, Achille Delat-tre, indiquent au roi que “le peuple wallon remet formellement en causele caractère unitaire de nos institutions nationales.” C’est un pan de l’his-toire de la Belgique qui se tourne alors même que Fabiola n’en estla reine que depuis un mois. Même pas tout à fait…

En épousant notre roi, elle s’est engagée à être unie à lui pour lemeilleur et pour le pire. Elle ignore que le pire va arriver tout de suite.À elle seule, la décolonisation du Congo, qui se déroule dans les condi-tions que l’on sait, tel un film d’horreur qui effraie autant les popula-tions autochtones que les expatriés belges, serait un souci suffisantpour le roi et la reine.

Mais justement, les turbulences de ces événements africains ont unerépercussion immédiate et lourde sur l’économie de la Belgique.Le Premier ministre, Gaston Eyskens, demande aux Belges de se serrerles coudes en même temps que la ceinture, et d’accepter un plan d’aus-térité basé sur une augmentation des impôts doublée d’une économieréalisée pour 20 % sur la sécurité sociale.

En quelques semaines, ce sera le chaos. La violence est partout.Des pavés sont arrachés dans les rues, des panneaux aussi. Ils serventde projectiles. Des autobus sont renversés. La grande grève gagne par-

tout. Le 20 février, les chambres sont dissoutes.Au sein de la famille régnante, cette tension et, particulièrement,

l’attitude des socialistes wallons rappellent les angoisses de l’époquede la Question Royale.

Ce sont des catastrophes d’un autre type qui, assez curieusement,viendront au secours de Baudouin et de Fabiola en redorant leur imagede marque. Il y eut d’abord d’épouvantables inondations le 30 janvierdans les bassins de la Sambre et de la Meuse. On voit la reine proté-geant des enfants meurtris en les serrant dans ses bras. Le roi bavardeavec des victimes. Il offre même son manteau à une personne quise plaint du froid.

Le 3 février, à Jupille, un terril de charbon de 120 mètres, trempé parles eaux de pluie, glisse et écrase six maisons. Quatre femmes et septenfants sont recherchés sous les décombres. Ce jour-là, Fabiola se rendau poste de secours : “Je suis infirmière. Comment puis-je vous être utile ?”

Moins de deux semaines plus tard, le 15 février, un Boeing de la Sa-bena, en provenance de New York, s’écrase à l’approche de Zaventem,entraînant la mort de 61 passagers, des onze membres de l’équipage,ainsi que d’un cultivateur qui travaillait dans son champ. Les photosde Fabiola, véritablement livide, sur les lieux de la catastrophe vontémouvoir le pays.

En mai 1961, le peuple belge oublie, pour un temps, tous ces dramescar une rumeur circule : la reine serait enceinte.

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REINE FABIOLA

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LLES CATASTROPHES DE 1961

Ses débuts dans le métier de reine : dans les pires conditions qui soient

Le 15 décembre 1960, la Belgique est à la joie et à la fête pour le mariagede son roi. Moins d’un mois plus tard, le slogan Vive la république esttracé au charbon sur des murs, à Liège. Le 14 janvier 1961, le vice-prési-dent de la Chambre, Joseph Martel, et un ministre d’État, Achille Delat-tre, indiquent au roi que “le peuple wallon remet formellement en causele caractère unitaire de nos institutions nationales.” C’est un pan de l’his-toire de la Belgique qui se tourne alors même que Fabiola n’en estla reine que depuis un mois. Même pas tout à fait…

En épousant notre roi, elle s’est engagée à être unie à lui pour lemeilleur et pour le pire. Elle ignore que le pire va arriver tout de suite.À elle seule, la décolonisation du Congo, qui se déroule dans les condi-tions que l’on sait, tel un film d’horreur qui effraie autant les popula-tions autochtones que les expatriés belges, serait un souci suffisantpour le roi et la reine.

Mais justement, les turbulences de ces événements africains ont unerépercussion immédiate et lourde sur l’économie de la Belgique.Le Premier ministre, Gaston Eyskens, demande aux Belges de se serrerles coudes en même temps que la ceinture, et d’accepter un plan d’aus-térité basé sur une augmentation des impôts doublée d’une économieréalisée pour 20 % sur la sécurité sociale.

En quelques semaines, ce sera le chaos. La violence est partout.Des pavés sont arrachés dans les rues, des panneaux aussi. Ils serventde projectiles. Des autobus sont renversés. La grande grève gagne par-

tout. Le 20 février, les chambres sont dissoutes.Au sein de la famille régnante, cette tension et, particulièrement,

l’attitude des socialistes wallons rappellent les angoisses de l’époquede la Question Royale.

Ce sont des catastrophes d’un autre type qui, assez curieusement,viendront au secours de Baudouin et de Fabiola en redorant leur imagede marque. Il y eut d’abord d’épouvantables inondations le 30 janvierdans les bassins de la Sambre et de la Meuse. On voit la reine proté-geant des enfants meurtris en les serrant dans ses bras. Le roi bavardeavec des victimes. Il offre même son manteau à une personne quise plaint du froid.

Le 3 février, à Jupille, un terril de charbon de 120 mètres, trempé parles eaux de pluie, glisse et écrase six maisons. Quatre femmes et septenfants sont recherchés sous les décombres. Ce jour-là, Fabiola se rendau poste de secours : “Je suis infirmière. Comment puis-je vous être utile ?”

Moins de deux semaines plus tard, le 15 février, un Boeing de la Sa-bena, en provenance de New York, s’écrase à l’approche de Zaventem,entraînant la mort de 61 passagers, des onze membres de l’équipage,ainsi que d’un cultivateur qui travaillait dans son champ. Les photosde Fabiola, véritablement livide, sur les lieux de la catastrophe vontémouvoir le pays.

En mai 1961, le peuple belge oublie, pour un temps, tous ces dramescar une rumeur circule : la reine serait enceinte.

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“CINQFOIS, J’AIPERDUUNENFANT”

Devenir maman était pourtant le rêve absolu de toute sa jeunesse

CCe fut le rêve de sa vie,de sa jeunesse : devenir ma-man. Une fausse coucheen 1961, mais une nouvellegrossesse dès 1962. Un gyné-cologue suisse, sommitémondiale, l’avertit : si elleva jusqu’à l’accouchement,Fabiola risque tout simple-ment de perdre la vie.Non seulement, elle s’obsti-ne, mais après une nouvellefausse couche, elle va toutfaire pour retomberenceinte.

Par-dessus tout, elle veutêtre mère. Avec son mari, el-le part en pèlerinage à Lour-des, elle prie, va jusqu’à es-pérer un vrai miracle.

Ils se rendront aussi dansla ville d’Assise, celle deSaint-François. Fabiola con-tinuera à consulter les plusgrands spécialistes. Elle su-bira aussi une interventionchirurgicale de la dernièrechance en août 1968.En vain.

Fabiola n’évoqua, pourla première fois, ces épiso-des tristes de son existencequ’en avril 2008, à quelquessemaines de ses 80 ans.“J’ai moi-même perdu cinq en-fants. On tire quelque chose decette expérience.”

Elle a donc fait cinq faus-ses couches. Jusque-là, onen connaissait trois. Cellesde 1961, 1962 et 1966, unegrossesse qui s’arrêtera aucap des cinq mois. La der-nière date donc de 1968.

Fabiola n’a pas eu d’en-fant. Par contre, mais cene fut qu’une maigre conso-lation, elle eut 37 neveux etnièces, rien que dans sa fa-mille espagnole,trois autres, ceux d’Albert etPaola, en Belgique, et cinq,ceux de Joséphine-Charlot-te, au Grand-Duché duLuxembourg. R

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UNEMALFORMATIONPHYSIOLOGIQUE

Elle refuse l’interruptionde grossesse

À la fin de cette année 1961, c’est duBelvédère que viennent les heureusesnouvelles. La princesse Paola estenceinte. Son deuxième enfant,la princesse Astrid naîtra le 5 juin 1962.Fabiola considère cette grossesse,dans la famille, comme un signed’espoir et, de fait, les observateursremarquent, en février 1962, lors d’ungala au Théâtre du Parc que la reinetrempe à peine les lèvres dans la coupede champagne qu’on vient de lui offrir.Un signe ? Il est clair aux yeux de toutle monde que Fabiola évite d’accepterun trop grand nombre d’engagements.Tertio, une visite officielle en Grande-Bretagne, déjà reportée en 1961et remise à l’été 1962, est à nouveauretardée.Cette fois, le couple royal veut mettretoutes les chances de son côté. On faitvenir, de Suisse, un gynécologue consi-déré comme le plus grand spécialistemondial. Le professeur ramène le roi etla reine chez lui, à Lausanne. Il procèdeà des examens et il conclut à une mal-formation physiologique chez Fabiola.Le gynécologue estime qu’il existe dixchances sur cent pour que cette gros-sesse puisse être menée à terme et,même si c’était le cas, Fabiola n’aurait,selon lui, qu’une chance sur vingtde survivre à un accouchement.En Belgique, certains praticienssuggèrent à la reine une interruptionde grossesse. C’est évidemmenttotalement en dehors de ses principesreligieux. Idem pour ce qui concernele roi Baudouin.L’accouchement aura lieu spontané-ment au quatrième mois de la grosses-se. L’enfant est mort-né.

RÊVE BRISÉ FABIOLA

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UN PAPETROP HEUREUX

Jean XXIII avait trahi le secret… et suscité un incident protocolaire

Le 24 mai 1961, cinq mois après son mariage,Fabiola appréhende un nouvel aspect de sonmétier de reine. Pas le plus difficile, certes,mais tout de même très impressionnant. Elleentre dans le gotha en suivant son mari lorsd’une visite officielle à Paris où elle est reçuepar un Général de Gaulle qui se montreratout simplement charmé.

Réception à la descente d’avion à Orly, tapisbleu et or, douze mille policiers mobilisés…Le couple belge réside au palais des Affairesétrangères. Avant le grand dîner prévu à l’in-térieur même du Louvre, Fabiola a le tempsde rejoindre, à l’hôtel Crillon, sa mère venuel’embrasser.

Le deuxième soir, le roi et la reine sont invi-tés à l’opéra et, pendant le troisième actedu Lac des Cygnes, la jeune femme est prised’un étourdissement. Baudouin la conduitdans le hall, l’aide à s’asseoir sur une banquet-te vide et, là, Fabiola lui sourit. Elle sait – ils sa-vent – l’origine du malaise…

Le lendemain, Fabiola garde la chambre etBaudouin remplit seul le programme officiel.Un communiqué des médecins fait état de co-liques néphrétiques. À Bruxelles, la rumeurcommence à circuler : la reine des Belges se-rait enceinte !

Le palais ne confirme pas.Deux semaines plus tard, le mercredi 7 juin,

deuxième voyage officiel pour le roi et la rei-ne. Et celui-ci, Fabiola ne le manquerait pourrien au monde : Rome et le Vatican. Elle, issued’une grande famille catholique d’Espagne,

a l’intention de demander au pape Jean XXIIIde bénir l’enfant qu’elle porte et de prier pourlui.

À Rome, tout le monde remarque l’extraor-dinaire pâleur de la reine belge. Les conve-nances sont même quelque peu bousculéespour elle, compte tenu de son état. Habituel-lement, les invités de marque arrivent dansles appartements papaux en montant l’esca-lier d’honneur qui part de la cour Saint-Dama-se. Baudouin et Fabiola prendront l’ascen-seur.

Dans un moment de bonheur, le pape vacommettre un impair diplomatique de tailleen confiant à des journalistes ce que le palaisde Bruxelles n’a jamais confirmé : la reine at-tend un heureux événement. Cette fois, c’estsûr ! L’information sera diffusée en Franceavant de l’être en Belgique où les représen-tants du peuple ne comprennent pas queleur roi et leur reine ne les aient pas informésen premier. Au retour du couple, le 10 juin, lePremier ministre, Théo Lefèvre, s’en sort parune déclaration manifestement embarrassée.

À partir de ce jour, Fabiola restera enferméeà Laeken. La Belgique attend l’heureux événe-ment pour le mois d’octobre. Mais le vendredi23 juin, l’agence Belga diffuse une dépêcheannonçant que l’heureux événement attendun’aurait pas lieu “cette année”. La mauvaisenouvelle doit être lue entre les lignes. Maisle fait est là : cette petite vie s’est éteinte dansle ventre de Fabiola. Le 25 juin, le Grand maré-chal de la Cour le confirme officiellement.

x La jeune aristocratemadrilène n’imaginaitcertainement pas qu’illui faudrait fréquentertous les grands dece monde.Reine depuis cinq moisà peine, elle fut reçue,pour son baptême du feu,par un grand militaire,le général de Gaulle.Qui avoua avoir étésous le charme.(PHOTO NEWS)

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LUNEMALFORMATIONPHYSIOLOGIQUE

Elle refuse l’interruptionde grossesse

À la fin de cette année 1961, c’est duBelvédère que viennent les heureusesnouvelles. La princesse Paola estenceinte. Son deuxième enfant,la princesse Astrid naîtra le 5 juin 1962.Fabiola considère cette grossesse,dans la famille, comme un signed’espoir et, de fait, les observateursremarquent, en février 1962, lors d’ungala au Théâtre du Parc que la reinetrempe à peine les lèvres dans la coupede champagne qu’on vient de lui offrir.Un signe ? Il est clair aux yeux de toutle monde que Fabiola évite d’accepterun trop grand nombre d’engagements.Tertio, une visite officielle en Grande-Bretagne, déjà reportée en 1961et remise à l’été 1962, est à nouveauretardée.Cette fois, le couple royal veut mettretoutes les chances de son côté. On faitvenir, de Suisse, un gynécologue consi-déré comme le plus grand spécialistemondial. Le professeur ramène le roi etla reine chez lui, à Lausanne. Il procèdeà des examens et il conclut à une mal-formation physiologique chez Fabiola.Le gynécologue estime qu’il existe dixchances sur cent pour que cette gros-sesse puisse être menée à terme et,même si c’était le cas, Fabiola n’aurait,selon lui, qu’une chance sur vingtde survivre à un accouchement.En Belgique, certains praticienssuggèrent à la reine une interruptionde grossesse. C’est évidemmenttotalement en dehors de ses principesreligieux. Idem pour ce qui concernele roi Baudouin.L’accouchement aura lieu spontané-ment au quatrième mois de la grosses-se. L’enfant est mort-né.

FABIOLA

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UN PAPETROP HEUREUX

Jean XXIII avait trahi le secret… et suscité un incident protocolaire

Le 24 mai 1961, cinq mois après son mariage,Fabiola appréhende un nouvel aspect de sonmétier de reine. Pas le plus difficile, certes,mais tout de même très impressionnant. Elleentre dans le gotha en suivant son mari lorsd’une visite officielle à Paris où elle est reçuepar un Général de Gaulle qui se montreratout simplement charmé.

Réception à la descente d’avion à Orly, tapisbleu et or, douze mille policiers mobilisés…Le couple belge réside au palais des Affairesétrangères. Avant le grand dîner prévu à l’in-térieur même du Louvre, Fabiola a le tempsde rejoindre, à l’hôtel Crillon, sa mère venuel’embrasser.

Le deuxième soir, le roi et la reine sont invi-tés à l’opéra et, pendant le troisième actedu Lac des Cygnes, la jeune femme est prised’un étourdissement. Baudouin la conduitdans le hall, l’aide à s’asseoir sur une banquet-te vide et, là, Fabiola lui sourit. Elle sait – ils sa-vent – l’origine du malaise…

Le lendemain, Fabiola garde la chambre etBaudouin remplit seul le programme officiel.Un communiqué des médecins fait état de co-liques néphrétiques. À Bruxelles, la rumeurcommence à circuler : la reine des Belges se-rait enceinte !

Le palais ne confirme pas.Deux semaines plus tard, le mercredi 7 juin,

deuxième voyage officiel pour le roi et la rei-ne. Et celui-ci, Fabiola ne le manquerait pourrien au monde : Rome et le Vatican. Elle, issued’une grande famille catholique d’Espagne,

a l’intention de demander au pape Jean XXIIIde bénir l’enfant qu’elle porte et de prier pourlui.

À Rome, tout le monde remarque l’extraor-dinaire pâleur de la reine belge. Les conve-nances sont même quelque peu bousculéespour elle, compte tenu de son état. Habituel-lement, les invités de marque arrivent dansles appartements papaux en montant l’esca-lier d’honneur qui part de la cour Saint-Dama-se. Baudouin et Fabiola prendront l’ascen-seur.

Dans un moment de bonheur, le pape vacommettre un impair diplomatique de tailleen confiant à des journalistes ce que le palaisde Bruxelles n’a jamais confirmé : la reine at-tend un heureux événement. Cette fois, c’estsûr ! L’information sera diffusée en Franceavant de l’être en Belgique où les représen-tants du peuple ne comprennent pas queleur roi et leur reine ne les aient pas informésen premier. Au retour du couple, le 10 juin, lePremier ministre, Théo Lefèvre, s’en sort parune déclaration manifestement embarrassée.

À partir de ce jour, Fabiola restera enferméeà Laeken. La Belgique attend l’heureux événe-ment pour le mois d’octobre. Mais le vendredi23 juin, l’agence Belga diffuse une dépêcheannonçant que l’heureux événement attendun’aurait pas lieu “cette année”. La mauvaisenouvelle doit être lue entre les lignes. Maisle fait est là : cette petite vie s’est éteinte dansle ventre de Fabiola. Le 25 juin, le Grand maré-chal de la Cour le confirme officiellement.

x La jeune aristocratemadrilène n’imaginaitcertainement pas qu’illui faudrait fréquentertous les grands dece monde.Reine depuis cinq moisà peine, elle fut reçue,pour son baptême du feu,par un grand militaire,le général de Gaulle.Qui avoua avoir étésous le charme.(PHOTO NEWS)

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LAGUERRECONTREL’AVORTEMENT

L’influence de Fabiola sur la décision historique de son mari

LLe roi des Belges est reçu par le Parlementeuropéen et il prend la parole. “Peut-être atten-dez-vous d’un des chefs d’État, qui sont les gar-diens des grandes valeurs permanentes, qu’il pla-ce l’harmonie familiale parmi les biens les plusnécessaires à l’enfance et à l’adolescence. Oui,je le fais avec une intense conviction, à unmo-ment où, en Europe, les liens matrimoniaux sontsouvent mis en question par une fausse concep-tion de la liberté.” L’éclatement des familles est,déjà en 1988, une réalité certaine dans notresociété qui, de plus en plus, légifère en ce quiconcerne l’interruption volontaire de grosses-se, l’avortement.

1988 : au sein de la Communauté européen-ne, seule l’Irlande et la Belgique résistent. No-tre pays a un roi catholique et un Premier mi-nistre, Wilfried Martens, CVP. Dans les mots deBaudouin, ce jour-là, les députés européens,qu’ils soient pour ou qu’ils soient contre, li-sent, entre les lignes, un vibrant appel à résis-ter encore. Et tout le monde sait que si la reinene se mêle guère de politique ordinaire,du choix des formateurs de gouvernementsou des informateurs, de la gestion des crisesgouvernementales, Fabiola a, par contre, uneinfluence certaine sur les conceptions philoso-phiques de son mari. Dans ce domaine com-me dans d’autres, ils sont main dans la main.

Un roi et une reine catholiques avant tout.L’un et l’autre adeptes du Renouveau charis-

matique, arrivé d’Amérique dans les annéessoixante et défendu par le pape Paul VI maisaussi par le cardinal Suenens. Pour les fidèles,ce Renouveau charismatique se définit com-me un simple retour aux origines du christia-nisme, où l’Esprit-Saint tenait une place im-portante, tel que le décrivent les Actes des Apô-tres. Le mouvement charismatique est àl’origine de nouvelles communautés chrétien-nes auxquelles, en juin 1997, la Commissiond’enquête parlementaire belge sur les sectess’est intéressée. Son rapport final ne désignaitpas les communautés comme des sectes, maisil pointait du doigt certaines pratiques.

Un discours comme celui d’avril 1988 a faitgrincer des dents dans l’hémicycle européenmais aussi au sein des mouvances politiquesbelges. Le roi et la reine des Belges ne sont pasle roi et la reine des catholiques de Belgique,mais de tous les concitoyens quels que soientleurs choix philosophiques et moraux. En l’oc-currence, aussi des divorcés et des femmesqui ont avorté.

Le débat est dans l’air et son développementbien au chaud. Le 6 novembre 1989, le Sénatadopte le projet de loi sur l’interruption vo-lontaire de grossesse. Les députés, eux, sontappelés à se prononcer dans quelques mois.

Entre l’examen de la question par nos deuxinstances, Baudouin profite de son messagede Noël pour livrer un nouveau baroud d’hon-

neur. Il commente une convention internatio-nale sur les droits de l’enfant, récemmentadoptée par les Nations-Unies et cite une Dé-claration des droits de l’enfant rédigée trenteans plus tôt : “L’enfant, en raison de sonmanquedematurité physique et intellectuelle, a besoind’une protection spéciale, de soins spéciaux, no-tamment d’une protection juridique appropriéeavant comme après sa naissance.”

Rien n’y fait. Baudouin et Fabiola perdentce combat. Le 29 mars 1990, la Chambre adop-te aussi le projet de loi. Seul un veto du roipeut empêcher la loi d’être mise en place.

Baudouin n’y songe pas. “Je comprends trèsbien qu’il ne serait pas acceptable que, par ma dé-cision, je bloque le fonctionnement de nos institu-tions démocratiques.”

Par contre, il écrit une lettre au Premier mi-nistre : “Ce projet de loi soulève enmoi un grandproblème de conscience… Serait-il normal queje sois le seul citoyen belge à être forcé d’agir con-tre sa conscience dans un domaine essentiel ? Laliberté de conscience vaut-elle pour tous sauf pourle roi ?… C’est pourquoi j’invite le gouvernementet le parlement à trouver une solution juridiquequi concilie le droit du roi de ne pas être forcéd’agir contre sa conscience et la nécessité du bonfonctionnement de la démocratie parlementaire.”

Les juristes vont trouver une pirouette quiva sidérer le pays. Le 4 avril au matin, en se ré-veillant, les Belges vont apprendre par la radioqu’ils n’ont plus de roi. Baudouin s’est déclaréen impossibilité de régner. Dans la journée,les ministres, devenus seuls responsables duRoyaume, signent la loi sur l’interruption vo-lontaire de grossesse. Le lendemain, Baudouinconstate que le motif de son incapacité à ré-gner a disparu. Dans l’après-midi, la Chambreet le Sénat réunis (pour la première fois depuisla prestation de serment de Baudouin en 1950)mettent donc fin à l’impossibilité du roi de ré-gner. 245 voix pour, 93 abstentions et pasun seul vote contre.

Mais dans le débat, quelques prises de posi-tion qui ressemblent fort à une engueuladeà l’endroit du roi. Beaucoup pensent que s’iln’y avait pas eu Fabiola aux côtés du roi, Bau-douin aurait signé. D’autres admirent cetteforce de conviction qui a animé Baudouin quiavait déclaré que même si le pape lui deman-dait d’approuver malgré tout la loi, il n’auraitpas changé d’avis. Parmi les réactions interna-tionales, celle de François Mitterrand étonneen déclarant : “Républicain en France, je n’ai ja-mais été autant monarchiste en Belgique.”D

.R.

UNE REINE À L’ÉCOLEUn intérêt énorme pour les jeunes et une croisade contre la drogue

“Vous savez que nous n’avons pas d’enfant. Longtemps, nous nous sommesinterrogés sur le sens de cette souffrance. Peu à peu, nous avons compris quenotre cœur était plus libre pour aimer tous les enfants. Absolument tous.”Cet extrait n’est pas de la bouche de Fabiola mais de celle du roi Bau-douin, lorsqu’en 1979, il s’exprimait devant un parterre de jeunesà l’occasion de l’Année de l’Enfance. Bien sûr, les mots sont du roi.Il ne fait aucun doute pour personne qu’ils reflètent surtout la penséedu couple.

Dans les faits, Fabiola, beaucoup plus que Baudouin, retenu pard’autres obligations plus économiques et sociales, a tout fait pour s’ap-procher au maximum des enfants. Pas seulement en parrainant, à l’in-tention de ceux d’entre eux qui souffrent, l’hôpital universitaire ReineFabiola, mais aussi en multipliant les visites dans les crèches, les écoles,les sections de pédiatrie des hôpitaux des villes qui la recevaient,des mouvements de jeunesse…

Pour elle, assurément, c’était une des missions qu’elle accomplis-sait avec le plus grand bonheur. Lors de ses visites d’écoles, elle n’hési-tait pas à s’asseoir à la table du réfectoire, parmi les jeunes,et à bavarder avec eux. Il lui est même arrivé de demander un sand-

wich provenant d’un distributeur automatique.À Waremme, Guy Coeme fut un des premiers en Belgique à mettre en

place un Conseil communal consultatif des enfants, géré par des 10 à12 ans. Intéressée par cette institution d’un nouveau type, Fabiola se dé-plaça pour assister à une séance.

À Gand, elle prendra le bus avec les élèves d’un collège de filles, afinde les accompagner au musée. À la fin de cette journée pas commeles autres, une des jeunes filles se souviendra de sa conversation avecFabiola : “Elle m’a parlé de la drogue. Elle m’a dit que c’était un fléau et queje devais le dire autour demoi.”

À peu près à la même époque, une association se crée en Belgique,SOS Jeunes, avec pour premier objectif de lutter contre la drogue.En éditant des brochures informatives. En organisant des colloquesqui réunissent médecins, spécialistes, psychologues et aussi des victi-mes de la drogue. La reine accordera son soutien à cette association etinvitera, chez elle, dans le palais de Laeken, des militants contre la dro-gue. Fabiola visitera aussi des centres de désintoxication. Plus tard,SOS Jeunes sera une des associations soutenues par la Fondation RoiBaudouin.

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TOUS LES ENFANTS FABIOLA

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VUNE REINE À L’ÉCOLE

Un intérêt énorme pour les jeunes et une croisade contre la drogue

“Vous savez que nous n’avons pas d’enfant. Longtemps, nous nous sommesinterrogés sur le sens de cette souffrance. Peu à peu, nous avons compris quenotre cœur était plus libre pour aimer tous les enfants. Absolument tous.”Cet extrait n’est pas de la bouche de Fabiola mais de celle du roi Bau-douin, lorsqu’en 1979, il s’exprimait devant un parterre de jeunesà l’occasion de l’Année de l’Enfance. Bien sûr, les mots sont du roi.Il ne fait aucun doute pour personne qu’ils reflètent surtout la penséedu couple.

Dans les faits, Fabiola, beaucoup plus que Baudouin, retenu pard’autres obligations plus économiques et sociales, a tout fait pour s’ap-procher au maximum des enfants. Pas seulement en parrainant, à l’in-tention de ceux d’entre eux qui souffrent, l’hôpital universitaire ReineFabiola, mais aussi en multipliant les visites dans les crèches, les écoles,les sections de pédiatrie des hôpitaux des villes qui la recevaient,des mouvements de jeunesse…

Pour elle, assurément, c’était une des missions qu’elle accomplis-sait avec le plus grand bonheur. Lors de ses visites d’écoles, elle n’hési-tait pas à s’asseoir à la table du réfectoire, parmi les jeunes,et à bavarder avec eux. Il lui est même arrivé de demander un sand-

wich provenant d’un distributeur automatique.À Waremme, Guy Coeme fut un des premiers en Belgique à mettre en

place un Conseil communal consultatif des enfants, géré par des 10 à12 ans. Intéressée par cette institution d’un nouveau type, Fabiola se dé-plaça pour assister à une séance.

À Gand, elle prendra le bus avec les élèves d’un collège de filles, afinde les accompagner au musée. À la fin de cette journée pas commeles autres, une des jeunes filles se souviendra de sa conversation avecFabiola : “Elle m’a parlé de la drogue. Elle m’a dit que c’était un fléau et queje devais le dire autour demoi.”

À peu près à la même époque, une association se crée en Belgique,SOS Jeunes, avec pour premier objectif de lutter contre la drogue.En éditant des brochures informatives. En organisant des colloquesqui réunissent médecins, spécialistes, psychologues et aussi des victi-mes de la drogue. La reine accordera son soutien à cette association etinvitera, chez elle, dans le palais de Laeken, des militants contre la dro-gue. Fabiola visitera aussi des centres de désintoxication. Plus tard,SOS Jeunes sera une des associations soutenues par la Fondation RoiBaudouin.

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SESPRINCIPAUX COMBATSContre la pauvreté, pour l’enfance, et en faveur de la santé mentale

LLe mariage date du 15 décembre 1960.Le 30 janvier 1961, le roi et la reine assistentles victimes des inondations dans la régionde Charleroi. Le 3 février, ils sont à Jupille oùun terril a glissé, écrasant plusieurs maisons.Le 15 février, près de Zaventem, un Boeing s’estécrasé, faisant 73 morts dont un agriculteurqui a été surpris pendant son travail, au sol.

Devenue reine, Fabiola n’a pas tardé à com-prendre qu’en Belgique comme ailleurs,des pauvres, des malades, des victimes d’acci-dents avaient besoin d’aide. Elle imagineraun secrétariat social qu’elle inaugura dansles trois mois : le 17 mai 1961. Par la suite,ils ont été très nombreux à écrire à la reinepour obtenir son intervention, son appui,son parrainage, son arbitrage. Dix mille let-tres par an, a-t-on estimé.

En cinquante ans, les Belges ont eu l’occa-sion de s’habituer à cette structure ainsi miseen place. Elle en est devenue presque norma-le, presque banale. Sait-on seulementqu’après cinq mois en place, Fabiola fut lapremière reine à initier un secrétariat social ?Ce fut certainement sa plus grande œuvre.

Fabiola fait engager un directeur pour ceservice nouveau, ainsi que quatre secrétairesparfaitement bilingues et un autre qui prati-que la langue espagnole. Le secrétariat socialoctroie une aide financière aux personnes enprofonde détresse, met d’autres personnesen difficulté en relation avec des organismespublics ou privés susceptibles de les aider,

adresse un courrier auprès d’une instanceafin d’appuyer une requête, comme parexemple un ministère ou un CPAS.

Par contre, hors de question d’intervenirpour une demande d’engagement ou de pro-motion ou de prendre parti dans des conflits.De même, le secrétariat social ne fonctionnaitqu’au départ d’un courrier. Lorsque des genss’adressaient à la reine en direct, lors parexemple d’une visite royale, pour lui fairepart de leur misère ou d’un problème, la ré-ponse habituelle de Fabiola était : “J’en parle-rai au roi.” C’était une forme de consolationqui était suivie d’effets. Car Fabiola en parlaitréellement à son mari.

Auprès de ses proches, Fabiola passe pourune femme dotée d’une mémoire prodigieu-se. À l’instar de son mari, elle se documenteavant chaque visite et connaît ses dossiers.Plusieurs personnes ont été frappées, en larencontrant pour la deuxième fois, de retrou-ver, dans la conversation, des détails relatifsà leur première rencontre, fut-elle anciennede quelques années.

Son secrétariat social ne fut pas l’unique or-ganisme imaginé par Fabiola. À partir de 1963,Fabiola s’intéresse particulièrement au sortdes handicapés mentaux. C’est l’année de lacréation du Centre Reine Fabiola, qui a acquisune renommée internationale.

À Neufvilles, près de Soignies, le Centre Rei-ne Fabiola accueille 400 adultes atteints dedéficience mentale. Parfois légère, parfois

profonde. Le Centre les héberge et leur procu-re encadrement, occupation et travail.

Dans le prolongement de cette action, uneFondation Nationale Reine Fabiola a été crééeen 2004, afin de soutenir des actions en fa-veur des handicapés mentaux. À Ophain, leVillage Numéro Un Reine Fabiola a été imagi-né dans le même esprit. À l’époque de sa créa-tion, les handicapés mentaux étaient, le plussouvent, pris en charge jusqu’à l’âge de 21 ans,mais il n’existait pas grand-chose pourles adultes. Les parents se demandaientce que leurs enfants deviendraient après leurdisparition. Un centre comme celui d’Ophaina eu, entre autre, l’avantage de les rassurer.

Progressivement, le secrétariat social de Fa-biola a évolué et est devenu une asbl, Œuvresde la reine Fabiola, dans le but d’améliorerles conditions de vie des plus défavorisés, enintervenant par des aides ponctuelles ou ensoutenant des projets de lutte contre la pau-vreté et en mettant des moyens à la disposi-tion d’initiatives visant le développement mé-dical, social et pédagogique. Depuis des an-nées, une aide récurrente est assurée dansdeux domaines : celui de la dyslexie et celuide la lutte contre la traite des êtres humains.

La reine Fabiola a encouragé aussi diversesœuvres médico-sociales liées à l’enfance.À Laeken, l’hôpital universitaire des enfantsReine Fabiola, inauguré en 1986, est entière-ment réservé à la médecine des enfants.Avec 168 lits, il accueille 11.000 enfants par an.

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ELLE A PASSÉ UNE NUITDE NOËL… EN PRISON !

Elle a offert une bible aux détenus

Les lecteurs de La Libre Belgique connaissent Xavier Zeegers qui estun de ses fidèles chroniqueurs. Il fut aussi aussi, pendant neuf ans, se-crétaire du service psycho-social de la prison de Forest. Et il a vécu unsoir de Noël 2006 pas comme les autres qu’il nous a raconté au lende-main de la disparition de la reine Fabiola.

Ce soir-là la reine a assisté, en toute discrétion, à la messe de Noël di-te à 18 heures 30, par le père Tommy Scholtes, sj, dans l’enceinte del’établissement pénitentiaire. Xavier Zeegers se souvient de la simplici-té avec laquelle Fabiola a chanté “avec tout le monde, parmi tout le mon-de”.

À la sortie de la chapelle, raconte-t-il, la reine a salué chacun, mem-bres du personnel et détenus, et a offert une bible en format poche àtous ceux qui l’avaient entourée. Plusieurs détenus étaient boulever-sés, certains se sont mis spontanément à genoux mais la reine leur adit : “Non, non, surtout pas, restez debout que je puisse vous voir”.

Aujourd’hui, notre témoin se dit qu’à l’instar de son mari, qui n’apas hésité à aller à la rencontre de prostituées en détresse, la reine Fa-biola a certainement mutiplié les rencontres audacieuses, en toute dis-crétion. M. Zeegers n’a pas oublié non plus les traits d’humour de la vi-siteuse d’un soir. “Il y avait des voitures dans la cour”, se rappelle-t-il,“dont la sienne qui était assez grande et celle de son escorte”. Je l’entends

nous dire : “Oups, voilà que j’ai provoqué un embouteillagemaintenant”.Mais le plus émouvant est la scène qui s’est déroulée après l’office.

“La reine Fabiola est venueme voir dansmon bureau et m’a demandé ceque nous faisions. Je le lui ai expliqué. Aumoment de partir, elle m’a souhai-té une bonne année. Je ne sais pas ce qui m’a pris, mais je lui ai répondudu tac au tac : “Madame, je ne crois pas que ce sera une bonne année.”Pourquoi donc ? Dites-moi”, m’a-t-elle dit. “Ma sœur a un cancer. Je crains dela perdre l’année prochaine…” Elle m’a regardé droit dans les yeux, avec unregard d’empathie que je n’oublierai jamais. Pendant quelques secondes, lesilence. J’étais au bord des larmes. Elle m’a tendu ses deux bras, ouvrant sesdeuxmains qu’elle amises dans les miennes.” Et elle m’a demandé de par-ler de ma soeur, ce qu’elle m’a laissé faire pendant plusieurs minutesavant de me dire : “Je vais prier pour elle. Promis, je vais maintenant la por-ter dansmon cœur. Dites le lui, dès ce soir, qu’elle sache que je ne l’oublieraipas. Je vais à l’eucharistie chaquematin et elle sera dansmes intentions deprière.” Et Xavier Zeegers de conclure : “La reine Fabiola a été un rayon deNoël, mon rayon de Noël. Depuis cette rencontre, le souvenir de la reine Fa-biola est associé pour moi à celui dema sœur. On a dit la reine bigote.Je n’en crois rien. Mais elle croyait en une vie après. Et vendredi, quand j’aiappris la nouvelle, j’ai pensé spontanément : si cela se trouve, elle vient deretrouver son bien-aimé. Comme ce doit être un grand jour pour elle.”

SON ŒUVRE FABIOLA

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ELLE A PASSÉ UNE NUITDE NOËL… EN PRISON !

Elle a offert une bible aux détenus

Les lecteurs de La Libre Belgique connaissent Xavier Zeegers qui estun de ses fidèles chroniqueurs. Il fut aussi aussi, pendant neuf ans, se-crétaire du service psycho-social de la prison de Forest. Et il a vécu unsoir de Noël 2006 pas comme les autres qu’il nous a raconté au lende-main de la disparition de la reine Fabiola.

Ce soir-là la reine a assisté, en toute discrétion, à la messe de Noël di-te à 18 heures 30, par le père Tommy Scholtes, sj, dans l’enceinte del’établissement pénitentiaire. Xavier Zeegers se souvient de la simplici-té avec laquelle Fabiola a chanté “avec tout le monde, parmi tout le mon-de”.

À la sortie de la chapelle, raconte-t-il, la reine a salué chacun, mem-bres du personnel et détenus, et a offert une bible en format poche àtous ceux qui l’avaient entourée. Plusieurs détenus étaient boulever-sés, certains se sont mis spontanément à genoux mais la reine leur adit : “Non, non, surtout pas, restez debout que je puisse vous voir”.

Aujourd’hui, notre témoin se dit qu’à l’instar de son mari, qui n’apas hésité à aller à la rencontre de prostituées en détresse, la reine Fa-biola a certainement mutiplié les rencontres audacieuses, en toute dis-crétion. M. Zeegers n’a pas oublié non plus les traits d’humour de la vi-siteuse d’un soir. “Il y avait des voitures dans la cour”, se rappelle-t-il,“dont la sienne qui était assez grande et celle de son escorte”. Je l’entends

nous dire : “Oups, voilà que j’ai provoqué un embouteillagemaintenant”.Mais le plus émouvant est la scène qui s’est déroulée après l’office.

“La reine Fabiola est venueme voir dansmon bureau et m’a demandé ceque nous faisions. Je le lui ai expliqué. Aumoment de partir, elle m’a souhai-té une bonne année. Je ne sais pas ce qui m’a pris, mais je lui ai répondudu tac au tac : “Madame, je ne crois pas que ce sera une bonne année.”Pourquoi donc ? Dites-moi”, m’a-t-elle dit. “Ma sœur a un cancer. Je crains dela perdre l’année prochaine…” Elle m’a regardé droit dans les yeux, avec unregard d’empathie que je n’oublierai jamais. Pendant quelques secondes, lesilence. J’étais au bord des larmes. Elle m’a tendu ses deux bras, ouvrant sesdeuxmains qu’elle amises dans les miennes.” Et elle m’a demandé de par-ler de ma soeur, ce qu’elle m’a laissé faire pendant plusieurs minutesavant de me dire : “Je vais prier pour elle. Promis, je vais maintenant la por-ter dansmon cœur. Dites le lui, dès ce soir, qu’elle sache que je ne l’oublieraipas. Je vais à l’eucharistie chaquematin et elle sera dansmes intentions deprière.” Et Xavier Zeegers de conclure : “La reine Fabiola a été un rayon deNoël, mon rayon de Noël. Depuis cette rencontre, le souvenir de la reine Fa-biola est associé pour moi à celui dema sœur. On a dit la reine bigote.Je n’en crois rien. Mais elle croyait en une vie après. Et vendredi, quand j’aiappris la nouvelle, j’ai pensé spontanément : si cela se trouve, elle vient deretrouver son bien-aimé. Comme ce doit être un grand jour pour elle.” x ( )

FABIOLA

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PASDE DIVORCÉS DANSSA MAISONLes petits secrets de son quotidien

CCela n’étonnera personne : dans le privé, loindes caméras, Baudouin était aussi attentif àson épouse et affectueux qu’on l’a vu, sur lesimages, à la télévision. Manifestement, c’étaitréciproque. Par les amis du couple et quelquesgentilles indiscrétions, on a su que, lorsque Fa-biola s’adressait à lui, c’était par quelquesmots doux tout à fait communs : Amour, Chéri,Trésor, Darling…

À l’inverse, lorsqu’elle parlait de son mari àquelqu’un d’autre, qu’il soit un simple citoyencroisé au hasard d’une visite royale, ou unautre chef d’État, elle disait toujours “le Roi”.Sans exception.

Le couple était inséparable. Mais pas un cou-ple siamois pour la cause. Il arrivait à Fabiolade prendre sa voiture (une petite voiture)pour sortir seule du palais ou de prendre letrain pour aller saluer sa mère, à l’époque oùelle vivait encore dans l’appartement familialde la rue d’Artois, à Paris. Appartement dontFabiola fut l’héritière, à la mort de Dona Blan-ca, le 16 novembre 1981.

Fabiola était âgée de 32 ans lorsqu’elle épou-sa le roi des Belges. Elle avait passé l’âge desgrandes fantaisies et c’est peut-être pour celaqu’une fois le couple installé, il n’y eut plus ja-mais, comme auparavant, de grand bal à laCour. À une exception : pour les 18 ans dela princesse Astrid.

Parmi les passions de la reine, la lecture,l’opéra et la musique. Parmi ses auteurs préfé-rés, Hemingway et Racine. Et chez les contem-porains, l’écrivain espagnol Gregorio Mara-non.

Sur le plan musical, la reine avait, semble-t-il, une préférence pour Chopin et particulière-ment ses Nocturnes. Elle aimait les jouer elle-même au piano.

La chanson l’intéressait aussi et ce n’est pasun hasard si Julos Beaucarne fut invité à chan-ter à la cérémonie des funérailles du roi Bau-douin. Le couple royal et le chanteur de terroirs’étaient rencontrés dans le village de Julos,à Tourinnes-la-Grosse où Baudouin et Fabiolaétaient venus assister, lors de la fête de laSaint-Martin, à une représentation des Mystè-res religieux par les habitants du village. Il arri-vait à Fabiola et à Julos Beaucarne de s’écrire.

Dans les appartements privés du châteaude Laeken, le couple royal accueillait régulière-ment quelques amis proches. Les invitationscessaient du jour au lendemain si un de ces in-times venait à divorcer. Pas de divorcés chezBaudouin et Fabiola.

Pas (ou peu) de socialistes non plus parmiles collaborateurs les plus proches. HermanLiebars, Grand Maréchal de la Cour, dévoué àla famille royale mais socialiste notoire, fut re-

mercié soudainement et il a toujours été con-vaincu que ce fut sur l’avis de la reine.

Cela valut quelques détracteurs à Fabiolaqui l’accusaient d’influencer le roi et d’utiliserson titre pour promouvoir la religion catholi-que.

Cette forme d’intolérance semble avoir di-minué avec le temps et surtout avec le décèsdu roi. Le 31 juillet 1994, pour le souvenirdu premier anniversaire de cette mort, Fabiolaorganisa, en la cathédrale de Bruxelles, un ser-vice religieux œcuménique avec des autoritésdes églises orthodoxes, juives, islamiques et

aussi des représentants des agnostiques.Après avoir été montrée du doigt commeune reine des catholiques de Belgique, ellevoulait que le pays se souvienne de Baudouincomme d’un roi de tous les Belges.

Mais la publication, en 1995, d’un journal in-time du roi Baudouin fut aussi accompagnéede commentaires controversés. Certains repro-chaient à Fabiola d’avoir autorisé cette publi-cation très imprégnée de valeurs chrétienneset plus particulièrement encore charismati-ques, au sens du Renouveau s’entend. Le Palaisroyal n’apprécia pas davantage l’initiative.

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UNE MESSE CHAQUE JOURMême en Union Soviétique. Sous le regard de Lénine et de Staline…

Pour Fabiola, la messe était un rite sacré etquotidien. Jusqu’à la fin, elle a assisté à l’officechaque jour de sa vie, même lorsque ses forcesl’abandonnèrent. Jusqu’en 1993, ce fut en com-pagnie du roi Baudouin.

Comme le couple participa à de nombreuxdéplacements officiels et visites d’État, cetteexigence frôla parfois l’incident diplomatique.En novembre 1975, Moscou était encore la capi-tale d’un régime soviétique qui persécutait leculte religieux. Le couple belge y était accueilliet Fabiola avait emmené son chapelain afind’être assurée d’entendre la messe au moinsle dimanche. Et ce dimanche-là, la délégationbelge se trouvait dans une ville lointaine, Tach-kent.

Une grosse maison fut mise à la dispositiondu chapelain et du couple royal. Mais derrièrel’autel improvisé, Baudouin, Fabiola et le célé-brant avaient dû accepter des portraits de Lé-nine et de Staline. Ce fut sans doute l’office re-ligieux le plus surréaliste de la vie du couple.

À Mexico, par contre, il existe suffisammentd’églises et de ferveur pour retrouver le ryth-me de la messe quotidienne. Sauf qu’en semai-ne, les enfants de chœur sont à l’école. Si bienque l’ambassadeur de Belgique, Max Wéry,se proposa comme acolyte : il l’avait été danssa jeunesse. Il avait partiellement oublié le ri-tuel et s’en était sorti en usant et surtout enabusant de ses clochettes. Très amusée, Fabio-la lui fit, à la sortie de l’église, un complimentchargé de son humour bien à elle : “Vous n’êtespas seulement un ambassadeur, mais un vérita-ble carillon.”

Le voyage qu’elle attendait entre tous sedéroula en 1964 : Israël. Le couple y inauguraitla forêt Baudouin qui, aujourd’hui, compte23.000 arbres. Mais surtout, Baudouinet Fabiola savouraient l’occasion de se trouveren Terre Sainte et de faire un pèlerinage à Jéru-salem.

Ce voyage succédait à un autre, en Inde, où

nos souverains avaient visité la léproserie dePollambakan, dirigée par un médecin belge,le docteur Hemelrijckx. Fabiola avait encoura-gé quelques femmes atteintes par cette terri-ble maladie. Plus tard, elle devait accepter laprésidence d’honneur de la Fondation Da-mien puis de l’Action Damien, où c’est désor-mais la princesse Astrid qui la remplace.

En Belgique, la reine catholique était fortproche d’un saint homme, une espèce d’abbéPierre belge, l’abbé Edouard Froidure. Un jour,Fabiola lui demanda pourquoi il revêtait tou-jours sa plus belle soutane, en soie noire, lors-qu’il se rendait dans des taudis. La reine a sou-vent raconté qu’elle avait été marquée parla réponse du prêtre : “C’est pour faire honneuraux pauvres, Madame.”

On sait aussi l’amitié personnelle que lecouple royal entretenait avec le pape Jean-PaulII. Baudouin et Fabiola ont régulièrementpartagé le petit-déjeuner papal, notammentdans sa résidence de campagne, à Castel Gan-dolfo. Et quelques mois après la mort du roi,Fabiola fit encore un bref séjour à Rome,assistant à la messe du pape, dite au tout petitmatin dans sa chapelle privée. Lorsqu’il vint,pour la deuxième en Belgique, en 1995,le pape eut des mots pour elle et pour son dé-funt mari, rappelant le combat que le couplebelge avait mené pour s’opposer à la libertéd’avorter.

Fabiola fut également assez proche du papeBenoît XVI. On se souvient de ce mercredi12 avril 2006, quelques jours avant Pâques,où elle s’est rendue à Rome pour y assister àl’audience générale du pape, sur la place Saint-Pierre. Comme le veut le protocole, en tantque reine catholique, Fabiola était vêtue deblanc et portait une mantille. Elle était venueseule parce qu’elle n’avait pas eu l’occasiond’accompagner, deux semaines plus tôt, le res-te de la famille royale qui avait été reçu, parBenoît XVI, en audience privée.

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LESPETITESHABITUDESDUCOUPLE

Fabiola jouait du piano,de la guitare

et aussi de la clarinette

Du temps où Baudouin était roi, il avaitson bureau de travail au Palais de Bruxelles.La reine Fabiola y avait installé aussi son se-crétariat social mais, personnellement, ellepréférait travailler à Laeken. Dès l’instantoù ils se retrouvaient, après une journéede travail, le couple ne quittait quasimentjamais le château de Laeken. Promenadesdans le parc, lectures ou discussions s’agré-mentaient des visites régulières des pro-ches ou de la famille. Les contacts étaientfréquents, surtout avec le prince Philippedont on sait que Baudouin et Fabiola le cou-vèrent et le formèrent véritablementau métier de roi.En 1985, aux éditions Duculot, Henri VanDaele publiait un livre, Sire, Une année de lavie de la famille royale belge, qui en disait unpeu plus sur la vie au quotidien du coupleroyal lorsqu’il était au faîte de son règne. Ony montrait Fabiola jouant du piano et le roi,debout à ses côtés. À l’époque de son ma-riage, la reine était déjà une excellente pia-niste, mais elle maniait avec autant de plai-sir la guitare espagnole et… la clarinette.La musique fut sa vraie passion. Ce fut unbonheur, pour elle, de présider, entre 1966et 2013, le Concours Reine Élisabeth.Pour rester en contact avec la réalité quoti-dienne, Fabiola écoutait beaucoup la radio,surtout lorsqu’elle se déplaçait en voiture.Fabiola et Baudouin appréciaient le cinémamais ce n’est qu’à l’étranger qu’ils pou-vaient bénéficier de l’intimité des sallesobscures. Idem pour les offices religieux.Baudouin et Fabiola assistaient à la messeà l’intérieur même du palais de Laeken,mais à l’étranger, ils entraient anonyme-ment dans les églises paroissiales.Il leur arrivait occasionnellement de sortirpour aller, comme tout un chacun, fairedes achats. Le roi et la reine ne payaient ja-mais : pour des raisons protocolaires, le roin’avait pas d’argent sur lui et, dans les se-condes qui suivaient son départ, un collabo-rateur réglait l’addition. Il a toujours étéhors de question, pour le roi, d’acceptergratuitement les achats souhaités. Sou-vent, les commerçants le proposaient, sou-haitant faire ainsi un cadeau au roi et à lareine. Le roi ne payait pas lui-même, maisle Palais payait toujours en son nom.Les week-ends se déroulaient tranquillesau château de Ciergnon ou dans le domaineroyal d’Opgrimbie, une région paisible etchampêtre du Limbourg. Pour les vacances,le choix se portait sur l’Espagne et sur Mo-tril où le couple royal possédait une pro-priété, la villa Astrida, là même où le roi estdécédé…

SA FAÇON DE VIVRE

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PUNE MESSE CHAQUE JOUR

Même en Union Soviétique. Sous le regard de Lénine et de Staline…

Pour Fabiola, la messe était un rite sacré etquotidien. Jusqu’à la fin, elle a assisté à l’officechaque jour de sa vie, même lorsque ses forcesl’abandonnèrent. Jusqu’en 1993, ce fut en com-pagnie du roi Baudouin.

Comme le couple participa à de nombreuxdéplacements officiels et visites d’État, cetteexigence frôla parfois l’incident diplomatique.En novembre 1975, Moscou était encore la capi-tale d’un régime soviétique qui persécutait leculte religieux. Le couple belge y était accueilliet Fabiola avait emmené son chapelain afind’être assurée d’entendre la messe au moinsle dimanche. Et ce dimanche-là, la délégationbelge se trouvait dans une ville lointaine, Tach-kent.

Une grosse maison fut mise à la dispositiondu chapelain et du couple royal. Mais derrièrel’autel improvisé, Baudouin, Fabiola et le célé-brant avaient dû accepter des portraits de Lé-nine et de Staline. Ce fut sans doute l’office re-ligieux le plus surréaliste de la vie du couple.

À Mexico, par contre, il existe suffisammentd’églises et de ferveur pour retrouver le ryth-me de la messe quotidienne. Sauf qu’en semai-ne, les enfants de chœur sont à l’école. Si bienque l’ambassadeur de Belgique, Max Wéry,se proposa comme acolyte : il l’avait été danssa jeunesse. Il avait partiellement oublié le ri-tuel et s’en était sorti en usant et surtout enabusant de ses clochettes. Très amusée, Fabio-la lui fit, à la sortie de l’église, un complimentchargé de son humour bien à elle : “Vous n’êtespas seulement un ambassadeur, mais un vérita-ble carillon.”

Le voyage qu’elle attendait entre tous sedéroula en 1964 : Israël. Le couple y inauguraitla forêt Baudouin qui, aujourd’hui, compte23.000 arbres. Mais surtout, Baudouinet Fabiola savouraient l’occasion de se trouveren Terre Sainte et de faire un pèlerinage à Jéru-salem.

Ce voyage succédait à un autre, en Inde, où

nos souverains avaient visité la léproserie dePollambakan, dirigée par un médecin belge,le docteur Hemelrijckx. Fabiola avait encoura-gé quelques femmes atteintes par cette terri-ble maladie. Plus tard, elle devait accepter laprésidence d’honneur de la Fondation Da-mien puis de l’Action Damien, où c’est désor-mais la princesse Astrid qui la remplace.

En Belgique, la reine catholique était fortproche d’un saint homme, une espèce d’abbéPierre belge, l’abbé Edouard Froidure. Un jour,Fabiola lui demanda pourquoi il revêtait tou-jours sa plus belle soutane, en soie noire, lors-qu’il se rendait dans des taudis. La reine a sou-vent raconté qu’elle avait été marquée parla réponse du prêtre : “C’est pour faire honneuraux pauvres, Madame.”

On sait aussi l’amitié personnelle que lecouple royal entretenait avec le pape Jean-PaulII. Baudouin et Fabiola ont régulièrementpartagé le petit-déjeuner papal, notammentdans sa résidence de campagne, à Castel Gan-dolfo. Et quelques mois après la mort du roi,Fabiola fit encore un bref séjour à Rome,assistant à la messe du pape, dite au tout petitmatin dans sa chapelle privée. Lorsqu’il vint,pour la deuxième en Belgique, en 1995,le pape eut des mots pour elle et pour son dé-funt mari, rappelant le combat que le couplebelge avait mené pour s’opposer à la libertéd’avorter.

Fabiola fut également assez proche du papeBenoît XVI. On se souvient de ce mercredi12 avril 2006, quelques jours avant Pâques,où elle s’est rendue à Rome pour y assister àl’audience générale du pape, sur la place Saint-Pierre. Comme le veut le protocole, en tantque reine catholique, Fabiola était vêtue deblanc et portait une mantille. Elle était venueseule parce qu’elle n’avait pas eu l’occasiond’accompagner, deux semaines plus tôt, le res-te de la famille royale qui avait été reçu, parBenoît XVI, en audience privée.

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S LE CONCOURSMUSICAL ENHÉRITAGE/OKElle fut une mélomanepassionnée

Pendant cinq ans, Fabiola ne fut pas l’uni-que reine en Belgique. La veuve du roi Al-bert Ier, Elisabeth, née princesse de Bavièreet filleule de la légendaire Sissi, était âgéede 83 ans lors du mariage de Baudouin etde Fabiola.Le couple belge écourta une visite officielleen Amérique du Sud lorsque des bulletinsde santé alarmants firent craindre pour lesjours de la vieille reine. Le 16 novembre1965, l’avion royal atterrissait à Zaventem.Une semaine plus tard, le 23, le cœur d’Eli-sabeth flanchait. Baudouin décréta un deuilnational. Fabiola, mélomane avertie, héritade son Concours musical Reine Elisabethqui, lors de son lancement, en 1937, s’appe-lait Concours Eugène Ysaye.La reine Fabiola a supervisé cette organisa-tion à partir de 1966 et jusqu’après l’éditionde 2013. Alors, la reine Mathilde a repris leflambeau.Fabiola a notamment assisté, en 1988, àl’ouverture au chant de ce concours qui,jusqu’alors, était réservé, une année surdeux, aux pianistes et aux violonistes. Lareine est aussi intervenue pour corriger cequi lui paraissait une forme de cruauté :à sa demande, on a cessé de proclamer lesrésultats de la finale du premier au dernierclassé. Même si les tenants de la traditionfaisaient valoir que le douzième, en finale,était, en réalité, douzième sur près de deuxcents candidats, on ne proclame aujour-d’hui que les six premiers du Concours.Et le premier prix du Concours musical in-ternational Reine Elisabeth porte à présentle nom de prix Reine Fabiola.Un Concours International Reine Fabiolaexiste aussi, à Malines, mais il est réservé…aux carillonneurs. Ce concours a été crééen 1987, a lieu tous les cinq ans, et il estconsidéré comme le plus important de songenre. Les participants viennent du mondeentier.

LESPETITESHABITUDESDUCOUPLE

Fabiola jouait du piano,de la guitare

et aussi de la clarinette

Du temps où Baudouin était roi, il avaitson bureau de travail au Palais de Bruxelles.La reine Fabiola y avait installé aussi son se-crétariat social mais, personnellement, ellepréférait travailler à Laeken. Dès l’instantoù ils se retrouvaient, après une journéede travail, le couple ne quittait quasimentjamais le château de Laeken. Promenadesdans le parc, lectures ou discussions s’agré-mentaient des visites régulières des pro-ches ou de la famille. Les contacts étaientfréquents, surtout avec le prince Philippedont on sait que Baudouin et Fabiola le cou-vèrent et le formèrent véritablementau métier de roi.En 1985, aux éditions Duculot, Henri VanDaele publiait un livre, Sire, Une année de lavie de la famille royale belge, qui en disait unpeu plus sur la vie au quotidien du coupleroyal lorsqu’il était au faîte de son règne. Ony montrait Fabiola jouant du piano et le roi,debout à ses côtés. À l’époque de son ma-riage, la reine était déjà une excellente pia-niste, mais elle maniait avec autant de plai-sir la guitare espagnole et… la clarinette.La musique fut sa vraie passion. Ce fut unbonheur, pour elle, de présider, entre 1966et 2013, le Concours Reine Élisabeth.Pour rester en contact avec la réalité quoti-dienne, Fabiola écoutait beaucoup la radio,surtout lorsqu’elle se déplaçait en voiture.Fabiola et Baudouin appréciaient le cinémamais ce n’est qu’à l’étranger qu’ils pou-vaient bénéficier de l’intimité des sallesobscures. Idem pour les offices religieux.Baudouin et Fabiola assistaient à la messeà l’intérieur même du palais de Laeken,mais à l’étranger, ils entraient anonyme-ment dans les églises paroissiales.Il leur arrivait occasionnellement de sortirpour aller, comme tout un chacun, fairedes achats. Le roi et la reine ne payaient ja-mais : pour des raisons protocolaires, le roin’avait pas d’argent sur lui et, dans les se-condes qui suivaient son départ, un collabo-rateur réglait l’addition. Il a toujours étéhors de question, pour le roi, d’acceptergratuitement les achats souhaités. Sou-vent, les commerçants le proposaient, sou-haitant faire ainsi un cadeau au roi et à lareine. Le roi ne payait pas lui-même, maisle Palais payait toujours en son nom.Les week-ends se déroulaient tranquillesau château de Ciergnon ou dans le domaineroyal d’Opgrimbie, une région paisible etchampêtre du Limbourg. Pour les vacances,le choix se portait sur l’Espagne et sur Mo-tril où le couple royal possédait une pro-priété, la villa Astrida, là même où le roi estdécédé…

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PLE ROI LISAIT;LAREINE PRÉPARAIT

LEREPAS DUSOIR31 juillet 1993. Depuis dix jours, ils se trouvaient en vacancesen Espagne lorsque Baudouin est mort d’une crise cardiaque

LLe roi Baudouin n’avait jamais eu une trèsbonne santé. Sa vie durant, il endura surtoutde terribles douleurs au dos qu’il dut parfoisaffronter au cours de certaines visites d’État.On n’en meurt pas, dit-on. Mais la douleur,ça vous fait pomper le cœur. Et dès 1985, pre-mière alerte et le diagnostic faisait étatd’une arythmie cardiaque. À l’époque, l’in-formation fut tenue secrète.

À partir de 1991, les choses vont se précipi-ter. Durant l’été de cette année-là, le roi estopéré de la prostate aux cliniques universi-taires Saint-Luc. Le mot cancer est prononcé.Mais il semble que ce soit une fausse infor-mation. Le roi a parlé d’une épreuve trèsdouloureuse. Il s’agissait probablement plu-tôt d’une hypertrophie de la prostate.

Quelques mois plus tard, les choses sontplus sérieuses. Le roi est terriblement fati-gué mais, surtout, il manifeste des essouffle-ments rapides et anormaux. Le syndrome deBarlow : le sang ne reflue pas normalementau niveau du cœur. Un spécialiste mondialde cette maladie, Alain Carpentier, va opérerBaudouin, à l’hôpital Broussais, à Paris. Quel-ques jours en soins intensifs, trois semainesd’hospitalisation et une visite d’État annuléeau pays de la reine Astrid, mère de Bau-douin, la Suède.

Hasard des calendriers, la prochaine visite

d’État est pour Paris, en fin novembre 1992.À François Mitterrand, Fabiola dira : “Mon-sieur, je suis si heureuse d’être ici et si recon-naissante à la France d’avoir sauvé le roi, voiciquelques mois. Je ne l’oublierai jamais.”

Tout le monde pense que le roi Baudouinquitte l’hôpital avec un cœur comme neuf.L’année 1993 est celle de ses 63 ans. La FêteNationale du 21 juillet est un énorme succès.Chacun ignore que son discours, ce jour-là,sera son dernier acte officiel.

Comme d’habitude, dès que la fête du21 juillet s’éteint, le couple royal prend sesvacances dans sa propriété andalouse deMotril. Baudouin s’y montre joyeux.Le 31 juillet est une journée de très forteschaleurs. Le roi et la reine adoptent le far-niente. Tout au plus, l’après-midi, Baudouinpasse quelques heures dans son bureau.Le soir, il s’installe dans un transat, sur la ter-rasse. Il a un livre à la main. Fabiola prépareelle-même le repas du soir. Vers 21 heures 30,elle invite son époux à passer à table. Il ne ré-pond pas. Elle s’approche de lui. Le livre està terre. Le roi reste sans réaction. Fabiola faitappeler aussitôt un spécialiste des problè-mes cardiaques. Mais le roi est mort. La nou-velle sera communiquée le 1er août à 0 h 30.Ceux qui ont vécu ces jours-là ne les ont pasoubliés.

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SA MAINDANS CELLE

DE PAOLALa reine en blanc

aux funérailles de son /mari

Personne ne l’a oublié : la reine était vêtue de blancpour les funérailles de son mari, le 7 août 1993, enla cathédrale Saints-Michel-et-Gudule. Même si cetteapparition, dans une telle couleur, était totalementinattendue, elle fut unanimement appréciée. Com-me si le symbole de cette couleur blanche, dansla tradition catholique, était reçu par tout le mon-de : le symbole d’une éternelle renaissance.

Comme toute épouse perdant son mari, Fabiolaa terriblement souffert. Il avait été un mari si préve-nant, multipliant, comme chacun le sait, les gesteset les témoignages de tendresse. En outre, aprèstrente-trois ans de mariage, Baudouin et elle avaientété si peu souvent séparés. De temps en temps, sur-tout du vivant de sa mère, Fabiola se rendait seuleà Paris.

De sa vie, Baudouin n’avait fait qu’un seul voyageofficiel sans son épouse : en Arabie Saoudite. Il avaitestimé que les exigences protocolaires de ce paysà l’égard des femmes manquaient de respect.

Et une fois, en 1975, il était venu sans elle à unemanifestation officielle (un gala de la presse). Maisc’était parce que Fabiola se remettait d’une opéra-tion, une ablation de la vésicule biliaire.

Les premiers jours après la mort de son mari,on ne voyait pas la reine sans une paire de lunettesfoncées destinée à masquer les sillons creusés dansson visage par les larmes.

Après, il y eut cette formidable ferveur populaire.On s’y attendait certes. Mais pas à ce point-là.

Et cela a dû réconforter manifestement Fabioladans ces journées qui furent sans aucun doute lesplus pénibles de sa vie.

Beaucoup ignoraient que la couleur blanche pourune cérémonie de funérailles était un privilège ac-cordé aux reines catholiques.

Deux jours après les funérailles de Baudouin, sonfrère lui succédait : le roi Albert II. Lors de sa presta-tion de serment, on remarqua que les désormaisdeux reines, Fabiola et Paola se donnaient la main.Signe de parfaite unité au sein de la famille.

Le même jour, après l’apparition du nouveau cou-ple royal au balcon du palais, Fabiola fut invitée àrejoindre Albert et Paola. Néanmoins, elle affrontaavec dignité ce statut particulier de reine qui ne l’estplus vraiment et elle mit un point d’honneur à nejamais gêner Albert et Paola dans l’exercice de leursfonctions. Lors de son 75e anniversaire, elle refusaaussi toute fête ou autre hommage officiel estimantque “la Reine” à ce moment était sa belle-sœurPaola.

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LUZ,LAPROSTITUÉEDEMANILLE

Luz e Oral a grandi dans les quartiers pauvres de Manille, aux Philippines, pour atteindrel’enfer de la prostitution et finir sur les trottoirs d’Anvers. Au plus sordide de son existence,elle n’imaginait pas qu’un jour, elle se trouverait à côté d’une reine, aux funérailles nationa-les d’un roi.C’est que, dans les dernières années de sa vie, le roi Baudouin entreprit de mener un com-bat contre la prostitution. Il fut guidé par les membres d’une maison d’accueil d’Anvers,Payoke, et par un journaliste flamand travaillant pour Knack, Chris de Stoop.Pour les funérailles du roi, Fabiola souhaita avoir, à ses côtés, la présence symboliqued’une fille qui s’en était sortie et qui pouvait témoigner. Luz e Oral prépara un texte en an-glais que le journaliste Chris de Stoop lut pour elle : “Mon ami est mort. Qui nous aidera ?”L’ami en question étant le roi Baudouin. Le public remarqua le sourire d’affection de Fabio-la pendant qu’elle écoutait ce témoignage de souffrance. Dans leur livre, Fabiola, la reineblanche, les journalistes français Philippe Séguy et Antoine Michelland commentèrent cet-te présence de manière très juste : “C’est à l’enfant de Manille que Fabiola demanda la béné-diction essentielle à ses yeux, celle des humbles. C’est à la plus petite du royaume qu’il revenaitde dire à la face dumonde que, vraiment, Baudouin était roi.”

ÀTROISKILOMÈTRESDEMOTRIL

La Villa Astrida est bien protégéedes regards des curieux

À l’ombre d’un palmier, dans le parterre centralde la propriété royale de Motril, une statue enbronze du roi Baudouin existe aujourd’hui.La villa royale n’attire pas beaucoup de touris-tes ou de pèlerins belges pour la bonne raisonqu’il n’y a pas grand-chose à y voir. La Villa As-trida – c’est son nom, inspiré par le prénom dela reine des Belges qui fut la mère de nos roisBaudouin et Albert II – est masquée par desmurs peints à la chaux, surmontés d’une pro-tection faite de barrières de bambous.De l’extérieur, on n’aperçoit guère que la ported’entrée de la villa, les fenêtres protégées pardes grilles et l’architecture générale typique-ment andalouse, avec murs blancs, tuiles rou-ges, haciendas…Les murs sont longés d’une haie de palmiersnains. Mais à l’intérieur, parmi les palmiers nor-maux et, en saison, des bouquets de rhododen-drons, on devine un véritable parc botaniqueriche d’arbres géants.Pas de plage privée. La mer est certes très pro-che. Mais, sur la plage, les promeneurs ontle droit de passer entre les premières vagues etla propriété, sur une plage de sable gris et degalets. La vérité oblige à admettre qu’à cet en-droit de l’Andalousie, le bord de Méditerranéen’est pas vraiment idyllique. La mer, elle, est parcontre enchanteresse. Bleue, transparente, co-lorées de nuances. C’est ici que le couple venaitpour les vacances. C’est aussi dans cette villaque le roi Baudouin est mort, le soir du 31 juillet1993. Nous sommes à 120 kilomètres de Mala-ga et à vingt kilomètres de la station balnéaired’Almunecar que connaissent les vacanciersappréciant la Costa del Sol.La villa ne se trouve pas non plus réellementdans la petite ville de Motril, mais à trois kilo-mètres, à Puerto de Motril, au bout de nullepart. Angela fut la voisine de Baudouin et Fabio-la. Elle servait repas et boissons dans un agréa-ble restaurant de bord de mer qui était, en mê-me temps, la cantine d’un club de golf dont lesjoueurs avaient le plaisir, après le green, de pro-fiter de la plage. En 1999, Angela nous avait ra-conté : “Personnellement, je n’ai jamais vu le roiBaudouin ni la reine Fabiola. La sœur de la reineainsi que d’autres membres de la famille venaientrégulièrementmanger à notre terrasse. Et aussides membres de la famille royale belge, maisje ne connais pas leurs noms. Par contre, nous sa-vions quand votre roi était présent car, alors,la propriété était entourée de nombreux policiersqui venaient deMadrid.”Jusqu’en 2011, Fabiola a continué à venir à Mo-tril. Seule. Et moins souvent. Depuis 1993, c’estsurtout sa famille espagnole qui occupait leslieux. José Antonio et son épouse, des habitantsde Motril, avaient la charge d’entretenirles lieux et d’accueillir les visiteurs royaux.

LA MORT DU ROI FABIOLA

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SA MAINDANS CELLE

DE PAOLALa reine en blanc

aux funérailles de son /mari

Personne ne l’a oublié : la reine était vêtue de blancpour les funérailles de son mari, le 7 août 1993, enla cathédrale Saints-Michel-et-Gudule. Même si cetteapparition, dans une telle couleur, était totalementinattendue, elle fut unanimement appréciée. Com-me si le symbole de cette couleur blanche, dansla tradition catholique, était reçu par tout le mon-de : le symbole d’une éternelle renaissance.

Comme toute épouse perdant son mari, Fabiolaa terriblement souffert. Il avait été un mari si préve-nant, multipliant, comme chacun le sait, les gesteset les témoignages de tendresse. En outre, aprèstrente-trois ans de mariage, Baudouin et elle avaientété si peu souvent séparés. De temps en temps, sur-tout du vivant de sa mère, Fabiola se rendait seuleà Paris.

De sa vie, Baudouin n’avait fait qu’un seul voyageofficiel sans son épouse : en Arabie Saoudite. Il avaitestimé que les exigences protocolaires de ce paysà l’égard des femmes manquaient de respect.

Et une fois, en 1975, il était venu sans elle à unemanifestation officielle (un gala de la presse). Maisc’était parce que Fabiola se remettait d’une opéra-tion, une ablation de la vésicule biliaire.

Les premiers jours après la mort de son mari,on ne voyait pas la reine sans une paire de lunettesfoncées destinée à masquer les sillons creusés dansson visage par les larmes.

Après, il y eut cette formidable ferveur populaire.On s’y attendait certes. Mais pas à ce point-là.

Et cela a dû réconforter manifestement Fabioladans ces journées qui furent sans aucun doute lesplus pénibles de sa vie.

Beaucoup ignoraient que la couleur blanche pourune cérémonie de funérailles était un privilège ac-cordé aux reines catholiques.

Deux jours après les funérailles de Baudouin, sonfrère lui succédait : le roi Albert II. Lors de sa presta-tion de serment, on remarqua que les désormaisdeux reines, Fabiola et Paola se donnaient la main.Signe de parfaite unité au sein de la famille.

Le même jour, après l’apparition du nouveau cou-ple royal au balcon du palais, Fabiola fut invitée àrejoindre Albert et Paola. Néanmoins, elle affrontaavec dignité ce statut particulier de reine qui ne l’estplus vraiment et elle mit un point d’honneur à nejamais gêner Albert et Paola dans l’exercice de leursfonctions. Lors de son 75e anniversaire, elle refusaaussi toute fête ou autre hommage officiel estimantque “la Reine” à ce moment était sa belle-sœurPaola.

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LUZ,LAPROSTITUÉEDEMANILLE

Luz e Oral a grandi dans les quartiers pauvres de Manille, aux Philippines, pour atteindrel’enfer de la prostitution et finir sur les trottoirs d’Anvers. Au plus sordide de son existence,elle n’imaginait pas qu’un jour, elle se trouverait à côté d’une reine, aux funérailles nationa-les d’un roi.C’est que, dans les dernières années de sa vie, le roi Baudouin entreprit de mener un com-bat contre la prostitution. Il fut guidé par les membres d’une maison d’accueil d’Anvers,Payoke, et par un journaliste flamand travaillant pour Knack, Chris de Stoop.Pour les funérailles du roi, Fabiola souhaita avoir, à ses côtés, la présence symboliqued’une fille qui s’en était sortie et qui pouvait témoigner. Luz e Oral prépara un texte en an-glais que le journaliste Chris de Stoop lut pour elle : “Mon ami est mort. Qui nous aidera ?”L’ami en question étant le roi Baudouin. Le public remarqua le sourire d’affection de Fabio-la pendant qu’elle écoutait ce témoignage de souffrance. Dans leur livre, Fabiola, la reineblanche, les journalistes français Philippe Séguy et Antoine Michelland commentèrent cet-te présence de manière très juste : “C’est à l’enfant de Manille que Fabiola demanda la béné-diction essentielle à ses yeux, celle des humbles. C’est à la plus petite du royaume qu’il revenaitde dire à la face dumonde que, vraiment, Baudouin était roi.”

FABIOLA

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ETCENEFUTPASPHILIPPE…Avant de prendre la décision de succéder à son frère, Albert voulait s’entretenir seul avec Fabiola.

Il lui a demandé quel était le souhait de Baudouin. Les détails d’une nuit historique

ÀÀ la mort du roi Baudouin, tout le pays s’atten-dait à ce que le prince Philippe, 33 ans, soitson successeur sur le trône. Le roi et Fabiolal’avaient tellement entouré de leur amour,l’avaient si souvent accueilli à Laeken pour luiprodiguer conseils et, pour tout dire, écolage,que cela apparaissait comme une évidence.

À la surprise générale, dans les éditions spé-ciales des JT, le dimanche 1er août, à 19 heures30, le Premier ministre, Jean-Luc Dehaene, an-nonçait : “Nous devons nous regrouper autourde son successeur constitutionnel, le prince Al-bert, qui est appelé à poursuivre sonœuvre dansun esprit de continuité.”

Il reste, certes, des zones d’ombre sur ce quis’est dit et passé cette nuit de la mort de Bau-douin. Mais, vingt ans après, la publicationdes Memoires de Jean-Luc Dehaene, quelquesconfidences de certains des cinq ministresqui avaient formé en toute urgence, un comi-té ministériel restreint (il y avait Willy Claes,Louis Tobback, Guy Coëme et Melchior Wathe-let) et surtout l’interview- événement que

le roi Albert II a accordée à Pascal Vrebos,en juin 2014, ont permis de reconstituerune partie des événements de la nuit et le faitest que la reine Fabiola a joué un rôle centrallors de ces négociations.

Le Premier ministre avait appris la mort duroi le samedi vers 21 h 30 alors qu’il assistaità un match de football à Bruges. Le prince Al-bert, lui, se trouvait dans sa résidence d’été, àGrasse, en France : “J’ai d’abord reçu un coup detéléphone de notre conseiller, l’amiral Pauwels.“J’ai entendu que votre frère avait eu unmalaise.Vous feriez peut-être bien de téléphoner à la reineFabiola.” Je l’ai fait tout de suite et la premièrepersonne que j’ai eue au téléphone était l’officierd’ordonnance demon frère qui m’a répondu trèscalmement : “Monseigneur, je vais vous passerla reine Fabiola.” Je n’étais pas tracassé. Mon frè-re avait déjà eu desmalaises. Je pensais à un en-nui de santé comme les autres. J’ai donc parléd’un air enjoué : “J’appris que Baudouin avait euunmalaise. Comment va-t-il maintenant ?”“Maintenant ? Mais il est au ciel ! Il est mort !”

Le prince, alors, téléphone à Luxembourgafin d’avertir sa sœur, la grande-duchesse Jo-séphine-Charlotte : “Je n’oublierai jamais cequ’elle m’a répondu : “Avant que je nem’éva-nouisse, écoute-moi bien ! Tu commandes un avi-onmilitaire et tu te rends immédiatement dansle sud de l’Espagne. Moi, je prends la direction deBruxelles. Dis à ta femme qu’elle vienne aussià Bruxelles. Il faut que tu sois seul, là-bas.”

À 23 heures, les cinq ministres étaient réu-nis à Bruxelles et examinaient la situation.Leur réunion est interrompue par le chef decabinet du roi Baudouin, Jacques van Ypersele.Il a le prince Albert au téléphone. “M. van Yper-sele se trouvait au 16 de la rue de la Loi et il m’adit que le Premier ministre voulait me parler. Aveccette manière directe qu’il avait pour s’exprimer,il m’a dit : “Mes condoléances ! Nous voudrionssavoir quelles sont vos intentions. Acceptez-vousde succéder à votre frère ?” Je nem’y attendais pasdu tout. Mon frère devait normalement vivre en-core quelques années et je pouvais d’ailleurs trèsbienmourir avant lui. Dansmon esprit, ce n’était

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LA SUCCESSION FABIOLA

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pas prévisible. Je me disais : “Mon Dieu ! Qu’est-cequi vame tomber dessus ?” Moi, je me trouvaisdans le trente-sixième dessous.”

Sa réponse, sur le moment : “Monsieur le Pre-mier ministre, donnez-moi vingt-quatre heures.Je suppose que nous nous reverrons dans le sudde l’Espagne et, là, je vous donnerai ma réponse.”J’ai pris l’avion très tôt le matin.”

Jean-Luc Dehaene et Melchior Wathelet aus-si. Ils furent accueillis à Motril par le prince Al-bert lui-même. Jean-Luc Dehaene : “Il était clai-rement sous le choc. La reine Fabiola était plusvolubile et hyperactive. Elle nous a conduits versla chambre où reposait le corps du Roi. Il semblaittrès serein. Dans la chambre, il y avait beaucoupd’images saintes et pieuses – et selonmoi plutôtkitsch. Ensuite, la Reine nous a guidés dans lamaison, insistant sur lamanière simple et sobredont elle et le Roi vivaient àMotril. C’était en effetfrappant.”

Albert et Jean-Luc Dehaene eurent un longentretien au cours duquel le Premier ministreexprimait le souhait du comité ministériel

restreint : une “succession constitutionnelle.”En fait, c’est ce qu’avaient convenu aussi en-

tre eux, le roi Baudouin et son frère, quelquesannées auparavant. S’il devait prématurémentarriver un malheur à Baudouin, Albert pour-rait prendre le relais et après quelques annéescéder le sceptre à son fils. Il n’y avaiut au fondque quatre années de différences entre eux.

Reste que troublé par la mort inopinée deBaudouin, le Prince doutait et il évoqua sonmanque d’expérience. Mais revenons à Jean-Luc Dehaene : “Je l’ai rassuré en disant qu’il avaitplus d’expérience que le prince Philippe. J’ai insis-té pour qu’il prenne contact avec son fils car cetteaffaire devait être réglée en famille”.

Les souvenirs d’Albert II : “J’essayais d’êtreseul avec Fabiola pour lui demander “Qu’est-ceque tu en penses ? Qu’est-ce quemon frère auraitvoulu ?” Mais elle était complètement désarçon-née et, probablement comme beaucoup de gensdans des circonstances semblables, elle était oc-cupée à 36.000 choses sans importance. Dehaene,lui, était tout le temps derrière moi. “Et alors ?”

Mais je voulais d’abord savoir ce que Baudouinaurait voulu. Fabiola a fini par me dire : “Toi ! Évi-demment !” Alors, j’ai répondu au Premier minis-tre quema réponse était positive.”

Jean-Luc Dehaene : “Il m’a dit qu’il était prêtà faire son devoir et il a fait allusion au fait queson fils n’était pas encoremarié et donc pas com-plètement installé.”

Ce qu’Albert II aurait confirmé, en 1994 :“Il faut que Philippe semarie. C’est pour ça qu’iln’est pas devenu Roi.” Dans son livre, Jean-LucDehaene évoque le retour du corps du Roià Melsbroek : “Philippem’a remercié. J’en ai dé-duit qu’il pouvait se retrouver dans la solution re-tenue.”

Il reste néanmoins des zones d’ombres. No-tamment, il serait intéressant de connaîtreles dessous de cette phrase qu’Albert II a diteà Pascal Vrebos : “Je me trouvais devant la dé-pouille demon frère, à côté du Premier ministreet duministre de la Justice. Nous nous sommeséchangé quelquesmots et je me souviens que j’aipensé : “J’ai bien peur que je sois le dernier roi.”

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pas prévisible. Je me disais : “Mon Dieu ! Qu’est-cequi vame tomber dessus ?” Moi, je me trouvaisdans le trente-sixième dessous.”

Sa réponse, sur le moment : “Monsieur le Pre-mier ministre, donnez-moi vingt-quatre heures.Je suppose que nous nous reverrons dans le sudde l’Espagne et, là, je vous donnerai ma réponse.”J’ai pris l’avion très tôt le matin.”

Jean-Luc Dehaene et Melchior Wathelet aus-si. Ils furent accueillis à Motril par le prince Al-bert lui-même. Jean-Luc Dehaene : “Il était clai-rement sous le choc. La reine Fabiola était plusvolubile et hyperactive. Elle nous a conduits versla chambre où reposait le corps du Roi. Il semblaittrès serein. Dans la chambre, il y avait beaucoupd’images saintes et pieuses – et selonmoi plutôtkitsch. Ensuite, la Reine nous a guidés dans lamaison, insistant sur lamanière simple et sobredont elle et le Roi vivaient àMotril. C’était en effetfrappant.”

Albert et Jean-Luc Dehaene eurent un longentretien au cours duquel le Premier ministreexprimait le souhait du comité ministériel

restreint : une “succession constitutionnelle.”En fait, c’est ce qu’avaient convenu aussi en-

tre eux, le roi Baudouin et son frère, quelquesannées auparavant. S’il devait prématurémentarriver un malheur à Baudouin, Albert pour-rait prendre le relais et après quelques annéescéder le sceptre à son fils. Il n’y avaiut au fondque quatre années de différences entre eux.

Reste que troublé par la mort inopinée deBaudouin, le Prince doutait et il évoqua sonmanque d’expérience. Mais revenons à Jean-Luc Dehaene : “Je l’ai rassuré en disant qu’il avaitplus d’expérience que le prince Philippe. J’ai insis-té pour qu’il prenne contact avec son fils car cetteaffaire devait être réglée en famille”.

Les souvenirs d’Albert II : “J’essayais d’êtreseul avec Fabiola pour lui demander “Qu’est-ceque tu en penses ? Qu’est-ce quemon frère auraitvoulu ?” Mais elle était complètement désarçon-née et, probablement comme beaucoup de gensdans des circonstances semblables, elle était oc-cupée à 36.000 choses sans importance. Dehaene,lui, était tout le temps derrière moi. “Et alors ?”

Mais je voulais d’abord savoir ce que Baudouinaurait voulu. Fabiola a fini par me dire : “Toi ! Évi-demment !” Alors, j’ai répondu au Premier minis-tre quema réponse était positive.”

Jean-Luc Dehaene : “Il m’a dit qu’il était prêtà faire son devoir et il a fait allusion au fait queson fils n’était pas encoremarié et donc pas com-plètement installé.”

Ce qu’Albert II aurait confirmé, en 1994 :“Il faut que Philippe semarie. C’est pour ça qu’iln’est pas devenu Roi.” Dans son livre, Jean-LucDehaene évoque le retour du corps du Roià Melsbroek : “Philippem’a remercié. J’en ai dé-duit qu’il pouvait se retrouver dans la solution re-tenue.”

Il reste néanmoins des zones d’ombres. No-tamment, il serait intéressant de connaîtreles dessous de cette phrase qu’Albert II a diteà Pascal Vrebos : “Je me trouvais devant la dé-pouille demon frère, à côté du Premier ministreet duministre de la Justice. Nous nous sommeséchangé quelquesmots et je me souviens que j’aipensé : “J’ai bien peur que je sois le dernier roi.”

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A

SESANNÉES

SANSBAUDOUIN

D’abord à Laeken.Au château du Stuyvenberg,

à partir de 1998

Après la prestation de serment, le 9 août 1993, le roiAlbert et la désormais reine Paola préférèrent de-meurer dans le château du Belvédère où ils vivaientdéjà du temps où ils étaient princes. Si bien que Fa-biola garda le palais de Laeken jusqu’en 1998. Elledéménagea ensuite au château du Stuyvenberg, an-cienne résidence de la reine Élisabeth, tandis quele prince Philippe s’installait à Laeken.

Dès la mort de son mari, Fabiola devenait prési-dente d’honneur de la Fondation Roi Baudouinqu’elle avait, de notoriété publique, contribué àcréer le 31 mars 1976, alors que le couple se prépa-rait à célébrer ses noces d’argent par de grandes fê-tes au Heysel.

La Fondation Roi Baudouin est une fondationd’utilité publique dont la mission première est decontribuer à l’amélioration des conditions de viede la population. Pour ce faire, elle soutient desprojets et des citoyens qui s’engagent pour une so-ciété meilleure. En priorité, cette œuvre s’intéresseaux problèmes sociaux : lutte contre la pauvreté,aide aux personnes âgées, justice sociale, immigra-tion et société multiculturelle, santé et, surtout,santé mentale, philanthropie… La Fondation RoiBaudouin agit aussi au niveau de la protection del’environnement, de l’aménagement rural, de lasauvegarde du patrimoine et de l’initiation au ci-visme. Elle a aussi mené des actions à l’étranger.En Afrique centrale, pour développer la préventioncontre le sida et soutenir les personnes atteintespar cette maladie. Aux Balkans, aussi, pour proté-ger les droits des minorités et aider les étudiantsà obtenir un visa.

En 1976, le capital de départ de la Fondation avaitété fixé à un milliard de francs belges réunis grâceà une intervention de l’État, mais aussi à une sous-cription nationale enrichie, pour sa plus grandepartie, par des ventes de médailles commémorati-ves.

En 1986, la Fondation était dotée d’un budget an-nuel de 700 millions de francs.

Des dons, des legs, une dotation de la Loterie Na-tionale, des contributions de partenaires et aussiun financement propre (par exemple, les revenusd’un portefeuille de valeurs mobilières) alimentent

aujourd’hui les comptes de la Fondation.Par ailleurs, Fabiola poursuivait, bien enten-

du, l’œuvre qu’elle-même avait entreprise. Sonsecrétariat social notamment fut maintenuen place. À ses plus belles heures, on comptaitdix mille lettres reçues par année. Dix ans aprèsla mort du roi Baudouin, la reine Fabiola rece-vait encore 5000 lettres de personnes dansle besoin.

“Sa volonté a toujours été de poursuivre la luttequ’elle avait entreprise contre l’exclusion. C’étaitle moteur de son existence.” nous expliquait àl’époque un de ses collaborateurs.

Longtemps, Fabiola a continué à assurer denombreuses prestations au service de la Belgi-que. Chez nous ou à l’étranger comme, parexemple, au Mexique, à l’occasion d’un congrèsde femmes chefs d’entreprises.

Pour tout cela, et aussi pour entretenir sonhabitation et subvenir aux frais de son person-nel (une quinzaine de personnes), la reine Fa-biola reçut une liste civile qui, en 1993, à lamort du roi Baudouin était fixée à 45 millionsde francs belges et qui, avec le temps, est mon-tée à 1,3 million d’euros.

À titre de comparaison, le prince Philippepercevait, en 2006, une liste civile de 790.000euros tandis que sa sœur et son frère rece-vaient 273.000 euros chacun.

Avec l’âge, la reine Fabiola a réduit le nombrede ses sorties et de ses activités. En 2005, parexemple, elle se retirait du comité directeur in-ternational pour la Promotion économiquede la femme rurale.

À l’époque, elle continuait néanmoins à ap-paraître pour des inaugurations de musées,des événements sociaux, pour la Fête nationaledu 21 juillet et aussi, évidemment, les 31 juilletpour la messe annuelle d’hommage au roi Bau-douin. Après ses opérations de 2009, Fabiola,qui avait alors 81 ans, se fit réellement rare.La dernière mission officielle qu’elle conserva,par réelle passion, fut la présidence du Con-cours international Reine Élisabeth. Elle finitaussi par y renoncer, à l’issue de l’édition 2013.

x ( )

LA BELGIQUEÀ TROIS REINES

Le 3 juillet 2013, le roi Albert II annonçait son abdication.Le 21 juillet, Philippe, son fils aîné, prêtait serment et devenait le septième Roi des Bel-

ges. Gilet rose, écharpe blanche et, désormais, en chaise roulante, la tante Fabiolaétait bien entendu présente. C’était pour elle une vraie journée de bonheur. Car personnen’ignorait que le roi Baudouin et elle avaient véritablement formé le prince Philippeà cette fonction.

En outre, ce jour-là, pour la première fois de son Histoire, la Belgique avait trois reines :Fabiola, Paola et, bien sûr, Mathilde. Cela aura duré 501 jours.

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x On ne connaîtra probablement jamais les vraies pensées que nourrissaient la reine Fabiola, en 1993, concernant la succession sur le trônede Belgique. Il ne fait aucun doute qu’elle aimait tendrement le prince Philippe. Probablement, a­t­elle partagé l’avis de son beau­frère,Albert : c’est parce qu’il n’était pas marié, à l’époque, et qu’il n’avait pas stabilisé sa vie qu’il n’est pas monté sur le trône à 33 ans.Mais sa prestation de 2013 fut un moment de grand bonheur pour sa tante. (REPORTERS)

VEUVE

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aujourd’hui les comptes de la Fondation.Par ailleurs, Fabiola poursuivait, bien enten-

du, l’œuvre qu’elle-même avait entreprise. Sonsecrétariat social notamment fut maintenuen place. À ses plus belles heures, on comptaitdix mille lettres reçues par année. Dix ans aprèsla mort du roi Baudouin, la reine Fabiola rece-vait encore 5000 lettres de personnes dansle besoin.

“Sa volonté a toujours été de poursuivre la luttequ’elle avait entreprise contre l’exclusion. C’étaitle moteur de son existence.” nous expliquait àl’époque un de ses collaborateurs.

Longtemps, Fabiola a continué à assurer denombreuses prestations au service de la Belgi-que. Chez nous ou à l’étranger comme, parexemple, au Mexique, à l’occasion d’un congrèsde femmes chefs d’entreprises.

Pour tout cela, et aussi pour entretenir sonhabitation et subvenir aux frais de son person-nel (une quinzaine de personnes), la reine Fa-biola reçut une liste civile qui, en 1993, à lamort du roi Baudouin était fixée à 45 millionsde francs belges et qui, avec le temps, est mon-tée à 1,3 million d’euros.

À titre de comparaison, le prince Philippepercevait, en 2006, une liste civile de 790.000euros tandis que sa sœur et son frère rece-vaient 273.000 euros chacun.

Avec l’âge, la reine Fabiola a réduit le nombrede ses sorties et de ses activités. En 2005, parexemple, elle se retirait du comité directeur in-ternational pour la Promotion économiquede la femme rurale.

À l’époque, elle continuait néanmoins à ap-paraître pour des inaugurations de musées,des événements sociaux, pour la Fête nationaledu 21 juillet et aussi, évidemment, les 31 juilletpour la messe annuelle d’hommage au roi Bau-douin. Après ses opérations de 2009, Fabiola,qui avait alors 81 ans, se fit réellement rare.La dernière mission officielle qu’elle conserva,par réelle passion, fut la présidence du Con-cours international Reine Élisabeth. Elle finitaussi par y renoncer, à l’issue de l’édition 2013.

LA BELGIQUEÀ TROIS REINES

Le 3 juillet 2013, le roi Albert II annonçait son abdication.Le 21 juillet, Philippe, son fils aîné, prêtait serment et devenait le septième Roi des Bel-

ges. Gilet rose, écharpe blanche et, désormais, en chaise roulante, la tante Fabiolaétait bien entendu présente. C’était pour elle une vraie journée de bonheur. Car personnen’ignorait que le roi Baudouin et elle avaient véritablement formé le prince Philippeà cette fonction.

En outre, ce jour-là, pour la première fois de son Histoire, la Belgique avait trois reines :Fabiola, Paola et, bien sûr, Mathilde. Cela aura duré 501 jours.

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x On ne connaîtra probablement jamais les vraies pensées que nourrissaient la reine Fabiola, en 1993, concernant la succession sur le trônede Belgique. Il ne fait aucun doute qu’elle aimait tendrement le prince Philippe. Probablement, a­t­elle partagé l’avis de son beau­frère,Albert : c’est parce qu’il n’était pas marié, à l’époque, et qu’il n’avait pas stabilisé sa vie qu’il n’est pas monté sur le trône à 33 ans.Mais sa prestation de 2013 fut un moment de grand bonheur pour sa tante. (REPORTERS)

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L

UNDÉBATSURLA FORTUNEUne série d’incompréhensions ont jeté le trouble pendant les derniers mois de la vie de la Reine.

Et le débat est devenu politique, voire idéologique

ÀÀ la mort du roi Baudouin, et en l’absence dedescendants directs, la reine fut son uniquehéritière. Il lui revenait une fortune de l’ordrede 75 millions d’euros.

À cela s’ajoutaient les avoirs familiaux pro-pres de Fabiola. Les spécialistes ont estimé quela reine laissait plus de cent millions d’eurosà ses héritiers.

Et le jour de la Saint-Nicolas 2014, le lende-main de l’annonce de son décès, on a apprisque Fabiola avait désiré léguer sa fortune à l’as-bl LesŒuvres de la Reine, qu’elle avait initiéepeu après son mariage, dès 1960, afin d’aiderles personnes défavorisées en Belgique.

Le chapitre de l’héritage se clôt de manièreharmonieuse. Le moins que l’on puisse dire,c’est qu’il a suscité des vagues et, probable-ment, pourri les dernières années de la viede Fabiola.

C’est l’histoire d’une vieille dame, qui avait84 ans à l’époque, de sa fortune colossale et

de ses avocats qui, en l’occurrence, ne l’ontpeut-être pas conseillé comme il l’aurait fallu.

Le 12 septembre 2012, la reine crée une Fon-dation Fons Pereos afin de venir en aide à sesneveux et nièces “directs et biologiques”, à ceuxde son ex-mari et à leur descendance en lignedirecte.

Personne, aujourd’hui, ne peut exclure qu’àl’époque, Fabiola avait déjà fait des Œuvres dela Reine, sa légataire. Dans ce cas, la Fondationétait une espèce de roue de secours pour pou-voir aider un membre de sa famille qui se se-rait soudainement trouvé dans le besoin. Maiscomme elle le précisa par la suite, le réel objec-tif était de perpétuer le souvenir et l’œuvredu roi Baudouin et leurs 33 années de présencecommune à la tête de la Belgique.

Sur le moment, la chose n’avait pas été per-çue ainsi. Tout le monde a pensé à une manièred’éluder les taxes de succession ce qui émut etchoqua la Reine, selon ses proches. On parle

bien d’une fortune de cent millions d’euros,de l’absence d’héritiers directs et, donc, d’unimpôt représentant 70 % de l’héritage.

On a aussi fait l’amalgame entre la fortunepersonnelle de la reine et la dotation de1,4 million d’euros que Fabiola percevait an-nuellement à l’époque. Pour rappel, la dota-tion représente le salaire de la personne, maisaussi le budget qui couvre l’entretien des bienset immeubles qui lui sont confiés, ainsi quele fonctionnement des œuvres et institutionsdont elle a la charge. En l’occurrence, lesŒuvres de la Reine et la Fondation roi Bau-douin.

Certains ont donc calculé que, depuisla mort du roi Baudouin, Fabiola avait perçu27 millions d’euros en dotation et on a faitcomme si cet argent allait partir en Espagne,dans sa famille.

Plus le Palais répétait que les dispositionsprises par Fabiola étaient parfaitement légales,plus la population s’ancrait dans le sentimentque les riches avaient à leur disposition un ar-senal juridique leur permettant, contraire-ment à tout un chacun, d’éluder les droitsde succession.

Le Premier ministre, Élio Di Rupo, s’en estému et a évoqué une situation “éthiquementinacceptable”. La reine a regretté “les réactionsnégatives autour de ce qui n’était, pour elle, qu’unprojet destiné à aider ses proches.”

La Fondation Fons Pereos était dissoute le11 juillet 2013. Mais à ce moment-là, on parlaitdéjà d’une autre “fondation d’utilité publique”,espagnole celle-là, destiné à protéger le patri-moine familial espagnol de la reine et notam-ment la fameuse Villa Astrida de Motril, oùle roi Baudouin était décédé.

La villa de bord de mer avait été achetéeà parts égales par le roi et la reine. La reineen était devenue seule propriétaire au décèsde son époux.

Fabiola a continué à y venir jusqu’en 2011,puis elle a laissé la villa à la disposition deses neveux et nièces. Dès lors, de nouveau,d’aucuns ont pensé à un tour de passe-passeleur permettant d’en hériter tout en échap-pant au fisc.

Cette fois, Élio Di Rupo parlait d’“un profondmalaise à l’égard de ces épisodes à répétition.”Le roi Albert II, lui-même, piqua une colèredans ses derniers vœux fin janvier 2013 faceaux autorités de l’Etat. “La famille royale se doitdemontrer l’exemple”

Le mal était fait et la reine Fabiola fut punie.Dans un premier temps, sa dotation fut rabo-tée, passant de 1,4 million d’euros à 923.000euros. En octobre 2013, elle descendit encore à461.000 euros. Ce qui, entre parenthèses, coûtason emploi à une vingtaine de personnes.R

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LA GRANDE RÉFORMEDES DOTATIONS

Le fait est que les soubresauts provoqués par les précautions prises par une vieille dame de 84 ans auront eu une réper-cussion sur tout le fonctionnement et la fortune de la famille royale.

Le scandale de la Fondation Fons Pereos a éclaté au début de 2013. Le 30 mai, Élio Di Rupo annonçait qu’il allait sou-mettre aux Chambres des propositions sur la réforme de la dotation de la famille royale. En octobre, ces réformesétaient adoptées.

La première, c’est que, désormais, le Roi serait soumis à la TVA et aux accises, ce qui rabote sa dotation de 700.000euros. Les autres bénéficiaires de la dotation sont désormais soumis à la fiscalité.

Deuxième mesure : on a limité le nombre de bénéficiaires de la dotation royale : l’héritier de la Couronne, le conjointsurvivant du roi, le conjoint survivant d’un héritier, le roi qui a quitté sa fonction.

Troisièmement : les dotations ont été revues et, dans certains cas, sérieusement amputées.

QUI REÇOIT COMBIEN AUJOURD’HUI ?LE ROI PHILIPPE : dotation de 11,55 millions d’euros (moins 700.000 euros deTVA et accises)LE ROI ALBERT II : 923.000 euros, soumis à la fiscalité. Dix agents de l’État restent à sa disposition pour assurer sa sécurité.LA REINE FABIOLA : recevait, à la fin, 461.000 euros.LA PRINCESSE ASTRID : 320.000 euros.LE PRINCE LAURENT : 307.000 euros.LA PRINCESSE ÉLISABETH : recevra une dotation à sa majorité. Ses frères et sa sœur ne recevront pas de dotation.

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L’HÉRITAGE FABIOLA

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LLA GRANDE RÉFORME

DES DOTATIONS

Le fait est que les soubresauts provoqués par les précautions prises par une vieille dame de 84 ans auront eu une réper-cussion sur tout le fonctionnement et la fortune de la famille royale.

Le scandale de la Fondation Fons Pereos a éclaté au début de 2013. Le 30 mai, Élio Di Rupo annonçait qu’il allait sou-mettre aux Chambres des propositions sur la réforme de la dotation de la famille royale. En octobre, ces réformesétaient adoptées.

La première, c’est que, désormais, le Roi serait soumis à la TVA et aux accises, ce qui rabote sa dotation de 700.000euros. Les autres bénéficiaires de la dotation sont désormais soumis à la fiscalité.

Deuxième mesure : on a limité le nombre de bénéficiaires de la dotation royale : l’héritier de la Couronne, le conjointsurvivant du roi, le conjoint survivant d’un héritier, le roi qui a quitté sa fonction.

Troisièmement : les dotations ont été revues et, dans certains cas, sérieusement amputées.

QUI REÇOIT COMBIEN AUJOURD’HUI ?LE ROI PHILIPPE : dotation de 11,55 millions d’euros (moins 700.000 euros deTVA et accises)LE ROI ALBERT II : 923.000 euros, soumis à la fiscalité. Dix agents de l’État restent à sa disposition pour assurer sa sécurité.LA REINE FABIOLA : recevait, à la fin, 461.000 euros.LA PRINCESSE ASTRID : 320.000 euros.LE PRINCE LAURENT : 307.000 euros.LA PRINCESSE ÉLISABETH : recevra une dotation à sa majorité. Ses frères et sa sœur ne recevront pas de dotation.

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CUNDÉPARTDISCRETMAISSEREIN

La Reine n’avait plus fait d’apparition publique depuis le 31 juillet 2013

ÀÀ plusieurs reprises ces derniers mois, des rumeurs alarmistes annon-çaient une dégradation de la santé de la reine Fabiola. Du côté du Palais,l’information fut chaque fois démentie. Pas question de nier que la Rei-ne avait une santé de plus en plus fragile mais celle-ci ne se détérioraitpas brusquement même si la Reine ne sortait plus du Stuyvenberg.

La vérité était que la Reine ne s’était jamais totalement remise d’unebroncho-pneumonie qui avait failli l’emporter début 2009. La situationfut alors suffisamment grave que pour l’hospitaliser à Saint-Jean, au cen-tre de Bruxelles. Au moment d’être soignée pour cette infection pulmo-naire aiguë, la Reine avait subi quelques jours auparavant une opéra-tion de la thyroïde sous hypnose au CHU de Liège.

Fabiola avait cependant surmonté ces problèmes et reprit certainesactivités publiques mais elles n’ont cessé de diminuer au fil des ans. Res-te qu’elle ne s’était pas totalement rétablie et avait dû se résoudre à re-courir à la respiration artificielle et à recevoir des soins récurrents.

La Reine ne fit plus aucune apparition publique après le 31 juillet 2013.Ce jour-là, elle avait assisté en compagnie des rois Philippe et Albert II etde tous les membres de la Famille royale à une belle célébration eucha-ristique à l’occasion des 20 ans de la mort du roi Baudouin, à la cathé-drale des saints-Michel-et-Gudule. Éprouvant de plus en plus de difficul-tés à marcher, Fabiola ne se déplaçait plus qu’en chaise roulante.

Le 31 juillet dernier, beaucoup de paroissiens de Laeken et de monar-chistes convaincus espéraient la revoir pour le 21e anniversaire de lamort de Baudouin à l’église de Laeken mais elle n’avait plus assez de for-ces pour ce faire.

La reine Fabiola, âgée de 86 ans, a finalement rejoint son époux entoute discrétion peu avant 19 heures, ce vendredi 5 décembre. Dès qu’ilseurent appris son décès, le roi Philippe et la reine Mathilde se sont ren-dus au Stuyvenberg. Ils y ont été rejoints par le roi Albert II et la reine Pa-ola, puis par le prince Lorenz et la princesse Astrid, et enfin par le princeLaurent.

Dans les premières heures après son décès, ce fut le temps du re-cueillement de la famille proche. Mais dès samedi matin, il s’imposa

de penser à ses funérailles. Il fallait tenir compte de son rang de reine etaussi de ses propres souhaits. Et enfin de certaines traditions et coutu-mes même si cela faisait un demi-siècle qu’il n’y avait plus eu de funé-railles nationales d’une reine veuve, depuis la mort de la reine Elisabeth,fin novembre 1965.

A l’issue du conseil, on apprenait qu’à la demande du roi Philippe,la Belgique organiserait des funérailles d’État et un deuil national desept jours qui se terminerait par une messe à la cathédrale des Saints-Michel-et-Gudule et par des absoutes en l’église de Laeken avant l’inhu-mation dans la crypte royale.

Il fallait aussi permettre aux familles non belges de se recueillir en pri-vé au Stuyvenberg. Et réserver aussi un moment pour tous ceux quil’avaient fréquentée ces dernières décennies. Il fut donc décidé de laisserla dépouille mortelle reposer au Stuyvenberg jusqu’au lundi 8 décembre.

Ce matin-là, sonna pour la Reine l’heure du départ de sa dernière rési-dence pour le château de Laeken où elle avait vécu trente-trois annéesde bonheur avec Baudouin. Elle y rejoignit la chapelle du château où el-le a dû se recueillir jadis même si cette femme de foi pouvait prier entous lieux et surtout vivre les valeurs évangéliques par son action de ter-rain, sans tenir compte des convictions religieuses ou philosophiquesde ses interlocuteurs.

Le mardi 9 décembre, l’ensemble de la Famille royale, les deux cou-ples royaux et les princes accompagnèrent la défunte jusqu’au Palais deBruxelles. Il leur revint d’ouvrir le défilé des Belges devant son cercueil.

La Grande antichambre du Palais se mua en chapelle ardente maisen tenant compte de l’évolution des us et des souhaits de Fabiola. On futdonc loin des chapelles de recueillement lourdement drapées de noirde jadis, privilégiant au contraire une certaine mise en lumière dans la-quelle était aussi présente le roi Baudouin à travers une belle photo ducouple. Après le Premier ministre Charles Michel et les autoritésde l’État, plusieurs centaines de Belges ont défilé mercredi et jeudi àleur tour devant la défunte, s’inclinant ici, faisant un signe de croix-làpar respect pour la Reine et tout ce qu’elle a signifié pour la Belgique.

xDernière sortie publique.Le 31 juillet 2013, la reineFabiola avait assisté à lamesse célébrée à l’occasiondes vingt ans de la mort du roiBaudouin en présence des roisAlbert II et Philippe.. Unecélébration qui l’avaitenchantée. Ce fut aussi sadernière rencontre publiqueavec les Belges.

LA REINE BLESSÉEPAR LES ACCUSATIONS

Elle répéta ne pas avoir voulu éluder le fiscmais le message ne passa pas dans les médias et dans le monde politique

Ces cinq dernières années, la Reine s’était faite deplus en plus discrète. Mais le 21 juillet 2009, elle avaitencore assisté au défilé de la Fête nationale, malgréles menaces d’attentat à son égard. Menacée d’être lacible d’une arbalète, Fabiola donna toute la mesurede son sens de l’humour en apparaissant à la tribuneofficielle une pomme à la main, en référence àGuillaume Tell. Un geste hardi qui suscita troisautres lettres de menaces.

Peu avant l’abdication d’Albert II en faveur de Phi-lippe, la reine Fabiola avait refait la unemalgré elle.Début 2013, la presse avait révélé qu’elle avait mis surpied une fondation privée, Fons Pereos, visant notam-ment à soutenir ses neveux et nièces directs et biologi-ques en réduisant, disait-on, les droits de succession.

On sait que la Reine a finalement confié tous sesbiens personnels à ses Œuvres. Fabiola voulait-elleréellement pratiquer le “sport national” belge ? Plusd’un média l’a avancé malgré ses explications récur-rentes tendant à montrer le contraire.

Ces derniers jours, plusieurs personnes qui l’ontaccompagné à l’époque nous ont fermement démen-ti cette accusation qui a blessé la veuve du roi Bau-douin. “Au contraire” nous ont précisé certaines d’en-tre elles “sa seule visée était de perpétuer la mémoire etl’œuvre du roi Baudouin qui fut aussi un peu la sienne.La Reine l’a dit et répété mais n’a pas été entenduedans les médias et encore moins dans le monde poli-tique.

Il est vrai que suite aux nombreuses réactions poli-tiques négatives que suscita l’initiative, la fondationfut rapidement dissoute. Et le gouvernement Di Ru-po et le Parlement rabotaient sérieusement sa dota-tion. Une première fois, de 1,4 million d’euros par anà 923 000 euros, puis une seconde fois, dans le cadred’une réforme globale des dotations, à461 000 euros.

Pendant l’été 2013, on apprenait que des actifs deFons Pereos avaient été transférés vers une fondation,Astrida, instituée par le roi Baudouin au bénéfice deses neveux et nièces. Parfaitement légal, ce transfertvisait à réduire les droits de succession sur la villa As-trida, l’ancienne villa du couple royal à Motril. Enmême temps, elle permettrait de céder le domained’Opgrimbie, maison de campagne de Baudouin etFabiola, sise dans le Limbourg.

Ces événements ont jeté le trouble auprès d’unepartie de la population mais la reine Fabiola resta po-pulaire dans le cœur des Belges. Un peu à l’image dela reine Elisabeth, l’épouse d’Albert Ier qui peu avantde mourir choqua les Belges par une profession defoi communiste et des déplacements trop visiblesdans les Etats les plus rouges de la planète…PH

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LA MALADIE FABIOLA

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LA REINE BLESSÉEPAR LES ACCUSATIONS

Elle répéta ne pas avoir voulu éluder le fiscmais le message ne passa pas dans les médias et dans le monde politique

Ces cinq dernières années, la Reine s’était faite deplus en plus discrète. Mais le 21 juillet 2009, elle avaitencore assisté au défilé de la Fête nationale, malgréles menaces d’attentat à son égard. Menacée d’être lacible d’une arbalète, Fabiola donna toute la mesurede son sens de l’humour en apparaissant à la tribuneofficielle une pomme à la main, en référence àGuillaume Tell. Un geste hardi qui suscita troisautres lettres de menaces.

Peu avant l’abdication d’Albert II en faveur de Phi-lippe, la reine Fabiola avait refait la unemalgré elle.Début 2013, la presse avait révélé qu’elle avait mis surpied une fondation privée, Fons Pereos, visant notam-ment à soutenir ses neveux et nièces directs et biologi-ques en réduisant, disait-on, les droits de succession.

On sait que la Reine a finalement confié tous sesbiens personnels à ses Œuvres. Fabiola voulait-elleréellement pratiquer le “sport national” belge ? Plusd’un média l’a avancé malgré ses explications récur-rentes tendant à montrer le contraire.

Ces derniers jours, plusieurs personnes qui l’ontaccompagné à l’époque nous ont fermement démen-ti cette accusation qui a blessé la veuve du roi Bau-douin. “Au contraire” nous ont précisé certaines d’en-tre elles “sa seule visée était de perpétuer la mémoire etl’œuvre du roi Baudouin qui fut aussi un peu la sienne.La Reine l’a dit et répété mais n’a pas été entenduedans les médias et encore moins dans le monde poli-tique.

Il est vrai que suite aux nombreuses réactions poli-tiques négatives que suscita l’initiative, la fondationfut rapidement dissoute. Et le gouvernement Di Ru-po et le Parlement rabotaient sérieusement sa dota-tion. Une première fois, de 1,4 million d’euros par anà 923 000 euros, puis une seconde fois, dans le cadred’une réforme globale des dotations, à461 000 euros.

Pendant l’été 2013, on apprenait que des actifs deFons Pereos avaient été transférés vers une fondation,Astrida, instituée par le roi Baudouin au bénéfice deses neveux et nièces. Parfaitement légal, ce transfertvisait à réduire les droits de succession sur la villa As-trida, l’ancienne villa du couple royal à Motril. Enmême temps, elle permettrait de céder le domained’Opgrimbie, maison de campagne de Baudouin etFabiola, sise dans le Limbourg.

Ces événements ont jeté le trouble auprès d’unepartie de la population mais la reine Fabiola resta po-pulaire dans le cœur des Belges. Un peu à l’image dela reine Elisabeth, l’épouse d’Albert Ier qui peu avantde mourir choqua les Belges par une profession defoi communiste et des déplacements trop visiblesdans les Etats les plus rouges de la planète…PH

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ENQUETED’INTERLOCUTEURS

AVANT L’A-DIEULe doyen d’Enghien, Benoît Lobet

fut un de ses accompagnateurs spirituelsau cours de ces dernières années

PParmi les proches qui ont encore pu saluerla dépouille mortelle de la reine Fabiolaau Stuyvenberg, dimanche dernier, figuraitle doyen d’Enghien et de Silly, l’abbé BenoîtLobet.

Depuis plus de dix ans, la veuve du roi Bau-douin avait l’habitude de recevoir régulière-ment ce prêtre de terrain qui enseigne égale-ment à la Faculté de théologie de l’UCL à Lou-vain-lal-Neuve.

C’est le secrétaire de la Reine de l’époque,Gilles Claeys, qui lui avait présenté ce prêtreproche tout comme lui des Focolari, un desnouveaux mouvements de laïcs nés autour del’Eglise au XXe siècle et créée par Chiara Lu-bich.

C’est non sans une certaine émotion que leprêtre nous rappelle cet engagement un peuinattendu. “La Reinem’avait personnellementtéléphoné et en se présentant elle avait ajoutéque ce n’était pas une blague ! Elle me demandasi je ne pouvais pas régulièrement la rejoindrepour évoquer des préoccupations spirituelles.”

À l’instar de plusieurs autres prêtres quila fréquentaient, l’abbé Lobet fut aussi invitéà célébrer la messe quotidienne dans la cha-pelle du Stuyvenberg – en réalité un salonaménagé pour la circonstance.

Souvent cette messe fut concélébrée avecla Reine qui, tant qu’elle en fut capable, en as-sura toujours personnellement la premièrelecture. La reine Fabiola ne manquait pasnon plus de commenter toutes les lectures,en assurant d’une certaine manière l’homéliequi contrairement à ce qu’on pense toujours –à tort – dans certains milieux ne suivait pasnécessairement à la lettre les prescrits del’Église.

Non sans humour, elle expliquait qu’elleétait aussi “la sacristine” qui éteignait les bou-gies et rangeait les objets du culte. L’eucharis-tie était précédée et suivie de longues discus-sions où Fabiola lui fit part de toutes ses pré-occupations de l’heure.

“Elle parlait de sa famille, de ses amis, des ma-lades, beaucoup, des gens fragiles dont elle avaitentendu parler. Mais elle parlait aussi d’elle -mê-me, de sa fragilité, de sa préparation à samort.”

Soyons aussi clairs que l’abbé Lobet à ce pro-pos : pas question de voir en lui un conseillerspirituel, avec ou sans guillemets. Non, àl’automne de sa vie, Fabiola voulait continuerà s’informer sur l’évolution de la pensée.Et on peut dire qu’elle étonna le doyend’Enghien. “J’ai été surpris par sa connaissancede la pensée deMaurice Bellet – un penseurcontemporain critique – dont elle avait parcou-ru les écrits. Au fond, elle était très peu portéesur les institutions, en ce compris donc l’Église.La reine Fabiola était un esprit très librequi n’hésitait pas à prendre le contre-piedde ce que j’exprimais et nous débattions commede beaux diables, si vousme passez l’expres-sion !”

Aucun auteur, aucun écrit n’étaient épar-gnés et lorsque l’abbé Lobet lui fit un jourl’éloge de Georges Bernanos, elle renvoyait àsa jeunesse et au sort subi par sa famille sousla république puis sous le franquisme, elledont la famille fut surtout monarchiste.

L’abbé Lobet est volontairement discret surses dernières rencontres avec la Reine maisil est exact que, dès le mois de juin, il lui a con-féré le sacrement des malades. Une petite niè-ce de Fabiola présente sur place le lui avaitsuggéré. “Après lui avoir imposé les mains”poursuit l’abbé, ému “elle me les a embrasséesenme disant : Merci auxmains qui ont fait celapour moi !” L’abbé Lobet visita encore la Reineet participa avec elle à une dernière promena-de dans le parc du Stuyvenberg.

À l’heure où se préparent ses funérailles,le prêtre d’Enghien se laisse aller à une ultimeconfidence : “elle avait fait beaucoup de projetspour ses funérailles et confié beaucoup de “der-nières volontés”, dont je me permettais de souli-gner qu’aucune n’aboutirait. Elle aurait vouluun départ simple, discret et refusait des funé-railles à la cathédrale. Elle ajoutait être une pa-roissienne de Laeken proche de son époux…”

Et jusqu’au bout elle refusa les honneurs,même si dans son for intérieur, elle savait évi-demment qu’on lui rendrait hommage offi-ciellement : “Je ne veux pas être exposée. C’estpourquoi j’ai commandé un cercueil tellementlaid que l’on n’osera pas le montrer !”

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5 DÉCEMBRE 2014

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UNDISCOURSPOUR TESTAMENT

“La générosité des cœurs rapproche les hommes”

LLe 15 décembre 1990, le roi Baudouin et la reine Fabiola fê-taient le trentième anniversaire de leur mariage. Et la Bel-gique avec eux. Une manifestation gigantesque était misesur pied dans quatre des palais du Heysel. À pied d’œuvre,deux mille bénévoles et trois cents associations de genrestrès différents : club du troisième âge, associations pourla protection de la jeunesse, pour les immigrés, les handi-capés et aussi les militants de la lutte contre la drogue.

Dix podiums et un tatami accueillaient 6000 artistes etsportifs. Danse, chant, musique, animations pour enfants,cyclodanse (pour voiturettes), dressage de chiens d’aveu-gles, expositions, démonstrations sportives et même ducirque. Pour le public, l’entrée était gratuite. On a estiméque 23.000 personnes étaient venues au Heysel ce jour-là.

À 10 heures 45, l’arrivée du roi, en costume clair, et dela reine, châle automne sur une veste moutarde et un che-misier bordeaux, fut suivie par un immense bain de foulequi a dépassé un peu les services du protocole. Les deux ve-dettes de la journée n’ont pas dû voir grand-chose desspectacles tant ils étaient entourés d’admirateurs. Le cou-ple s’attarda jusqu’à 13 heures et revint à 16 heures avec,cette fois, à son programme, le discours de circonstance.

D’habitude, que ce soit aux fêtes du 21 juillet ou à cellesdu Nouvel An, il revenait au roi de prendre la parole et des’adresser à son peuple. Mais, ce 15 décembre 1990, c’est ex-ceptionnellement, un discours de la reine qui était annon-cé. De toute la vie de Fabiola, ce fut assurément son inter-vention la plus importante et, lorsque des années plus

tard, on relit les mots qu’elle prononça ce jour-là, il estclair que ce texte restera comme son testament philoso-phique.

Le voici dans son intégralité.“Dès mon arrivée en Belgique, j’ai découvert la générosité

de votre population. J’ai senti que son affection était basée surune confiance réciproque. J’ai découvert aussi la dignité etla noblesse de ceux qui sont ou qui se croient les plus faiblesde notre grande famille. Quelle capacité de patience, de géné-rosité, de grandeur et d’amour n’ai-je pas rencontrée auprèsde ceux et de celles qui souffrent dans leur cœur ou dans leurcorps, comme auprès de ceux ou de celles qui leur consacrenttout ce qu’ils ont demeilleur en eux et se battent contrece fléau tant répandu qui s’appelle solitude.

“J’ai compris que c’est la générosité des cœurs qui rapprocheles hommes et crée des liens profonds et que c’est elle qui est lavaleur sociale par excellence. J’ai compris aussi, en vous voyantvivre, que la joie et le bonheur ne sont pas nécessairement liésà la bonne santé, ni à la prospérité, mais bien à la capacitéde se comprendre, s’accueillir, se donner, aimer.

“On ne vous dit peut-être pas assez que pour pouvoir aimerles autres, les accepter tels qu’ils sont, il faut d’abord pouvoirs’accepter et s’aimer soi-même. Nous savons tous que ce n’estpas facile. Nous avons tous une image plus oumoins déforméeou brisée de nous-mêmes qui nous fait mal.

“Voilà pourquoi il est si important qu’au sein de la famille,rien ne soit négligé pour donner à l’enfant la sécuritéde l’amour.”

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LAPOMMEETL’ARBALÈTEIl y avait aussi son humour

Ce jour-là, Fabiola avait stupéfié le pays.Par un petit tour d’humour à sa façon.Pourtant, a priori, l’histoire n’était pas trèsdrôle. Une lettre anonyme était parvenue àla rédaction de La Dernière Heure, annonçantque la reine Fabiola serait… assassinée !C’était prévu pour le 21 juillet 2009, pendantles cérémonies de la Fête Nationale. Il étaitprécisé que le tueur utiliserait une arbalète.Fabiola se souvint que l’arbalète était l’armede Guillaume Tell. Refusant toute protectionparticulière, elle arriva à la tribune en exhi-bant… une belle pomme. Qui rappelait l’histoi-re de Guillaume Tell.Il y avait certainement une part d’austéritédans l’existence et dans la vie de Fabiola. Il n’yen avait pas dans son caractère.Au cours de ses journées qui ont suivi son dé-cès, ses proches, ceux qui l’ont côtoyée, onttous mis en évidence l’humour de la reine.Un trait qui n’était pas forcément connu dupublic.Le père Scholtes a raconté qu’à Rome, où ilsse trouvaient ensemble, Fabiola avait souhaitéquitter les officiels pour aller manger discrète-ment une petite pizza dans le quartier. Com-me la reine marchait déjà avec difficultés, il luiprêta son bras. Rapidement, elle lui dit :“Je vais prendre le bras demon officier d’ordon-nance. Imaginez qu’un photographe nous sur-prenne ainsi.” Et elle avait éclaté de rire.

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LAMARIONNETTEQUICONNAÎTLARECETTEDUBONHEUR…

En 1960, dans un des contes qu’elle avait écrits et qui s’intitule La reine Myrta, Fabiola résumait sa philosophie de vie parle biais d’un dialogue entre une enfant, princesse triste, et une marionnette découverte dans une vieille serre abandonnée.Il est tentant de mettre ce texte en parallèle avec celui de ce discours que la reine prononça trente ans plus tard au Heysel.Voici ce dialogue.La marionnette : “Je venais d’une boutique très chic ! Mais quand je fus cassée et vieille, on cessa dem’aimer et alors onm’a je-tée ici où tume trouves. Mais crois-moi, si vieillotte que je sois, j’ai encore le cœur jeune.”La petite princesse : “Dis-moi comment tu t’y prends. Moi, quand je suis triste, je ne puis pas animer mon cœur pour retrouverla joie.”La marionnette : “Pourtant, c’est facile. Mais tu ne penses qu’à toi-même et à tous tes petits soucis… Occupe-toi des autres,aide-les à vaincre leurs peines. Pour cela, il faut tâcher d’éprouver toi-même la joie que tu veux leur donner. Cela vient tout seul,en les entendant rire, comme un écho à ton propre rire. Pas de plus grande joie que d’en donner ! et tu as alors ce que tu cher-ches. J’ai encore envie de rire, ici, telle que tume vois, privée d’un bras, le visage égratigné, le corps tout disloqué, enme souve-nant d’avoir fait rire tant d’enfants par mes farces et ma figure de nigaud ! Leurs éclats de rire me résonnent encore dansles oreilles, et je memets à rire aussi.”

ELLE NOUS A DIT... FABIOLA

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LAPOMMEETL’ARBALÈTEIl y avait aussi son humour

Ce jour-là, Fabiola avait stupéfié le pays.Par un petit tour d’humour à sa façon.Pourtant, a priori, l’histoire n’était pas trèsdrôle. Une lettre anonyme était parvenue àla rédaction de La Dernière Heure, annonçantque la reine Fabiola serait… assassinée !C’était prévu pour le 21 juillet 2009, pendantles cérémonies de la Fête Nationale. Il étaitprécisé que le tueur utiliserait une arbalète.Fabiola se souvint que l’arbalète était l’armede Guillaume Tell. Refusant toute protectionparticulière, elle arriva à la tribune en exhi-bant… une belle pomme. Qui rappelait l’histoi-re de Guillaume Tell.Il y avait certainement une part d’austéritédans l’existence et dans la vie de Fabiola. Il n’yen avait pas dans son caractère.Au cours de ses journées qui ont suivi son dé-cès, ses proches, ceux qui l’ont côtoyée, onttous mis en évidence l’humour de la reine.Un trait qui n’était pas forcément connu dupublic.Le père Scholtes a raconté qu’à Rome, où ilsse trouvaient ensemble, Fabiola avait souhaitéquitter les officiels pour aller manger discrète-ment une petite pizza dans le quartier. Com-me la reine marchait déjà avec difficultés, il luiprêta son bras. Rapidement, elle lui dit :“Je vais prendre le bras demon officier d’ordon-nance. Imaginez qu’un photographe nous sur-prenne ainsi.” Et elle avait éclaté de rire.

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